rainbow_flag_breeze

Somewhere over the rainbow… L'arc-en-ciel qui se déploie à la toute fin de Rheingold prolonge le songe de Wotan. L'illusion sera de courte durée, la malédiction de l'anneau venant contrarier sa toute puissance. En forçant le trait sur les allusions à l'univers des BD ou des séries américaines, Castorf a voulu son Rheingold comme un monde factice où dialoguent les armes à feu et la testostérone. Les filles du Rhin sont des bimbos, version peroxydée des demi-mondaines et cocottes qu'on voyait déjà en 1976 dans la mise en scène de Chéreau.

Le défilé des protagonistes masculins verse dans un machisme caricatural : Alberich qui dévore ses wurst et se tartine le corps de ketchup moutarde (en 2013 et 2014)[1], les Géants qui déboulent en mécaniciens bodybuildés et tatoués, Wotan mâle protecteur de Freia et Fricka, lascivement vautrées dans son lit… et Donner qui remporte le concours de force, écrasant son marteau sur la machine qui rallume l'enseigne du Golden Motel. L'image d'un drapeau des confédérés (Dixieland) remplacée par le Rainbow flag, souligne avec humour l'un des enjeux des luttes sociétales dans l'Amérique de la fin du XXème siècle et l'importance du mouvement gay. Elle traduit de la même manière l’ironie de Castorf, qui annonce l'arc-en-ciel une première fois dans les fanions multicolores suspendus dans la station-service puis avec le rainbow flag, transforme l’apparition triomphale de l’arc-en-ciel de Rheingold en une allusion lisible par le spectateur qui ramène le mythe au réel, construisant pierre à pierre une parabole. La tétralogie est l'histoire d'une virilité en crise, sans distinction homme-femme – en témoignent ces héroïnes cuirassées et autres amazones androgynes[2]. Fricka chevauchant un ouvrier dans "Die Walküre" (en 2013–2015)[3] traduit une domination tant sexuelle que sociale, tandis que Mime, "à la fois père et mère" de Siegfried cherche dans ses lectures une forme de domination qu'il ne peut obtenir par le fouet, comme son frère. Le travestissement de l'ours en fiancée traduit la fascination exercée par la mâle brutalité de Siegfried, commentaire muet d'un paysage social dominé par une hégémonie masculine ambiguë.

 

 

 

[1] En 2015, le rôle est tenu par Oleg Brijak (Disparu tragiquement dans l’accident de Germanwings dans les Alpes). Albert Dohmen qui le remplace, se refuse à entrer dans la piscine et à se badigeonner de moutarde. Il se contente d’en badigeonner une saucisse et de tenter de plonger.

[2] Cf. Jean-Jacques Nattiez. Wagner androgyne, essai sur l’interprétation. Paris : Christian Bourgois,Musique/Passé/Présent, 1990

 

[3] En 2016 elle s’assied dessus.

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