Oh, c’est un petit détail, mais il y a deux manières de figurer la barbe dans cette mise en scène – deux manières qui ne cherchent en aucun à dissimuler le caractère caricatural et artificiel de cette pilosité postiche.
Alors que dans Rheingold, Fasolt se contente de sympathiques rouflaquettes, Fafner arbore une barbe "de bande dessinée", comme les méchants qu'on voit dans les bandes dessinées. Dans ce Prologue, Castorf puise ouvertement dans cet univers de comics et de culture populaire. Au deuxième acte de Die Walküre, c'est Wotan qui porte une (très) longue barbe, que certains journalistes ont assimilé de manière erronée à la barbe d’un "vieux juif". Le réalisme de Castorf qui place le contexte de cette Walkyrie dans l’Azerbaïdjan naissant fait ressembler Wotan à un propriétaire terrien russe, un de ces propriétaires de puits dont le pétrole fera la fortune. Il en a le costume, il en a l’allure. Wotan par ailleurs ressemble à s’y méprendre à un célèbre portrait de Tolstoï dont il a exactement l’allure. Alors osons : Wagner serait-il le Tolstoï de la musique et son Ring le "Guerre et paix" de l’épopée pétrolière ?

Léon Tolstoï, portrait par Illya Repine (1897)

Il n'en demeure pas moins que cette barbe de patriarche présente l'avantage d'être amovible et disparaît carrément au troisième acte, comme pour dire : fini de jouer, redevenons sérieux.

Si le Wanderer se présente imberbe, il n'en est pas moins effrayant pour le pauvre Mime qui échoue à répondre à sa dernière question. Quand Siegfried réapparaît et lui demande s'il s'est occupé de forger l'épée, Mime lui répond en citant les dernières paroles du Wanderer :

"Nur wer das Fürchten                            "Seul celui qui jamais ne connu
nie erfuhr,                                                   La peur
schmiedet Notung neu." –                      reforgera Notung"

 Joignant le geste à la parole, il fouille dans sa caravane et ressort affublé de la même barbe que portait Wotan au second acte de Die Walküre. Ce jeu citationnel n'a qu'un but : on joue à se faire peur mais au fond, tout n'est que théâtre.

 

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