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    Rencontre avec Tobias Kratzer, metteur en scène et nouvel intendant de l'Opéra de Hambourg

    Tobias Kratzer : Ce serait grave si seuls les metteurs en scène qui n’ont pas réussi leur carrière devenaient intendants

    Guy Cherqui — 18 novembre 2025
    Interview réalisée le Samedi 4 octobre 2025, à l'Opéra d'Ètat de Hambourg.

    Tobias Kratzer est auréolé de tous les succès, sa production de Tannhäuser à Bayreuth a battu tous les records de fréquentation à un moment où on raconte que le Festival peine à remplir, celle de Rheingold à Munich est un des triomphes de la saison passée et ouvre sur un Ring de toutes les curiosités ; enfin, il vient d’être désigné par le mensuel Opernwelt « Metteur en scène de l’année » .  

    « Le Wanderer » suit sa carrière depuis ses débuts, avant même d’en rendre compte sur le blog ou sur le site puisque j’ai vu sa première production de Tannhäuser à Brême en 2011. Le blog et le site ont ensuite rendu compte de nombreux spectacles des débuts, à Nuremberg (Les Huguenots), à Karlsruhe (Die Meistersinger von Nürnberg, déjà extraordinaires et inexplicablement jamais repris, Le Prophète, Götterdämmerung) et désormais évidemment accompagnent ses succès plus récents (voir la liste ci-dessous). Ce site lui a d’ailleurs  consacré une première interview à Lyon à l’occasion de son Guillaume Tell. Il est désormais une star de la mise en scène et le voilà, à la surprise de tous, heureux intendant de l’Opéra de Hambourg depuis août dernier.

    À l’occasion de l’inauguration de la saison, par deux productions (Das Paradies und die Peri, de Schumann, et une production pour enfants Die Gänsemagd, de Iris Ter Schiphorst), je l’ai retrouvé, souriant, rieur, plein de projets et d’optimisme dans son bureau directorial, d’où l’on voit toute la ville de Hambourg. Alors « À nous deux Hambourg ! ».

    Addendum : Liste des productions de Tobias Kratzer dont Wanderer a rendu compte (avec les liens correspondants)

    2014: Les Huguenots (Staatstheater Nürnberg)
    2014: Die Meistersinger von Nürnberg (Badisches Staatstheater Karlsruhe)
    2015: Le Prophète (Badisches Staatstheater Karlsruhe)
    2017: Götterdämmerung (Badisches Staatstheater Karlsruhe)
    2018: Vasco da Gama (L’Africaine) (Oper Frankfurt)
    2019: Tannhäuser (Bayreuther Festspiele)
    2019: Guillaume Tell (Opéra de Lyon)
    2020: Fidelio (ROH Londres)
    2020: Tannhäuser (DVD)
    2021: Faust (Opéra national de Paris)
    2021: Faust (Opéra national de Paris) (Streaming)
    2021: Der Zigeunerbaron (Komische Oper Berlin)
    2021: Maskerade (Oper Frankfurt)
    2021: Tannhäuser (Bayreuther Festspiele)
    2022: Tannhäuser (Bayreuther Festspiele)
    2023: Tannhäuser (Bayreuther Festspiele)
    2024: Faust (Opéra national de Paris)
    2024: Intermezzo (Deutsche Oper Berlin)
    2024: Die Passagierin (Bayerische Staatsoper)
    2024: Tannhäuser (Bayreuther Festspiele)
    2024: Das Rheingold (Bayerische Staatsoper)
    2025: Die Frau ohne Schatten (Deutsche Oper Berlin)
    2025: Die Gänsemagd (Hambourg 2025)
    2025: Das Paradies und die Peri (Hamburg 2025)

    Tobias Kratzer intendant : « Que diable allait-il faire dans cette galère ? » (Molière, les Fourberies de Scapin)
    Guy Cherqui

    Quand on est comme toi un metteur en scène à succès (tu as même été désigné il y a quelques jours « Metteur en scène de l’année » par le jury du magazine Opernwelt), quelle mouche te pique pour devenir intendant d’Opéra, avec de nouvelles charges et de nouveaux problèmes ?

     

    Tobias Kratzer
    Hamburgische Staatsoper © Niklas Marc Heinecke

    Ce serait grave si seuls les metteurs en scène qui n’ont pas réussi leur carrière devenaient intendants. Voilà…
    Je trouve que si un metteur en scène devient intendant ou directeur artistique, il doit l'être en pleine possession de ses moyens artistiques et non pas, pour ainsi dire, lorsque sa carrière est déjà sur le déclin.
    J'ai toujours trouvé intéressant qu'un metteur en scène devienne intendant, s’il le fait encore dans un moment de force et non dans un moment où il se dit « Oh, ma carrière est en déclin, il me faut un canot de sauvetage ».
    Très honnêtement je dois dire que je n'avais pas inscrit cela sur ma liste de choses à faire avant de mourir. Ça n'était pas mon plan secret depuis toujours, mais comme on dit, « j’ai sauté sur l'occasion ».
    Au moment où la commission de sélection m'a fait cette demande, il y avait dans la commission des intendants que je connais très bien, Dietmar Schwarz (NdR : Deutsche Oper Berlin) par exemple, Bernd Loebe (NdR : Oper Frankfurt), Nora Schmid de Dresde, qui était encore à Graz à l'époque. Je me suis dit, « s'ils me font confiance, c'est intéressant… ».
    On m'a demandé si je voulais me lancer dans la course et j'ai commencé à réfléchir à la question pendant l'été. D'autres théâtres en effet m'avaient déjà sollicité à plusieurs reprises, j'avais toujours dit non, mais j'ai pensé qu'il y avait ici, à Hambourg, quelque chose de passionnant à faire.
    C’est en effet un théâtre très intéressant dans le sens où il a un potentiel énorme, qu’il n’a peut-être pas réussi à réaliser au cours des dernières décennies. Il était vraiment passionnant de développer une véritable narration qui soit à la hauteur du rang de la ville et du rang de la maison.
    J'ai alors élaboré un document conceptuel, et cela m'a beaucoup plu, j'ai pris énormément de plaisir à cette réflexion, qui a été accueillie avec beaucoup de chaleur ici, les négociations se sont poursuivies avec moi parallèlement d’ailleurs avec une autre grande maison d’opéra…
    Comme je me trouvais dans une situation où deux très grandes maisons s’intéressaient à moi, je me suis dit « Pourquoi ne pas y aller !? »
    C’est vrai, c'est un travail important, tout le monde dit toujours que c’est un nid à problèmes. Mais la mise en scène, ce n'est pas tous les jours dimanche pour ainsi dire, ce n’est pas soleil et ciel bleu au quotidien… En tant que metteur en scène, je suis là pour apporter ma vision artistique et surmonter tous les défis qui se présentent en cours de route et les résoudre avec une équipe. La mise en scène n’est pas un travail que l’on fait de manière poétique, tranquille et seul dans sa chambre. Là aussi, il faut faire preuve de beaucoup de diplomatie, faire beaucoup de politique, et aussi… beaucoup d'administration. Dans cette mesure, et dans la mesure où je suis à un âge (NdR : 45 ans) où l’on peut déjà penser à la prochaine génération, on peut aussi ne pas penser seulement dans le cadre de la production mais aussi au-delà. C’est peut-être aussi le moment de faire quelque chose pour le genre dans son ensemble. Le travail d’intendant offre de très belles possibilités de création, c'est-à-dire travailler non seulement pour une production, mais pour toute une saison et peut-être aussi un peu pour l'avenir du genre.

    Et j'ai trouvé que les planètes s’alignaient bien. D’autant que je ne laisse ni amertumes ni regrets : j'ai toujours bénéficié de très bonnes conditions, j'ai pu choisir des projets passionnants, j'ai toujours beaucoup aimé ce que je faisais. Certes, chaque maison a ses difficultés, mais ce n'est pas pour dépasser des frustrations de metteur en scène que j’embrasse cette nouvelle étape, non, j'ai trouvé au contraire que c'était en réalité une étape logique.

     

    GC

    Mais mettre en scène dans le théâtre que tu diriges inaugure une autre méthode que si tu mettais en scène ailleurs. Tu ouvres ton mandat avec la mise en scène d’un oratorio profane de Schumann, « Das Paradies und die Peri », et non pas une pièce de répertoire. Cela a une signification particulière…

     

    TK

    C'est une déclaration programmatique. Je dirais même presque poétologique, et je trouve cela passionnant, car je pense en effet que la direction de l’Opéra de Hambourg, c'est-à-dire les cinq prochaines années, est un grand projet en cinq actes, en cinq saisons. J'ai donc un plan directeur très clair pour ces cinq années.

    Si mon mandat est prolongé ou si j'ai envie de le prolonger, il y aura une « saison deux », un peu comme dans une série Netflix, et on verra alors.  Mais je pense très clairement en termes d'étapes. Pour moi, ce n'est pas un projet « ouvert », mais plutôt un projet très complet, très détaillé, qui est une sorte de marathon.

     

    GC

    C’est ton « Ring » en somme…

    TK

    Oui, absolument. C'est une bonne comparaison. C'est mon Ring en cinq saisons.

    C'est comme un cycle, ce sont 5 saisons dont je fixe moi-même le point de départ, je vais aussi fixer moi-même le point final de ces 5 années et entre les deux, je vais fixer également des points importants et, en même temps mettre en place des projets avec d'autres artistes. C'est quelque chose qui me manque parfois dans d'autres maisons où l'ensemble n’est pas considéré comme un projet artistique, mais plutôt en fonction de nécessités extérieures et, pour ainsi dire, en passant d'une saison à l'autre, d'une œuvre à l'autre, selon les besoins… Ce n'est pas une vision globale et la couleur n’y a pas tant d’importance, alors que je pense que la couleur, c’est le point fondamental. Un Intendant qui soit aussi directeur artistique est aussi quelque chose dont le paysage théâtral a besoin.
    Ceci dit, je pense que si chaque maison était dirigée par un artiste, ce ne serait pas une bonne chose non plus. Il faut un mélange, mais je trouve dommage qu'après Barrie Kosky (NdR : Komische Oper Berlin) et Jossi Wieler (NdR : Staatsoper Stuttgart), il n'y ait plus aucune maison dans les 13 plus grands opéras en Allemagne, qui soit dirigée par un artiste ou une artiste. Je me suis donc un peu vu dans cette situation singulière avec cette responsabilité.

     

    GC

    Tu veux faire ta révolution artistique ?

     

    TK
    Das Paradies und die Peri © Monika Rittershaus (Prod.Kratzer)

    Une révolution, c’est beaucoup dire… Je ne sais pas, non… mais en fait, pour moi, l'idée même est de considérer ces cinq années comme une grande mise en scène de la maison, si l'on veut, et c’est déjà important, et je pense qu'il y a une différence entre entrer dans une maison et dire « oui » en continuant l’habituel, et entrer en changeant les perspectives.

    Maintenant, je désire changer la structure de la maison en fonction de ce que je peux en faire artistiquement.
    L’idée est plutôt d’avoir une vision claire de ce que je veux faire, ensuite, d’emmener tout le monde avec moi, et enfin essayer de construire la structure qui correspond au projet.
    Ce sont, je pense, deux activités fondamentalement différentes. D’un côté il y a une sorte de Christophe Colomb qui dirait : « Voilà l'objectif, maintenant nous devons construire la flotte, nous devons recruter des gens, nous devons tous les motiver, et nous devons emporter suffisamment d'alcool et de carottes », et de l’autre plutôt un ingénieur naval qui dirait : « Bon, maintenant je construis un navire sophistiqué, mais je verrai bien où il m'emmènera », et je pense que les deux peuvent fonctionner. L'un correspond plutôt au directeur général, l'autre au directeur artistique. Bien évidemment chaque établissement a des besoins différents et j'ai eu le sentiment qu'une telle vision était en fait tout à fait appropriée à Hambourg.

    GC

    Hambourg est une ville qui fait beaucoup pour la culture, je crois.

     

    TK

    Oui, et c’est très bien, car cela me permet de bénéficier d'un soutien important de la part du sénateur chargé de la culture. C'est essentiel.

     

    GC

    Il est vrai qu’Hambourg possède deux théâtres de grand prestige, le Thalia Theater et le Deutsches Schauspielhaus, un auditorium récent, la Elbphilharmonie, qui est un monument mondial de l’architecture moderne et un opéra de longue tradition qui a plus ou moins toujours assez bien fonctionné. Que tires-tu de la tradition de cette maison ?

    TK

    Beaucoup de choses, en fait.

    Lors de la troisième année de mandat, c'est-à-dire pour la saison 27-28, nous fêterons les 350 ans de l'Opéra d'État de Hambourg, et dans l'histoire de l'Opéra d'État, il y eut de très nombreux directeurs musicaux généraux et intendants qui étaient eux-mêmes des créateurs, et pas seulement des artistes « interprètes » comme moi. Tous ces gens ont dirigé l'établissement sur le plan administratif, mais ils ont aussi créé des choses, et nous réalisons une petite série de projets, qui commence maintenant avec Gustav Mahler et Christoph Marthaler (NdR : en janvier-février 2026), l'année prochaine il y aura un grand projet Liebermann, puis un projet Hans Zender (NdR : qui fut GMD à Hambourg entre 1984 et 1987), où nous présentons en fait ces collègues non seulement comme directeurs ou GMD de l'Opéra, mais où nous examinons comment leur musique peut s'intégrer dans le domaine scénique. Je m’explique : il est clair que Mahler peut s'intégrer, mais comment l’intégrer par exemple dans un cadre scénique ? On sait que Liebermann était autrefois un compositeur l'opéra mais aujourd’hui qui le sait ? Par quoi commencer avec Liebermann ? Où le placer ?

    GC

    Entendre parler de Rolf Liebermann me touche beaucoup… Comme amateur d’opéra, je me considère comme un fils de Liebermann, dont la programmation à Paris entre 1973 et 1980 a structuré mes goûts et ma connaissance du répertoire. Ainsi, je suis revenu ici tout spécialement pour revoir, comme une « Madeleine » de Proust la vieille production d’Elektra signée August Everding, que j’avais vue à Paris en 1974.

     

    TK
    Rolf Liebermann

    Je comprends mieux maintenant.
    Liebermann m’intéresse en tant qu'artiste, mais aussi en tant que créateur, car il est bien sûr vénéré ici à Hambourg, alors que l'on connaît à peine son œuvre en tant que compositeur, par exemple. Mais il est aussi intéressant en tant que personne, qui aujourd’hui serait probablement mis en difficulté…
    Je ne sais pas si tu l'as déjà lu, mais il existe un livre écrit par son ex-femme, Göndi Liebermann, intitulé Spannungen (Tensions)[1], qui est fascinant, car elle l'a écrit après leur séparation. Elle lui demande ce qu'elle doit faire maintenant qu'ils sont séparés, et il lui répond : « Écris ma biographie ».
    C'est vraiment l'incarnation d'une femme maltraitée des années 50, qui tourne autour de cet homme et écrit tous ses problèmes, mais qui ne peut pas s'éloigner de lui. Ce sont des processus tout à fait fascinants. C’est pourquoi je trouve Liebermann très intéressant en tant que personnage, en tant que phénomène de son époque, mais aussi en tant qu'artiste, et on va en faire un spectacle que je confierai à un metteur en scène

     

    [1] Göndi Liebermann, Spannungen, Mein Leben mit Rolf Liebermann, Marion von Schröder, Düsseldorf, 1985

    GC

    Oui c’est un personnage, très discuté par ailleurs… Une sorte de Prince, avec ses qualités et ses zones d’ombre. Ils sont rares les princes à l’opéra…

    TK

    C'est effectivement passionnant. C'est un aspect que nous abordons également dans l'histoire de la maison. Je trouve ensuite que l'ADN de la maison repose vraiment sur les créations d’œuvres nouvelles, les premières mondiales, ici a été créé Die Eroberung von Mexico (Wolfgang Rihm), Der Prinz von Homburg de Hans Werner Henze, Das Mädchen mit den Schwefelhölzern de Helmut Lachemann (La Petite Fille aux allumettes), toutes ces œuvres incroyablement passionnantes. C’est pourquoi j’ai dit qu’il faut ici chaque année une première mondiale.
    C’est le cas cette année de Monster's Paradise. Je me réjouis beaucoup pour cette première année, qui inaugure une série de « surprises » annuelles. Cette fois-ci, je tenais vraiment à réunir ces deux dames, Olga Neuwirth et Elfriede Jelinek, qui ont travaillé ensemble pour la dernière fois il y a 20 ans. C'est absolument passionnant de travailler avec elles!
    Chaque année, je désire une première mondiale qui sorte de la bulle de la musique contemporaine et qui puisse intéresser la ville, un public de théâtre, un public plus large en somme. Je trouve essentiel de ne pas faire des productions de niche, mais qu'une première mondiale soit vraiment un événement pour tous : je trouve cela très important.

    Le troisième point, je pense, et c'est également très important, c'est que nous sommes une maison de répertoire.

    GC

    C’est le cas de presque tous les opéras d’Allemagne et d’Autriche.

    TK

    Oui mais pas du Theater an der Wien, par exemple. Ici deux tiers des représentations sont des représentations de répertoire, et je trouve très important de ne pas le faire de manière timide ou accessoire. En effet chacune des représentations du répertoire est également un réservoir d'histoire ou, pour ainsi dire, a sa propre historicité, tout comme la mise en scène d'opéra a sa propre historicité. C’est pourquoi il faut accompagner les représentations de répertoire d’une manière particulière.

    Nous n'avons pas de conférence introductive pour chaque représentation du répertoire, mais trois étudiants sont à disposition du public pour discuter de la mise en scène et du spectacle, et nous ajoutons à chaque ancien programme une couverture uniforme qui fournit pour ainsi dire un bref classement historique théâtral des productions.

    "Cadrer" le répertoire: les nouvelles couvertures ajoutées aux programmes de salle © Teresa Grenzmann

    En fait, c'est une sorte de cadrage, qui replace la production dans son contexte, et cela permet de traiter le répertoire avec cette précision et ce soin. Aucune maison en Allemagne, à ma connaissance, ne le fait, alors que je trouve cela très important. Il ne faut pas que le répertoire ne serve qu’à remplir les salles et gagner de l'argent, c’est important aussi, mais ce n'est pas mon intérêt premier, ce qui m'intéresse, c'est qu’on reclasse les œuvres dans leur histoire, dans l’histoire de la maison, dans l’histoire de la mise en scène…

    GC

    Le répertoire, c’est une sorte de tranche de passé qu’il faut aussi savoir explorer…

     

    TK

    Oui, exactement.
    Bien sûr pour être honnête, il y a aussi de mauvaises mises en scène, mais tout devient intéressant à un moment donné, on le considère comme le symptôme d’une époque si on l’examine de près. Nous avons par exemple une très vieille production de Hänsel und Gretel, un peu démodée, un peu vieillotte, qui existe depuis 50 ans, et qui est reprise chaque année…

    GC

    Elle remonte au début des années 1970 je crois...

    TK

    Oui c’est fou.

    C’’est pourquoi j'ai commencé à m'y intéresser et je me suis demandé : qui est donc ce metteur en scène dont je n’avais jamais entendu parler ? C’est Peter Beauvais, je ne sais pas si tu le connais, mais il est vraiment intéressant.

    Peter Beauvais ©D.R.

    C'est un metteur en scène qui a joué un rôle très important dans l'Allemagne d'après-guerre pour les téléfilms, donc pour la télévision. Mais surtout, en tant que juif, il a émigré dans les années 30, puis il a été un peu figurant chez Orson Welles, et il est revenu ici comme traducteur lors des procès de Nuremberg. Et il est intéressant de noter qu'il y a une chose qui lui tenait très à cœur, c’est que la sorcière ne devait pas être poussée dans le four. Elle doit trébucher, tout à fait par hasard, car il trouvait insupportable de montrer une femme dans un four. Et en même temps, je ne connais aucun autre Hänsel et Gretel qui ait aussi clairement une cheminée.
    Je trouve qu’en se plongeant dans cette histoire, cette mise en scène prend soudainement une grande profondeur et montre un diagnostic de l'époque que l'on ne verrait pas à prière vue, mais dès que l'on commence à creuser un peu plus, elle devient non seulement la représentation souriante d'un conte de fées, mais aussi soudainement le symptôme d’une l'époque, et c'est pour moi un exemple où je me dis : « Oh, mais c'est vraiment intéressant ! »…  Alors, au-delà de bien distribuer les rôles et de bien les répéter, il y a aussi des couches historiques qu’il faut prendre très au sérieux.

    Si on ne prenait pas le répertoire comme témoignage d’un passé ou d’une époque, d’une histoire, ce serait ridicule.
    Mais dans les années à venir, je vais me lancer dans quelques expériences avec le répertoire.

    GC

    Tu peux préciser tes intentions?

    TK

    Je vais par exemple monter dans 3 ou 2 ans une Bohème Pop-Art c'est une représentation où je gère consciemment le fait qu'il faut simplement jouer rapidement ce type de répertoire, comme on prend un livre de poche dans la bibliothèque. Je ne garde pas une vieille production réactionnaire, mais je la conçois comme un produit facile à reprendre, comme un livre de poche, je le répète.
    Ici j’ai cette liberté. Ailleurs, je ne me verrais pas proposer à un metteur en scène de me créer une Bohème Pop-Art fonctionnelle et réutilisable, on me dirait que je ne suis pas venu pour ça.

    Ici c’est une expérience que je peux me permettre parce que je n’ai rien à prouver comme metteur en scène et que je peux alors me lancer dans une sorte d’improvisation rapide, une expérience sur le répertoire, qui ne manque pas de charme, sur une œuvre qu’on repropose sans cesse. Là on peut aussi aborder le répertoire différemment, non comme témoignage d’un état passé de l’art, mais dans sa nécessité fonctionnelle : il faut une Bohème qui puisse tourner vite et souvent. C’est aussi cela travailler sur le répertoire et la programmation.

    GC

    Et la troupe ? Quel rôle lui attribues-tu ? Quelle est son importance ?

     

    TK

    Il s'agit d'un projet à moyen terme. L'ensemble n'est pas aussi grand qu'à Francfort, et la salle est bien sûr plus difficile sur le plan acoustique. Cela signifie que j'ai besoin d'autres voix, et que, contrairement à Francfort, je ne peux pas toujours attribuer de grands rôles à un ensemble plus réduit, et dans cette ville, qui est aussi historiquement différente de Francfort, le rapport à l’ensemble et aux stars est différent. À Francfort, les gens sont très attachés à leur propre ensemble et ils en sont très fiers.

    Ici, on parle encore de Placido Domingo, qui a été découvert à Hambourg, on veut aussi voir Asmik Grigorian, ou avoir un grand Falstaff. C'est exactement cela qui fait la différence, c'est pourquoi c'est un équilibre délicat, car je souhaite bien sûr renforcer l'ensemble, mais malgré tout, je dirais que Hambourg se situe quelque part entre Francfort et Munich, il n'y a pas, pour ainsi dire, le culte des grandes stars comme Jonas Kaufmann et Anja Harteros à Munich. Mais il y a une attente. En effet, le public veut une certaine excellence et donc attend aussi des stars. C’est cette voie étroite que je dois trouver au cours des cinq prochaines années, mais cela ne peut se faire d'un simple claquement de doigts, je sais très bien quelles pièces je programme et de quels types de voix elles ont besoin, mais la question de la distribution est bien sûr aussi une question financière, car nous n'avons pas les moyens de Munich et nous devons donc être très prudents. Nous devons examiner très attentivement où nous investissons nos fonds pour les chanteurs. Et c’est très difficile. Francfort n'a de toute façon pas beaucoup d'argent, et se doit de constituer un ensemble intelligent, tout en engageant de temps en temps Christian Gerhaher ou Marlis Petersen. Munich en revanche a beaucoup plus d'argent et peut vraiment engager des stars partout où c'est nécessaire.

    GC

    Mais y-a-t-il encore des stars ?

     

    TK

     

    Asmik Grigorian (Salome), Prod. Tcherniakov (Hamburg 2023) © Monika Rittershaus 

    C'est la grande question. Je pense qu'il n'y en a pas. Il n'y a plus de star qui remplisse immédiatement la salle. C’est terminé.

    Peut-être plus Asmik Grigorian. Et encore…
    Mais le public a quand même plus d'attentes envers une artiste de renommée internationale ainsi qu'envers les invités, peut-être que le mot « invité » est d’ailleurs plus approprié. On veut aussi avoir ici des invités qui ont été entendus ailleurs, mais il n'y a pas une star ne fait salle comble, non, même Asmik Grigorian, il faut le dire honnêtement. Même si elle attire beaucoup de monde, elle ne remplit pas complètement la salle.

    GC

    Il est difficile aujourd’hui pour la plupart des salles d’afficher complet et il est nécessaire de chercher des chemins nouveaux. C’est pourquoi, en affichant à Hambourg de nouvelles voies possibles, ton projet intéresse. Mais cela dépend aussi du travail avec Omer Meir Wellber, c'est aussi un projet commun dans un certain sens.

     

    TK

    C'est assez dialectique, d'ailleurs et en fait c'est assez drôle.

    C'est notamment pour cette raison que nous travaillons si bien ensemble, car nous avons annoncé la couleur dès le début. D’abord, nous considérons le programme d'opéra et le programme de concert comme deux entités complètement distinctes. Omer est donc entièrement responsable du programme des concerts, tandis que mes prédécesseurs étaient toujours aussi directeurs artistiques de l'orchestre. Ainsi je m'occupe de l'orchestre en tant qu'orchestre d'opéra, mais Omer a carte blanche pour la programmation des concerts symphoniques. Je trouve cela très important.

    GC

    Ce qui est intéressant en fait c’est que les deux saisons (Lyrique et symphonique) proposent des voies nouvelles…

    TK

     

    Tobias Kratzer, Omer Meir Wellber © Stern-Anne Hamburger

    On ne s’est pas concerté, et ce n'est pas coordonné, pour l'instant en tout cas. À l'opéra, j'ai une vision très claire, dans laquelle j'ai très tôt impliqué Omer, pour les œuvres et les projets spéciaux qui intéressent Omer, mais aussi les œuvres qu'il souhaite diriger dans le répertoire. D’ailleurs, il dirigera beaucoup de répertoire, ce qui était très important pour moi, car je voulais quelqu'un qui ait envie de travailler sur le répertoire de base.

    En même temps, Omer est quelqu'un avec qui on peut réaliser un projet comme le projet Mozart, Die grosse Stille (Le grand silence), qui participera également aux projets futurs, qui a également participé à Das Paradies und die Peri. Au cours des prochaines années, il dirigera davantage de pièces classiques en tant que GMD, mais ce qui est déterminant à mes yeux, c'est qu'il y ait une vision commune pour ces cinq années, qui ne consiste pas seulement à combler les lacunes du répertoire, mais aborder ces saisons sous l'angle du contenu. Il est essentiel d'avoir une vision commune pour la maison.

    GC

    Mais qui a choisi le GMD (Generalmusikdirektor) ? Comment se passe le processus ?

     

    TK

    J'avais une liste de chefs d'orchestre, l'orchestre avait aussi sa liste : c’était une liste des chefs imaginables pour Hambourg… Nous avons comparé ces listes et avons regardé les recoupements, il y en avait quelques-uns, mais surtout il y en avait un qui intéressait vivement tout le monde et j’ai ainsi approché immédiatement Omer.

    J’ai discuté très tôt avec l'orchestre, parce que si nous n'avions pas pu nous mettre d'accord, je n'aurais pas accepté le poste d’Intendant.
    En fait j’ai donné deux préalables à la Ville de Hambourg, d’une part, je devais m’entendre avec l’orchestre et nous devions nous mettre d’accord sur un candidat car ça n’aurait pas marché si j’avais imposé quelqu’un à l’orchestre. Il fallait donc un consensus sur le GMD.
    L’autre préalable, c’est que je devais savoir qui serait à la tête de l’administration de l’opéra (Operndirektorin) car je n'ai vraiment aucune expérience administrative. Bien évidemment, j’ai regardé le fonctionnement dans d’autres établissements et j’ai fait mes observations, mais je ne connais pas les rouages du métier. C’est pourquoi je devais avoir un directeur de l’opéra en qui je puisse avoir une confiance totale et sur lequel je puisse compter.

    C’étaient là les deux conditions préalables pour que je signe.

    GC

    Pour revenir à cette première saison, j’ai remarqué que tu passes par d’autres formes comme le pasticcio, plus que par des titres « traditionnels » et le pasticcio rencontre de plus en plus de succès...

    TK

    Je pense que cela dépend bien sûr aussi, comme on dirait en allemand, de la « fatigue matérielle du canon ». Tous les opéras tournent sur 30 ou 40 pièces, sur lesquelles tous les metteurs en scène qui ont quelque chose à dire se sont déjà exprimés.
    Si je prends mon exemple, mon succès en tant que metteur en scène repose sur le fait que j'ai toujours réussi à tirer quelque chose de nouveau des œuvres « classiques », mais je pense que dans l'ensemble, cette évolution historique du théâtre d'interprétation est aujourd’hui moins productive.

    Il y a vraiment de grands metteurs en scène, il y a beaucoup de grandes metteuses en scène, mais on voit actuellement bien plus rarement des biais nouveaux ou de nouveaux regards sur les pièces classiques. L’invention stagne un peu de ce côté…

    Je pense que c'est en quelque sorte l'évolution historique qui veut cela, et que la notion de théâtre musical, une notion élargie du théâtre musical, s'impose peu à peu dans le sens où tout ce qui est opéra, tout ce qui est théâtre musical, ne doit pas nécessairement être un opéra fermé, on peut aussi, créer des formes marginales, on peut y intégrer de la musique nouvelle, on peut composer quelque chose à partir d'autres pièces, c'est-à-dire une notion plus libre, plus ouverte, qui crée simplement de nouvelles œuvres. Ce sont les productions qui ont souvent plus de succès, comme tu l’as dit toi-même.

    GC

    Oui, cet été à Salzbourg par exemple, Hotel Metamorphosis, le pasticcio sur Vivaldi et Zaide, pasticcio autour de l’œuvre inachevée de Mozart, ont été deux des plus gros succès…

     

    TK

    Zaide était une soirée formidable, vraiment formidable. Mais comme je l'ai dit, je ne suis pas dogmatique ; je ne dis pas qu'il ne faut en aucun cas monter des opéras intégraux, mais nous allons, lors de la première saison, affirmer très clairement, et c'est bien sûr aussi une déclaration « politique », que des choses nouvelles de ce type se passeront désormais à Hambourg, sans pour cela sacrifier les « classiques » il y aura par exemple une nouvelle Zauberflöte la troisième année, qui aura une grande valeur. Ainsi donc, je vais bien sûr rééquilibrer les choses différemment au cours des prochaines saisons.
    Mais j'ai trouvé important d’aller dans cette première saison dans toutes les directions. Tout est possible. Un oratorio est possible, un pasticcio est possible, un assemblage est possible, un récital scénique est possible, Gustav Mahler est possible sur scène, j'ai trouvé que c'étaient des projets phares importants. Si l'on doit être courageux, si on doit affirmer des choses nouvelles, il faut le faire dès le début, car d’abord, on a plus de crédit et ensuite, cela permet d'attirer l'attention. Enfin cela permet de voir vraiment ce qui fonctionne et qui ne fonctionne pas. Donc, je verrai bien.

    Le public
    GC

    Et quel genre de public y a-t-il à Hambourg ?
    Pour cette première production, tu t’adresses directement au public.
    Que veux-tu faire avec ce public ?

    TK

    Tout d'abord, j'ai trouvé important de m'adresser au public et de le prendre dans mes bras en tant que nouvel intendant et en tant que nouvelle équipe.

    Dans un premier temps, il est important d'avoir un discours clair et que le public principal, qui est ici, qui vient ici régulièrement, continue à se sentir le bienvenu.
    Beaucoup de managers disent souvent par exemple, « le public doit rajeunir » avec toujours cette honte latente liée à l'âge. Je trouve cela très grave, je ne l’ai jamais voulu. Le public doit être composé de toutes les tranches d'âge. Et tous doivent pouvoir trouver un programme de divertissement agréable dans une ville s'ils le souhaitent, je trouve cela très important.

    En même temps, je trouve qu'il y a à Hambourg tu l'as dit toi-même, un grand public de théâtre, Schauspielhaus, Thalia Theater, très intellectuel, un grand public pour la Kunsthalle, pour les Deichtorhallen (NdR : lieu d’exposition prestigieux à Hambourg), et ce sont tous des gens qui s'intéressent en soi à l'art et à la culture en général. Mais qui, pour l'instant, ne sont pas forcément intéressés par l'opéra.

    Une première d'opéra n'est donc pas actuellement quelque chose que la bourgeoisie cultivée se doit de voir à Hambourg, comme c'est peut-être le cas à Munich ou comme c'est le cas à Hambourg pour une exposition aux Deichtorhallen. Et c'est un public qui, je pense, doit comprendre que l'opéra est aussi un média de référence, qu'il « faut avoir vu » si l'on veut avoir son mot à dire sur le plan culturel.

    Par ailleurs, je pense qu'en tant que jeune, on doit avoir la possibilité de tout voir et ne pas être découragé par un habitus ou une barrière financière. C'est pourquoi désormais nous ouvrons les répétitions générales, ce qui est la norme à Paris, à Bruxelles et à Turin, comme je l'ai vu. Nous les ouvrons pour tous les étudiants, apprentis ou élèves, qui peuvent obtenir un billet gratuit pour assister à la répétition générale. Je trouve important que l'on ait la possibilité de voir les nouvelles productions. Que l'on reste ensuite fidèle à notre maison ou non, c'est une autre question, mais dans un premier temps, comme nous recevons beaucoup d'argent des contribuables, le jeune public doit aussi pouvoir voir les choses que tout le monde cofinance ici. Je trouve cela absolument essentiel.

    GC

    On dit souvent que l'opéra est trop cher, que les jeunes ne peuvent pas venir, mais par exemple, quand ils vont à un concert pop, cela coûte plus cher.

     

    TK

    Mais la différence, c'est que personne ne paie d'impôts pour le concert pop. C'est ça la différence pour moi.
    L’Opéra est cofinancé par tout le monde et c'est pourquoi je pense qu'il faut rendre l’accessibilité plus grande, que tous s’y sentent chez eux et y puissent pousser la porte naturellement.

    GC

    L'opéra est en France souvent encore un symbole de statut social, pas partout, mais encore trop souvent. Tu connais Lyon, c’est un public très ouvert, parce qu’au départ il vient du théâtre (tradition du TNP, Planchon, Chéreau etc…)

    TK

    Ça c'est vraiment génial. Hambourg est aussi un opéra bourgeois, et cela remonte à très longtemps, nous n’avons pas de tradition féodale à Hambourg en matière d'opéra, pas « d’opéra de cour » nous avons plutôt une tradition bourgeoise, et c'est quelque chose qui est bien sûr déterminant.

    Je dirais donc qu'aucun théâtre en Allemagne ne se définit aujourd’hui par ses origines féodales, il serait absurde de dire que l'Opéra national de Bavière ou le Théâtre de Weimar ont des structures féodales parce qu'ils étaient autrefois théâtre de la cour. Néanmoins, je pense que cette forme d'accessibilité en tant qu'opéra bourgeois est une chose qui s'est développée de manière décisive au cours de son histoire. Je prends ce caractère très au sérieux pour Hambourg, et je trouve également passionnant de m’y consacrer pour tisser mes relations avec le public…

    GC

    On parle aussi d’une nouvelle salle pour l’Opéra ?

    TK

    Tout à fait ! Le processus est lancé. Il y a un donateur, Klaus Michael Kühne, qui est l'homme le plus riche d'Allemagne, originaire de Hambourg. Il a aujourd'hui 88 ans, et un concours d'architecture est déjà en cours. Le jury se réunira mi-novembre[1], et l’en fais partie, cinq bureaux travaillent déjà sur le projet et nous choisirons un projet mi-novembre, qui sera ensuite calculé de manière définitive.

    Kühne aura encore une fois la possibilité de se retirer. Mais s'il dit «oui, je vais aller jusqu'au bout », alors il aura le contrat, il financera l'ensemble du projet et en fera ensuite don du bâtiment à la ville, ce qui est bien sûr une perspective formidable.

    [1] Entre temps, le jury s’est réuni et a choisi le projet (voir photo ci-dessous) élaboré par le Studio d’Architecture BIG, de Copenhague.

     

    Le projet choisi pour le nouvel Opéra de Hambourg © BIG & Yanis Amasri Sierra, Madrid, Spain

     

    GC

    Et où est-elle prévue ?

    TK

    Sur l'Elbe. Un peu plus à l'intérieur par rapport à l’Elbphilharmonie, mais directement sur cette rive de l'Elbe,.

    GC

    Mais une nouvelle salle, est-ce un projet si utile pour Hambourg?

    TK

    Oui, absolument. Cette maison aurait besoin d'une rénovation complète, depuis 56 ans.

    Elle est beaucoup trop exiguë, nous n'avons pratiquement pas de coulisses, nous ne pouvons pas coopérer avec beaucoup de théâtres, nous ne pouvons pas stocker beaucoup de productions en parallèle, ce qui explique pourquoi il y a toujours un trafic incroyable, nous avons également atteint nos limites avec les bureaux, donc ce n'est plus vraiment possible. Comme nous sommes également dans ce centre-ville exigu, nous ne pouvons pas nous agrandir. Le bâtiment a donc pour ainsi dire un besoin urgent de rénovation, ne peut être agrandi et n'est absolument plus à la pointe de la technologie.
    Je dirais qu’on fait le meilleur qu’il est possible dans ce bâtiment, mais je considère que la nouvelle construction est importante, et fort bienvenue. Je sais qu'il y a beaucoup de critiques, comme souvent en pareil cas, parce que les gens se demandent d'où vient l'argent, si on ne pourrait pas l'utiliser autrement, etc., mais j’y suis totalement favorable, dans l'intérêt de l'art.

    GC

    Horizon 2030?

    TK

    Horizon 2032 à 2034 mais je pars du principe réaliste que ce sera plutôt 34 ou 35 au plus tôt, mais dès que le feu vert sera donné, la construction sera privée, ce qui signifie que cela pourra aller très vite. M. Kühne aimerait également inaugurer lui-même autant de phases de construction que possible. Il a déjà 88 ans et je pense qu'il aimerait vite impulser la dynamique, mais comme je l'ai dit, je suis plutôt pessimiste en ce qui concerne la dimension temporelle (NdR : Rappelons le feuilleton interminable de la construction de la Elbphilharmonie…), mais je dois dire que je suis très optimiste quant au projet en lui-même, et je me réjouis beaucoup, comme je l'ai dit, que les projets soient déjà présentés à la mi-novembre. Qui vivra verra.

    Il existe déjà un contrat entre la ville, Kühne et sa fondation, c'est donc en fait déjà très, très concret, c'est donc un autre aspect passionnant. Je suis arrivé ici en tant que directeur à un moment où il y a beaucoup à faire et où, en même temps, il y a beaucoup, beaucoup d'espoir pour l'avenir, vraiment beaucoup, et on ne peut pas en dire autant de toutes les villes allemandes. À Berlin, c'est exactement le contraire : le danger c’est qu'un opéra ferme, et pour nous ici, le plus grand danger, c’est l'espoir qu'un nouvel opéra soit construit.

    Un projet artistique pour l’opéra de Hambourg
    GC

    Revenons à ton projet. Tu en as parlé comme une sorte de « Ring », alors quelles en sont les différentes « journées », les différentes étapes ?

     

    TK

    La première saison, consiste vraiment à ouvrir un espace sur tout ce que peut faire l’opéra.

    C’est-à-dire créer un champ de possibilités avec différents types de projets, différents types de compositeurs, pour voir ce qui intéresse, où le public accroche, quelles sont les choses qui laissent quelques doutes ou fonctionnent moins.
    La deuxième année sera en quelque sorte plus accessible. Nous allons commencer avec le grand répertoire classique. Nous allons aussi avoir une création mais ce sera un opéra familial, et donc pas quelque chose de très avant-gardiste comme maintenant avec Olga Neuwirth, et en plus ce sera sous un chapiteau. Nous organiserons un petit festival qui s’adresse plutôt à un public moins averti, et donc j'essaierai, la deuxième année, de travailler plus directement sur le répertoire de base.

    J’essaierai aussi de sortir davantage de la « bulle culturelle » pour vraiment m'adresser à des couches de population plus diversifiées.

    Si la première année consiste à dire « nous sommes là, voici nos repères artistiques et nous essayons de tout remettre sur le tapis, la deuxième année est plutôt axée sur la ville, moins internationale, pour essayer en quelque sorte d’intéresser un autre public, plus large.
    La troisième année est le centre du projet, c'est notre grande saison anniversaire, c'est la saison où nous nous pencherons vraiment sur l'histoire de la maison, avec pour ainsi dire, une confrontation avec les célèbres créations qui eurent lieu à l’Opéra de Hambourg.

    Nous coopérerons avec l'orchestre, avec le ballet si important ici aussi, et probablement une production commune, et donc nous essayons vraiment de représenter ces 350 ans comme un grand programme anniversaire.
    Au cours de la quatrième saison, je m'appuierai davantage sur l'expérience acquise au cours des trois premières pour enrichir le répertoire. J'essaierai en quelque sorte de combler les vides.
    Il est également très important de repenser les approches interprétatives. Sans avoir de lignes directrices strictes pour le programme, il y a des thèmes que nous aborderons sur cinq ans. Le postcolonialisme en est un et donc l'année prochaine, il y aura un projet Henze, nous poursuivrons également cette réflexion, par un projet Julius Eastman, c'est-à-dire une personne de couleur, compositeur de musique minimaliste queer, que nous opposerons à Philip Glass, il y aura donc plutôt des lignes directrices que des thèmes de programme stricts.

    Et la cinquième année dépendra de la suite… Il faudra alors décider s'il s'agit d'une grande saison d'adieu des cinq années passées à Hambourg, au cours de laquelle nous ferons le bilan, ou, si nous sommes prolongés, d'une nouvelle mission pour cinq ans et donc profilant le travail sur une décennie. Mais ce qui est clair et ce qui, je crois, unit toutes les saisons, c'est qu’il faut que ce soit à la fois divertissant et intellectuel.

    C'est ce que j'ai essayé de faire lors de notre concert d'ouverture de saison, c'était important pour moi. Nous avons commencé par une nouvelle mise en musique de Hölderlin de Marko Nikodijevic, une pièce très stricte avec un texte important de Hölderlin. Et j'ai terminé avec une chanson populaire d'Udo Jürgens.
    Je trouvais les deux importants, et entre les deux, il y avait Charles Ives et Olga Neuwirth et un siffleur artistique, etc. J'ai toujours trouvé important qu'il y ait cet équilibre : il faut que ce soit un lieu où l'on s'amuse, mais un divertissement de grande qualité.

    Les évolutions du métier de metteur en scène
    GC

    Tu restes quand même metteur en scène. Quelle évolution vois-tu dans ton métier ?
    Il semble qu’on demande moins d’idéologie par exemple.

     

    TK

    Il existe également une tendance aujourd’hui au formalisme vide de sens, qui peut-être d’ailleurs très coloré, mais qui, en fin de compte, n'offre aucune interprétation, sans profondeur de champ, vide et creux…
    Et cela me laisse indifférent. Cela m'ennuie.

    Non, nous voulons ici programmer des projets qui ont une profondeur au niveau du contenu. Certes je n'exclurais pas la possibilité d'avoir aussi, pour ainsi dire, des approches formelles comme la couleur, par exemple, des approches, disons, installatives, qui m'intéressent mais qui ne sont pas mon univers.
    J'essaie aussi d'engager des metteurs/euses en scène qui font quelque chose de très différent de ce que je fais. Mais je trouve qu'il faut qu'il y ait une profondeur esthétique et aussi une approche inspirante.
    Je ne veux pas d’une monoculture et donc il y a des choses que je trouve très intéressantes, qui trouveront leur place ici dans les prochaines années, et qui n'ont rien à voir avec ce que je fais. Mais je ne programme ici que des spectacles que j'aimerais moi-même voir, c'est tout à fait normal.

    GC

    Mais on ne voit pas émerger aujourd’hui beaucoup de nouveaux metteurs en scène dont on se dit : « Oh, voilà vraiment quelque chose de nouveau !».

    TK

    En tant que directeur artistique, je vois cela et je le vois aussi avec inquiétude pour l'avenir, bien sûr.
    Néanmoins je considère mon évolution personnelle en tant que metteur en scène en me disant que j’ai encore des choses à dire ; je ne me vois pas encore en fin de course, mais je vois bien que lorsque je recherche des générations plus jeunes, il n'y a pas surabondance de profils intéressants. Je le dis très honnêtement.

    Je ne parle pas seulement de jeunes metteurs en scène, mais des personnes de tous âges. J'ai trouvé Christopher Rüping, un metteur en scène qui ne fait que du théâtre, extrêmement intéressant. Je réserve aussi une place aux véritables maîtres anciens comme Marthaler, comme tu l'as vu. C'est en quelque sorte une légende du théâtre mondial, pourrait-on dire.

    GC

    Christoph Marthaler est évidemment un metteur en scène passionnant, mas encore aujourd’hui pas toujours compris à l’opéra, comme ce fut le cas de son récent Falstaff à Salzbourg, très critiqué.

    TK

    C’est la raison pour laquelle que je fais ce projet Mahler avec lui qui sera quelque chose de très spécial. C’est pour cela aussi, dans un autre ordre d’idées que j’essaie maintenant avec Ruslan und Ljudmila[1] d’explorer autre chose. J’y teste en quelque sorte une équipe plus jeune

    Ruslan et Ljudmila, Hamburg, 2025, (Prod.Alexandra Szemerédy and Magdolna Parditka) © Matthias Baus

    C'est exactement ça qui est génial, explorer... Espérons que cela fonctionnera bien.
    C'est toujours passionnant en effet de voir ce que fait le ou la metteuse en scène, ce qu'est le projet dans son ensemble. Je ne définis pas le programme que je réalise ici uniquement, en fonction des noms des metteurs en scène mais il reste que cette exploration d’univers nouveaux est fascinante.
    Je vais également réaliser deux projets avec Bastian Kraft, qui vient plutôt du théâtre, mais qui a réalisé une Rusalka très intéressante à Stuttgart. Il va mettre en scène ici une pièce classique du répertoire, puis une création. J'essaie donc d'être très clair. Je pense au projet sous l'angle du metteur en scène, sans être esclave du programme standard que proposent de nombreux théâtres. Bien sûr, je vais proposer une nouvelle Carmen, parce qu'elle n'a pas été jouée depuis longtemps, une nouvelle Aida, absente elle-aussi depuis longtemps, mais maintenant j'essaie désespérément de trouver un metteur en scène qui n'a pas encore fait ces œuvres, c'est souvent comme ça que ça se passe. Et si on prend Don Giovanni, Warlikowski, Tcherniakov… tous ont déjà fait Don Giovanni. Je dois être le seul à ne pas l’avoir encore fait (rires).

    [1] Ruslan und Ljudmila, mise en scène Alexandra Szemerédy  et Magdolna Parditka, première le 9 novembre 2025.

    Un opéra pour enfants
    GC

    Tu t’es aussi lancé dans un projet d'opéra pour enfants. Tu as mis en scène Die Gänsemagd avec Matthias Piro, Pourquoi ?

    TK
    Die Gänsemagd, Hamburg, 2025 (Prod.Kratzer) © Monika Rittershaus

    Je trouvais que c'était une déclaration importante, presque une déclaration politique, à faire dès le début.
    L’œuvre n’est pas confiée à une assistante à la mise en scène et nous ne le faisons pas seulement avec de jeunes chanteurs, mais vraiment avec les stars de la troupe. Helen Kwon a chanté ici il y a 40 ans le rôle de la Reine de la nuit et a interprété pendant des décennies de grands rôles. Je trouve que les enfants doivent eux aussi bénéficier d'une grande qualité. C'était une déclaration politique, pour ainsi dire, que la production d'ouverture soit réalisée par l’intendant lui-même. J'ai également pris du plaisir à le faire, car il faut réfléchir de manière très précise à la dramaturgie : on peut vraiment prendre du plaisir, mais en même temps, on a aussi un bon public test, car les enfants s'ennuient ou se déconcentrent immédiatement si cela ne fonctionne pas. C’est pourquoi je recommencerai…
    Je trouvais aussi important que les enfants soient directement confrontés à une musique très avancée, qu'ils n'aient pas droit à Die Zauberflöte pour enfants, mais qu'ils puissent immédiatement découvrir que les compositeurs peuvent être vivants et qu'ils peuvent aussi être des femmes. C'était en fait un message vraiment important.
    Et ça a bien fonctionné.
    Bien sûr, je ne pouvais pas tout faire tout tout seul, sinon je n'aurais pas pu relever mes trois défis différents : la Peri, Die Gänsemagd et la direction de la maison. Alors, j'ai tout préparé et pendant les répétitions finales, Matthias Piro a pris le relais, car j'étais plus souvent à la Peri et lui plus souvent au Gänsemagd,

     

    GC

    Tu n’es pas Shiva…

     

    TK

    Absolument (rires). Et je suis très heureux, car cela a été très bien accueilli dans la ville.
    C'est donc aussi une façon de dire à la ville que le directeur ne se soucie pas seulement de sa renommée culturelle, mais qu'il se soucie vraiment des parents qui viennent avec leurs enfants pour que tous s'amusent.

     

    GC

    De fait, artistiquement cet opéra a tout pour plaire. Les formes traditionnelles, les duos traditionnels, les rythmes traditionnels… Le paysage lyrique est tout à fait classique, et la musique est contemporaine.

     

    TK

    Tout à fait. Et quand les enfants iront plus tard dans un grand opéra, ils comprendront ce que tu décris. Ils ont en quelque sorte déjà assimilé ce paysage, ce vocabulaire, cette grammaire, car c'est une œuvre incroyablement aboutie. Un opéra magnifiquement composé est donc, à mon avis, une très bonne pièce, et j'ai pris beaucoup de plaisir à travailler dessus

     

    La carrière de metteur en scène : le Ring de Munich et le reste…
    GC

    Et maintenant, je voulais enfin parler de toi, en tant que metteur en scène « ailleurs »… Tu montes le Ring à Munich…

     

    TK

    Oui, c’est une toute petite chose en plus…
    Je suis très heureux, vraiment très heureux que Das Rheingold ait si bien fonctionné, car j'ai dit que je respecterais tous les contrats que j'avais signés, un peu comme dans le Ring, où tu n'es que ce que tu es qu’à travers les contrats (rires). Bien sûr, ce n'est pas seulement une question de contrat, mon cœur voulait bien sûr faire le Ring de Munich.

     

    GC

    Quelle est l'idée derrière ce Ring. La fin des dieux ?

     

    TK

    Oui c’est exact…

     

    GC

    Mais comment vas-tu le développer ?

     

    TK


    Il faut avancer vraiment pas à pas, pour ainsi dire. Je ne veux pas d'un Ring à thèse unique, je pense que ce sera vraiment le fruit d’une évolution réelle.

    Dans Die Walküre, nous allons maintenant voir quelle est la signification du renouveau des dieux et à observer l’évolution parallèle des Dieux et des hommes. C’est une question importante, car ce Wotan n'est pas un dieu chrétien bienveillant, c'est plutôt un dieu de l'Ancien Testament. Comment par exemple les hommes sur Terre se radicalisent-ils ? Je trouve qu’Hunding est presque un croyant fervent, une sorte de fanatique, comme s’il faisait partie d’une une secte en fait, et à ce titre il est extrêmement intéressant.
    Que se passe-t-il également aussi avec l'art dans un monde où la religion devient si forte ?
    En fait, c'est l'évolution inverse de celle de Wagner, où l'art remplace la religion, qui disparaît. Y a-t-il en fait un retour en arrière réactionnaire, que se passe-t-il sur terre à ce sujet ? J'essaie de considérer tous ces détails dans Le Ring, où l'on oublie si facilement, par exemple qu’Alberich lève une armée contre Wotan.
    C'est pourquoi Wotan doit invoquer la Walkyrie.
    Même si on ne voit jamais Alberich, je pense que cette lutte entre les deux, qui s'intensifie, est très importante dans Die Walküre.

    Par ailleurs, je trouve que l'expérience intérieure de Wotan y est aussi très importante : comment le dieu souffre-t-il de son immortalité ? En fait le problème de Wotan, c’est qu'il a vécu en mortel... Et là, je trouve aussi une phase qui dans le Ring n'est pas composée, qui n’apparaît pas et que l'on oublie donc toujours. Il y a eu en effet ces quelques années de bonheur pour Wotan, où il vivait avec une femme mortelle dans la forêt, et j'ai le sentiment que pour moi, c'est le moment où il s'est échappé de « l'éternel retour » de Nietzsche. Pendant quelques années, il a connu une sorte de bonheur, car il pouvait se considérer comme un mortel et ne ressentait pas l'éternel retour. Mais ce bonheur a été brisé, détruit, anéanti, ce qui l'a plongé dans un fatalisme total, et c'est bien sûr une évolution que je retrouve dans cette œuvre.

    Ces points n’ont jamais été explorés avec une telle clarté dans un Ring. J'essaie donc dans mon discours, de prendre au sérieux la divinité comme hypothèse de travail, aussi absurde que cela puisse paraître, pour voir ce qu'il en résulte en termes de détresse psychologique, car celle-ci devient alors à nouveau transposable sous forme de métaphore pour les mortels. Voilà la voie que je continue à suivre dans Walküre.
    Siegfried prend alors une tout autre couleur, parce que nous devons considérer très, très fortement la tragédie de Mime, qui n'est pas un personnage drôle, mais qui est vraiment aussi un personnage incroyable. Dans Rheingold, il a été désespérément abandonné avec son chien mort et vraiment dépouillé de tout, et maintenant il a ce fils et au fond, c'est comme la tragédie de la paternité, mais peut-être aussi comme la tragédie de l'homme solitaire qui essaie de trouver quelqu'un à qui il peut se connecter et qui se trouve aussi face à la revendication de l'adolescence.

    J'essaie vraiment d’envisager cela de manière très théâtrale et ludique, mais aussi très existentielle, car j'ai le sentiment qu'on a tout dit dans les interprétations disons, marxistes, mais pas seulement : en fait toutes les « méta-discussions » ont été jouées désormais. De Chéreau à Castorf tout a été dit.
    Alors, je vais vraiment essayer une interprétation postmarxiste, en saisissant la chose de manière existentielle, en la reprenant à la base en quelque sorte

    Voilà ce que j'essaie de faire maintenant avec Walküre et Siegfried.
    Avec Götterdämmerung, je vais bien sûr le faire d'une autre manière que dans mon ancien Götterdämmerung (NdR : Karlsruhe, 2017) il y aura des motifs similaires, mais en principe, j'essaie de vraiment boucler la boucle d’une autre manière, parce que je trouve cela passionnant de raconter la grande narration, le grand arc narratif et pas seulement les parties qui s’y rapportent.

    GC

    Et le Ring c’est le seul projet que tu as en dehors de Hambourg ?

     

    TK

    Dans les deux premières années, c’est effectivement le seul projet. Par la suite j’ai encore deux co-productions et deux projets en tant qu'invité. Et il y a encore en discussion un projet de coproduction avec Munich mais je ne ferai pour ainsi dire aucune production en tant que simple invité en Allemagne. Je travaille encore un peu à l'international, je vais faire mes débuts à la Staatsoper de Vienne, où je n’ai jamais travaillé et je vais faire une autre production à Zurich.

    Nous avons donc beaucoup de coproductions intéressantes et je ferai quelques apparitions internationales. Mais en Allemagne, je me concentrerai d'abord sur Hambourg.
    La compagnie doit pouvoir compter sur le fait qu'elle dispose, pour ainsi dire, d'un certain droit exclusif sur moi.

    GC

    Nous ferons la prochaine interview pour tirer les bilans ?

     

    TK

    Ou entre-temps pour le jubilé des 350 ans ! Pour l'instant, n’envisageons pas les bilans, parlons projets.

    Tobias Kratzer © Matthias Baus
    Crédits photo : © picture-alliance //picture alliance | picture-alliance / (Liebermann)
    © BIG & Yanis Amasri Sierra, Madrid, Spain. (New State Opera Project)
    © Matthias Baus (Ruslan/Portrait Kratzer)
    © Monika Rittershaus (Peri)
    © Stern-Anne Hamburger (Tobias Ktratzer /Omer Meir Wellber)
    © Robert Haas (Portrait en-tête Tobias Kratzer)
    © Teresa Grenzmann (Répertoire)
    © Niklas Marc Heinecke (Staatsoper)

    Pour poursuivre la lecture…

    Penser à 100 à l'heure et ne jamais s'ennuyer

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