Giovanni Battista Pergolesi 1710–1736
Stabat Mater
Composition : 1736
Première exécution : 1736 (ou 1737 ?)

Sandrine Piau (soprano)
Christopher Lowrey (contre-ténor)

Les Talens Lyriques
Christophe Rousset (direction)

Alpha Classics

Giovanni Battista Pergolesi fut le premier compositeur à connaître une gloire posthume après avoir mené une courte carrière et une vie maladive qui prit fin dans une fosse commune de Naples. Si son Stabat Mater a traversé les âges et demeure, avec son opéra La serva padrona, son œuvre la plus connue, c’est indéniablement en raison de l’aspect novateur de son écriture, ouvertement opératique, Pergolesi n’hésitant pas à placer toutes les ressources expressives de ce genre très prisé au service du texte marial du XIIIème choisi pour l’occasion. La nouvelle lecture en studio que nous offre Christophe Rousset est un petit miracle qui se hisse très haut dans une discographie pourtant pléthorique. 

Que serait devenu le fragile Pergolesi si son Stabat Mater, ouvrage écrit en même temps que son Salve Regina, à 26 ans, au monastère franciscain de Pozzuoli non loin de Naples en 1736, où il s’était réfugié un an avant de mourir, n’avait autant fait parler de lui après sa mort prématurée ? Difficile à dire car ce compositeur à la carrière météorique n’a pas eu le temps de se faire connaître de son vivant et bien des incertitudes planent sur son existence. Son Stabat Mater est cependant le premier à avoir été écrit dans un style « galant » et à s’opposer ainsi aux pratiques alors en cours de l’ancien style dit « savant ». Le texte daté du XIIIème siècle qui sert de base à l’ouvrage, raconte de manière expressive la Passion vue de la Vierge Marie et se caractérise musicalement par des textures aérées et une prédominance mélodique peu usitées à l’époque, marquée par le modèle défendu notamment par Alessandro Scarlatti. Mais ce qui surprend plus encore c’est bien le recours au langage de l’opéra et à ses ressources soigneusement exploitées, très appréciées par le public également friand des grandes cantates de chambre pour soliste ou duo à plusieurs mouvements, auquel a recours Pergolesi pour mettre en valeur le pathos liturgique.

Touchantes, profondes et mystérieuses, ces pages n’auront aucun mal à s’imposer et à perpétuer le souvenir de leur auteur, à qui des éditeurs peu scrupuleux attribueront d’ailleurs pendant longtemps de nombreuses œuvres qui n’étaient pas de sa main, prolongeant ainsi jusqu’à nous sa postérité.

Que Christophe Rousset ait eu envie de remettre ce chef‑d’œuvre sur le métier vingt ans après une version publiée chez Decca, n’est pas surprenant. Aussi réussie soit-elle, sa première approche n’était pas sans défaut en raison des instruments angéliques mais exempts d’émotions et quelque peu distants, d’Andreas Scholl et de Barbara Bonney. Le choix de Sandrine Piau et de Christopher Lowrey, duo d’artistes autrement plus sensible est un atout de taille. Avec son timbre séraphique aux reflets satinés, la soprano française traduit comme personne la souffrance, la rage ou le désespoir de la Mère pleurant la mort de son fils, et si l’on admire l’émission d’une pureté immaculée du « Vidit suum dulcem Natum », l’interprète sait se montrer engagée grâce à une voix aujourd’hui plus étoffée dans le duo « Sancta Mater, istud agas ». Le contre-ténor peine parfois dans le bas du registre, mais pour diaphane que sonne son organe, celui-ci a de la chair et s’unit magnifiquement à celui de sa complice. Tissant avec la plus grande délicatesse une toile orchestrale aux couleurs changeantes et aux accents tantôt mouillés de larmes, tantôt enflammés, Christophe Rousset obtient de ses Talens lyriques un accompagnement où la densité se conjugue à la cohésion. Fort de cette belle maturité, le chef compète ce nouvel album par un remarquable Salve Regina de Porpora où tout l’art de diseuse de Sandrine Piau se déploie dans une suite de superbes encorbellement vocaux, suivi par un Beatus vir moins inspiré, signé Leonardo Leo, abordé avec une relative froideur par Christopher Lowrey, mais d’une tenue et d’une exigence sans faille.

 

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François Lesueur
Après avoir suivi des études de Cinéma et d'Audiovisuel, François Lesueur se dirige vers le milieu musical où il occupe plusieurs postes, dont celui de régisseur-plateau sur différentes productions d'opéra. Il choisit cependant la fonction publique et intègre la Direction des affaires culturelles, où il est successivement en charge des salles de concerts, des théâtres municipaux, des partenariats mis en place dans les musées de la Ville de Paris avant d’intégrer Paris Musées, où il est responsable des privatisations d’espaces.  Sa passion pour le journalisme et l'art lyrique le conduisent en parallèle à écrire très tôt pour de nombreuses revues musicales françaises et étrangères, qui l’amènent à collaborer notamment au mensuel culturel suisse Scènes magazine de 1993 à 2016 et à intégrer la rédaction d’Opéra Magazine en 2015. Il est également critique musical pour le site concertclassic.com depuis 2006. Il s’est associé au wanderesite.com dès son lancement
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