La Saison 2020–2021 en un coup d'oeil :

2020 :
Septembre :
- Puccini, Turandot
               
Octobre :
- Händel, Le Messie
- 7 octobre, récital René Pape

Novembre :
- Janáček, L'Affaire Makropoulos
– Au BTM : Ballet : Hors Cadre
- 7 Nov : Récital Matthias Goerne

Décembre :
– Bernstein : Candide
- 31 décembre : Concert du Nouvel An
(Arquez, Kammerorchester Basel, dir : Gianluca Capuano)

2021
Janvier :
– Debussy : Pelléas et Mélisande
    – 21 janvier : Oratorio Paulus de F.Mendelssohn
    Orchestre de Chambre de Genève, dir : Hervé Niquet

Février-Mars :
– Mozart : La Clémence de Titus

Mars-Avril :
- Wagner, Parsifal
– Au BTM : Ballet, Drumming

Mai :
– Purcell, Didon et Enée
– Ballet : Sacre2
7 mai, Récital Pretty Yende

Juin :
– Au BTM : Verdi, La Traviata
- Au GTG, 6 juin, Récital Ludovic Tézier 

 

Saison 2020–2021 du Grand Théâtre de Genève

Habituellement, les saisons sont présentées sur le Blog du Wanderer. Mais le cas du Grand Théâtre de Genève est particulier. Wanderer est un site dont le siège est à Genève, presque sous les fenêtres du Grand Théâtre. Il est donc légitime que ce soit le site Wanderer qui lui consacre un long article. 
Nous espérons tous que cette saison se déroulera normalement, sans que le coronavirus ne vienne la perturber, et donc nous perturber.  Le titre de la saison, la "Réalité augmentée" nous paraît même aller un peu au-delà de notre souhait : que cette saison soit simplement réelle, sans augmentation, et nous serons tous satisfaits…

Une saison aux titres classiques, mais aux équipes de création résolument contemporaines

Aviel Cahn présente la saison de Genève avec toutes les précautions d’usage, il parie même sur l’espoir de pouvoir présenter Saint François d’Assise en fin de saison, sans trop y croire…Il y a peu de chance que cette œuvre monumentale qui exige une formation d’orchestre énorme, des chœurs et un bon nombre de solistes puisse respecter la fameuse distanciation sociale.
Par ailleurs dans la conférence de presse qu’il a tenue via zoom le 23 avril au matin, il nous confirme que tout est suspendu au virus et aux décisions des autorités suisses et que présenter la saison est un message d’espoir plus que celui d’un futur de certitudes.
Si Saint François est annulé, sa première saison, qu’il avait construite en alternant des grands classiques et des créations, est défigurée, si bien qu’il est difficile d'en tirer les bilans, sinon dit-il que les spectacles plus « modernes (Einstein on the beach, Les Indes galantes) ont été plus fréquentés que les classiques (Die Entführung aus dem Serail, Aïda), que « La Plage » a bien marché et que le travail de conquête d’un public diversifié qui a commencé doit continuer.

Après une saison qui aurait dû être marquée par la nouveauté – Aviel Cahn est notamment si affecté par l’impossibilité de présenter sa création Le voyage vers l’espoir, de Christian Jost dans la mise en scène de Kornél Mundruczó qui devait être un des sommets de la saison qu'il envisage de la reproposer très vite, voire si c’était possible de remplacer le Saint François d'Assise  par la création à la fin de cette saison, arguant qu’elle est plus légère et plus virocompatible que le Saint François.

Il présente donc sa deuxième saison (le luxueux livret programme est cette fois illustré par John Armleder, célèbre plasticien genevois, une gloire confirmée après le jeune Mathieu Gafsou piur la saisons 2019–2020) , sous le titre « Réalité augmentée », en paradoxe avec la situation de réalité diminuée que nous vivons actuellement, une sorte de voyage imaginaire, qui a un profil plus classique que la première, avec des œuvres consacrées, Pelléas, Parsifal, La Traviata, Turandot, et d’autres un peu moins, comme L’affaire Makropoulos, même si les théâtres la proposent désormais souvent, un opéra qui sonne d'ailleurs étrange par les temps qui courent…, Candide, La Clémence de Titus et un Messie de Haendel fugace.
Avant d’aborder chaque production dans les détails, passons en revue quelques éléments généraux sur le profil d’une saison aux titres plus « convenus », mais à la couleur résolument contemporaine.
Chaque production est l’objet de coproductions, rares sont les productions spécifiques : cette année, ce sera le cas de La Traviata, au Bâtiment des forces motrices, puisqu’il y aura des travaux au Grand-Théâtre où l’informatique de la machinerie est à revoir : cette production sera adaptée évidemment à l’espace scénique réduit du BTM.
À ce propos, Aviel Cahn a abordé une autre question, celle de la fosse d’orchestre du Grand Théâtre, non seulement sous le rapport de la distanciation sociale, mais aussi de l’acoustique, qu'on sait bien difficile . D'autres travaux en perspective donc pour l’avenir.

Des coproductions (on le verra dans le détail), des productions louées ailleurs comme Candide (Barrie Kosky, Komische Oper Berlin) ou des spectacles issus de la programmation de l’Opéra des Flandres au temps où Aviel Cahn en était le directeur (Pelléas et Mélisande, L’affaire Makropoulos), çà signifie avoir la garantie de spectacles sans risques et surtout à moindres frais, tout en ayant l’assurance de mises en scènes très contemporaines. Aviel Cahn est prudent, et sait aussi partager ses productions, notamment avec des maisons ou des institutions très diverses qui vont des Wiener Festwochen au Deutsche Oper am Rhein de Düsseldorf, du Tokyo Nikikai Opera à l’Opéra de Lille.
Et ce n’est pas seulement un signe économique (incontestablement les frais de production sont ainsi réduits, notamment lorsqu’il y trois coproducteurs) c’est aussi un signe « politique », qui veut montrer que le Grand Théâtre est au centre d’un réseau européen, que ses choix sont partagés, ce qui n’était pas (toujours) le cas de la gestion précédente.
Si l’on voit les titres, on constate l’affichage de neuf compositeurs parmi les plus populaires. Puccini, Haendel, Janáček, Bernstein, Debussy, Mozart, Wagner, Purcell, Verdi, sans opéra contemporain, et à peine un compositeur du XXe siècle commençant… Rien de risqué, et même singulièrement sage et conformiste dans ce choix. On sent derrière une stratégie de reconquête, particulièrement nette. Après une année d’ouverture tronquée, mais « moderne », une année de respiration et économiquement prudente qui cache peut-être une saison 2021–2022 moins sage.
Aviel Cahn a vécu à Anvers dans une région qui est en Europe l'un des phares de la mise en scène, de la chorégraphie et du spectacle contemporains. La Flandre est en effet une référence en matière de modernité du spectacle vivant, et depuis plus de trente ans. Sans doute l'esprit de Gérard Mortier (né à Gand) à La Monnaie avait-il lancé le mouvement, qui a été saisi au vol. C'est de ce point de vue une des régions les plus ouvertes, aussi bien à Anvers avec l'Opera Ballet Vlaanderen qu'à Gand avec le NT Gent et Milo Rau. Et cet esprit irrigue évidemment les Pays Bas.
Genève a une toute autre tradition, et une autre histoire : Aviel Cahn ne peut arriver en cassant la baraque, et fort intelligemment, il procède prudemment. Espérons qu'il applique l'art gradué du coup de massue.
Voici donc cette saison, qui du point de vue des équipes de création, est résolument contemporaine, avec de vraies prises de risques, et de vrais rendez-vous incontournables.

 

La saison lyrique

 

 

Septembre 2020
Giacomo Puccini, Turandot (avec final Luciano Berio)( 7 repr.), MeS :  Daniel Kramer, Dir : Antonino Fogliani avec Ingela Brimberg, Teodor Ilicai, Martin Mühle, Elena Guseva etc…
Orchestre de la Suisse Romande
Coproduction Tokyo Nikikai Theater et Manchester International Festival
Allez voir le site de Teamlab, le groupe japonais chargé des décors et vidéos (https://borderless.teamlab.art/) pour mieux comprendre à quoi ressemblera cette Turandot, mise en scène par l’américain Daniel Kramer, 43 ans, actuel directeur de l’ENO de Londres.
Dans la distribution, Ingela Brimberg, que les genevois connaissent (elle était la Senta du Fliegende Holländer présenté au BFM lors du Festival Wagner orchestré par Jean-Marie Blanchard) et deux ténors prometteurs, le jeune roumain Teodor Ilincāi, une très grande promesse européenne, dont la carrière est bien engagée, en alternance avec Martin Mühle un Don José ou un Calaf à la voix claire et puissante, des rôles qu’il promène dans de très nombreux théâtres. Liù sera la magnifique Elena Guseva, qui a triomphé à Lyon dans la récente Tosca mise en scène par Christophe Honoré et dirigée par Daniele Rustioni. Quant à Antonino Fogliani, il est un des meilleurs chefs de sa génération pour le répertoire italien, et d‘ailleurs,  il était à peu près le seul qui tenait vraiment la route dans la malheureuse Aïda de ce début de saison.
Une belle promesse que cette production, d’autant que c’est le final de Berio qui sera joué (créé en 2002, c’est une première suisse) même si Aviel Cahn avait prévu de passer commande à un autre compositeur, mais la famille Puccini s’y est opposée (familles ‑surtout celles des compositeurs- je vous hais…).
Coronavirus permettant, production à voir.

Octobre 2020
G.F. Händel, Le Messie
(2 repr.), MeS :  Robert Wilson, Dir : Marc Minkowski avec Elena Tsallagova, Richard Croft, Elena Rosker, José Coca Loza
Orchestre Les Musiciens du Louvre
Coproduction avec Stiftung Mozarteum Salzbourg, Salzburger Festspiele, Thépâtre des Champs Elysées.
Un peu comme L’Orfeo (Ivan Fischer, Budapest Festival Orchestra) cette saison, Genève s’associe à une tournée plutôt chic et choc, avec les Musiciens du Louvre et Marc Minkowski à leur tête et sur scène Bob Wilson, qui fera un travail idéal pour la distanciation sociale nécessaire en ces temps de pandémie. Wilson fait le même spectacle o(u pratiquement) depuis des années, et c’est certes un grand nom, mais qui ne surprend plus personne. Ce sera sans nul doute une lutte de deux rythmes et dynamiques, parce qu’entre Wilson et Minkowski, on n’est pas vraiment sur les mêmes pulsations. je ne vois pas grand intérêt à ce spectacle, sinon celui d'une carte de visite chic. On le retrouvera d'ailleurs au Théâtre des Champs Elysées, c'est dire…Distribution honorable (Tsallagova, Croft…).

 

Novembre 2020
Leoš Janáček, L’affaire Makropoulos
(6 repr.), MeS : Kornél Mundruczó Dir : Tomáš Netopil avec Rachel Harnisch, Aleš Briscein, Sam Furness, Michael Kraus etc…
Orchestre de la Suisse Romande.
Production Opera Ballet Vlaanderen (2016).
L’impressionnante production déjà vue à l'Opera Ballet Vlaanderen, signée Kornél Mundruczó,  le cinéaste et homme de théâtre hongrois qui va travailler les prochaines années dans toutes les grandes maisons d’opéra d’Europe, est proposée à Genève, avec le même chef (remarquable), Tomáš Netopil , et de nouveau Rachel Harnisch, magnifique Emilia Marty, entourée par une excellente distribution (Michael Kraus, Sam Furness et surtout l’Albert Gregor d’Aleš Briscein). Inutile de tergiverser, cette magnifique production vaut le déplacement. Coronavirus permettant bien évidemment.

 

Décembre 2020
Leonard Bernstein, Candide
(8 repr.), MeS : Barrie Kosky Dir : Titus Engel avec Paul Appleby, Ueli Jaeggi, Yvonne Naef, Claire de Sébigné, Chris Merritt etc…
Orchestre de la Suisse Romande.
Barrie Kosky à Genève…le très grand metteur en scène australo-berlinois fait son entrée dans le répertoire genevois, en attendant un grand projet que promet Aviel Cahn. Wanderer a rendu compte de cette belle production, née à Berlin pendant la saison 2018–2019 de la Komische Oper , voir ci-dessous notre compte rendu.
Au pupitre, l’excellent Titus Engel que les genevois ont entendu dans Einstein on the Beach.
Comme le dit le titre du compte rendu de Wanderersite, immanquable en ces temps d’obscurantisme renaissant, d’intolérance, et de violences religieuses, et puis Voltaire habitait si près de Genève…

Janvier 2020
Claude Debussy, Pelléas et Mélisande
(6 repr.), MeS : Damien Jalet/Sidi Larbi Cherkaoui, Dir : Jonathan Nott avec Jacques Imbrailo, Mari Eriksmoen, Leigh Melrose, Yvonne Naef etc…
Orchestre de la Suisse Romande.
Coproduction Opera Ballet Vlaanderen, Les Théâtres de la Ville de Luxembourg, Göteborgs Operan.
Une production originale, avec deux chorégraphes aux commandes, sur une scénographie et un concept de Marina Abramović, la célébrissime performeuse faisant notamment de son corps l’objet de son travail artistique. Une production sans doute pour moi un peu décevante malgré l'affiche.
Dans la distribution, Jacques Imbrailo qui fut l’excellent Pelléas de Tcherniakov à Zürich et Leigh Melrose, qui est toujours magnifique. Notez le nom de ce baryton exceptionnel.
La précédente production de Genève avec Alexia Cousin et Simon Keenlyside dans la mise en scène Patrice Caurier et Moshé Leiser avait marqué les mémoires. Il n’est pas tout à fait sûr que celle-ci laisse autant de traces, même si l’on salue le retour dans la fosse de Jonathan Nott, directeur musical de l’OSR, qui cette saison dirigera aussi l’œuvre de Wagner citée dans Pelléas, Parsifal. Je l’ai déjà écrit, Jonathan Nott est l’un des très rares directeurs musicaux de l’OSR à diriger l’opéra dans la fosse du Grand Théâtre (il avait d’ailleurs déjà commencé sous la mandature Richter).

Février-Mars 2021
W.A.Mozart, La Clémence de Titus
(7 repr.) MeS : Milo Rau Dir : Maxim Emelyanichev avec Bernard Richter, Serena Farnocchia, Anna Goryachova, Maris Lys, Cecilia Molinari, Justin Hopkins
Orchestre de la Suisse Romande
Coproduction Wiener Festwochen, Les Théâtres de la Ville de Luxembourg, Opera Ballet Vlandeeren.

C’est incontestablement l’une des productions phare de la saison à cause de la personnalité de Milo Rau, le metteur en scène suisse qui dirige le théâtre de Gand (NT Gent) qu’il a rendu l’une des scènes les plus passionnantes en Europe (à quand une scène française aux propositions si stimulantes, fortes, politiquement et théâtralement comme celle-ci…).
Lire la critique enthousiaste de Thierry Jallet d’Oreste à Mossoul, présenté aussi à Vidy Lausanne il y a quelques mois, dans Wanderersite, voir ci-dessous . Milo Rau commence à être appelé à l’opéra, et ce sera sûrement intéressant de voir comment il va conjuguer sa grande liberté de création, sa volonté de décentrer les lieux de jeu, à l’univers si codifié de l’opéra. La Clémence de Titus, qui montre à la fois les jeux dangereux du pouvoir, les amitiés trahies, les amours intéressées, mais aussi le souverain éclairé (et pragmatique, et sans illusions) convient très bien à Milo Rau, plus peut-être que d’autres œuvres de Mozart.
Inviter à diriger Maxim Emelyanichev est aussi une magnifique idée. Nous l’avions entendu à Zurich dans la passionnante production de David Hermann de Die Entführung aus dem Serail. Il s’était adapté au style de la production et avait produit une direction étonnante de contraste et de modernité, plus vinaigre que miel et montrait à 28 ans (il en a 32), une intelligence alliée à un esprit de décision rare. Il est le directeur de l’ensemble Il Pomo d’oro.
Le tout avec une distribution de bon niveau, marquée par la présence en Titus de l’excellent Bernard Richter et en Sesto de Anna Goryachova.

Mars-Avril 2021
Richard Wagner, Parsifal (6 repr.)
 : MeS : Michael Thalheimer, Dir : Jonathan Nott avec Daniel Brenna, Mika Kares, Tómas Tómasson, Tanja Ariane Baumgartner etc…

Orchestre de la Suisse Romande
Coproduction avec la Deutsche Oper am Rhein (Düsseldorf/Duisburg)
Encore une production qui devrait attirer le public parce que Wagner fait toujours le plein. La précédente (2009–2010) n’a pas laissé de traces profondes dans la mémoire. D’abord, Jonathan Nott, après Debussy s’attaque cette année au dernier opéra de Wagner et il sera intéressant de voir sa manière d’aborder deux œuvres qui se parlent tant .

La Mise en scène est confiée à Michael Thalheimer, qu’Aviel Cahn a appelé à l’Opera Ballet Vlaanderen pour Macbeth, à qui l’on doit par exemple Der Freischütz à la Staatsoper de Berlin, ou Les Troyens très stylisés à la Staatsoper de Hambourg (2015) dont nous avions rendu compte dans le Blog du Wanderer. Thalheimer est moins connu que d’autres metteurs en scènes allemands, mais c’est un artiste rigoureux et d’un grand intérêt. Disons que c'est un vrai classique de la dramaturgie à l'allemande. À noter qu’il a étudié à Berne.
Dans la distribution, que du joli monde : Daniel Brenna est un des bons ténors pour Wagner et il chante maintenant Siegfried un peu partout, Parsifal ne devrait donc pas être un problème. Face à lui le Gurnemanz de Mika Kares, la basse finlandaise qui monte au firmament, le Klingsor de Tómas Tómasson (souvenez-vous de son hallucinante composition dans la production de Parsifal de Tcherniakov à Berlin) et la Kundry de Tanja Ariana Baumgartner, moins connue peut-être, mais qu’on a vue  dans Fricka dans la production Castorf à Bayreuth, une chanteuse d’une grande intelligence scénique, qui chante les grandes rôles de mezzo du répertoire, dans l’excellente troupe de Francfort.
Tout est réuni pour en faire une production réussie.

Mai 2020
Henry Purcell, Didon et Enée
(6 repr.) MeS : Franck Chartier (Peeping Tom) Dir : Emmanuelle Haïm avec Marie-Claude Chappuis, Jarrett Ott, Emöke Barath, Marie Lys.
Orchestre Le Concert d’Astrée
Coproduction Opéra de Lille, les Théâtres de la ville de Luxembourg, Théâtre de Caen.
On a vu plusieurs Didon et Enée ( à Aix, à Lyon) récemment, et cette fois la production est confiée au fondateur de la compagnie bruxelloise Peeping Tom, une des compagnies de danse les plus en vue actuellement, on la voit partout, elle est invitée partout, et elle sera l’an prochain invitée aussi par l’Opéra de Paris. C’est dire qu’il n’y a là aucun risque non plus.
Plus intéressant pour le public la présence en fosse du Concert d’Astrée et d’Emmanuelle Haïm, l’une des cheffes les plus en vue pour le baroque, qui dirige même les Berliner Philharmoniker. Ses productions sont souvent musicalement passionnantes. Par l’appel au Concert d’Astrée, Aviel Cahn montre une volonté de diversification dans les productions du répertoire baroque, jusqu’ici quasi exclusivement confiées à la non moins excellente Cappella Mediterranea dirigée par Leonardo Garcia Alarcon. Au classicisme rigoureux d’Alarcon succède l’imaginative Emmanuelle Haïm. On aura entendu aussi dans la saison Maxim Emelyanichev un autre chef passionnant pour le répertoire baroque. Il faut saluer cette ouverture, la programmation genevoise doit montrer au public ceux dont on parle et qui sont dignes d’intérêt dans tous les domaines. Jolie distribution.

 

Juin 2021
Giuseppe Verdi, La Traviata
(10 repr. au Bâtiment des forces motrices) MeS : Karin Henkel, Dir : Paolo Carignani, avec Ekaterina Bacanova/Francesco Dotto, Enea Scala/Julien Behr et Dalibor Jenis/Michael Nagy.
Orchestre de la Suisse Romande

Que faire quand vous devez abandonner votre salle livrée aux travaux et que vous avez une solution de repli dans une salle plus petite avec une scène assez réduite ? Impossible de proposer une grosse machine. Deux solutions, ou bien vous programmez une expérience de théâtre musical qui va attirer un certain public spécialisé ou bien vous voulez en cette dernière production de l’année que le public arrive en masse : vous programmez dix représentations de Traviata (presque quotidiennes avec deux distributions).
Car Traviata plus que Bohème ou Tosca (parlons des standards comparables) peut s’adapter à une scène plus intime. Et en plus l’œuvre a été jouée la dernière fois il y a sept ans, ce qui est raisonnable dans la très spectaculaire mise en scène de David McVicar. À noter que c’est la seule production qui ne soit pas en coproduction, mais gageons qu’elle ne coûtera pas trop cher.
Mais  production est loin d’être au rabais, comme on va le constater.
Musicalement, il y a incontestablement des garanties, Paolo Carignani dirigera cela les yeux fermés, et la distribution est composée pour le couple d'amoureux, de jeunes qui sont encore au début de carrière mais qu’on commence voir un peu partout, et pour Germont de deux barytons aguerris.
Pour Elaterina Bakanova, c’est son rôle fétiche qu’elle promène un peu partout et elle alterne avec Francesca Dotto, jeune italienne qu’on commence à voir un peu partout (elle fut Luisa Miller au Festival Verdi de Parme 2019), plutôt correcte. Du côté des ténors, Enea Scala est sans nul doute l’un des plus côtés (il fut Hoffmann à Bruxelles dans la récente production Warlikowski, il chanta Armide et Le Duc d’Albe avec l’Opera Ballet Vlaanderen et il était le pêcheur et Guillaume Tell en alternance à Genève il y a quelques années), et Julien Behr est un des français les plus demandés, mais pas dans ce répertoire où il n’est pas fréquent de l’entendre.
Du côté des barytons, Dalibor Jenis est un baryton Verdi consommé (un peu trop), et Michael Nagy l’un des meilleurs barytons allemands (et l’un des plus raffinés et intelligents) dans un répertoire qui n’est pas le sien non plus. Donc on pourra aller entendre les deux distributions, elles sont toutes deux dignes d’intérêt.
La mise en scène est confiée à Karin Henkel, à qui Aviel Cahn avait confié Le Joueur de Prokofiev à l’Opera Ballet Vlaanderen. C’est essentiellement une metteure(?) en scène de théâtre (elle vient d’avoir le prestigieux Berlin Theaterpreis) qui travaille dans toutes les grandes maisons allemandes. Elle a fait très peu de mises en scènes d’opéra (ce doit être sa troisième) dans une carrière déjà longue. Cela promet donc d’être là aussi intéressant.

 

Et voilà la saison de Genève, une saison faussement classique, mais dont chaque production est intéressante, pour un aspect ou un autre, avec des distributions toujours solides, des chefs souvent passionnants, et des metteurs en scènes plutôt nouveaux pour Genève. Peu importe que certaines productions aient déjà vues ailleurs quand elles sont signées Kornél Mundruczó,  Sidi Larbi Cherkaoui ou Barrie Kosky. Mais la curiosité sera grande de découvrir Karin Henkel, Michael Thalheimer, Daniel Kramer ou Milo Rau dont La Clémence de Titus devrait être l’un des grands événements européens en matière d’opéra.
Une saison qui allie prudence économique et inventivité (au moins pour Genève qui n’en avait pas vu autant depuis 10 ans), avec un vrai souci du public dans l’excellence de l’offre.

 

Récitals

 

La saison offre aussi des récitals et des concerts, et de la danse que nous évoquerons rapidement en conclusion.
Peu de récitals, mais là aussi très ciblés : en début de saison les monstres sacrés
- René Pape (piano Camillo Radicke) le 7 octobre dans un programme Moussorgsky (Chants et danses de la mort)
Matthias Goerne (piano Alexander Schmolcz) le 5 novembre, ce dernier familier du répertoire de Lieder (il chantera  notamment le Schwanengesang de Schubert).

En fin de saison de jeunes monstres naissants dans le genre récital que sont
Pretty Yende (piano Michele d’Elia) (le 7 mai 2021) dans un programme allant de Schumann à Testi
Ludovic Tézier, (au piano Bertrand Chamayou, ce qui donne encore plus de prix à la soirée) (le 6 juin 2021) dans un programme qui va de Schubert à Ibert,
Là aussi il faut saluer le souci d’insérer dans la programmation de vrais récitals de Lieder, qui permettent d’entendre des voix qu’on n’a pas toujours l’occasion d’entendre sur la scène genevoise, en bref, des « noms » dans un exercice qui peut être périlleux pour eux . Je pense à Pretty Yende notamment. Et puis il faut maintenir la tradition des récitals, que beaucoup de théâtres (Paris, la Scala) ont abandonnée. Le récital est un juge de paix pour les chanteurs.

 

Concerts

 

Du côté des concerts, un concert du Nouvel An et un oratorio. Peu de concerts au Grand Théâtre de Genève ce qui se comprend puisque l’orchestre de fosse est l’Orchestre de la Suisse Romande, qui a sa propre saison symphonique.


31 décembre 2020
Concert du Nouvel An
, avec le Kammerorchester Basel , direction Gianluca Capuano, mezzo-soprano Gaelle Arquez.
Programme : Mozart, Rossini, Vivaldi, Offenbach
On connaît le genre : du léger, du champagne et des acrobaties virevoltantes. Sauf que c’est Gaelle Arquez qui la soliste, une des mezzos en pointe en France (et pas seulement) actuellement, et au pupitre, Gianluca Capuano, l’un des meilleurs chefs aujourd’hui pour le baroque et le romantisme qui désormais travaille avec Cecilia Bartoli pour les productions de Salzbourg. Très bon niveau à attendre, et donc une soirée qui n’est pas à négliger, en prélude aux huitres et foie gras.

 

21 janvier 2021

Felix Mendelssohn, Paulus, Dir : Hervé Niquet avec Polina Pastirchak, Eve-Maud Hubeaux, Jeremy Ovenden, Samuel Hasselhorn
Orchestre de Chambre de Genève, Chœur du Grand Théâtre de Genève et Maîtrise du Conservatoire populaire
Un oratorio de Mendelssohn, moins connu que Elias, avec un quatuor vocal solide dans la Cathédrale Saint-Pierre. Cela ne devrait pas manquer d’allure.

 

Danse

 

Du côté de la danse, le ballet du Grand Théâtre, dirigé par Philippe Cohen affiche lui aussi un tropisme résolument contemporain, avec quelques-uns des chorégraphes les plus considérés aujourd’hui, Sidi Larbi Cherkaoui et Anne Teresa de Keersmaker, Jeroen Verbruggen, et une création de Fana Tshabalala, mais aussi des reprises d’Andonis Foniadakis (Le Sacre du printemps) deux programmes sur trois ont lieu au Bâtiment des forces motrices. Et dans le programme Danse, le Grand Théâtre affiche aussi Pelléas et Mélisande dans la mise en scène de Damien Jalet/Sidi Larbi Cherkaoui, Aviel Cahn soulignant la nécessité de tisser mieux le dialogue entre opéra et danse.

Trois programmes donc (quatre si on compte Pelléas)

Novembre 2020
Hors Cadre
Better Sun,
Création mondiale de Fana Tshabalala
Exhibition, Créé pour le Ballet Vlaanderen en 2016
Ballet du Grand Théâtre de Genève
Bâtiment des forces motrices
7 repr.

Mars 2021
Drumming
d’Anne Teresa de Keersmaker
Bâtiment des forces motrices
Rosas
Ensemble Ictus
4 repr.

Mai 2021
Sacre
2
Le sacre du Printemps,
Igor Stravinsky, création pour le Ballet du Grand Théâtre en 2013
Chorégraphie : Andonis Foniadakis
Orchestre de la Suisse Romande
Dir : Kevin John Edusei

Massâcre
Chorégraphie Jeroen Verbruggen
Créé par le Ballet de Monte Carlo en 2017

Ballet du Grand Théâtre de Genève
Au Grand Théâtre de Genève (5 repr.)

Sans conteste, la saison est solide, bien construite et économiquement et artistiquement. Elle montre à la fois des soucis d'équilibre, mais une vraie direction esthétique . C'est exactement ce dont le Grand Théâtre a besoin.

La saison présente a eu ses hauts et ses bas et elle s'est interrompue brutalement. Il est donc difficile de tirer les bilans. Mais il est certain que si la saison prochaine se déroule sans trop d'accidents (souhaitons le ardemment), il sera temps alors de regarder les deux saisons et de se faire une idée que ce qui attend le Grand-Théâtre pour les années à venir, d'autant qu'Aviel Cahn, vu ses choix, ne doit pas s'être fait que des amis…Et pour l'instant, ce qu'on annonce donne plutôt confiance.

 

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Guy Cherqui
Agrégé de Lettres, inspecteur pédagogique régional honoraire, Guy Cherqui « Le Wanderer » se promène depuis une cinquantaine d’années dans les théâtres et les festivals européens, Bayreuth depuis 1977, Salzbourg depuis 1979. Bouleversé par la production du Ring de Chéreau et Boulez à Bayreuth, vue sept fois, il défend depuis avec ardeur les mises en scènes dramaturgiques qui donnent au spectacle lyrique une plus-value. Fondateur avec David Verdier, Romain Jordan et Ronald Asmar du site Wanderersite.com, Il travaille aussi pour les revues Platea Magazine à Madrid, Opernwelt à Berlin. Il est l’auteur avec David Verdier de l’ouvrage Castorf-Ring-Bayreuth 2013–2017 paru aux éditions La Pommerie qui est la seule analyse parue à ce jour de cette production.
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