Amici e Rivali – Airs d'opéras de Gioachino Rossini (1792– 1868

1) Il barbiere di Siviglia : “All’ idea di quel metallo “Act I

2–5) Riccardo e Zoraide

‍2) “S’ella mi è ognor fedele” Act I
3) “Qual sara mai la gioia” Act I
4) “Donala a questo core” Act I
5) “Teco or sara” Act II

6–7) La donna del lago

6) “Nume ! Se a’mei sospiri” Act II
7) “Qual pena in me già desta” ActII

8) Elisabetta Regina d’Inghilterra : “Deh ! Scusa i trasporti” Act II

9–11) Otello

9) “Non m'inganno : al mio rivale “Act II
10) “Ah ! vieni, nel tuo sangue vendichero le offese “Act II
11) “Che fiero punto e questo” Act II

12–14) Le Siege de Corinthe

12) “Grand Dieu, faut-il qu'un peuple “ Act III
13) “Cher Cléomène“Act III
14) “Céleste providence" Act III

15) Armida : “In quale aspetto imbelle” Act III

Artistes :

Lawrence Brownlee, tenor (1, 2, 3, 4, 5, 6, 7,8, 10, 11, 13, 14, 15)
Michael Spyres, tenor (1, 4, 5, 7, 8, 9, 10,11, 13, 14, 15)

Tara Erraught, mezzo soprano (6, 7, 11, 14)
Xabier Anduaga, tenor (3, 9)

I Virtuosi Italiani / Corrado Rovaris, Chef d’orchestre

 

 

Parution le 13 novembre 2020 – Disponible en CD et Digital

Il y a des disques qui vous émeuvent, vous remuent ou vous indignent et d’autres qui vous réconfortent tout en vous transportant. C’est le cas du dernier album bientôt disponible aux éditions Erato, intitulé « Amici e rivali », glorieusement tenu par deux ténors du moment, Michael Spyres et Lawrence Brownlee. En reprenant quelques-unes des plus grandes pages napolitaines de Rossini, les deux interprètes restituent avec éclat la flamboyante période des opera « seria », rivalisant d’audace et d’imagination, tantôt rivaux, tantôt amis, mais toujours pour notre plus grand plaisir.

Quoi de plus enthousiasmant en ces temps de confinement que de retrouver l’ébouriffante écriture de Rossini, maître incontesté de la vocalise, surtout lorsque celle-ci est fièrement défendue par deux excellents ténors. Fougueux défenseurs de ce compositeur, Michael Spyres et Lawrence Brownlee ont accepté de dédier leur nouvel album aux pages les plus enluminées de la période napolitaine de l’auteur pesarais. Tout auréolé du succès de son Barbiere di Siviglia donné pour la première fois à Rome en 1816, Rossini arrive à Naples où il va séjourner et créer entre 1816 et 1822 neuf opéras décisifs qui révolutionnent l’écriture vocale lyrique par leur nouveauté, leur élaboration et leur extrême difficulté. A sa disposition, quelques-uns des gosiers le plus aguerris de l’époque : sa future épouse Isabella Colbran, soprano assoluto et deux ténors fameux, Andrea Nozzari qui sera à l’affiche comme la Colbran des neuf créations lyriques et Giovanni David partenaire de Nozzari à cinq reprises. Tenore di grazia avant de perdre ses aigus suite à une maladie, Nozzari continuera son parcours en tant que baryténor, tandis que David restera célèbre pour l’étendue de son registre, ses abondantes fioritures et ses prouesses vocales. Bien que Spyres n’ait pas perdu ses splendides interpolations vers l’aigu qui l’ont fait connaître, son instrument s’apparente vraisemblablement à celui de Nozzari. Le programme débute ainsi avec le duo du 1er acte du Barbiere où l’on retrouve Figaro et Almaviva, baryton et ténor, dans lequel Spyres transforme de manière étonnante son timbre et son émission pour coller à la tessiture de baryton du personnage et descendre ainsi avec une facilité déconcertante dans les graves « Il tutor si fidera ». Les deux protagonistes ici amis, excellent dans cette page comique et enlevée, dirigée comme l’ensemble de cet album avec justesse et alacrité par Corrado Rovaris à la tête d’I Virtuosi Italiani. Rivaux, les deux ténors le sont un peu plus tard lorsqu’ils incarnent Otello et Rodrigo : dans le rôle-titre Spyres étincelle, affrontant l’écriture rossinienne avec une puissance et une virtuosité sans limite, face au solide Iago de Xabier Anduaga, puis à Lawrence Brownlee qui lui tient vaillamment tête, rejoint pour l’éblouissant terzetto « Ah vieni nel tuo sangue » par la mezzo Tara Erraught, stimulée par ses partenaires endiablés.

En duo encore et une fois de plus rivaux, Spyres et Brownlee se jouent admirablement des vocalises, écarts et sauts d’octaves qui émaillent leur confrontation dans Ricciardo e Zoraide « Donala a questo core » suivi par « Teco or sara », faisant presque oublier la faiblesse de la partition. Même si avant eux Rockwell Blake et Chris Merritt avaient redonné vie de manière phénoménale à ces ouvrages oubliés, dans les années quatre-vingt, Spyres et Brownlee n’essaient pas de lutter contre les souvenirs, car ils ont écouté leurs prédécesseurs et retenus leurs leçons. Cela est flagrant dans le trio de La donna del lago « Qual pena in me gia desta » auquel il manque sans doute l’excitation de la scène pour vraiment faire se lever l’auditeur de son fauteuil… et plus encore dans la longue scène d’Armida où les trois ténors se disputent avec aplomb les plus extravagantes fioritures, la palme de la riche grammaire rossinienne revenant au Rinaldo de Spyres dont le style, la vélocité et l’interminable souffle suscitent l’admiration. Donné à Paris en 1826, Le siège de Corinthe – remaniement de Maometto II écrit six ans plus tôt pour Naples – est l’un des rares opéras de Rossini à avoir été confié aux ténors Louis et Adolphe Nourritt, père et fils à la ville. Lawrence Brownlee campe ici un fier et tempétueux Néoclès à la technique irréprochable, dans la scène « Grand Dieu, faut-il qu’un peuple qui t’adore », Spyres s’affichant brillamment dans la figure du père de Pamyra, Cléomène, qui répudie sa fille avant de se réconcilier avec elle dans le magnifique trio « Céleste providence », chanté dans un français superbe (par Tara Erraught également), moment de paix de courte durée, la mort venant mettre un terme à ces émouvantes retrouvailles.

Un disque à écouter sans limite, qui devrait être prescrit par tous les médecins pour adoucir cette seconde vague de réclusion obligée, avant de retrouver, si tout va bien, ces deux collègues en concert à Paris au Théâtre des Champs-Elysées, le 21 janvier 2021

 

 

 

 

 

 

 

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François Lesueur
Après avoir suivi des études de Cinéma et d'Audiovisuel, François Lesueur se dirige vers le milieu musical où il occupe plusieurs postes, dont celui de régisseur-plateau sur différentes productions d'opéra. Il choisit cependant la fonction publique et intègre la Direction des affaires culturelles, où il est successivement en charge des salles de concerts, des théâtres municipaux, des partenariats mis en place dans les musées de la Ville de Paris avant d’intégrer Paris Musées, où il est responsable des privatisations d’espaces.  Sa passion pour le journalisme et l'art lyrique le conduisent en parallèle à écrire très tôt pour de nombreuses revues musicales françaises et étrangères, qui l’amènent à collaborer notamment au mensuel culturel suisse Scènes magazine de 1993 à 2016 et à intégrer la rédaction d’Opéra Magazine en 2015. Il est également critique musical pour le site concertclassic.com depuis 2006. Il s’est associé au wanderesite.com dès son lancement

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