Giacomo Puccini (1858–1924)
La Fanciulla del West (1910)
Libretto de Guelfo Civinini et Carlo Zangarini d'après la pièce The Girl of the Golden West de David Belasco

Direction musicale : James Gaffigan
Mise en scène : Andreas Dresen
Collaboration à la mise en scène : Frauke Meyer
Décors : Mathias Fischer-Dieskau
Costumes : Sabine Greunig
Lumières : Michael Bauer
Chœur : Kamila Akhmedjanova
Dramaturgie Rainer Karlitschek, Lukas Leipfinger
Minnie : Malin Byström
Jack Rance : Lucio Gallo
Dick Johnson : Jonas Kaufmann
Nick : Kevin Conners
Ashby : Bálint Szabó
Sonora : Tim Kuypers
Trin : Roberto Covatta
Sid : Roman Chabaranok
Bello : Benjamin Taylor
Harry : Andrés Agudelo
Joe : Jonas Hacker
Happy : Martin Snell
Larkens : Blake Denson
Billy Jackrabbit : Daniel Noyola
Wowkle : Lindsay Ammann
Jake Wallace : Sean Michael Plumb
José Castro : Thomas Mole
Ein Postillon : Ulrich Reß

Bayerischer Staatsopernchor
Bayerisches Staatsorchester

Munich, Nationaltheater, vendredi 28 octobre 2022, 19h

La Fanciulla del West est une œuvre assez mal aimée parmi les opéras de Puccini, et les productions en sont assez rares. Le spectacle munichois est tout récent, nouvelle production de 2019, jamais représentée depuis à cause du Covid. Et pour cette première reprise, Jonas Kaufmann, après Peter Grimes quelques semaines auparavant, reprend le rôle de Dick Johnson, tandis que Minnie est Malin Byström.
Le spectacle a triomphé, par la présence du ténor enfant du pays qui n’était pas revenu la saison dernière et qui en quelque sorte ouvre cette saison de manière assez grandiose, mais c’est aussi la direction flamboyante de Daniele Rustioni, entre deux
Tannhäuser à Lyon, qui donne à cette reprise des allures de vraie Première qui devrait donner envie d’entendre plus souvent ce Puccini-là.

Malin Byström (Minnie), Jonas Kaufmann (Dick Johnson)

De la mise en scène on parlera peu, tout simplement parce que nous avons déjà relaté ce spectacle en mars 2019 avec d’autres interprètes et un autre chef (Voir ci-dessous « Et pour compléter la lecture ») et que nous y décrivions le travail d’Andreas Dresen. La mise en scène a quelques avantages, et pour le reste laisse totalement indifférent.

De fait, elle évite le ridicule du Western et de l’épopée du Grand Ouest américain et inscrit la trame dans un espace presque abstrait, nocturne, qui pourrait se passer partout là où des travailleurs sont isolés et gagnent péniblement leur croûte, formant une société mâle dont Minnie est le seul élément féminin et une sorte de « soleil maternel ».

Dramaturgiquement, c’est le deuxième acte avec la fameuse partie de cartes qui est le plus « théâtral » où les trois personnages principaux s’opposent dans une sorte de huis clos pas si mal construit.

Le premier acte est plus choral et réserve dans doute dans cette production les images les plus suggestives (notamment au lever de rideau), laissant la situation se présenter, et le troisième est le plus faible, même si c’est pour le ténor l’acte du « grand air » (Ch’ella mi creda…).  Du point de vue de la direction d’acteurs, les groupes sont assez bien composés, et pour le reste, les chanteurs font leur job. Le livret est suivi, sans appuyer sur ce qui pourrait nous paraître ridicule (et c’est facile dans cette œuvre), et l’impression générale est qu’elle est pure production de répertoire qui pourrait voir défiler pour des années toutes les distributions possibles, qui s’y retrouveraient sans particulières répétitions. C’est donc sur les chanteurs-acteurs qu’il faut s’appuyer.
Évidemment l’œuvre s’appuie d’abord sur la figure de Minnie, à l’exception de Wowkle, sa femme de ménage indienne très discrète (elle apparaît au deuxième acte – ici interprétée par Lindsay Ammann), qui aux yeux de Minnie était coupable d’avoir eu un enfant de Billy Jackrabbit, mais le mariage est prévu le lendemain. C’est que Minnie est profondément croyante et enseigne la Bible aux mineurs. Minnie est la seule femme de la distribution et l’œuvre est un peu un concerto pour soprano et voix d’hommes. Ce n’est pas un hasard si la production originelle (de 2019) s’appuyait sur Anja Kampe, à la personnalité dramatique exceptionnelle. Prise par ses Brünnhilde berlinoises, elle ne pouvait reprendre le rôle et on a été chercher une autre personnalité scénique forte, qui pût se glisser dans la figure voulue par la mise en scène, et c’est Malin Byström qui a été choisie.

On connaît l’engagement de Malin Byström dans d’autres rôles (Salomé par exemple), et on connaît par ailleurs la difficulté à identifier une vraie Minnie. Il y a une trentaine d’années, j’y vis Mara Zampieri, et aussi la Minnie par excellence qu’était Giovanna Casolla, un peu méprisée par les grands circuits internationaux, mais qui était une Minnie exceptionnelle. De nos jours le rôle a été marqué par Nina Stemme. Mais la rareté des représentations sur les scènes fait que les chanteuses à voix ne se précipitent pas sur un rôle tendu, exigeant des aigus puissants et une assise large, mais aussi des inflexions très lyriques.  La partie se situe approximativement entre Tosca et Turandot, excusez du peu. Les dernières représentations à la Scala, en 2016, pas très réussies, offraient Barbara Haveman, qui fut loin de marquer les esprits.
Minnie est la clef de voûte de l’œuvre, et le personnage (créé par Emmy Destinn en 1910) doit éviter les écueils de la cow-girl, comme on a pu le voir quelquefois, mais montrer autorité, fermeté, mais aussi bonhommie et tendresse. Personnage aux multiples facettes qui dans chaque acte laisse voir des aspects différents avec les spécificités vocales afférentes. C’est un personnage qui tranche avec d’autres héroïnes pucciniennes comme Mimi ou Liù, voire Tosca. Minnie n’est pas vouée au malheur ou au suicide, elle porte en elle une énergie vitale importante (stimulée par la foi ?), et en cela est en uelque sorte la représentante d’un pays neuf, qui se construit, qui a foi en l’avenir, pourvu qu’il soit porté par la loi morale et religieuse : tout le premier acte pose ces principes. Mais en même temps, Minnie revendique quand il apparaît possible le bonheur individuel, qu’elle choisit à la fin, en laissant derrière elle la collectivité orpheline des mineurs qui n’ont plus qu’à retrouver leur solitude mélancolique. Minnie est une figure de femme qui tranche avec les héroïnes habituelles de l’opéra, elle ne répond pas à « la défaite des femmes », et en cela est intéressante.
Malin Byström, nous l’avons dit, n’a pas de mal à se mettre dans les pas d’Anja Kampe, par l’aisance en scène, l’autorité et l’incarnation, et la voix est globalement au rendez-vous. Elle est bien posée, bien projetée, puissante, assez large. Il lui manque tout de même la rondeur, et une certaine chaleur, mais surtout des aigus qui tout en étant respectables, peinent s’épanouir notamment au premier acte. La voix se serre quelque peu au lieu de s’épanouir. Aujourd’hui vocalement une Netrebko pourrait sans doute répondre à toutes les exigences vocales, mais peut-être pas scéniques. Mais ne chipotons pas, dans le paysage vocal actuel, elles ne se comptent même pas sur les doigts d’une seule main, les Minnie possibles.  Alors Malin Byström répond fort honorablement aux exigences du rôle, et le public lui fait une ovation méritée.
Face à Minnie, deux hommes, Jack Rance, le shérif (baryton) qui est le méchant de l’histoire et Dick Jonhson le ténor (faux méchant, en réalité vrai gentil abîmé par la vie).

 

 Nick(Kevin Conners), Sonora (Tim Kuypers) et Ashby (Bálint Szabó) et a droite Claudio Sgura (Jack Rance) Malin Byström (Minnie)

Ce soir, Claudio Sgura, qui était prévu, a dû être remplacé dans le rôle de Jack Rance par Lucio Gallo, qui a remporté un triomphe. Le célèbre baryton qui a enregistré plusieurs fois le rôle de Rance, aujourd’hui solide sexagénaire, a fait une démonstration éclatante de ce que signifient style et présence scénique. Certes, il n’était pas difficile de se glisser dans la mise en scène assez-passepartout de Andreas Dresen, même quand on arrivait, ce qui était le cas, en début d’après-midi. Mais il a su camper immédiatement le personnage, avec une économie de gestes, se limitant à quelques regards et quelques mouvements très mesurés. Mais sa présence se marquait aussi et surtout par une diction du texte et un phrasé exemplaire, avec une science des accents, de la couleur, des nuances qui ont immédiatement frappé. Son timbre un peu opaque n’a jamais été vraiment séduisant, mais pour ce rôle il était idéal. Avec une expressivité exemplaire, et sans jamais forcer la voix ni en faire des tonnes comme c’est quelquefois le cas, Lucio Gallo a su dominer complètement la partie, avec de solides aigus, une clarté dans l’amission stupéfiante, qui en fait pour moi le meilleur Rance que j’aie pu voir sur une scène.

Jonas Kaufmann (Dick Johnson)

Enfin, en lointain successeur d’Enrico Caruso créateur du rôle de Dick Johnson, Jonas Kaufmann par sa seule présence faisait de cette première reprise (c’était la troisième et dernière représentation) une sorte de nouvelle première, tant la foule se pressait (il y avait plus de 100 personnes à la sortie des artistes).
Nous avons souvent écrit sur cet étrange phénomène vocal qu’est Jonas Kaufmann. Nous l’avons entendu dans ses débuts dans Ferrando à Milan au Piccolo Teatro où Giorgio Strehler proposait Cosi fan tutte. Nous l’entendîmes ensuite à Genève dans une mémorable Damnation de Faust signée Olivier Py om il fut souverain. La voix de Kaufmann est une voix totalement construite, et supportée par une intelligence peu commune dans l’exploitation de toutes ses possibilités expressives. C’est d’abord un artiste de la couleur, de l’expression du phrasé, de la diction (quelle que soit la langue, il est d’une clarté cristalline) parce que c’est une tête avant d’être une voix.

C’est aussi une présence toujours charismatique en scène, qui impose ce personnage toujours un peu mélancolique, poétique et quelquefois sombre ; on se souvient de ses Otello sur cette même scène. C’est pourquoi le phénomène Kaufmann va bien au-delà d’un phénomène vocal : l’est-il d’ailleurs ? C’est plus une figure fascinante, qui aimante notre regard par les attitudes, la présence, l’incroyable technique que la nature de la voix, qui n’a rien du volume et de la pureté exceptionnelle de celle d’un Pavarotti, du soleil et de la jeunesse d’un Carreras, du timbre et de la chaleur d’un Domingo, mais comme eux, il est de la race des exceptions ; il est singulier.
C’est pourquoi dès le premier acte, il impose son profil et sa présence, sans faire aucun effort pour s’imposer vocalement. Il connaît les difficultés du rôle, il sait qu’elles se concentrent pour le ténor aux deuxième et troisième actes, et donc il ne pousse pas sa voix. Mais c’est là peut-être qu’il est le plus « singulier ».  Car il dit le texte, il le phrase de manière peu commune, il l’exprime avec une couleur indéfinissable qui emporte le cœur. Sans forcer, sans fatiguer la voix ni trop se fatiguer, il ruse grâce à sa technique et sa projection, et il est malgré tout complètement présent.
La voix évidemment  se montre moins juvenile, mais grâce à sa technique, il emporte l’adhésion e et instille l’émotion, comme s’il mettait le public sous perfusion et le timbre sombre qui fait dire à certains qu’il est un baryton (!) fait dans ce rôle très particulier,  d’un personnage à la croisée des chemins et à la recherche d’une sorte de rachat convient parfaitement et bouleverse. Son deuxième acte est brûlant et désespéré, son troisième résigné et retenu. Qui aujourd’hui peut ainsi chanter un Ch'ella mì creda sans effet superflu, sans pathos, avec la simplicité et la pudeur du sentiment brut, avec une intensité qui fait chavirer les cœurs et encore et toujours étonner le public au sens fort du terme.

Un premier acte choral

Une des particularités de cet opéra, un peu à l’instar de Turandot est le contraste entre le nombre relativement faible de personnages principaux (un trio)  et l’abondance de personnages secondaires, voire très secondaires, qui présentent la double qualité paradoxale d’être assez indistincts et en même temps chacun bien caractérisés par la voix et le caractère. Des caractères singuliers, qui vont du bourru au tendre, du violent au timide qui émergent du collectif et du choral. Saluons à ce propos la performance du chœur, plut^$ot réussie, dirigé par KamilaAkhmedjanova, assez retenu, jamais tonitruant et qui installe très bien l’ambiance au premier acye dès les premières mesures.
La troupe est mise en relief dans tous ces personnages de second plan, les nouveaux ven us et ceux qu’on connaît depuis longtemps ou qui même l’ont quitté pour une retraite méritée comme Ulrich Reß (ein Postillon), parmi les anciens, citons Kevin Conners (Nick), Bálint Szabó (Ashby), Sean Michael Plumb (Jake Wallace), Martin Snell (Happy), comme toujours très solides, les membres entrés dans la troupe récemment, comme l’excellent  ténor Jonas Hacker, la mezzo Lindsay Ammann qui campe ici avec sa voix sombre Wowkle, la servante de la basse mexicaine, Daniel Loyola, notable dans Billy Jackrabbit. OPn trouve aussi quelques membres du Studio comme les basses Roman Charabanok  (Sid) ou Thomas Mole (José Castro). Enfin, une série de chanteurs invités dont beaucoup faisaient leur début à Munich : ce n’est pas le cas du baryton Tim Kuypers, excellent Sonora, qui fut membre du Studio et qui apparaît régulièrement depuis plusieurs années dans diverses distributions, bien connu à Munich. Mais c’est le cas des ténors Roberto Covatta (Trin) et Andrés Agudelo (Harry), ex membre du studio et voix à suivre, du baryton Benjamin Taylor (Bello) et de la basse Blake Denson (Larkens), qui complètent tout aussi solidement une distribution plutôt soignée assez nourrie par l’école américaine de chant.
Ce riche ensemble de voix est particulièrement équilibré dans l’écriture puisqu’on trouve à parts quasi égales ténors (5) barytons (5) et basses (4), qui conforte le sentiment d’une œuvre très chorale et particulièrement ciselée vocalement.

Malin Byström (Minnie), Jonas Kaufmann (Dick Johnson)

La Fanciulla del West n’est pas l’opéra le plus populaire ni le plus joué de Puccini aujourd’hui, il y a peu d’airs, et ils sont moins connus que ceux de La Bohème ou de Madama Butterfly et de Tosca. Et pourtant c’est une œuvre passionnante qui montre le regard très acéré de Puccini sur son temps, sa soif d’informations et de « couleur locale », mais la première peut-être dans sa production qui s’appuie ouvertement et clairement sur la musique de son temps. Je rappelle souvent ce qu’Ingo Metzmacher m’avait confié lors d’une interview il y a des années : « J’aimerais diriger Puccini comme du Schönberg » ; Puccini souffre de sa qualité de musicien du répertoire d’opéra italien. On le confond avec les véristes, on ne s’attache guère qu’à la mélodie puccinienne, sans toujours plonger dans les subtilités de l’orchestration, et ses œuvres sont souvent exécutées par des chefs routiniers qui ne rendent jamais compte de cette complexité ni de cette richesse, et surtout pas de sa modernité. On en fait quelquefois une musique mielleuse, pleurnicharde, du zim boum boum avec la larme au coin de l’œil. On abuse du rubato, on ignoire la mise en valeur des phrases musicales complexes et étonnantes (souvent les bois). Nref on l’aplatit. Et l’un de mes rare désaccord avec le grand Gerard Mortier était sa réserve, voire son hostilité envers Puccini .
Musicalement La Fanciulla del West est particulièrement novatrice, car Puccini, tout en restant un grand compositeur populaire qui parle directement au public, ne cesse dans sa partition de montrer quelles influences ont pu avoir la musique de Debussy et celle de Strauss, notamment Salomé. Puccini désormais regarde vers le futur, et vers les évolutions de la musique en ce début de XXe siècle. Il n’était pas à la Première du MET dirigée par Riscanini), et c’est Arnold Schönberg, qui lui était présent, qui la lui relata. Il suffit d’écouer les bois au premier acte avec leurs phrases à la limite de l’atonal, leurs ruptures de ton, et toutes les phrases du début du deuxième acte pour comprendre l’aphorisme de Metzmacher évoqué plus haut. Mais on entend aussi le « Puccini du futur », on etend çà et aussi des phrases qui annoncent Turandot. Cette richesse-là, cette complexité là exigent des chefs de haut niveau. Plus encore que d’autres, cet opéra ne supporte pas la médiocrité, car son livret relativement faible contribuerait alors au naufrage.

C’est pour moi, et de très loin, Lorin Maazel à la Scala (1991) qui m’a ouvert les yeux sur la partition, en en faisant ressortir la rigueur et la complexité. L’enregistrement existe (avec Domingo, Pons et Zampieri) chez Sony Classical, et écouter cet orchestre vaut le voyage.

La première série de représentations avait été dirigée par James Gaffigan qui tout en dirigeant très (trop ?) fort avait su faire ressortir des détails sans toutefois réussir à lier l’ensemble ni mettre toujours en avant les aspects novateurs. Avec Daniele Rustioni à la tpête d’un Bayerisches Staatsorchester très en forme et visiblement très engagé, nous sommes à un tout autre niveau dans l’exploration de la « vérité puccinienne ». Rustioni qui a l’orchestre parfaitement en main, réussit à rendre la double postulation dont nous parlions plus haut, un son puccinien traditionnel apte à séduire le public habitué à d’autres œuvres antérieures du compositeur (il use sans en abuser du rubato par exemple, vraiment absent chez Maazel), mais il propose une lecture d’une telle limpidité, d’une telle lisibilité, que chaque détail de l’orchestration apparaît, sans jamais que les équilibres se rompent au prodit des pages plus communes, ou plus « mélodiques » et traditionnelles. Il ne couvre jamais le plateau, et d’ailleurs les voix s’imposent suffisamment, l’accompagne pour laisser le texte s’épanouir (Gallo et Kaufmann sont exemplaires, moins Byström) dans une œuvre où la question de la conversation en musique (notamment au deuxième acte) est essentielle. Il réussit à exalter les bois, à faire ressortir des éléments de la partition un peu enfouis, mais en même temps montre dans les grandes phrases mélodiques au cordes une chair, une émotion et un allant exemplaires. A ce titre, le premier acte, qui alterne des moments plus intimes et d’autres plus chorals, un orchestre charnu et à d’autres moments un orchestre plus épuré, est vraiment un modèle de ce qu’on aime dans les lectures de Puccini.

Rustioni se révèle dans ce Puccini d’une maturité notable, sachant respecter tous les équilibres, sachant aussi révéler les replis de chaque élément, les trouvailles instrumentales, sachant mettre en avant la modernité. C’est un Puccini, riche, divers, très coloré, et donc à la fois lumineux et ombrageux. Petrenko dans cette salle, pour Tosca et pour Il Trittico nous avait montré la voie d’un Puccini autre et fulgurant ; dans un autre style, évidemment, Rustioni garantit une exécution exemplaire, loin, très loin du répertoire ennuyeux et plat, redonnant à cette partition la noblesse, le lustre et surtout l’intérêt qu’elle mérite. En ce sens aussi, cette première reprise de cette production nouvelle de 2019, apparaît comme une nouvelle « première » tant cette exécution, accueillie par un triomphe de public peu commun, est d’un niveau exceptionnel, malgré l’absence d’Anja Kampe, mais grâce à un orchestre exceptionnel et des solistes (Kaufmann et Gallo particulièrement) d’une bouleversante intensité. Nous réclamons encore des Puccini de cette trempe et de cette force.

Jonas Kaufmann (Dick Johnson)

 

Avatar photo
Guy Cherqui
Agrégé de Lettres, inspecteur pédagogique régional honoraire, Guy Cherqui « Le Wanderer » se promène depuis une cinquantaine d’années dans les théâtres et les festivals européens, Bayreuth depuis 1977, Salzbourg depuis 1979. Bouleversé par la production du Ring de Chéreau et Boulez à Bayreuth, vue sept fois, il défend depuis avec ardeur les mises en scènes dramaturgiques qui donnent au spectacle lyrique une plus-value. Fondateur avec David Verdier, Romain Jordan et Ronald Asmar du site Wanderersite.com, Il travaille aussi pour les revues Platea Magazine à Madrid, Opernwelt à Berlin. Il est l’auteur avec David Verdier de l’ouvrage Castorf-Ring-Bayreuth 2013–2017 paru aux éditions La Pommerie qui est la seule analyse parue à ce jour de cette production.
Article précédentMazeppa avant Hernani
Article suivantLe Spleen de l'Orient

Autres articles

LAISSER UN COMMENTAIRE

S'il vous plaît entrez votre commentaire !
S'il vous plaît entrez votre nom ici