Richard Wagner (1813–1883)
Götterdämmerung (1876)
Troisième jounée du Festival scénique Der Ring des Nibelungen (1876) en un prologue et trois journées.
Livret du compositeur
Création au Festival de Bayreuth le 17 août 1876

Direction musicale Christian Thielemann
Mise en scène et décors : Dmitry Tcherniakov
Costumes : Elena Zaytseva
Lumières Gleb Filshtinsky
Vidéo Alexey Poluboyarinov
Dramaturgie Tatiana Werestchagina, Christoph Lang

Siegfried Andreas Schager
Gunther Lauri Vasar
Alberich Johannes Martin Kränzle
Hagen Mika Kares
Brünnhilde Anja Kampe
Gutrune Mandy Fredrich
Waltraute Violeta Urmana
Drei Nornen Noa Beinart, Kristina Stanek, Anna Samuil
Woglinde Evelin Novak
Wellgunde Natalia Skrycka
Flosshilde Anna Lapkovskaja
Wotan (Rôle muet) Michael Volle
Erda ( Rôle muet )  Anna Kissjudit

STAATSOPERNCHOR
STAATSKAPELLE BERLIN

 

Berlin, Staatsoper unter den Linden, dimanche 6 novembre 2022, 16h

Dans l’économie du Ring, la dernière journée, Götterdämmerung, constitue une rupture.
Déjà, à la différence des autres titres du cycle wagnérien, le titre est tout un programme, sinon déjà un commentaire. Wagner aurait pu l’appeler
La mort de Siegfried, reprenant le titre original qu’il avait eu en tête, mais c’eût été un prolongement trop descriptif de l’épisode précédent, alors que le titre choisi élargit le propos d’une manière qui installe la trame dans les douleurs et les grandeurs de l’Histoire de l’humanité.
Justement parce que l’histoire de cette troisième journée est bien plus humaine et au fond plus médiocre (« ferblanterie », disait Boulez, une expression qu’il faut toujours avoir en tête). Comme dans les grands romans d’apprentissage, c’est la petitesse humaine qui contemple la mort des Dieux ou la provoque.
Comment Dmitry Tcherniakov, qui a installé son
Ring dans un espace très humain, dans un Centre de recherches sur les réactions humaines, va-t-il marquer la différence avec l’univers précédent ? Suite ? Rupture ? changement dans la continuité ? 

 

Nous rappelons que l'intégralité de ce Ring peut être vue jusqu'au 17 février 2023 sur lke site d'ARte-Concert :
https://www.arte.tv/fr/videos/111075–000‑A/richard-wagner-le-crepuscule-des-dieux/
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Dans les mises en scène qui ont précédé et qui ont marqué l’histoire des représentations du Ring, il me semble qu’il faut revenir à Andreas Kriegenburg à Munich parce que Götterdämmerung y marque une forte coupure esthétique et dramaturgique  par rapport aux épisodes précédents passant d’une imagerie poétique et évocatoire à une représentation réaliste du monde sous forme de Centre commercial, de machine à fric où trône le symbole monumental de l’Euro (€). Chéreau lui-même (« Papa Chéreau » comme disait affectueusement Harry Kupfer) avait déjà inscrit l’œuvre dans un décor moins abstrait et plus référencé (on se souvient de ces immeubles sombres de profil au bord du Rhin). Même Castorf avait beaucoup plus inscrit son Götterdämmerung dans une géographie politique, entre le mur de Berlin, le Reichstag et Wall Street.

 

Acte I

Dans la mise en scène de Dmitry Tcherniakov, il y a au départ un petit piège. Car le rideau se lève avant la première note, dans le silence qui précède le moment où le chef arrive, laissant apparaître ce que j’appelle « l’appartement témoin » qu’on retrouve, réaménagé, nu, dans le désert d’un espace vide. La première note fait office de réveil brutal pour Brünnhilde qui se lève et enfile sa robe de chambre.
Ce n’est qu’alors que les Nornes apparaissent le long du décor et Brünnhilde les regarde longuement, se plongeant dans cette humeur songeuse et mélancolique qu’on avait perçue dans le troisième acte de Siegfried, faite de tristesse infinie.
Rien de nouveau sous le soleil, se dit le spectateur… Et pourtant, l’appartement est une structure cette fois isolée, là où il était relié au Centre de recherches par une vitrine sans tain, qui permettait de voir sans être vu.

L’espace vide… c’est celui qui semble être l’espace de Brünnhilde, qui a désormais largué les amarres avec le monde des Dieux et avec le Centre de recherches.
Cet espace vide, elle l’avait déjà occupé à la fin de Walküre, où Wotan installé dans la salle de conférences du Centre de recherches, s’éloignait insensiblement, laissant la jeune femme dans sa solitude.
Le rocher entouré de flammes, c’est bien moins terrible que cet espace vide, car les flammes sont programmées pour s’éteindre et faire débuter une histoire nouvelle, pas ici hélas…

Et puis, le rocher enflammé est spectaculaire (le spectateur l’attend avec gourmandise, chez Chéreau, chez Peter Hall (la « pizza »,), chez Kupfer (le cube en laser) pour ne citer que trois productions successives et très différentes de Bayreuth, sans parler des autres (y compris Castorf et son immense tonneau enflammé ou son Mount Rushmore au pied duquel gît Brünnhilde)…

"Retour au désert". Brünnhilde (Anja Kampe)songeuse et déjà seule au monde

Ici, c’est « Retour au désert ». Après la nuit avec Siegfried, le réveil est dévasté, car la perte de virginité est perte du savoir et entrée dans l’humanité ordinaire, mais aussi entrée dans la fin, comme Brünnhilde elle-même semble le pressentir en voyant les Nornes.
Dans les dernières minutes de Siegfried, en s’étreignant dans la salle du Frêne, et en appelant en même temps à l’anéantissement des Dieux, Brünnhilde, prononçait son Adieu au Walhalla.
Elle est installée ailleurs, dans un espace sans références, elle suit son propre programme à la suite de son père Wotan dans les épisodes précédents. Elle a repris la main, mais sur quel destin ?
D’ailleurs les Nornes rôdent autour de cet espace-appartement sans y pénétrer et vont chanter la scène du prologue sur le proscenium et devant le fameux plan du Forschungszentrum, comme reprenant le fil de l’histoire, comme si la vision de l’appartement isolé sur le plateau était à la fois un ailleurs qui n’avait en principe plus rien à voir avec le Centre, mais qu’elles savaient que de toute manière, cet ailleurs était dans la galaxie concernée par l’histoire inexorable qu’elle filent.

Variation sur le décor
C’est l’occasion pour nous de souligner une idée-force de ce travail sur laquelle nous n’avons pas insisté précédemment qui est la fonction presque animiste du décor.
Dmitry Tcherniakov metteur en scène et décorateur conçoit toujours décor et mise en scène comme charnellement liés, bien plus que la relation intellectuelle et affective qui peut exister entre un metteur en scène et son décorateur.
Étant son propre décorateur, il travaille en même temps son récit et son espace en une sorte de grand poème choral et visuel.
Rheingold a présenté les espaces en différents niveaux de « dessous »(verticalité) et en largeur (ils glissent aussi latéralement), et Walküre en a repris l’idée en rajoutant l’espace de l’appartement déjà installé sur une tournette (le mouvement giratoire du décor, structurel dans le deuxième acte de Siegfried, est ici introduit). Dans Siegfried, s’est ajoutée l’idée d’un univers (avec des références connues) qui tournait sur lui-même, comme pour marquer une aporie, tandis que le troisième acte montrait un décor qui bougeait de nouveau latéralement, comme pour « avancer ». Chaque mouvement du décor prend sens.
À l’intérieur du Centre dont désormais nous connaissons les principaux lieux, les mêmes espaces se meuvent différemment selon les avancées ou les blocages de l’histoire, et ne se présentent jamais de la même manière. Il y a une manière très indirecte de suggérer les changements du monde, et surtout la manière dont les personnages l’occupent ou le perçoivent

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En ce lever de rideau de Götterdämmerung, un espace familier au spectateur n’est plus en lien avec le reste, l’idée initiale supposée est qu’il n’y a plus de Centre, puisque son plan n’accompagne pas l’installation du spectateur (l’écran est vide) et que le rideau se lève sur le silence de l’appartement isolé sur la scène.
Brünnhilde se lève pendant que dort Siegfried (la disposition est la même ou peu s’en faut de celle de l’acte I de Walküre). Elle est songeuse, méditative, et pas vraiment habitée par la nuit qu’elle vient de passer.  Voilà qui renforce cette terrible idée de solitude qui sera la donnée permanente de cette troisième journée jusqu’à sa dernière image.
Tout est déjà dit.

Par ailleurs, enfin, nous entendons les Nornes après les avoir vues depuis Rheingold, tricotant (une manière de filer…) auprès de l’ascenseur ou regardant du haut d’une galerie les Dieux fêter ridiculement l’entrée au Walhalla, nous les avons vues plusieurs fois farfouiller dans le bureau de Wotan qui justement ouvrait par sa baie sans tain sur l’appartement « témoin », elles étaient là encore à la fin de Siegfried sur la galerie supérieure, à peu près à la place qu’elles occupaient dans Rheingold, présence presque familière, débarrassée des oripeaux inquiétants qu’elles ont dans la plupart des productions, vêtues un peu ridiculement comme ces locataires de vieux immeubles qu’elles occupent de toute antiquité, un peu comme des personnages de Romain Gary, ou issues d’un monde à la Amélie Poulain,  soigneusement sélectionnées pour leur taille et leur volume différents, mais aussi  pour leur permanence, même costume, même allure, même étrange mystère.
Ici, elles ne sont plus spectatrices muettes, mais actrices… C’est un signe inquiétant car on ne s’empare jamais de la parole gratuitement.
Elles ont vieilli, beaucoup vieilli au point qu’elles se traînent, l’une d’elles a même un petit tabouret pliable qui sert aussi de canne, d’ailleurs chacune a une canne spécifique et différente des autres, et chacune un sac à main hors d’âge, mais les trois ont un cardigan en grosse laine… Filer la laine au quotidien, ça finit par produire, elles portent sur elles le destin qu’elles déroulent.
Et, seules devant le plan du Centre, comme le long des murs du Walhalla, elles reprennent l’histoire, et montrent leur nervosité, leur angoisse, elles en viennent même un peu aux mains (à coup de sacs, un peu comme Alberich et Mime dans Siegfried) : on pourrait analyser comment Tcherniakov montre dans ce Ring le vieillissement et la vieillesse comme un naufrage, (la vision d’Alberich à la fin de premier acte et au deuxième acte sera encore plus effrayante…) avec une foule de petits détails réalistes qui soulignent l’effilochage du monde « mythologique ». mais aussi celui de l’humain, comme une permanente Annonce de la mort.

Le rideau se lève de nouveau sur l’appartement devant lequel elles se présentent, en frappant, mais personne ne répond, elles y entrent et observent avec attention les lieux, fouillant partout en résumant l’histoire et par exemple évoquant Loge et retirant sa veste jaune de la penderie, signe de sa déchéance programmée par Wotan, et en même temps de sa présence permanente. Elles soulèvent la couette qui laisse apparaître un pied… Siegfried dort et Brünnhilde est absente.
Elles regardent avec attention les objets de la cuisine et de la salle de bain comme pour une étrange perquisition.
Elles s’installent enfin « comme chez elles » (elles sont partout chez elles en effet) autour de la table et comme Mime et le Wanderer, Erda et Wotan dans l’épisode précédent, elles s’adonnent à la « cérémonie du thé » , un motif récurrent qui est si quotidien, si ordinaire qu’on ne soupçonne pas que la rupture du fil (un fil qu’on ne voit pas, mais qui est dans les têtes ou sur les cardigans de laine, un fil mental qui évidemment est lui-même métaphore du destin qui avance et d’une histoire qui se poursuit) va se marquer par les tasses que chacune va renverser avec un bruit qui ramène sur la scène Brünnhilde.
Elle les regarde longuement s’éloigner puis disparaître, comme si elle avait deviné que tout était terminé…

Alors, telle une épouse attentive, avant le réveil de son mari, elle prépare ses habits du jour, comme pour effacer de vilains papillons noirs, ou au contraire en  prendre acte…
La troisième journée peut commencer.

Dmitry Tcherniakov fait ici bien plus que décrire une situation, face à l’idée de fin portée par les Nornes, il pose une Brünnhilde isolée et intuitive qui pressent tout le drame.
Une soliitude qu’il va s’ingénier à souligner dans le duo d’adieu entre les deux êtres, souvent ambigu dans les mises en scènes habituelles. La musique en effet garde un caractère excessivement joyeux et optimiste pour une situation qui l’est bien moins, puisque aussitôt avec Brünnhilde, Siegfried va/veut passer à autre chose. Après tout, le conte de fées pourrait s’arrêter là , par un « ils se marièrent et eurent beaucoup d’enfants » et d’ailleurs la mise en scène de Tcherniakov montre volontairement une scène d’un quotidien banal, le petit déjeuner et le départ de l’homme vers son travail, – certes un peu dépassée de nos jours – avec une Brünnhilde qui prépare la table, le petit déjeuner, les fleurs fraîches, le costume du jour de son homme : elle va le réveiller (on le voit d’ailleurs se réveiller progressivement et attraper la peluche de Grane comme un Doudou).
Alors que souvent la scène est réglée par un duo enthousiaste (Brünnhilde est heureuse que son héros aille vers d’autres exploits), Tcherniakov règle la scène avec une profusion de détails, de gestes et d’expressions qui tempèrent beaucoup cette joie du départ.

Joie du départ : Brünnhilde prépare son homme (Anja Kampe/andras Schager)

Tout en préparant tout, Brünnhilde ne peut furtivement retenir des larmes, et le duo est singulièrement réglé, la femme exprimant son amour, sa fidélité, son dévouement (outre le déjeuner, elle prépare aussi le sac de voyage en femme attentionnée), et de son côté Siegfried lui répond certes, mais presque distraitement, en prenant sa douche, s’essuyant, s’habillant (la scène de la douche a déplu aux esprits un peu moisis)  comme si très pressé et très désireux de partir (aurait-il un Grane à prendre ?) il répondait distraitement entre l’enfilage du pull et des chaussettes, la prise du déjeuner et les derniers préparatifs. Ainsi ce n’est pas un duo que règle Tcherniakov, c’est un monologue de Brünnhilde entrecoupé de quelques remarques de Siegfried.
Même la remise de l’anneau, si emblématique devient un geste banal par son attitude (il n’a jamais accordé trop d’importance à l’objet) et du même coup Brünnhilde confie Grane à Siegfried, comme si à une bague en toc répondait un cheval en peluche (elle souligne qu’il a perdu lui aussi ses pouvoirs). Les grands symboles du Ring réduits à des objets sans valeur intrinsèque, mais à la valeur qu’on leur accorde, et pour Siegfried, ce n’est visiblement pas grand-chose. Entre scène du quotidien (le départ du mari pour le travail) et séparation vécue de manière différente par les deux protagonistes,  Tcherniakov fait exactement pour ce duo d’adieu ce qu’il faisait de la scène du réveil dans l’épisode précédent : il montre que Siegfried n’est pas un héros romantique aimant, mais une sorte d’enfant indifférent une fois qu’il a obtenu ce (ou celle) qu’il voulait (Brünnhilde).
Vêtu d’un costume aux couleurs ukrainiennes (pantalon et blouson bleus et pull jaune) – nous essaierons d’en chercher le motif, mais cela ne peut être gratuit car il n’y a pas de private joke au théâtre- il s’en va, dans un mouvement du décor qui ressemble à l’abandon par Wotan de Brünnhilde à la fin de Walküre avec le même mouvement de décor vers le fond, laissant Siegfried seul dans l’espace, tandis que Brünnhilde s’éloigne dans le décor, en s’installant sur le canapé comme pour une longue attente, avec la tristesse qu’on a signalée. Siegfried au contraire semble jouir de sa situation et de sa liberté nouvelle, allumant une cigarette, se couchant souriant et rêvant sur son sac de voyage, cool quoi.

Le Voyage sur le Rhin plutôt cool de Siegfried, heureux (Andreas Schager)

Tcherniakov inverse la situation, et montre que le plan de Brünnhilde, détruire les dieux par la naissance d’un nouveau couple, est aussi autodestructeur parce qu’il n’y pas de couple,  et pas d’avenir non plus (les Nornes ont parlé) car les exploits futurs du héros vers lesquels il part n’existeront pas : Siegfried est un héros déjà au passé.
Une fois encore, on constate que la mise en scène se livre à une profonde étude psychologique des caractères et des personnages, d’une fidélité au texte qui stupéfie et qui constitue une lecture très effilée de ce que Wagner dit et du rapport pas toujours aussi mimétique de la musique et du texte.

Loin d’être superficiel et dérisoire, Tcherniakov, sans renier les lectures précédentes du Ring dont il prend çà et là des idées, propose en quelque sorte une lecture des lectures de l’œuvre, en s’appuyant sur les logiques des individus que le texte ne dément jamais, mais qu’on n’a jamais portées à ce degré de précision et de justesse, par la simple traduction scénique du texte, sans extrapoler…

Le « Voyage de Siegfried sur le Rhin » dans cette perspective n’est qu’un voyage musical laissant le rêve ou l’illusion opérer.
Et le lever de rideau sur le centre montre apparemment que le voyage a été immobile ou presque…

De Wotan & co à Gibichs & co
On retrouve le décor du Centre avec sa galerie supérieure et ses mêmes pièces en enfilade ; des chercheurs en blouse blanche, plutôt jeunes, la salle de réunion et puis le bureau qui fut de Wotan… Pour un peu on se croirait de retour dans le monde de Rheingold

Centre new look, gris, lumières crues, tout aurait-il changé ?

Mais très vite on s’aperçoit que les choses ont changé, les murs revêtus de pierre grise (marbre ? travertin ?) ont remplacé le bois, les meubles au design contemporain et froid  remplacent aussi les confortables sièges en cuir et les lourdes chaises en bois et surtout, dans la salle de réunion, plus de portraits des grands scientifiques sous le patronage desquels l’entreprise Wotan & Co
s’était placée.
On est passé à d’autres propriétaires (ou actionnaires) qui ne se placent sous aucun patronage et qui donc ne légitiment pas leur projet, des propriétaires qu’on découvre :  ce sont les Gibichungen, qu’on me permettra d’appeler en la circonstance Gibichs & co. Une jeune femme un verre à la main, un homme jeune étalé sur son bureau qui semblent tous deux accrochés à la parole du troisième personnage, chauve, une tache de vin sur l’œil droit, dont l’allure inquiétante rappelle cependant Wotan, car lui aussi à l’œil droit blessé et la tache de vin (qui fait , est-ce un hasard?- penser à celle de Gorbatchev) remplace ce qui était chez Wotan la mèche blanche distinctive. C’est Hagen le fils d’Alberich qu’Erda avait depuis longtemps évoqué, et qui semble avoir repris l’affaire  dont les Gibichungen sont les prête-noms.

Tcherniakov marque le changement de générations par un changement de propriétaires et de philosophie. Les dieux ont déjà disparu, ainsi que leur projet.
Disparu ?
Sans doute pas tout à fait, puisque nous savons que dans ce vaste centre peuvent errer les cobayes, les victimes, les vaincus (dans les épisodes précédents, Alberich et Fafner, mais aussi Siegmund et Sieglinde)… Au Forschungszentrum, rien ne se perd, rien ne se crée, mais tout se transforme.
La seule à être ailleurs (pour l’instant), c’est Brünnhilde.
Tout commence donc dans un théâtre de conversation à la Rheingold très proche de ce qu’on voit habituellement dans les autres mises en scène (toujours la « ferblanterie »), on est d’ailleurs de visu passé du bois cossu à une sorte d’esthétique en fer blanc. Ce qui pouvait y avoir de noble, de pensé, d’intellectualisme dans les épisodes précédents a été effacé. Nous sommes passés à un  monde sans projet (les Gibichungen n’en ont visiblement pas, qui semblent installés dans une sorte d’oisiveté) ou plutôt un monde géré par le Projet de Hagen là où régnait celui de Wotan. Ceux du dessous (dans Rheingold) sont arrivés à l’étage noble. Ils ont colonisé l’espace.

En un instant, tout est dit, la légèreté du frère et de la sœur, la violence rentrée d’un Hagen vaguement monstrueux. C’est le monde « post ».
Dans un ouvrage sur la mise en scène de ce Ring, il faudrait sans doute consacrer un long développement sur l’usage des couleurs dans les costumes d’Elena Zaytseva, ils sont très marqués dans Rheingold, dans les marrons et beige, Wotan arbore un superbe complet vert dans Walküre , Siegfried arbore dans Siegfried un survêtement bleu soutenu, comme le tailleur d’Erda. Ce bleu, nous le retrouvons dans le complet trois pièces assez criard de Gunther, tandis que Gutrune affiche un corsage vert et un pantalon noir, les couleurs de l’anarchisme (étrange), et qu’Hagen est en brun avec chemise au violet soutenu, des couleurs plus sombres, un costume moins bien coupé, qui évoquent une extraction un peu plus populaire que les deux autres…
Siegried, nous l’avons dit affiche un ensemble aux couleurs ukrainiennes, comme si il se présentait seul dans la gueule du loup,  apparemment sans protection, pris au piège ou dans les machoires de l’ennemi. Nous avons déjà évoqué dans l’épisode précédent les relents soviétiques de certaines scènes. Tout est alors extrapolable. Siegfried est dans Götterdâmmerung comme un animal pris au piège ; mais Tcherniakov complexifie un peu la dramaturgie.
Siegfried entre en scène presque subrepticement et toute la scène est construite sur le contraste entre un texte grandiloquent et épique (le cor, l’esquif, la gloire) avec la musique qui va avec et cette entrée presque anonyme d’un être qui n’a l’air de rien comprendre, et qui est l’objet des moqueries de Gunther et Gutrune dès sa première entrée. Il a l’air si peu bienvenu qu’il quitte la place, c’est Hagen qui va le rattraper et toute la scène est ensuite construite en contraste entre la figure soi-disant héroïque de Siegfried, qui entre timidement avec son petit sac de voyage , comme un enfant perdu et les trois autres.

Dans un premier temps, on s’installe de manière fort civile avec un petit geste contradictoire : tandis que Gutrune débarrasse Siegfried de son blouson, les deux autres enfilent leur veste. Il faudrait d’ailleurs étudier dans tout le Ring la manière dont les personnages tantôt tombent la veste et tantôt la remettent, cela devient un topos. Ici, si Gutrune met à l’aise son hôte, les deux autres d’une certaine manière l’accueillent « officiellement », en remettant leur veste. Ce sont de petits gestes qui dans chaque scène et chaque contexte mériteraient analyse.  Cela n’empêche pas les Gibichungen de pouffer, notamment quand Siegfried saisit Grane, provoquant le recul de Gutrune et l’amusement de Günther. Le dialogue avec Hagen est intéressant dans la mesure où Hagen fait allusion aux hauts faits de Siegfried et qu’en face on brandit un jouet en peluche (encore une marque de la destruction de l’héroïsme et de l’épique). Cela devient plus sensible lorsqu’Hagen fait allusion à sa conquête  du trésor des Nibelungen (enjeu essentiel pour le fils d’Alberich), et que Siegfried déclare lui-même qu’il n’y accorde aucune importance, ce qui dans cette production légitime que les grands symboles perdent toute valeur.
La scène est comme dans bien des mises en scène récentes, assez caricaturale (qu’on se rappelle Hagen, Gutrune et l’Isetta chez Castorf).
Siegfried ne boit pas le philtre, il regarde le verre, pense à Brünnhilde, et repose le verre, comme s’il se décidait à vivre son expérience, son aventure, directement, en mettant volontairement Brünnhilde entre parenthèses, un instant songeur, puis décidé à aller de l’avant.  Il s’agit pour lui de couper le lien, pour vivre autre chose, pour affirmer son identité de héros libre… Comme une crise d’adolescence. Ce n’est pas la seule mise en scène où le philtre n’est pas bu. Peu importe d’ailleurs, la question est d’abord celle d’une personnalité qu’on va manœuvrer peut-être, mais qui en quelque sorte, décide de se laisser faire.
D’où lz moment suivant (l’échange des sangs, marqué par les verres qu’on brise et qui servent pour se couper) traitée un peu comme chez Kriegenburg, avec un Gunther un peu chochotte que Gutrune va panser.

Une,chorégraphie des serments d'amitié Gunther (Laurin Vasar), Siegfried (Andreas Schager), Hagen (Mika Kares)

La relation Gunther/Siegfried se manifeste par des mouvements chorégraphiques, faux combat, danse un peu démonstrative et désordonnée, comme si tout cela était trop poli pour être honnête, comme si Siegfried lui-même jouait le rôle qu’on attend de lui et surjouait, ce n’est pas nouveau dans ce Ring. On penserait presque à une scène de deux cow-boys éméchés dans un saloon.

Siegfried s’amuse, ne prend pas tout cela au sérieux, ou prend ce qui est sérieux à la légère. Et Andreas Schager dans ce rôle de jeune ahuri est vraiment exceptionnel, face à un Gunther un peu déstabilisé, dans son costume trois pièces un peu rigide qui se laisse entraîner par la force des choses et par le désir de se faire offrir Brünnhilde. La scène par son excès (observée avec circonspection par Hagen) démonstratif confirme la vision qu’on veut véhiculer de Siegfried. Il faut noter aussi certains détails qui :montrent que rien n’est gratuit dans ce travail : au moment où Gunther demande à Hagen pourquoi il ne se joint pas à eux pour le serment du sang (mélanger leur sang à une coupe de vin), il souligne que son sang est impur, mais il ajoute que le vin ne ferait pas rougir ses joues, en montrant ostensiblement sa « tache de vin » qui couvre œil et partie du front.

Alberich (Johannes Martin Kränzle) et Hagen (Mika Kares)

Les deux personnages sortis, la scène se conclut par le fameux monologue de Hagen, qui sort du « bureau » sur l’espace vide, seul. Derrière la cloison, accroché au décor tel une gargouille, une ruine humaine, Alberich presque nu, en attente, qui tourne autour de son fils méditant sur la situation et ce qu’il est en train de tramer. Scène d’un rare puissance par cette présence fantomatique qui anticipe le début du deuxième acte et montre un Alberich qui ne lâche rien, comme il l’avait dit dans Siegfried. Et de monologue, la scène devient dialogue, où Hagen rend compte à son père de ce qui s’est passé, avec une lichette de nervosité (il tombe la veste … avale de l’alcool ou un viatique), et semble encore soumis, lui le géant à ce père au corps malingre qui disparaît dès qu’il a le renseignement qu’il souhaitait.
Dans toute cette scène, Tcherniakov pose l’opposition entre Siegfried qui entraîne les Gibichungen (au moins Gunther, car Gutrune est plus distanciée)  dans une sorte de jeu d’ado insouciant qui voulant vivre librement toutes ses  aventures, à n’importe quel prix, sans idée autre qu’une satisfaction immédiate hic et nunc et un Hagen qui au contraire a le sens du temps et tire les fils que les Nornes ont rompus, sous l’œil permanent de celui qui vieillit sans jamais mourir, Alberich.

Duo sur canapé
La scène suivante, entre Waltraute et Brünnhilde,  est toujours l’un des sommets de l’œuvre, confrontation entre Waltraute,  sorte d’avatar de la Brünnhilde d’avant et Brünnhilde qui est passée à autre chose.
C’est un des sommets aussi de la mise en scène de Götterdämmerung ici, particulièrement impressionnante dans la manière dont les ressorts
psychologiques sont mis à nus.
Pendant la musique de transition, le rideau s’ouvre sur l’appartement et une Brünnhilde qui ne réussit pas à dormir,  toujours songeuse, toujours triste. Elle est assise sur le lit, puis se lève, va en cuisine, s’assoit à la table en buvant un verre d’eau, le visage fermé. Dans un coin de la cuisine, le bouquet qui trônait tantôt au petit déjeuner dont les fleurs sont désormais fanées. Le temps passe, et pour Brünnhilde il semble arrêté au départ de Siegfried. Elle ne peut pas dormir dans le lit où ils étaient deux, et prend couette et oreiller pour tenter de dormir sur le canapé.
Toute la scène est (et sera) vue, non de face, mais de dos, derrière le canapé, dans l’angle même qu’avait Wotan quand il regardait ce qui se passait dans l’appartement, un canapé où va se concentrer bonne part de la scène.
L’entrée de Waltraute, long manteau bleu, comme engoncée, coiffure raide, allure presque militaire et en tous cas sans empathie, contraste avec la joie de Brünnhilde, qui va initier un dialogue qui une fois encore, est un dialogue de sourds, où chacune va s’appliquer à ne pas trop écouter d’autre, et toute la mise en scène consiste à gérer des mouvements des personnages sur le canapé, de dos, de trois quarts, qui font tout deviner au spectateur devenu voyeur à la place de Wotan.
Brünnhilde commence en décrivant à Waltraute son bonheur d’avoir découvert l’extase amoureuse et le héros, elle résume rapidement les épisodes précédents avec une exaltation qui tranche avec la scène immédiatement précédente où elle se morfondait dans une tristesse infinie, comme si elle se construisait elle-même un bonheur qu’il fallait afficher face à sa sœur.

Duo sur canapé : Brünnhilde (Anja Kampe) et Waltraute (Violeta Urmana)

Le récit du bonheur n’a pas vraiment l’air d’intéresser Wlatraute qui silencieusement se détourne, regarde ailleurs, visiblement lasse de subir un discours qu’elle ne peut de toute manière comprendre.
Toute la scène n’est qu’incompréhension.
Quand Waltraute entame son monologue, dit d’une manière plus nerveuse que d’habitude, on devine aux mouvements de Brünnhilde qu’elle n’est pas plus intéressée au destin des dieux que Waltraute ne l’était à son histoire.
Deux langages qui ne peuvent plus se répondre, l’une parle de celui du Walhalla, que Brünnhilde a quitté et dont elle veut la destruction, et l’autre celui de l’amour humain, que Waltraute ne peut comprendre.

La vision de Brünnhilde avec ses mouvements de tête, son corps qu’on devine un peu impatient que les choses se terminent, est saisissante vue derrière le canapé car on ne voit que partiellement les gestes, et le spectateur déduit les réactions, sans besoin de plus de signes ou d’indices. Puis la scène se resserre et entre quelques éléments de violence, juste un ou deux gestes- on a vu bien plus violent entre les deux personnages dans d’autres mises en scène – mais la colère froide de Brünnhilde qui met sa sœur dehors a une puissance inédite d’autant que la description de Waltraiute correspond exactement au souhait exprimé par Brünnhilde dans les derniers moments de Siegfried et que le spectateur a compris l’évolution du Centre, dans la scène précédente : il découvrira au troisième acte ce que les Gibichs & co ont fait de la salle du Frêne, dont on vient d’apprendre qu’il a été mis en pièces par Wotan.
Brünnhilde a évoqué d’une manière brûlante son amour pour Siegfried et le symbole représenté par l’Anneau

, symbole que Waltraute ne peut même imaginer, et auquel Siegfried dans cette mise en scène n’accorde pas grande importance non plus. Seule Brünnhilde croit aux symboles. Elle porte, seule, des valeurs.
Abandonnée sur son rocher, c’est la seule chose à laquelle elle peut se rattacher, tout en ayant compris en son for intérieur que tout est perdu.
Dans une sorte d’ironie tragique, elle va le constater dans sa chair, dans la scène suivante.
Techerniakov a très attentivement travaillé sur les déchirements intérieurs de Brünnhilde, incapable de pouvoir communiquer avec ceux dont elle est ou a été proche, Waltraute ou Siegfried. Depuis le début de cet acte c’est décidement la dévastation de la solitude qui la définit.

Viol sur canapé
La scène suivante est traitée en tenant compte de toutes les ambiguïtés dramaturgiques qu’elle renferme et que nous avons souvent évoquées dans d’autres articles.
Il y a des mises en scène qui jouent le jeu du travestissement, et donc de ce Gunther-Siegfried qui arrache l’anneau symbole d’épousailles et qui violente Brünnhilde « légitimement ». D’autres y ont renoncé, ou font en sorte que Siegfried soit reconnaissable de Brünnhilde. Tout est organisé pour que Brünnhilde reconnaisse le héros sous son déguisement :  ta musique elle-même reprend le thème de l’arrivée de Siegfried et des flammes qu’il est seul à pouvoir traverser.

En refusant le travestissement, Tcherniakov refuse l’artifice de théâtre, la ferblanterie, et affiche la situation telle qu’elle est dans sa crudité. Il montre aussi Brünnhilde qui voit au travers de ce Gunther le Siegfried qui a seulement un peu maquillé sa voix, une voix d’une glaciale distance. Ainsi, Tcherniakov accentue la solitude de Brünnhilde et l’éloignement total de Siegfried qui n’a pas bu le philtre.

Chez Kupfer, la scène très violente aboutissait à un viol, la violence était aussi chez Castorf, mais encore plus chez Schwarz qui reprenait la fiction du faux Gunther.
Faux Gunther, mais toujours vrai Siegfried, et donc Tcherniakov abat les cartes.
C’est bien là la différence avec les mises en scènes passées. Il arrive, et la scène est une sorte de confrontation où toute la violence (ou presque) est rentrée (sauf au court moment où il lui arrache l’anneau). Ce Siegfried est visiblement chez lui, en terrain conquis, il va prendre au frigo une bière et de la pâte à tartiner dont il se fait une tartine. Retour de l’homme, repos du guerrier.
Le personnage de Siegfried change complètement de ce qu’on a vu, ado léger et volontiers danseur qu’on va revoir au début du deuxième acte. Il est dépourvu de tout sentiment, de toute empathie, et il se comporte ainsi seulement face à Brünnhilde, qui, prise au piège, crie sa haine de Wotan dont elle se pense victime. Mais n’est-ce pas un piège qu’elle s’est construite elle-même ? Un piège nécessaire ?
La scène continue de lever les ambiguïtés dramaturgiques qui marquent la scène. Si le texte dit clairement que Brünnhilde passe la nuit avec ce vrai-faux Siegfried en tout bien tout honneur avec Notung entre les deux pour être livrée « pure » ( ??) à Gunther, cela reste brumeux, si brumeux que Gutrune au deuxième acte posera immédiatement la question à Siegfried dès son retour : Wagner lui-même faisait semblant d’y croire…
Chez Tcherniakov, après le repas du guerrier (la tartine), le repos du guerrier et

Viol sur canapé : Siegfried (Andreas Schager), et Brünnhilde (Anja Kampe)

Siegfried, affalé sur le fameux canapé (il en voit beaucoup, ce canapé fatal) attend Brünnhilde qui se prépare à s’offrir sans consentir, soumise, vaincue, ravagée, sans défense.
En levant toutes les ambiguités de la scène, Tcherniakov en renfoirce les aspects dramatiques car en quelque sorte, il montre la scène du point de vue de Brünnhilde qdeui voit Siegfried deriière le personnage qui surgit, qui voit en même temps la ruine de ce mon qu’elle avait tenté d’arracher à Wotan, un monde humain dont elle, la transfuge, est seule à porter les valeurs.
Puisque Siegfried les a toutes abdiquées, il doit mourir, le premier de tous, et ce sera le projet du deuxième acte.


Acte II

Deux parties dans ce deuxième acte, peut-être le plus homogène de tous, dans la mesure où (essentiellement dans sa deuxième partie) c’est l’acte peut-être le moins original et le moins inventif de toute la mise en scène de ce Ring.
Les deux premières scènes en effet sont au contraire très dirigées, dans la grande salle du Centre, celle des Walkyries, celle où se réunissaient les Dieux de Rheingold, à peine modifiée. Les chaises en contreplaqué de Walküre ont laissé place à des chaises en plastique orange, comme dans des salles des fêtes de village, ce qui confirme que « ce n’est plus vraiment la classe ».

Un Alberich proche de Mime
La première scène devient dans cette mise en scène la suite des derniers mots de Hagen dans l’acte précédent.
Hagen méditatif et dans l’attente de la réussite du plan ourdi est dans cette salle, seul, quand apparaît émergeant du dernier rang, Alberich, toujours presque nu, comme au premier acte, mais tricotant telle une vieille Norne !  Chacun tricote son destin…
La scène est traitée d’une manière moins inquiétante et mystérieuse que dans d’autres mises en scène et moins linéaire et sans intérêt que chez Schwarz.
Il y a comme une prise de distance par rapport à la situation, qui va présenter un Alberich au sens propre Mimé-tique, c’est-à-dire qui ressemble étrangement au Mime qu’on a vu dans Siegfried. D’abord on s’aperçoit que le texte lui-même renferme quelques relents, le fameux Hagen mein Sohn rappelant le Siegfried mein Sohn de Mime. Ensuite, la situation est-elle si différente ?

Alberich (Johannes Martin Kränzle)

Alberich poursuivant sa vieille lune de conquête de la puissance et de l’or est face à un fils Hagen, qui ne l’a jamais aimé et qu’il n'a pas vraiment aimé (évidemment, l’absence d’amour est atavique dans la famille) et Hagen a bien du ressentiment envers son père, suffisamment sans doute pour méditer de s’emparer de l’Or pour lui-même, d’où la subite attention d’Alberich, un peu ridicule (il se love sur lui, il le cajole) voire franchement drôle : on s’aperçoit qu’en fait il lui tricote des chaussettes qu’il lui enfile (Hagen s’étant au début de la scène déchaussé pour se reposer un peu), cet Alberich qui ne sait plus trop quoi faire pour montrer qu’il est paternel rappelle encore Mime dans ses effoirts désespérés pour se faire « aimer » de Siegfried.
Il disparaît ensuite dans les travées du fond, là où il était apparu, bientôt rejoint par Hagen méditatif, qui va grimper sur une chaise pour regarder au-dehors, dans une sorte de position de guet anxieux, mais il n’a plus les chaussettes de papa, qu’on a dû secrètement lui ôter, petit clin d’œil théâtral de Tcherniakov qui s’amuse un peu (on se prend à imaginer Alberich affalé au fond entre deux rangs qui les lui enlève…).

Une scène presque clownesque
L’arrivée surprise de Siegfried est traitée en scène de comédie. Le Siegfried insouciant et joyeux réapparaît, il entre à pas de loup dans la salle, s’installe à l’insu de Hagen qui médite et se met à darder violemment son « Hoiho ! Hagen !… », lequel sursaute, tombe quasiment de sa chaise et va vite s’asseoir et se rechausser.
Une scène presque clownesque…
Puis entre Gutrune, qui questionne Siegfried, mi sérieuse, mi amusée sur ce qu’il a fait à Brünnhilde, comment il l’a ramenée à son frère, avec une curiosité qui est aussi celle du spectateur, et qui souligne que Wagner lui-même en écrivant savait qu’il restait ambigu. Siegfried répond évasivement, comme la plupart du temps dans cet acte, mais surtout entraîne Gutrune dans des pas de danse (rock, tango etc…) comme dans une comédie musicale légère qui tranche avec la musique qu’on entend et l’attitude très sombre de Hagen.
Siegfried est en perpétuel décalage, sans autre désir que son désir immédiat, sans arrière-pensée parce que peut-être sans pensée.
Tout le reste de l’acte, comme dans beaucoup de productions précédentes, laisse les personnages agir. Il n’y a pas d’éléments fondamentalement neufs par rapport au traitement par Chéreau, par Kriegenburg, par Schwarz. Seul Castorf en a fait une des scènes les plus virtuoses de son Götterdämmerung.

Siegfried doit mourir
Rien de virtuose ici, Tcherniakov laisse la scène se dérouler et les textes courir, sans marque de lecture ni de distance particulière. Comme si la scène parlait d’elle-même, au premier degré. Dans un travail aussi détaillé et aussi sculpté dans ses moindres détails, ce ne peut être  un hasard ni une chute d’inspiration, mais un choix.

Hagen rassemble tous ses hommes, qui sont ici tous les travailleurs du centre, dans la salle de conférences, et apparaît donc comme le bras armé, le protecteur de Gunther, qui entre d’abord seul pour recueillir les vivats de la foule, – il est le politique, et Hagen le sherpa- puis va chercher Brünnhilde, qui entre.
La mariée est en noir.

 

Brünnhilde (Anja Kampe)

On se souvient de l’entrée de Gwyneth Jones au bras de Gunther chez Chéreau, pliée en deux et revêtue de sa longue robe blanche qui a fait image pendant tant d’années, elle n’est pas la seule Brünnhilde en blanc, c’est aussi le cas chez Flimm par exemple ou chez d’autres. Ici en noir, elle porte déjà un deuil.
En faisant de la scène ultime de l’acte I le moment où Brünnhilde sait qu’elle est trahie, et surtout par qui, Tcherniakov facilite d’une certaine manière cette scène où Siegfried est confronté à ses contradictions, mais aussi Gunther. Brünnhilde est une marchandise que l’un est allé chercher pour l’autre. Loin des serments, loin de leur histoire, loin de l’union de Brünnhilde avec Siegfried.
Tout le début du Götterdämmerung nous a montré un Siegfried sans conscience, sans attention, et nous avons souligné la solitude de Brünnhilde, jamais en dialogue.
Tcherniakov veut faire de Brünnhilde le fil rouge de cette histoire aux fils complexes et ambigus, et ici, il joue « La Vengeance d’une femme », et d’ailleurs Brünnhilde au début de la scène à côté de Gunther et face au couple Siegfried habillé en complet trois pièces qui ressemble à Gunther, mais en version bordeaux, déjà une manière de le rendre moins héroïque, une version Gibichung et non Wälsung, tandis que Gutrune reste dans les tons vert pâle de son corsage du premier acte.

Géographie familaile : Gunther(Lauri Vasar), Siegfried (Andreas Schager), Gutrune (Mandy Fredrich) Hagen (Mika Kares) assis et debout Brünnhilde (Anja Kampe)

Tcherniakov joue de la géographie des places, avec cette vision  des trois côte à côte Gunther, Gutrune et Hagen, et en face Brünnhilde seule, pendant que debout Siegfried cherche à débrouiller l’écheveau des serments trahis, des mensonges à Brünnhilde (mais aussi à Gunther) et du regard distancié de Gutrune. Cette géographie aura ses variations, Siegfried cherchera à s’insérer chez les Gibichungen, mais un peu maladroitement.
Les gestes entre Siegfried et Gunther (du genre « c’est toi qui m’a dit de… » – « Non c’est toi ! »)  sont pitoyables et la scène n’a pas besoin de plus de détails car le texte conduit parfaitement les mouvements. Tcherniakov laisse faire le texte, qui révèle aussi a posteriori que Siegfried a été reconnu (son regard étincelant sous son déguisement) et ainsi Tcherniakov fait de la scène – c’est là son originalité- non un moment de surprise puis de colère de Brünnhilde, mais bien plutôt une mise en scène calculée de la femme trahie, qui coince le traître dans ses retranchements. Qaunt au moment du serment, il est filmé par la foule qui l'mmortalise avec ses téléphones mobiles : il est difficile de penser que le metteur en scène ne se soit pas souvenu de Andreas Kriegenburg qui usait de la même idée…

Toute la première partie, où Brünnhilde « découvre » l’anneau devient alors un piège qu’elle tend consciemment et qui ne cesse de se resserrer autour d’un Siegfried complètement démonétisé.
Toute la dernière partie de la scène  ne nécessite pas d’être différente de ce qu’elle est ailleurs : Brünnhilde trahie par tous (y compris par le mari lâche qui a utilisé Siegfried) va jusqu’au bout.

La mort de Siegfried est scellée : Gunther (Lauri Vasar), Brünnhilde (Anja Kampe) Hagen(Mika Kares)

On comprend pleinement les paroles de Boulez et ce qui différencie Götterdämmerung des autres journées avec ses trahisons presque vaudevillesques : l’œuvre n’est vraiment portée que par un seul personnage, Brünnhilde.
Tous les autres, Hagen et Siegfried compris – c’est encore plus net dans cette mise en scène- n’étant que des comparses.

 

Gunther( Lauri Vasar), Gutrune (Mandy Fredrich) Siegfried (Andreas Schager), Hagen (Mika Kare

La dernière image est encore plus terrible parce que Siegfried réapparaît requinqué dans ses pas de danse répétitifs (Tcherniakov en fait volontairement une figure, comme un leitmotiv à la limite lassant) et dans sa vacuité face aux trois autres qui ont signé sa mort.

 

 

Acte III

 C’est évidemment le plus attendu, et peut-être le plus simple.

Les filles du Rhin enquêtent
Dans la première scène, le rideau se lève sur un Siegfried songeur, dans une attitude qu’on ne lui connaissait pas, (signe d’évolution ?) puis il erre en peignoir de bain dans le centre désert comme pour chercher quelque chose, et enfin  on retourne au Stress Labor qui était le domaine des Filles du Rhin, mais un Stress Labor sans aucun appareillage sinon un brancard. Les filles du Rhin attendent Siegfried dans ce lieu qui fut dévasté et qui est désormais vide. Elles étaient chercheuses, et Siegfried habillé en sportif, avec un maillot « floqué » à son nom, qui a besoin qu’on le détende (après le deuxième acte, on peut comprendre) et qu’on le déstresse. Il attend un massage, il va avoir une sorte d’interrogatoire. Une fois encore pas de dialogue possible.
Les filles du Rhin entrent donc et mettent leurs blouse, et bonne partie de la scène va se passer comme une sorte de consultation qui ne veut pas trop dire son nom.  Siegfried en survêtement dans la journée précédente est désormais habillé en sportif… Les Gibichungen auraient donc introduit le sport dans le Forschungsznetrum new look, et la scène ne manque pas de d’étonner. Siegfried sur la table de massage ou de soins en consultation avant une épreuve (la chasse ?) et conversant avec les filles du Rhin qui en réalité l’interrogent. Rien d’érotique, rien de ludique dans cette scène si souvent constuite sur les jeux de séduction. Les filles du Rhin frappent au contraire par leur sérieux et leur fixité, on a presque l’impression qu’elles sont envoyées par le Centre (Hagen ?) pour tenter de soustraire l’anneau, qui jusque-là n’avait aucune importance et qui tout au long de l’acte (et pour cause) va en regagner.
Comme dans d’autres mises en scène, à commencer par Chéreau, mais dans bien d’autres, les Filles du Rhin retrouvent Siegfried là où elles ont perdu l’Or, dans une scène qui rappelle Rheingold et qui a valeur monitoire, pour un Siegfried qui connaît la valeur de l’Anneau et la malédiction qui va avec, mais qui continue à s’en moquer ou lui donner une autre valeur. Dans Götterdämmerung, Siegfried, l’homme de l’immédiat qui semble s’être construit un savoir sans en connaître les valeurs . Quand les filles du Rhin s’en vont, il semble d’abord insouciant puis retombe dans sa méditation, deuxième moment où quelque chose semble avoir évolué dans l’attitude du personnage.

 

scène de chasse au baket

Scène de chasse au Basket
La scène de chasse, (dans combien de productions voit-on un animal mort pendu à une branche et porté par les chasseurs ?!) se déroule dans la salle du Frêne qui n’est plus cette grande salle emblématique du Centre qui clôt Rheingold et Siegfried . Si l’on en croit Waltraute, Wotan a fait déraciner et tailler en pièces l’arbre qui trônait et qui était le symbole du Centre. À moins que dans une version plus tchernakovienne ce ne soient les Gibichungen qui l’aient abattu, à l’instar des portraits de penseurs. Tout est possible, mais le résultat est le même, l’arbre n’est plus là et la salle est devenue un terrain d’entraînement de basket-ball. Dans le management humain en vogue dans le centre new look, le sport contribue sans doute à fédérer les chercheurs et tous les travailleurs, pour donner l’esprit-boite. Ce n’est pas une fantaisie de metteur en scène, c’est une marque d’évolution vers la désacralisation, vers le gauchissement, qui correspond à l’impression nette qu’il n’y a plus de vrai projet, sinon celui de Hagen, qui n’est pas exactement un projet scientifique.
La scène est construite de manière assez conforme à la tradition, avec la manière qu’a Hagen d’exciter un peu Siegfried, mais de son côté, ce dernier retrouve sa légèreté, et ne cesse de boire, utilisant les bouteilles d’eau de ses co-équipiers qui se reposent, et se moquant aqssez gentiment de Gunther plutôt tendu.
Au moment où dans son récit, il aborde Mime et le breuvage empoisonné, comme par hasard (et ça, c’est évidemment Wagner), Hagen (neveu de Mime) va lui tendre le breuvage enchanté qui doit lui faire retrouver la mémoire (Les Nibelungen n’ont pas trop d’imagination au total…), mais alors qu’il ne cessait de boire les bouteilles de ses amis, cette fois-ci, après un autre court moment de méditation et de silence, dans la même attitude un peu prostrée, Siegfried se met à évoquer le rocher et Brünnhilde. Gunther comprend immédiatement tout et serre Siegfried dans ses bras, soit par affection (il aurait oublié qu’il a fait aussi le serment de le tuer ?), ou pour mieux le tenir fixe car c’est dans ses bras qu’Hagen va l’atteindre non de sa lance, mais d’une hampe de drapeau qu’il saisit comme au hasard. Dès que Siegfried s’écroule, Gunther ne cessera d’être au plus près de lui (par affection ? ou pour mieux saisir l’anneau le moment venu ?), il cherchera même à porter le corps avec d’autres, mais on l’écartera.

Et Siegfried agonisant rejoint le Stress Labor, pour se remémorer le réveil de Brünnhilde (c’était le Schlaf Labor, mais on peut comprendre que la situation soit devenue stressante), on voit d’ailleurs les flammes encore dessinées par Brünnhilde au feutre sur les vitres autour.  Siegfried meurt en revivant ces instants dans les lieux même où il les a vécus une première fois. C’est Le temps retrouvé, que la musique elle-même retrouve… Recherche du temps perdu…

L’idée de l’équipe de basket (avec un joli panier direct par Siegfried-Schager, qui met la salle en joie), est une traduction moderne de l’idée de tribu de Hagen qui doit tout admettre du chef (et diu coach), y compris cet assassinat prémédité qui semble être improvisé.  Le Centre a été soumis au seul projet d’un Hagen (et d’un Alberich) qui semblent avoir désormais pour un instant l’avenir plus ouvert.
Face à ce projet, celui de Brünnhilde, que nous avons évoqué depuis Siegfried, de former un couple d’humains libérés.
La question de la liberté est au centre, il y a celle de Siegfried, qui est désordonnée et réalisation immédiate des désirs dans sa découverte d’un monde neuf pour lui à explorer de toutes les manières, et celle de Brünnhilde, qui est conquête, qui est épreuves, qui est souffrance et solitude.
Nous pensons que la Brünnhilde vue par Tcherniakov dans son programme, a intégré la mort de Siegfried comme épreuve nécessaire pour dépasser cette histoire. Elle l’a comprise dans doute dès qu’elle a vu les Nornes pénétrer son appartement, et l’a vérifiée dès qu’elle a « vu » Siegfried lui arrahcer l’anneau et la traiter comme une marchandise. Elle accuse Wotan et les Dieux, mais n’est-elle pas en train de découvrir l’humanité, dans son malheur structurel ?

Aussi construit-elle consciemment au deuxième acte de Götterdämmerung une vengeance qui est passage nécessaire pour que le monde construit par Wotan (autrement dit le Centre, et son avatar recréé par les Gibichungen, s’écroule) . On n’est pas si loin du sens réel de la trame wagnérienne et de l’idée d’une souffrance rédemptrice. Siegfried est le dernier des Wälsungen, et en tant que tel, il doit disparaître. Brünnhilde, quant à elle, est  fille de Wotan, mais aussi de Erda, celle qui sait et qui voit les destins, ce qui change la perspective…

Marche funèbre

C’est pourquoi la « Marche funèbre » est ici vue comme un rituel funèbre collectif de tout le personnel du Centre, comme le rituel qui marque la fin de toute expérience et de tout cobaye. Même ce Siegfried venu d’ailleurs avec son désir de tout vivre est un cobaye dans le bocal construit par les Gibichungen, et pas seulement dans la vision de Tcherniakov, mais de Wagner lui-même. Le héros soi-disant libre n’a cessé d’être déterminé par les autres, et sa mort est révélatrice de vérité.
Alors on comprend évidemment l’arrivée de tout le personnel du centre, mais aussi des filles du Rhin, des Nornes, d’Erda et de Wotan, comme surgis de nulle part pour honorer leur dernier avatar.
Comme nous l’avons écrit, au-delà des anciens ou des nouveaux maîtres, dans le Centre, rien ne se perd, rien ne se crée, tout se transforme.
L’idée de faire de la marche funèbre un moment où Wotan revient n’est pas neuve, je rappelle fréquemment l’impressionnante image de Kupfer à Bayreuth où Brünnhilde et Wotan se regardaient de part et d’autre d’une fosse où gisait Siegfried, mais Kupfer lui-même l’avait prise à Joachim Herz, dans sa mise en scène du Ring qui fit date dans les années 1970 à Leipzig. Aussi bien Joachim Herz qu’Harry Kupfer viennent de l’école de Felsenstein et des mêmes traditions de l’opéra en DDR.
Il reste que c’est une image qui, neuve ou non, garde sa force suggestive, d’autant qu’ici Tcherniakov se paie le luxe de donner à Michael Volle le rôle muet de Wotan (tout comme celui d’Erda à Anna Kissjudit).

Clôture des comptes
Les scènes suivantes à la fois événementielles et symboliques sont donc résolution. Gutrune revenue à son costume vert clair et noir qui souffre d’insomnie sur le lieu même où Siegfried a été assassiné, et qui peu à peu va comprendre le sens de la machination dont elle a été elle aussi l’objet, Gunther, un peu ridicule dans toute la scène finale en joueur de basket (tout comme Hagen), dont on s’aperçoit qu’il veut à son tour récupérer l’anneau « pour sa sœur », dans une sorte de bataille de chiffonniers ( pas si éloignée de la lutte de Fasolt et Fafner dans Rheingold sinon que les deux frères sont devenus deux demi-frères) autour du cadavre, amené sur un brancard par quatre fossoyeurs qui par leur casquette rappellent étrangement un portrait de Lénine…

Bataille fratricide autour d'un anneau (Lauri Vasar ; Mika Kares et à côté Mandy Fredrich)

Cette « bataille de chiffonniers » où le cadavre est si malmené qu’il est prêt de tomber du brancard, et qui ne se conclut pas par la mort de Gunther mais par une solide correction.
Tout se tait à l’arrivée de Brünnhilde qui fait taire tout le monde, comme l’arrivée finale de Phèdre chez Racine qui interrompt des jérémiades peu dignes de Thésée par un « Les moments me sont chers, écoutez-moi, Thésée ».

Alors commence la fin…
Tous les personnages quittent la scène, les personnels du centre, les fossoyeurs, Hagen, Gunther et sa sœur, presque anonymes et réduits à des figurants.
En scène, Brünnhilde, le cadavre de Siegfried, et Wotan, ont on se demande un instant s’il ne va pas lui non plus chercher à récupérer l’Anneau s’il en a la force.
De son côté, Brünnhilde comme au premier acte Hagen s’adressait à Alberich en un monologue devenu adresse, parle à Wotan, et révèle à la fois son parcours, le parcours de Siegfried, et en quelque sorte la Passion qu’elle devait vivre pour arriver à ses fins (toujours l’anéantissement du Walhalla, évoqué dès le final de Siegfried). Il fallait passer du sommet d’amour au sommet de trahison… Il y a quelque chose de christique dans cette déclaration. Pour sauver, il faut être trahi par l’Ami.
La mort de Siegfried, j’utilise à dessein le titre de Wagner était donc passage nécessaire.
Et comme les autres personnages, Wotan finit par s’effacer. Il n’y plus rien à faire. Autour de Brünnhilde, il n'y a plus qu’un cadavre et personne ne fera plus obstacle.

Brünnhilde (Anja Kampe) sur le cadavre de Siegfried (Andreas Schager)

Dans un mouvement qui cette fois rappelle un peu la Liebestod du Tristan und Isolde de Marthaler à Bayreuth, Brünnhilde s’enlace au cadavre, comme Isolde à Tristan, expression d’amour suprême, sans oublier la peluche-Grane aux côtés du cadavre. L’anneau que personne n’a considéré jusqu’au Götterdämmerung, a dfsparu, on a entendu Hagen dans son effort désespéré de rattraper le coup, le décor s’efface, le couple enlacé à jamais.

Cela pourrait se terminer. Mais, nous l’avons souligné, la ligne de force de ce Götterdämmerung est Brünnhilde, dès le lever de rideau, une Brünnhilde qui a (presque) achevé son plan. Si la mise en scène s’arrêtait là, on aurait un étrange final romantique qui ne cadre pas très bien avec le propos général de ce Ring.

Vers un nouveau départ
Le plateau est vide, Brünnhilde entre, avance munie du sac de voyage de Siegfried, emportant sa mémoire, c’est alors qu’apparaît le texte de Wagner jamais mis en musique de La Mort de Siegfried, première esquisse du Ring, qui définit Brünnhilde, et qui est la clef de lecture de ce travail :

« Si je ne devais plus me rendre à la forteresse de Walhalla, sais-tu où je me rends ? Je m'éloigne de la maison du désir, je fuis pour toujours la maison de l'illusion ; je ferme maintenant derrière moi les portes ouvertes de l'éternel devenir : vers la terre choisie la plus sainte, libérée du désir et de l'illusion, le but de la migration du monde, rachetée de la réincarnation, la femme éclairée va maintenant. La fin bénie de toutes les choses éternelles, savez-vous comment je l'ai atteinte ? La souffrance la plus profonde de l'amour m'a ouvert les yeux : J'ai vu la fin du monde.»

Brünnhilde (Anja Kampe) devant le texte de "La Mort de Siegfried"

C’est alors qu’Erda, la vieille Erda s’approche avec l’Oiseau,  comme offrant une protection affectueuse à sa fille. Brünnhilde un instant hésite, mais ce serait sans doute encore une fois rester soumise au monde des Dieux, abdiquer une liberté conquise sur tous et sur ce qu’elle avait de plus cher.
Elle repousse l’Oiseau et s’éloigne d’Erda, s’avance vers le proscenium et derrière elle se baisse le rideau projetant le plan, le plan fatal du Forschungszentrum. D’un mouvement de doigts, d’une lichette, elle l’efface, comme si ce Centre avec lequel on avait vécu plusieurs jours n’était qu’une réalité pixélisée, virtuelle, vaporeuse. Pschitt… disparu.
Enfin libre.
Tcherniakov a fait de Brünnhilde la porte parole d’une humanité qui peut renaître, libérée des déterminismes et de l’esclavage des croyances dans les Dieux ou dans la science. Tous les cobayes ont été usés, vieillis, détruits, mis à mort, y compris Siegfried, le seul qui était laissé complètement libre, programmé pour échapper à son créateur (au contraire d’Alberich dans Rheingold dont la fuite est en quelque sorte due à un « surdosage ») et qui tombe dans un monde nouveau dont Wotan est effacé, un piège qu’il ne sait lire, et qui provoque sa destruction, en réalité presque autodestruction par ignorance, narcissisme, égocentrisme.

Tout ce monde fermé est non pas brûlé, consumé, mais effacé. Brünnhilde a très vite compris que son compagnon-héros ne pourrait le rester pour la réalisation de son projet. La condition pour qu’elle puisse le mener à bien était la Mort de Siegfried, ce qui n’est en rien contradictoire avec le scénario wagnérien.

Seule reste la mémoire (le petit sac de voyage qui devient fétiche) le seul bagage nécessaire, mais pas les entraves, les rêves , les utopies et surtout les dystopies.

Cette Brünnhilde face au public, libre et seule tournée vers le futur, marque une conclusion optimiste, souriante presque parce qu’elle a été la seule à être cohérente et suivre son programme méthodique de libération, à n’importe quel prix.
À ce titre, Tcherniakov rejoint Chéreau et son peuple tourné vers la salle, en attente d’un futur et d’un possible, Kriegenburg et son humanité solidaire qui s’ouvre en fleur, mais pas Kupfer qui laisse Alberich seul en scène (il reste vivant…) ni Castorf qui laisse un monde en suspens et vaguement paralysé. À chacun sa vérité.

La distribution

À cette vision très complexe, jamais en contradiction avec le dessein général du Ring, mais demandant une concentration forte, il faut une distribution immergée dans la logique du projet, qui puisse adapter son chant aux données de la mise en scène,  avec ce qu’il faut de couleur, d’expression, d’altération même, au service  de l’œuvre globale, de la Gesamtkunstwerk.
Ainsi, doit-on justifier la présence ès qualités et en chair et os (et non des figurants bien grimés) de Michael Volle et d’Anna Kissjudit en Wotan et Erda (rôles muets) :  on sait que dans le futur ce ne sera peut-être pas toujours possible, mais il y a là exigence de vraisemblance, de présence scénique qui dans cette production est essentielle. L’échange intense entre Wotan et Brünnhilde dans la scène finale, avec sa dose d’affect, mais aussi de distance, de retenue,  d’émotion rentrée est à ce titre un des moments forts du travail scénique. On entend comme un chant intérieur de Wotan qu’un figurant ne saurait peut-être pas rendre.
De même l’approche apaisée, souriante d’Erda (Anna Kissjudit) vers sa fille est un espace nouveau, tant Erda dans le Ring ne cesse d’être pressée, tendue, rigide. Elle porte l’Oiseau, créature de Wotan dont elle s’est emparée, comme signe d’une manière de prise de pouvoir, de coup d’Etat…
Brünnhilde d’ailleurs refuse de rentrer à nouveau dans cette logique.
Chaque chanteur porte donc la conviction nécessaire à transmettre les données de la production, en plus de la partition, des notes, et de tout ce que Wagner a inventé pour les rôles.
Ce devrait être le cas à chaque apparition en scène, dans chaque production. On sait que c’est loin d’être toujours vrai, mais que dans des entreprises de ce gigantisme, de cette originalité et de cette difficulté, c’est indispensable.
Les Nornes sont dans cette production présentes furtivement dans tout le Ring, familières et presque rassurantes avec leur côté vaguement ridicule. Elles sont les envoyées d’Erda, elles furètent, elles lisent…
Enfin dans Götterdämmerung elles chantent, c’est-à-dire qu’elles prennent la parole, initiale, avant le drame, et elles annoncent la mort, telles les « tricoteuses » qui hantaient les échafauds sous la révolution. Leur seule présence est fatale.
Les trois voix sont bien différenciées mais composent un ensemble homogène et très expressif, les trois personnages bien sculptés (Noa Beinart, Kristina Stanek et Anna Samuil, cette dernière pilier de la troupe qu’on a connue dans des emplois de soprano plus lyrique), elle sont des figures un peu caricaturales, toujours là, mais toujours extérieures, qui tranchent avec les fantasmagories qu’on voit souvent (par exemple chez Schwarz, mais même chez Castorf – avec le Vaudou).
Très solides aussi, les Filles du Rhin ( Evelin Novak, Natalia Skrycka, Anna Lapkovskaia) forment un trio aux voix expressives, bien posées, assez puissantes et aux attitudes distanciées et justes, qui tranchent avec les Filles du Rhin séductrices et légères qu’on voit souvent ailleurs. Elles sont des expérimentatrices, toujours avec une fiche en main pour prendre des notes, même si avec Alberich dans Rheingold et Siegfried dans Götterdämmerung, moins fou que le premier mais impatient tout de même, elles échouent à chaque fois. Elles chantent avec beaucoup de netteté avec un joli phrasé ici, et leur attitude distanciée tranche avec la musique un peu enjôleuse  et poétique qui les accompagne. Mais il est vrai qu’ici il n’est guère question de poésie…
Violeta Urmana, on le sait est revenue depuis quelques années aux rôles de mezzo après une carrière de soprano dramatique qui n’a pas toujours été convaincante. Et dans Waltraute, on attend plutôt des mezzos graves. On a ici une voix plus claire, ce qui surprend, mais Urmana sait entrer dans un personnage et dans une mise en scène, comme elle l’a fait pour Clytemnestre de l’Elektra du même Tcherniakov à Hambourg, où elle est époustouflante.
Le rôle voulu par la mise en scène est ici glacial, acéré comme une lame. Cette Waltraute est tendue, rend une visite qui visiblement lui pèse, et son récit est à la fois très expressif, assez cinglant, sans toujours avoir la voix attendue, cette voix sombre et funèbre d’annonce d’un Walhalla au bord de la fin.

Il reste que le jeu, très intérieur, les gestes très mesurés (à part un ou deux moments d’explosion d’une colère rentrée) est assez fascinant et se conjugue parfaitement dans ce non-dialogue avec une Brünnhilde qui n’a iren à lui dire et à qui elle n’a rien à dire sinon l’avertissement, mais Brünnhilde qui a vu les Nornes a déjà compris. Vêtue d’une gabardine longue et avec une coiffure raide qui n’a rien d’apprêté, elle a un look de gardienne (soviétique) à mille lieues des préoccupations de Brünnhilde. Si le chant est peut-être inhabituel, il est expressif et cadre bien avec la mise en scène. Il y a entre Urmana et Tcherniakov des affinités, dans le tragique comme le comique d’ailleurs (voir aussi, toujours avec Tcherniakov, Les fiançailles au couvent, de Prokofiev, sur cette même scène en 2019).
Mandy Fredrich est une Gutrune à la voix relativement légère, là où on attend des futures Sieglinde ou des Freia. Je suppose que ce format est voulu, pour faire mieux vivre le personnage écervelé qu’on jette dans les bras de Siegfried. On a dit que souvent le couple donne l’imlpression d’une caricature de comédie musicale, et Mandy Fredrich a la voix pour. Elle acquiert un peu de poids dans les dernières scènes, sans toujours avoir la puissance dramatique nécessaire qu’on a chez certaines Gutrune (on pense à Allison Oakes chez Castorf).
Lauri Vasar, lui aussi habitué des productions Tcherniakov (Elektra à Hambourg et Les Fiançailles au couvent à la Staatsoper Berlin, comme Violeta Urmana) est un chanteur intelligent et toujours engagé scéniquement, c’est le cas ici, avec un personnage falot, qui se laisse faire par Hagen et entraîner par Siegfried, une caricature de politique lâche (coiffure impeccable, lunettes pour faire sérieux), la voix est expressive, le phrasé impeccable, mais il manque peut-être quelquefois d’un peu de puissance. Il reste qu’il est vraiment le Gunther voulu par la mise en scène, sans trop de jugeotte, un peu alcoolisé et sans aucun courage, avec un côté propre sur lui qui tranche avec le Hagen de Mika Kares, brut de décoffrage, à la taille immense et au visage vaguement monstrueux, avec sa « tache de vin » et sa calvitie. La voix est immense, brutale, il obtient un incroyable succès auprès du public. Mais c’est souvent le cas chez ce chanteur, ce qui passe vocalement passe mloins bien dans l’expression, qui reste assez neutre. Il n’arrive jamais à vraiment colorer son chant. Dans une msie en scène aussi précise dans ses mouvements, tout est compensé par la présence scénique, mais on a entendu dans le monologue conclusif de son premier acte des chanteurs autrement expressifs, autrement préoccupés du phrasé et du texte, et autrement inquiétants.
À l’inverse, l’Alberich de Johannes Martin Kränzle, dans un personnage de ruine humaine, à moitié nu, donne une leçon de présence scénique, et surtout de chant, de phrasé et d’expression, de rage rentrée et de duplicité avec dans sa scène du deuxième acte une distance ironique dans ses efforts pour manœuvrer son fils qui ne peut que susciter une immense admiration. Voilà ce qu’est l’art du chanteur qui arrive à faire sourire, inquiéter et aussi émouvoir en l’espace de quelques minutes : la figure de cet Alberich est inoubliable et Kränzle un immense artiste.
Andreas Schager est Siegfried, époustouflant d’énergie et de résistance, avec cette générosité et ce don de soi vocal qui le caractérisent. Voilà un chanteur qui donne tout, et cela peut lui jouer des tours. Ainsi, et on peut le comprendre, il fatigue un peu à la fin de l’acte III où ses « Hoiho !», appels aux compagnons de chasse restent dans la gorge. Mais c’est bien peu de choise par rapport  à la prestation d’ensemble, impressionnante d’engagement.
Scéniquement, Tcherniakov sait utiliser des dons d’acteur pas toujours accomplis, en lui faisant multiplier des gestes désordonnés, les embrassades violentes, les danses ébouriffées. Schager n’a pas toujours de maintien scénique rigoureux, et Tcherniakov s’y engouffre, d’où des jeux de scène qui peuvent paraître répétitifs, mais disent en même temps une vérité du  personnage de Siegfried, incapable de contrôle sur lui-même, au niveau du geste comme du jugement. Seul moment où ce jeu est complètement dominé, lors de la « conquête » de Brünnhilde où il donne à la voix un timbre plus contraint et plus grave, avec une fixité qui tranche avec tout ce qu’il est dans ce Ring.

Brünnhilde (Anja Kampe), devant le cadavre de Siegfried (Andreas Schager) et Wotan, observateur muet (Michael Volle)

Enfin Anja Kampe, qui affiche une personnalité scénique hors du commun, à laquelle on peut tout pardonner. Elle n’aura pas tout à fait la voix du rôle, mais elle achève de manière bouleversante son monologue final, sans qu’on puisse faire d’observations qui ne seraient de toute manière que pinaillage inutile. Kampe est une de ces artistes qui ont une présence, une aura scénique, mais qui surtout ne peuvent vraiment chanter au maximum de leurs possibilités et au-delà que lorsqu’elles sont dirigées, qu’elles se sont emparées d’un personnage. Kampe chante parce qu’elle joue, et c’est parce qu’elle donne à son jeu une intensité incroyable (gestes, regards) qu’elle sait rendre son chant prodigieusement expressif, voire carrément lacérant.
Elle est indissociable de cette production, dont elle est le personnage central, plus que dans d’autres : Tcherniakov nous fait saisir par un regard de Brünnhilde qu’elle a compris son chemin et alors tout devient clair, limpide, logique. Elle conduit son projet, en femme réfléchie, dans cesse en proie à une tristesse immense, parce que son choix d’être libre s’accompagne de renonciation, elle nous le fait comprendre par son attitude au début du deuxième acte où  l’on a l’impression qu’elle conduit consciemment l’interrogatoire de Siegfried sur l’Anneau, alors qu’elle connaît les réponses, mais elle veut simplement rendre évidentes les difficultés de son (ex-)ompagnon. C’est toute la construction d’un personnage peut-être quelquefois plus calculateur que dans d’autres productions, mais tout aussi bouleversant parce qu’elle sait ce qu’elle doit (et qui elle doit) sacrifier. C’est une grande intelligence scénique qui crée ce chant si habité. Bien des chanteuses à la voix plus large et plus assise seraient incapables de donner ce qu’elle donne ici, cette vérité du personnage. Par sa surface, elle rappelle une Gwyneth Jones jadis à la limite de la justesse (ce n’est pas le cas de la Kampe), aux aigus criés, mais à la présence telle que chaque parole proférée tirait les larmes au public.
Avec Volle et Kränzle, elle est la chance irremplaçable de cette production.

 

Le chœur de la Staatsoper de Berlin, dirigé par Martin Wright, bien installé face au chef dans le décor de l’amphithéâtre du Centre, au demeurant très fermé avec une bonne réverbération, bénéficie de toutes les confitions pour être impressionnant et réussir le seul moment choral de tout le Ring.

 

La direction musicale 

Plus que Siegfried  et sans doute aussi plus que  dans tous les autres œuvres du cycle, Götterdämmerung renferme un certain nombre de moments symphoniques qui permettent à un chef de valoriser l’orchestre et d’offrir une magie sonore inégalée, aussi bien dans le Voyage de Siegfried sur le Rhin, la Marche funèbre, ou la scène finale et l’embrasement du Walhalla. Mais aux grands moments symphoniques s’ajoutent aussi des moments de théâtre conversation (Gibichungen acte I) ou de pur opéra comme le trio Hagen/Brünnhilde/Gunther de la scène finale du deuxième acte.

Ainsi Christian Thielemann avait-il l’occasion ici d’offrir une sorte de digest de ce que peut être l’art de la direction wagnérienne dont il est l’un des plus grands maîtres.
Comme souvent il adopte des tempi plutôt lents, ce qui n’est pas contradictoire avec un Ring qui se déroule dans des espaces intérieurs, cela ménage des moments très chambristes jusqu’à des sons infinitésimaux, d’un raffinement inouï. D’un autre côté, les moments symphoniques sont conduits avec une limpidité étonnante, faisant ressortir les lignes et valoriser les architectures orchestrales. Rarement on a entendu Thielemann à de tels sommets dans Wagner, la Marche funèbre sonne avec une grandeur qui fait un contraste heureux avec la scène qu’on voit, dans ces petits espaces cliniques avec cette foule qui se bouscule, même impression de contraste avec les derniers moments où cette Brünnhilde seule et cette musique sublime qui s’éteint peu à peu semblent en parfait écho. Le contraste fait qu’on se concentre et sur l’un et sur l’autre.
Thielemann est aussi très attentif dans le deuxième acte où le chœur est conduit de manière magistrale comme toute la scène, avec l’attention portée aux êtres singuliers (l’accompagnement d’Alberich dans la première scène) jusqu’au souffle, et aux moments plus opératiques dans le trio final vigoureux, incroyablement théâtral en fosse, alors que sur le plateau il y a un peu moins d’inspiration.

Au terme de ce voyage (hélas partiel) nous nous trouvons devant une entreprise peut-être discutable pour certains, mais cohérente, et qui demande concentration, réflexion, regards croisés, retours, une entreprise passionnante par son propos et à mon avis en phase avec l’œuvre de Wagner. Musicalement sans rivale aujourd’hui, et vocalement tout à fait exceptionnelle, elle s’inscrit dans les productions à voir absolument de cette dernière décennie.

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ous rappelons que l'intégralité de ce Ring peut être vue jusqu'au 17 février 2023 sur lke site d'ARte-Concert :
https://www.arte.tv/fr/videos/111075–000‑A/richard-wagner-le-crepuscule-des-dieux/
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Guy Cherqui
Agrégé de Lettres, inspecteur pédagogique régional honoraire, Guy Cherqui « Le Wanderer » se promène depuis une cinquantaine d’années dans les théâtres et les festivals européens, Bayreuth depuis 1977, Salzbourg depuis 1979. Bouleversé par la production du Ring de Chéreau et Boulez à Bayreuth, vue sept fois, il défend depuis avec ardeur les mises en scènes dramaturgiques qui donnent au spectacle lyrique une plus-value. Fondateur avec David Verdier, Romain Jordan et Ronald Asmar du site Wanderersite.com, Il travaille aussi pour les revues Platea Magazine à Madrid, Opernwelt à Berlin. Il est l’auteur avec David Verdier de l’ouvrage Castorf-Ring-Bayreuth 2013–2017 paru aux éditions La Pommerie qui est la seule analyse parue à ce jour de cette production.

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1 COMMENTAIRE

  1. Comme vous l indiquez la continuité est un élément de ce ring. Pour moi c est même le point fondamental et qui permet à Tcherniakov et Thielemann de se retrouver. Tout le long de ces quatre soirées il construisent chacun la même histoire, chacun avec ses propres moyens pour fusionner à la fin du crépuscule. Le regard de kampe vers la salle à la dernière scène englobe thielemann et l orchestre.
    Tcherniakov a déshabillé le ring de ses oripeaux lance, feu et annneau pour retrouver l'essence même du mythe. Ce sera dur le prochain ring traditionnel.….. comme un gâteau de communion..

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