Nous nous sommes rencontrés lors du Festival de Salzbourg 2023, et nous avons eu l’idée de nous revoir à l’occasion de la présentation parisienne du programme de Salzbourg 2025, dans un contexte très différent, où les difficultés pour le monde de la culture se multiplient, mais surtout où le monde semble changer à une vitesse inattendue, un monde dans lequel la culture telle que nous l’entendons ne semble pas être la préoccupation majeure.
Dans ces circonstances, où en est l’utopie fondatrice de Salzbourg ? Que peut représenter un Festival comme Salzbourg dans l’écosystème musical européen, voire mondial ? Quelles difficultés et quels défis nouveaux apparaissent et comment lire dans ce contexte la programmation 2025 du Festival ?
Nous avons donc échangé à Paris, à la mi-janvier, de manière très libre et à bâtons rompus si bien que le rituel intervieweur-interviewé s’est rapidement mué en une sorte de conversation, de longue discussion à bâtons rompus autour du devenir des formes de culture que nous aimons et de la vision qui guide Markus Hinterhäuser, manager culturel de longue expérience, mais surtout aussi artiste, dont le regard est ainsi à la fois extérieur, celui de l’organisateur, et intérieur, celui de l’artiste qui choisit aussi un programme en fonction de ses goûts et non des modes. Ce qui lui vaut quelques polémiques.
Si vous le voulez bien, conformément aux lois de la rhétorique nous allons aller du moins important au plus important, et commencer par évacuer les choses désagréables. Le Festival et sa programmation, et donc vous en premier lieu avez été l’objet de polémiques récentes en Autriche, pouvez-vous nous en toucher deux mots ?
Oui, il y a eu une polémique[1] sur ce qui se passe à Salzbourg. Ce n’est pas nouveau, ça a toujours existé, il y a toujours eu des attaques contre Salzbourg. De cela on a l’habitude. Il y a toujours eu des factions, des pour des contre et on se déchirait dans les journaux… Mais aujourd’hui il y a internet et c’est très différent.
Avant, avec la presse écrite, cela pouvait durer deux ou trois jours et après on ne trouvait plus le numéro du journal qui avait lancé la polémique et on passait à autre chose. Avec internet et les réseaux sociaux, les choses ont changé, tout est lisible, tout peut être lu et relu, on peut sans cesse y revenir, le remettre en scène et ça fait un effet boule de neige. C’est la situation actuelle et il est difficile d’aller contre tout ce mouvement.
Il y a donc eu une polémique contre le Festival et surtout contre moi, en tant qu’intendant. Il est évident que c’est l’intendant qui est dans le collimateur et qui est la cible des tirs à vue. Je peux peut-être me consoler en me disant que cela a toujours existé et que cela passera. C’est même peut-être important que ça arrive, que ça m’arrive parce que c’est une expérience, même mauvaise, qu’il est peut-être riche d’enseignements de vivre. Mais c’est le ton qui fait la musique. Et j’admets parfaitement la critique, je n'ai absolument aucun problème quand on critique ce que je fais, parce qu'on sait pourquoi on le critique. Mais j’ai plus de problèmes, de gros problèmes quand on se comporte comme à l’ouverture de la chasse, au tir à vue.
Je sais aussi que ça s’est souvent produit à Vienne, avec Mahler, avec Karajan, avec Maazel ou Abbado. Je connais aussi les tensions historiques entre Vienne et Salzbourg, oui je connais tout cela.
Mais là, les limites du raisonnable pour nous ont été dépassées et nous laissons un tribunal décider de cette limite. C’est quelque chose de normal dans un état de droit.
Pour moi, c’est allé trop loin, alors laissons un tribunal juger, peut-être perdra-t-on, peut-être pas, on verra… Mais cela ne pouvait plus durer. Ce sera d’ailleurs intéressant de voir ce qui en sortira et quelle limite la décision de justice indique.
Je sais aussi que ce sont les risques du métier, mais il se crée une sorte de mécanisme dans lequel les gens vomissent sans cesse et non seulement je me refuse à entrer dans ce jeu, mais professionnellement et humainement, je ne le supporte pas. Il est nécessaire, indispensable même de garder dans les rapports même critiques une retenue, une sorte de sophistication envers autrui. Que l’on me dise « ça ne va pas, ce n’est pas bon » pour telle ou telle raison, je l’admets, mais quand la critique devient du journalisme de latrine où l’on ne fait plus qu’insulter, alors non, je m’y refuse.
On peut s’adresser directement à moi, me le dire personnellement, aucun problème, mais à partir du moment où on actionne la chambre d’écho internet avec ses likes, ou ses don’t like, et que ça monte, ça monte, ça monte et que cela prend un poids qui n’a plus rien à voir avec l’objet alors, non. Laissons un juge décider.
Mais je vous ennuie.
[1] C’est un conflit ouvert avec le journaliste musical Axel Brüggemann, très connu dans le monde germanique
Pas du tout, bien au contraire, nous voyons actuellement dans tous les domaines les excès des polémiques et les déclarations délétères même au plus haut niveau. C’est malheureusement notre lot quotidien. Alors, pour changer de sujet, mais rester dans la position critique (mais « retenue » pour reprendre votre expression) je tiens à vous dire que j’ai été déçu par la programmation 2025 du Festival, j’ai eu des difficultés à trouver une ligne et j’aimerais que vous me l’éclairiez.
La question que vous me posez, je l'ai déjà entendue une ou deux fois maintenant, ce n'est d’ailleurs pas une question de déception. La question c’est de savoir s’il y a une cohérence entre les pièces proposées.
Avant de parler de ce programme, il faut parler probablement aussi du monde et du rôle spécifique de Salzbourg. Je l’ai souvent dit et je le crois toujours : sans la conviction que c’est dans les grandes œuvres d’art que l’on trouve les grandes questions je ne pourrais pas diriger un Festival.
Nous vivons un monde étrange. Nous avons une guerre en Europe, en plein cœur de l’Europe depuis trois ans sans savoir quand elle va s’arrêter. Nous avons des menaces de guerre nucléaire, nous sommes devant des problèmes énormes liés à l’écologie, l’environnement, la biodiversité et des problèmes de migrations dans le monde qui dépassent l’imaginable. Nous sommes à la veille de changements et trois opéras permettent de regarder les centres de pouvoir à la veille de changements : c’est Giulio Cesare in Egitto, Rome et l’Égypte à la veille du bouleversement du monde méditerranéen, c’est Macbeth en Ecosse et Marie Stuart en Angleterre, et ces trois personnages vivent une sorte de Fin de partie.
Chaque époque a connu ses fins de partie, sa fin, son apocalypse. Et c’est quelque chose que je trouve important pour ce programme. Il y a une sorte de pensée apocalyptique en ce moment dans le monde, une apocalypse imaginaire. Ça existe en ce moment dans le monde et c’est comme un fantôme, oui… un fantôme.
Qu’entendez-vous par cette idée de spectre apocalyptique?
C’est le titre du dernier livre du nouveau Testament, L’Apocalypse de Jean, au sens étymologique du mot grec, apocalypse (Ἀποκάλυψις) signifie révélation, dévoilement. Rien d’autre. Cela signifie que dans l’apocalypse, dans la fin, il y a aussi quelque chose de nouveau.
C'est une question cruciale, décisive, que j'essaie de creuser dans ce programme.
Ainsi chaque apocalypse, chaque fin peut avoir, doit avoir un nouveau départ. Chaque crise a une utopie, et chaque apocalypse doit conduire – nous le voulons tous- à un nouveau ciel, à une nouvelle terre. C’est une constellation de base : une fin et un début.
C’est ce qui arrive dans la constellation des pouvoirs, encore une fois César, Macbeth et Marie Stuart et mais le programme va aussi vers d’autres personnages, vers le privé ou le subjectif, qui vivent une Fin de Partie, comme les Trois Sœurs d’Eötvös d’après Tchékhov, sorte d’attente hors du temps où on attend, on attend, on attend. Et l’attente de Schönberg dans Erwartung est aussi une sorte d’En attendant Godot.
Je parle de Tchekhov, pas de Eötvös, où des constellations de personnes qui vivent dans une sorte d’intervalle silencieux où la perte du pays natal, la perte des amis, des amants est le centre décisif, un moment décisif où il n’y a plus d’état des choses, plus de monde… Cet état des choses est tout un monde évidemment… Et il y a dans cette pièce de Tchekhov, comme l’impression d‘un seul désir, d’une seule nostalgie, un seul but, quand les trois sœurs disent « à Moscou, à Moscou, à Moscou », cette Moscou, ce symbole du lointain, c'est très loin, très, très loin, impossible à atteindre.
C'est vraiment très beckettien
Oui on a parlé de Fin de partie, mais Beckett est aussi le maître de l’attente, d’une attente de l’indéterminé. On ne sait pas du tout ce que c’est. En fait entre Moscou de Tchekhov et Godot, on est sur la même longueur d’onde.
Est-ce la raison pour laquelle vous avez construit cette soirée Schönberg (Erwartung) et Das Lied von der Erde (Abschied), confiée à Peter Sellars et Esa Pekka Salonen ? Une soirée en quelque sorte qui allie « Godot » et « Fin de partie » ?
Oui, c’est vraiment pour moi très intéressant. D’abord Erwartung de Schönberg, c’est ce vécu d’une fin dans un état hyperfiévreux, un protocole de rêve, un protocole de fièvre qui en quelque sorte guide cette femme sans nom qui erre en forêt et trouve le corps mort de son amant à côté de la maison d’une autre femme, ce triangle de personnes, cette attente qui se termine dans une parfaite tragédie et puis ensuite Mahler, avec Abschied, l’adieu de Mahler en une sorte de consolation cosmique, Chant de la terre, c’est-à-dire des adieux avec la terre verte tout autour qui fleurit d’un nouveau printemps, qui fleurit et fleurit. Et donc cette fin que Mahler compose est tout à la fois un début, encore une fois un nouveau départ. Alors cette question de la fin, cette question qui porte sur cet imaginaire apocalyptique, est LA question qui se pose à nous : pouvons-nous vivre avec le fait que c’est fini ? Ou y-a-t-il en nous des ressources de « possibles » ? Et ces œuvres le rendent-elles possible ? C’est évidemment très subjectif…
Bien sûr nous voulons rendre les œuvres possibles. Bien sûr nous y trouvons une sorte de pensée qui nous mène sur une piste précise : Abschied de Mahler est une composition aussi née de la peur de la mort
C’était l’année où il a dû démissionner de son poste à l’Opéra de Vienne suite à une violente campagne antisémite contre lui, l’année où sa fille est morte, à l’âge de cinq ans, et enfin l’année où on lui a diagnostiqué un problème cardiaque. C’est un arrêt de mort, et rien d’autre et Mahler écrit ce chant cosmique comme point final.
Et oui, j’ai trouvé cela intéressant. Ça aide un peu à expliquer ces pensées encore un peu théoriques, mais j’ai besoin de ça, vraiment besoin de ça, de ce genre de navigation d’abord pour moi-même.
C’est aussi ainsi qu’il faut lire l’Ouverture Spirituelle avec son titre Fatum. Je me permets de l’ajouter très brièvement.
Le titre Fatum pose la question. Est-ce que le Fatum ? C’est nous ? Ou bien existe-t-il un pouvoir beaucoup plus fort que nous ? Sommes-nous maîtres de notre vie, de ce que nous faisons ou y a-t-il d'autres forces ? Cela peut être des forces spirituelles, cela peut être des forces politiques, cela peut être des forces économiques. Quelles sont ces influences et qu’est ce qui en résulte ? Est-ce quelque chose à quoi nous répondons « OK, nouveau ciel, nouvelle terre, celle qui est possible ».
Voilà l’idée de base de cette programmation.
Mais ce n’est pas du tout une programmation pessimiste, pas du tout.
Un peu sombre quand même, non?
Ce n’est pas non plus sombre, non, vraiment pas.
Mais nous devons quand même être clairs avec nous-mêmes. Parler de la fin à l'opéra, ce n'est vraiment pas neuf : à l'opéra on meurt et on meurt et on meurt… Mais plus on meurt, plus la mort est horrible, plus elle est effrayante… et plus elle est belle.
Ce phénomène de l’opéra, cette mort permanente qui nous captive complètement sur le plan émotionnel parce qu’incroyablement bien chantée au moment de la mort me rappelle cette très belle phrase du poète russe Khlebnikov[1] qui a dit « quand les gens meurent, ils chantent. »
[1] Velimir Khlebnikov (1885-1922), fondateur du futurisme russe (« l’avenirisme »)
Le chant du cygne…
Oui, le chant du cygne. Mais ce n’est ni sombre, ni pessimiste. C’est au contraire très réel, rempli d’espérance, c’est comme une sorte de consolation, de réconfort !
J’aimerais qu’on aille plus loin dans la cuisine ou plutôt l’arrière-cuisine du programmateur, dans son laboratoire, dans le lieu secret où il crée ses recettes…
C’est très difficile pour moi de répondre à cette question parce qu’il n’y a pas de recette. Je ne suis pas le chef qui dans sa cuisine crée ses recettes. Désolé de le dire, mais cela ne fonctionne pas comme ça pour moi, pas du tout.
Ce que je sais en revanche, c’est que j’ai toujours eu envie de faire certains opéras. Et ça peut durer pendant de nombreuses années, ça peut prendre 3, 4, 5 ans, plus même avant qu’il y ait une sorte de clarté. C’est très drôle, ce n’est pas une sorte d’auto-stylisation qui arriverait comme ça ; il n’y a pas de papier sur lequel je note tel titre, puis tel autre, et puis un autre, je ne peux pas, c’est vraiment impossible. Il se constitue peu à peu une sorte de carte où s’établissent des liens de sens, des liens artistiques, des liens intellectuels mais ce n’est en rien une carte stratégique ; Je n’ai pas cette capacité-là, c’est étrange, je sais.
En revanche je savais que je voulais faire Giulio Cesare à un moment donné parce que c’est un des opéras les plus significatifs du baroque, je savais aussi que je voulais tenter de faire dans le belcanto Maria Stuarda de Donizetti. Enfin, reprendre Macbeth est une décision pragmatique parce que c’est une très grande production qui mérite d’être revue, par le public d’abord, mais aussi par Krzysztof Warlikowski et pour certains aspects par Asmik Grigorian.
… Et ainsi de suite !
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Mais vous pouvez aussi être critiqué sur vos choix de distribution : Salzbourg est vraiment sous les feux de la rampe, plus qu’une autre institution. Déjà Stefan Zweig écrivait « D’un coup, le Festival de Salzbourg devint une attraction mondiale, de modernes jeux olympiques de l’art (…) personne ne voulait plus manquer ces extraordinaires é représentations (…) Salzbourg fut et demeure le lieu de pèlerinage artistique de l’Europe »[1]. On peut dire que c’est encore largement le cas et du même coup tous les yeux (et peut-être les fusils…) sont pointés sur ce qui s’y passe. Alors, même si le sens ou la ligne m’intéresse plus que tel ou tel choix de distribution, il faut quand même en parler un peu… c’est un des ingrédients obligés de la (non ?) recette de cuisine …
[1] Stefan Zweig, Le Monde d’hier, souvenirs d’un Européen, Livre de poche p.405
Les distributions sont de toute façon extrêmement subjectives, et parfois, je dois le dire aussi, elles sont la conséquence de contraintes très pragmatiques. C’est un Festival où nous avons des centaines d’artistes à distribuer et moi je suis lent dans la programmation et je ne suis absolument pas capable de faire des plans quinquennaux. Je ne sais toujours pas ce que je ferai exactement en 2027 ou en 2028, si je suis encore là, si je suis encore en vie.
Il me faut du temps… c’est un peu comme autrefois la photographie… Aujourd’hui nous avons une photographie numérique qui choisit instantanément le cliché le meilleur. Autrefois existait l’analogique. On mettait un papier dans le révélateur et apparaissait progressivement la forme comme une constellation chimique : on a plongé le papier et quelque chose arrive… Une figure… Un contraste… Une forme… Et tout d’un coup il y a une image ! C’est un peu comme ça pour moi aussi. Je suis analogique, je sais que d’une certaine manière je ne suis pas numérique.
Un exemple, certains ont remarqué l’absence de Richard Strauss dans la programmation d’opéra…
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Non, il n’y aura pas de Strauss cette année, mais il y en aura un en 2026 (NdR : Ariadne auf Naxos). Pourquoi devrais-je faire un Strauss chaque année ? Ça aussi c’est très personnel. J’en ai fait deux, Salomé[1] et Elektra[2], où je dis, où chaque cellule de mon corps dit « Merci ! ».
Pour d’autres titres, j’avoue avoir un peu de mal avec l’un ou l’autre. Die Frau ohne Schatten a été fait en 2011 et c’était une belle production de Christof Loy, et magnifique musicalement (NdR : Christian Thielemann), et il faut laisser un peu de temps… Mais on doit comprendre aussi que c’est lié à des conditions très pragmatiques qui sont devant nous, liées à la rénovation générale qui nous attend. Nous allons bloquer pendant deux ans, oui deux ans au moins, le Grosses Festspielhaus. Et je dois trouver avec les productions que nous avons et celles de 25 et 26 des solutions pour surmonter cette période. Il y aura des conséquences sur la mécanique du Festival, sur toute la machine, il y aura aussi des conséquences sur le financement, il y a de grands points d’interrogation qui nous attendent. Je suis libre, complètement libre (FAE : Frei aber einsam « Libre mais solitaire » précise-t-il en riant), mais je dois être très attentif à ce qui est possible de faire. Il y aura du Strauss en 2026, peut-être en 2027, mais pourquoi devrais-je programmer Strauss ? Parce que c’est un des fondateurs du Festival ? Ce n’est pas une raison pour moi, vraiment pas.
[1] Salomé, Prod. Romeo Castellucci (2018, reprise en 2019), voir ci-dessous le compte-rendu
[2] Elektra, Prod Krzysztof Warlikowski (2020), reprise en 2021 , voir ci-dessous le compte-rendu
Mais Salzbourg fait tous les ans Hofmannsthal…
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C’est totalement différent. La réalité c’est que nous n’avons pas fait de Hofmannsthal depuis longtemps au théâtre ; oui, nous faisons Jedermann, mais nous n’avons pas fait L’homme difficile (Der Schwieriger) pas fait La Tour (Der Turm). Donc même Hofmannsthal et Calderon (NdR : La Tour est une libre adaptation de La vie est un songe de Calderon) manquent depuis des lustres à Salzbourg. Jedermann en revanche est une donnée rituelle, et donc nous le faisons chaque année et nous venons d’en faire une nouvelle production (NdR : de Robert Carsen en 2024), mais nous avons vraiment un retard à rattraper avec Hofmannsthal. J’aimerais tant qu’on fasse L’homme difficile ou La Tour, ce serait fantastique
J’ai découvert L’homme difficile dans une mise en scène de Luca Ronconi à Turin, en 1990, avec Umberto Orsini et une pléiade d’immenses acteurs italiens[1]. Un spectacle qui fut pour moi fondamental.
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[1] À ce propos, Ronconi disait de sa production : « Je voulais éviter le risque d'évanescence, qui guette toujours quand on joue Hofmannsthal. J'ai aidé les acteurs à se concentrer sur les comportements et les situations sous chaque mot. Je les ai aidés à trouver la substance sous la dentelle. C'est un travail fou, car ici, même un petit rôle est important. Heureusement, j'ai avec moi un groupe d'acteurs qui ne sont pas satisfaits, qui aiment chercher. »
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Ronconi… Il a fait chez nous ici à Salzbourg cet incroyable Pirandello, Les Géants de la montagne[1]… (NdR : Die Riesen vom Berge, 1994, à la Perner Insel). C’était une production fantastique, fantastique. Qui fait aujourd’hui un théâtre pareil ? avec des acteurs de cette trempe ? Comme Walter Schmidinger (NdR : qui jouait Cotrone, le mage).
[1] De Ronconi : « Ce texte a toujours stimulé la ruée vers la métaphore, le symbole, la métaphysique et la poésie de pauvres comédiens menés par des muses et écrasés par un Pouvoir qu'il serait facile aujourd'hui d'identifier à la culture de masse, peut-être à la télévision. »
Je me souviens de Jutta Lampe se réveillant sur sa charrette de paille, j’en avais les larmes aux yeux.
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Je m’en souviens aussi et je sais très bien, je comprends parfaitement ce dont vous parlez. Mais il y avait à l’époque une autre typologie d’acteurs, un autre théâtre. Mais comme je vous l’ai dit, nous avons à rattraper du retard avec Hofmannsthal au théâtre, pas à l’opéra où tout, tout, tout a été fait. Alors, pas de Strauss pendant un an ? et après ? Nous n’avons d’ailleurs pas de vraie production Mozart non plus.
J’y venais justement. Nous avons déjà abordé la question des difficultés à jouer et chanter Mozart aujourd’hui dans notre dernière entrevue. Mais il y a aussi des difficultés par les temps qui courent à le mettre en scène, à monter Mozart. Don Giovanni, Le Nozze di Figaro, Die Entführung aus dem Serail…
Die Entführung aus dem Serail… Je n’ai aucune imagination, aucune idée à propos de cette œuvre. Et cela ne tient pas au politiquement correct ou autre, non. Il y a eu beaucoup de tentatives pour le monter et avec des metteurs en scène de différentes régions du monde, mais moi, comme producteur, je ne vois pas ce que je pourrais faire avec Die Entführung aus dem Serail.
J’ai monté les œuvres qui m’intéressaient, Clemenza di Tito, Idomeneo, les Da Ponte, Die Zauberflöte, certaines productions étaient intéressantes, d’autres moins, et c’est comme ça. Je ne vais pas en faire plus ou en refaire. J’ai fait Clemenza di Tito avec Peter Sellars et c’était formidable de l’avoir ici pendant des mois, je ne vois pas pourquoi j’en referai une[1]. Il faut savoir s’arrêter, et se retenir.
[1] Le Festival de Pentecôte, à la direction artistique indépendante du Festival d’été (dirigé par Cecilia Bartoli) en a proposé une production (de Robert Carsen) en 2024, qui a néanmoins été jouée aussi l’été, selon la pratique habituelle qui veut que la production de Pentecôte soit reprise l’été.
On voit partout aujourd’hui Clemenza di Tito, qu’on voyait assez peu il y a quelques décennies.
Oui, parce qu’il peut y avoir une certaine actualité à monter Clemenza, une actualité nettement plus forte que pour Cosi fan tutte ou Zauberflöte, et on peut traiter ça de manière presque -comment dire ? – quotidienne, politiquement quotidienne mais ça n’est pas mon propos.
Mais c’est drôle, il y a des vagues et quelquefois les mêmes pièces sont jouées partout, vous avez raison pour Clemenza. En ce qui me concerne, la première année de mon mandat, ça a été un travail inoubliable de Peter Sellars et Teodor Currentzis et de toute l’équipe autour d’eux. C’était passionnant, inoubliable mais je ne veux plus le refaire. J’ai peut-être plutôt envie de refaire Le Nozze di Figaro, mais sûrement pas Don Giovanni, sûrement pas. C’est une production qu’on peut aimer ou non, mais c’était une énorme et profonde réflexion de Romeo Castellucci qui est close. Sur Zauberflöte, sur Le nozze di Figaro, je dois encore y penser un peu mais c’est toujours la même chose pour moi avec ce tiraillement : je dois faire quelque chose parce que Mozart appartient à Salzbourg et le public attend Mozart. Ça m’intéresse, oui… mais bon...
Mais quelles sont les attentes du public, justement ?
C’est très difficile à dire. Si on se représente toutes les mises en scène de Mozart des dernières années comme un film, je ne sais pas quelles attentes ont été satisfaites. Les attentes vis-à-vis de Mozart sont énormes et en même temps – comment dire ? - prévisibles. Il y a là un étrange paradoxe. Prenons par exemple Don Giovanni dont nous parlions précédemment. Nous l’avons fait d’abord il y a deux ans et demi maintenant, avec ensuite une année de pause, et nous l’avons refait l’été dernier avec un succès énorme, énorme auprès du public comme auprès de la presse, ce qui n’était pas le cas du tout la première fois. La reprise a été une énorme explosion, je ne sais pas pourquoi. Je l’ai juste pressenti, intuitivement ; je n’ai pas de raison précise à avancer. Quelquefois une mise en scène a besoin de temps pour s’installer, pour faire sa « communication », pour proposer son message. Les mises en scène ont aussi leur temps… quelquefois ça va très vite et d’autres fois ça prend du temps, beaucoup de temps. Et quelquefois aussi, elles disparaissent.
La question de la mise en scène idéale, de la mise en scène « modèle » a été très discutée à Lyon avec celle de Ruth Berghaus (NdR : Elektra, Festival mémoires, 2017) ou de Klaus Michael Grüber (NdR : La Traviata, 2009), mais pour moi cela n’existe pas, cela ne peut exister. Ce ne sont que des tentatives… Et c’est beau. C’est éphémère la musique, c’est même ce qu’il y a de plus éphémère… La musique sonne et disparaît. Et la mise en scène aussi est éphémère.
Oui et non… Éphémère oui et non…C’est aussi une œuvre d’art… et donc une trace qui reste…
Bien sûr que c’est une œuvre d’art ! Mais ça n’est pas contradictoire ! Ce sont de très grandes œuvres d’art. Mais toutes les mises en scènes que nous avons vues, à un moment, cela devient du passé… C’est en nous, cela déclenche en nous un réseau d’associations, de souvenirs, mais c’est dans le passé, on ne le voit que dans le passé, il n’y a pas de futur pour cela. Parce que le futur, il fabrique… On nous dit, « c’est une mise en scène modèle et il faut la refaire », mais tout metteur en scène qui est vraiment bon se fonde sur les possibilités de ses acteurs. Il ne suffit pas d’avoir un carnet de régie où on lit : là le chanteur X doit aller à gauche, et là à droite, il doit lever la main… Cela ne marche pas, pas du tout. Cela dépend toujours de ceux qui sont impliqués sur le moment dans le processus et qui donnent ce qu’ils peuvent donner dans le processus. Et un très bon metteur en scène a l’œil pour cela. Il a un capteur, il sait jusqu’où il peut aller avec un chanteur, ce qu’il peut donner dans un opéra. C’est cela la fabrique.
Mais comme toute œuvre d’art, une mise en scène est aussi une rencontre avec soi et son propre univers. Par exemple, revoir la production de Giorgio Strehler de Falstaff à la Scala, que j’ai vue il y a une trentaine d’années sera, à travers ce spectacle, des retrouvailles avec moi-même…
Mais oui. C’est exactement ce que je veux dire. C’est une sorte de passé qui déclenche en nous quelque chose en tant qu’individu. Moi par exemple, j’ai aussi en moi la mise en scène qui a accompagné toute ma vie, qui a changé ma vie, c’est le Saint François d’Assise de Peter Sellars en 1992 (NdR, Salzbourg, Felsenreitschule, 1992). J’ai compris pour la première fois ce que le théâtre musical est capable de faire, quelles connections cela déclenche en moi.
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Comme moi avec Chéreau à Bayreuth en 1977.
Oui, mais Chéreau a été au début un énorme scandale, énorme, et avant que cela ne devienne un modèle, une icône, il a fallu beaucoup de temps, bien des années… et puis la réception se fixe, et ça devient mythe…
Je me revois déjà dès la sortie de Rheingold j’avais le sentiment très fort que quelque chose de ma vie avait été bouleversé…
Je pense que ce serait peut-être un peu considéré « over the top » de le dire aujourd’hui, mais je ne pense pas que je sois intendant du Festival de Salzbourg aujourd’hui depuis de nombreuses années sans cette expérience. Ce que j’ai vécu avec Saint François d’Assise de Peter Sellars et Esa-Pekka Salonen a déclenché en moi quelque chose de très fort. Pas en termes d’ambition, de stratégie de carrière, pas du tout, mais j’ai senti qu’il y avait là un message très fort en moi, si fort, qui créait une situation nouvelle, avec tant de paramètres émotionnels.
J’aimerais qu’on parle maintenant plus spécifiquement de théâtre, je veux dire de théâtre parlé, qui est l’un des pans importants du programmes du Festival et pour lequel de gros problèmes se sont faits jour récemment. Comment se construit la programmation, et surtout les liens entre l’opéra et le théâtre parlé ? Existe-t-il une vision d’ensemble de laquelle vous discutez au préalable ?
Bien sûr, nous en parlons, mais je n’ai pas fait le programme de théâtre et les derniers mois ont été très difficiles, pas très réjouissants comme vous le savez, et je ne souhaite pas y revenir[1]. Mais comme intendant du Festival, et c’est ce que j’ai toujours souhaité, j’aimerais beaucoup essayer, pour cette dernière période qui me reste à Salzbourg, d’amener, de rendre possible une sorte de conversation entre le théâtre et ce qui se passe à l’opéra ou dans un concert. C’est un échange qui devrait avoir lieu, et en plus c’est une idée que j’ai toujours eue et qu’on lit parfois dans les programmes, et ça n’a pas toujours marché.
En fait, en ce qui concerne le théâtre parlé en soi, je crois qu’il existe une certaine crise au moins dans le théâtre germanophone aujourd’hui.
Nous parlions tantôt de ce Pirandello avec Ronconi, mais il y avait aussi à l’époque un Luc Bondy, un Peter Stein ou d’autres, une manière de faire du théâtre qui aujourd’hui est en crise. Quelle est la raison d’être du théâtre ? qu’est-ce que le théâtre ?
Il y a une foule de réflexions aujourd’hui, des réflexions dramaturgiques de tous ordres. Quand on veut faire Hamlet, il n’y a pas une voie mais des tas de voies possibles… Je ne suis pas là sur une position conservatrice, mais je voudrais ici à Salzbourg encore une fois essayer d’internationaliser le théâtre, je trouve juste qu’ici on puisse présenter une production étrangère déjà présentée ailleurs[2].
Je me moque du snobisme, ce n’est pas du snobisme ou quelque chose d’élitaire, mais je pense qu’on devrait essayer de clarifier les choses, de poser la question : le théâtre qu’est-ce que c’est ?
Le théâtre est une transfiguration. On transforme tout en 2 ou 3 h et on l’a déjà fait, ou probablement déjà fait ces dernières années, mais en dernier ressort ce sont toujours des tentatives de poser la question de la nature du théâtre. Est-ce là le théâtre que nous connaissons ? Est-ce une « performance » ? Est-ce du Tanztheater ? Cela est-il du théâtre ?
Tout cela ce sont des tentatives et on peut le faire, mais j’aimerais surtout encore une fois que la conversation entre théâtre et opéra puisse se faire, qu’on ait un système de lecture plus clair, plus fort, plus perceptible. Qu’on puisse y reconnaître notre « système de navigation ».
Je trouve par exemple très intéressant qu’on puisse présenter cette année Die letzten Tage der Menscheit[3].
[1] Allusion au licenciement brutal de la directrice de la programmation théâtrale, Marina Davydova.
[2] Ce sera le cas cette année (du 28 juillet au 2 août pour 4 représentations) avec Le Passé de Leonid Andreiev, dans la production de Julien Gosselin (Odéon 2021).
[3] « Les derniers jours de l’humanité » de Karl Kraus, pièce géante de 220 scènes, 137 lieux, jamais intégralement présentée qui présente les causes et conséquences de la première guerre mondiale "largies à la question de l'état de l'humanité.
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Encore une œuvre que j’ai découverte grâce à Luca Ronconi dans la production géante présentée au Lingotto à Turin dans les Usines FIAT désaffectées en 1990, pour 7 représentations, avec scènes multiples, j’y revins chaque soir tant il était impossible d’embrasser en une soirée tout le spectacle[1].
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[1] Il en existe une reprise TV de la RAI. Voir le « trailer » sur YouTube .
Oui, c’est un spectacle géant qu’il nous faut couper évidemment, on ne peut faire la pièce entière. Ce sera une version réduite, ça n’est pas la question, mais qu’on fasse la pièce, pour les gens aujourd’hui, je trouve cela important. Ce regard analytique, cynique aussi sur une situation politique, sur une société, ne peut que nous intéresser. Un miroir de ce que nous vivons aujourd’hui… Car en ce moment nous n’en sommes pas si éloignés.
Nous devons donc voir quel reflet nous pouvons en donner aujourd’hui, où il est clair que quelque chose qui est vraiment une catastrophe est en train de se produire. Je pense que c’est intéressant, j’en attends quelque chose… Je pense qu’il est important de faire cette pièce parce que c’est une possibilité de réfléchir à ce qui se passe en Europe aujourd’hui, et pas seulement en Europe. C’est donc une sorte d’actualité. Il y a Trump bien sûr, mais aussi Poutine, nous pouvons aussi parler d’Elon Musk, du pouvoir de l’argent, et bien sûr de l’intelligence artificielle. Tout cela sera décisif et nous ne savons même pas ce qui nous attend… Peut-être le devinons-nous… Mais nous serons très bientôt dans le monde d’hier[1], nous-mêmes. Et ce ne sera pas long.
Justement, Stefan Zweig a écrit quelque chose de très intéressant sur Marie Stuart[2], dont nous parlions tout à l’heure, comme une « antithèse historique mondiale ». Nous aussi nous vivons dans ces antithèses et c’est pourquoi cette pièce de Karl Kraus est si intéressante, et qu’il aussi intéressant de faire Maria Stuarda, cette « antithèse historique mondiale » : que s’y passe-t-il ?
Nous sommes dans une situation où nous pouvons interpeller Shakespeare, Schiller, nous pouvons les mettre sous microscope et nous y verrons des choses décisives, décisives pour la compréhension de ce que nous sommes en train de vivre.
Nous ne savons pas comment est l’avenir. Nous savons comment est le passé, c’est clair, mais de l’avenir nous ne savons rien, et il sera très différent, très différent vraiment de ce que nous attendons.
J’ai probablement vécu les dernières années généreuses à bien des égards, et pas seulement sur le plan financier ou autre en tant qu’intendant. Il y aura un changement politique très perceptible, il y aura des pressions très évidentes, de très fortes pressions pour nous dire ce qui est possible ou pas possible, permis ou pas permis.
Et il y aura une forme de maîtrise du monde pour ainsi dire par l’intelligence artificielle. Et moi, je n’en sais pas assez et, Dieu merci, j’essaie de pratiquer une sorte d’« escapisme », de ne pas m’y confronter, mais quelque chose nous attend dont nous n’aurons plus le contrôle, plus du tout, et ce sera difficile, très difficile, même pour l’art…
Et là je ne suis plus du tout optimiste.
Je suis très sceptique sur ce qui nous attend, nous pouvons revenir à l’obscurité et au pessimisme mais je ne suis pas pessimiste mais sceptique. Je cite à ce propos Cioran qui a cette phrase magnifique : « Le scepticisme est l’élégance de la peur ». Ça a quelque chose à voir avec la peur, mais ce n’est pas encore la peur, c’est le scepticisme… Je trouve ça très intelligent.
[1] Stefan Zweig, Le Monde d’hier, souvenirs d’un Européen (Livre de Poche)
[2] Stefan Zweig, Marie Stuart, (Livre de Poche)
Dans un tel contexte, que signifie programmer, parier sur un futur ?
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La question du sens à donner à une programmation n’appelle jamais une réponse totalement satisfaisante. Je ne suis jamais dans l’autosatisfaction parce que même si je dois essayer quelque chose, je suis souvent dans la quadrature du cercle, avec 220000 spectateurs à satisfaire et un changement continu du public du début à la fin du festival. Comment naviguer ? Quel système de navigation proposer quand ceux qui sont là la première semaine disparaissent ensuite et que le public de la mi-août n’a rien à voir avec celui de la deuxième semaine ? Ça change tout le temps.
Et pourtant je dois trouver un continuum perceptible en tant que récit. Je dois d’abord être relativement clair avec moi pour essayer de créer une sorte de disposition qui mette chaque personne qui vient à Salzbourg dans la position ou la possibilité de recevoir, à n’importe quel moment, le message, le récit, l’idée que j’ai essayé de construire. 220000 visiteurs en un peu plus d’un mois, c’est un défi qu’il faut gérer. Et tous n’ont pas la formation, la culture ou l’exigence que vous pouvez avoir envers le Festival.
Il faut être réaliste, j’ai besoin d’une ancre, d’une sorte de port d’attache et j’ai aussi besoin de savoir où se dirige toute cette eau, où elle se déplace. C’est essentiel pour moi parce que 80-90 concerts et opéras c’est beaucoup de choses diverses et c’est un défi. J’essaie ainsi de rendre utile pour les autres ce dont j’ai besoin pour moi. Mais l’expérience et l’exigence que vous incarnez, ce n’est pas la règle…
Pour revenir à la programmation théâtrale, avec tout ce que vous m’avez dit, j’aurais pu m’attendre à y voir Beckett …
Mais on voit Beckett en filigrane dans Tchekhov. Il y a là une sorte d’idée qui nous dit : « qu’est-ce que le début a à voir avec la fin », ou « qu’est-ce que la fin ? » et je ferais alors Fin de partie de Beckett ? j’ai vu à Vienne l’opéra que György Kurtág en a tiré[1] … à vrai dire je n’en sais rien.
[1] Fin de partie, de György Kurtág, créé à la Scala en 2018, entré au répertoire à l’Opéra de Vienne en octobre 2024 dans une mise en scène de Herbert Fritsch
Cela pourrait être aussi En attendant Godot
Mais il n’y aurait pas eu En attendant Godot s’il n’y avait pas eu Tchekhov, c’est là que Godot prend ses racines. Godot, c’est Les Trois Sœurs. Comme je vous l’ai dit tout à l’heure Tchekhov et Godot, même latitude…
Quel sens a dans le monde d’aujourd’hui un festival comme Salzbourg ? Il avait du sens dans le monde d’hier, et d’ailleurs Zweig en parle dans son livre, mais aujourd’hui ?
Je vais répondre, mais quel sens a Aix-en-Provence ou Glyndebourne aujourd’hui ?
Vous êtes intendant du Festival de Salzbourg, c’est à vous que ce discours s’adresse (rires)…
Salzbourg a évidemment un grand poids, une grande tradition, une histoire séculaire, c’est tout un pan de l’histoire culturelle européenne, de mémoire culturelle de l’opéra aussi.
Mais que signifie aujourd’hui histoire culturelle européenne ? C’est une vraie question par les temps qui courent…
Je ne peux pas répondre à cela. Ce que je peux dire, ce que je porte en moi : un essai pour trouver une « raison d’être », une tentative de rendre possible une réflexion avec ce que j’ai à disposition, la grande carte de l’histoire de la musique. Peu importe alors si c’est avec L’incoronazione di Poppea, Der Rosenkavalier, Le nozze di Figaro, le Macbeth de Sciarrino ou Prometeo de Nono. J’ai ce privilège de pouvoir ouvrir cette carte et en tirer ceci ou cela en disant « on peut faire ça » …
Cela ne veut surtout pas dire autosatisfaction : « nous sommes Salzbourg, nous sommes les meilleurs ». J’ai de gros problèmes avec ça. La question n’est pas de savoir qui est le meilleur. Il s'agit de savoir ce qui est rendu possible, quel type de constellation, d’intelligences, de créateurs, d'artistes extraordinaires nous sommes en mesure d’attirer à Salzbourg pour qu’ils nous communiquent quelque chose.
Pourquoi ai-je demandé à Warlikowski de faire Der Idiot de Weinberg ?
Parce que cet opéra nous communique quelque chose de tout à fait décisif sur les réactions d’un être, ce Mychkine, devant une femme, devant un meurtre, devant ce meurtrier qui le prend dans ses bras… ce sont de très grands moments de Dostoïevski et de Weinberg. Et puis c’était complet à ma grande surprise, avec un public enthousiaste, des gens qui savaient, qui sentaient exactement de quoi il s’agissait dans cette œuvre.
Voilà la possibilité que m’offre Salzbourg.
Ce n’est pas un jugement de valeur, pas du tout, mais quand Salzbourg fait quelque chose comme ça et le fait bien, alors ça a un tout autre poids que si c’était à Nuremberg ou Bordeaux. Oui Salzbourg, c’est comme ça, a cet effet sur le monde et c’est pour moi un grand fardeau parce qu’il y a aussi la possibilité de l’échec : que veut dire échouer ? échouer à Salzbourg ? La question de la réception à Salzbourg est énorme, énorme, bien plus énorme que pour n’importe quelle représentation d’opéra normale.
Quand nous avons fait Passion grecque, qui connaissait cette œuvre ? Presque personne.
Et subitement tout le monde s’interroge et comprend que ce que Kazantzakis et Martinů[1] ont à nous dire concerne ce que nous vivons chaque jour, dans une tout autre perspective, tout comme cette image romantique du Radeau de la Méduse de Géricault est aujourd’hui directement en lien avec le quotidien vécu dans la Manche ou en Méditerranée. Et je ne parle pas d’une forme stupide d’actualité, mais Salzbourg a le devoir de s’emparer de ces choses, puis cela se diffuse en cercles concentriques autour de Salzbourg…
Mais je dois faire très attention à ce qu’il ne se créée pas une sorte d’automatisme qui perdrait tout sens.
Alors oui, il y a des éditions meilleures que d’autres, et ce n’est pas le problème. Le problème c’est qu’on doit être sincère avec ce qu’on peut faire, avec ce qu’on a à disposition et ce que je fais c’est pour Salzbourg, Salzbourg ici et maintenant.
[1] Passion grecque, de Bohuslav Martinů d’après Le Christ recrucifié de Nikos Kazantzakis raconte l’histoire d’un village chrétien en Anatolie qui reçoit un groupe de réfugiés chrétiens chassés de leur village par les turcs demandant asile et qui finissent par être chassés par leurs propres coreligionnaires.
Mais Salzbourg c’est aussi une histoire, qui est aussi motivation du public…
Nous avons parlé tout à l'heure de mises en scène, de souvenirs, de Ronconi ou Chéreau ou Sellars, d'associations qui nous parlent et la musique a aussi à voir avec des souvenirs, et presque uniquement avec des souvenirs. Qu'avons-nous entendu, quand, où et comment, et quel type de réaction cela a déclenché en nous.
Mais pour moi il y a une phrase de Paul Valéry, La mémoire attend l'intervention du présent qui est décisive et qui est lumineuse. La mémoire, c’est ce que nous nous attendons à nous rappeler, et le présent ce n’est pas l’esprit du temps, c’est le présent, et nous n’avons pas d’autre monde à disposition que celui-là, pas d’autre, et c’est avec ce monde que nous avons à nous confronter et cela n’a rien à voir avec une quelconque actualisation bon marché. Nous n’avons rien d’autre que quelques années à disposition dans ce monde que nous devons affronter et nous disparaissons, c’est ainsi.
Justement, je reviens à la question de la culture européenne, de cette manière de faire de la culture qui nous vient des Lumières et qui se traduit aujourd’hui dans la plupart des pays d’Europe par des politiques publiques qui sont assez spécifiques à notre continent. Quel présent pour cette culture et quel avenir surtout ?
On ne le sait pas.
J’ai aussi du mal à répondre parce qu’encore une fois nous connaissons le passé, nous asseyons de comprendre notre présent, mais notre futur…
Nous pouvons seulement essayer de comprendre, appelons ça comme vous l’avez dit, ce phénomène européen (et ce n’est pas le pire des phénomènes)
Je veux dire que la question de l’Europe, de l’identité de l’Europe et de l’importance de l’Europe se décidera aussi dans la gestion de cette question. Que faisons-nous de ce qui est notre culture ? Justement le phénomène des Lumières est profondément et exclusivement européen. Nous sommes, ici, à Paris, dans une ville des Lumières, et il n’y en a pas en ce sens dans d’autres continents. Et nous avons une vraie responsabilité à assumer. Face à ce qui se passe aujourd’hui en Europe, il est très problématique de savoir si nous pouvons trouver une réponse à ce qui est vraiment menacé, avec ce que nous avons à offrir dans l’art, dans la culture, dans ce qui nous a été donné
Par exemple, la question de savoir si notre démocratie libérale existera encore dans quelques années sous cette forme, telle qu’elle a été vécue depuis des décennies, est une question que nous devons gérer. Tout comme la question de l’étranger. Comment l’Europe héritière des Lumières gère-t-elle ce qu’on appelle l’étranger ?
Ce sont des questions particulièrement complexes, et les réponses qui sont tout autres que faciles sont données par la droite et l’extrême droite comme des choses très simples, très claires, sans nuances : c’est comme ça, alors faisons comme ça. Mais nous le savons, l’histoire n’est pas simple, elle est même incroyablement complexe et nous devons être très attentifs à ce qui se passe et à ce que nous faisons, sans avoir l’illusion que si nous faisons maintenant un Nozze di Figaro ou Maria Stuarda de Donizetti ou autre, nous nous confrontons toujours au présent et à ces questions. Mais en dernière analyse, peut-être que l’art et ce dont nous nous occupons a encore une latitude pour rendre quelque chose de possible, ce qu’on appellerait une « éducation sentimentale » qu’on traduit en allemand par « l’éducation du cœur » (Die Erziehung des Herzens) et ce n’est pas rien, avec aussi bien sûr une « éducation de l’esprit » car c’est un mélange… Mais ce n’est pas facile.
Encore une fois je ne suis pas pessimiste, mais il y a en moi un scepticisme assez important, un point d’interrogation…
Je ne suis pas un oracle, je ne suis pas Cassandre, j’essaie seulement de rendre quelque chose possible…
Vos réflexions me renvoient à la fondation du festival de Salzbourg, c’était une belle utopie, non ?
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La fondation était vraiment une grande utopie, oui. Mais elle avait aussi à voir avec la situation politique et sociale, au lendemain de la première guerre mondiale où tout était détruit, tout. Et Reinhardt, Hofmannsthal et Strauss se sont dit « nous faisons de la beauté dans une sorte d’intimité » … Les grands Festivals sont souvent nés dans des cellules intimes, dans des unités relativement petites créant cette dialectique entre intimité et ouverture au monde.
Voilà l’utopie de départ, qui s’est bientôt arrêtée, puis vint le nazisme et la deuxième guerre mondiale, et puis après le Festival est devenu en quelque sorte symbole de la reconstruction, c’était la fête, le miracle économique. L’industrie s’est développée et le Festival a reflété cette explosion. L’industrie était puissante et à Salzbourg, celle du disque particulièrement puissante… les étoiles étaient alignées sur d’autres constellations, puis, à la mort de Karajan en 1989, il y a eu un vrai changement de paradigme dans les années 1990 après un moment d’incertitude, et Gerard Mortier est arrivé. En fait il n’a rien fait de neuf, il n'a fait que répéter que qu’il avait fait à Bruxelles, avec les mêmes personnes et les mêmes artistes. Mais ce fut un choc.
Mais Bruxelles est une chose et Salzbourg bien autre chose.
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Bien sûr ! il a été le premier à formuler une « raison d’être » … L’importance de Mortier ne tient pas tant dans les productions et les opéras qu’il a faits, mais dans la manière, pour la première fois, de donner un sens à ce qui se faisait, de donner un sens au Festival. Auparavant, les choses se faisaient comme ça, et là, pour la première fois, on posait les raisons de faire un Festival dans un contexte européen ou même mondial, avec il faut le dire, un concours de circonstances unique, une situation unique sur le plan historique ; Les caisses étaient pleines, il y avait beaucoup d’argent, on pouvait inviter le Los Angeles Philharmonic pour Saint François d’Assise, il n’y avait aucun souci économique. Mais au-delà de tout cela le rôle essentiel de Mortier est d’avoir donné au festival un sens « politique ». Mortier a été un grand politique, et c’est sa très grande réussite…
Et Salzbourg et la politique aujourd’hui ?
Eh bien, maintenant, politiquement, ce qui se passe est épouvantable, mais cela n'arrive pas qu’en Autriche.
Mortier s’est trouvé devant une situation similaire en l'an 2000 exactement, mais à l'époque c'était différent, cela a conduit à des sanctions, à d'énormes manifestations sur la Heldenplatz à Vienne. À l'époque, en Europe, c'était encore une situation relativement, singulière. Aujourd'hui en revanche, l’extrême droite est au pouvoir ou à ses portes dans pas mal de pays en Europe, la Hongrie, l'Autriche, la France, l'Italie avec son gouvernement post-fasciste, la Hollande, et maintenant l'Amérique où un vrai radical de droite comme Musk soutient ouvertement l'extrême droite en Grande-Bretagne et en Allemagne l'AfD. C'est une situation européenne et mondiale complètement différente et nous allons tout simplement dans une direction où comme je l’ai dit tout à l’heure, ce que nous appelons la démocratie libérale avec laquelle nous avons vécu pendant des dizaines années, va peut-être arriver à sa fin. C’est pourquoi il est vraiment intéressant sur le plan socio-culturel et politique de faire Die letzten Tage der Menscheit de Karl Kraus (Les derniers jours de l'humanité) justement en ce moment.
Mais l’époque est difficile pour les festivals en Europe ; moins Salzbourg peut-être, mais Bayreuth, mais Aix..
Je ne sais pas… Je ne peux pas répondre pour les autres. Je sais qu’à Aix il y a des difficultés financières, mais je n’en sais pas plus. À Bayreuth bien sûr il y a aussi des difficultés, mais là je trouve très franchement que la proposition de la Ministre allemande de la culture a faite est particulièrement stupide, vraiment stupide. Elle montre qu'il n'y a pas du tout de compréhension sur le pourquoi et le comment de Bayreuth et sa « raison d’être ». Par incompréhension totale, on peut aussi mettre en crise des choses qui sont relativement monothématiques, ça n’est pas particulièrement original, même si c’est idiot. Quant à savoir comment le gérer…
Justement, le temps des Festivals est-il compté ?
L’activité de Festivals comme Salzbourg ou Bayreuth a à voir avec un système de valeurs, et pas seulement une sorte de processus productif coûteux qui se reproduirait à l’infini. Il faut qu’on puisse reconnaître comme une valeur le privilège de pouvoir encore faire des choses de ce type.
Cela a aussi à voir avec la question de la vulgarisation, avec la manière de « populariser » toute cette histoire et ça c’est épouvantable. C’est très bizarre parce que nous vivons dans une démocratie, qui est un phénomène majoritaire certes. Mais la démocratie a ceci de fantastique qu’elle s’occupe aussi des minorités. Mais en ce moment, plus la minorité est petite, et plus la pression sur la majorité est grande, c’est un phénomène dialectique.
Et nous ne devons pas croire que ce que nous faisons a une capacité, une prétention à être majoritaire. C’est quelque chose d’incroyablement précieux quand les gens se réunissent à une certaine heure, à un certain endroit, pour écouter le quintette à cordes de Schubert ou le trio de Schönberg. C’est un peu de la folie, il n’y a pas beaucoup de monde, c’est une minorité, certes, mais pourquoi devrait-on abandonner cette minorité alors que dans une démocratie elle doit aussi être défendue ?
Oui, cet antagonisme entre majorité et minorité est dans une tension étrange aujourd’hui, dans la démocratie elle-même, parce que la démocratie est et reste un phénomène majoritaire.
C’est toute la différence entre culture de masse et culture démocratique qu’on retrouve dans la différence entre enseignement de masse et enseignement démocratique.
Absolument. C’est exactement de cela que je parle, oui.
Et ça a aussi une grande influence sur la réception de ce que nous faisons en ce moment. Une influence essentielle, mais pas toujours positive je dois dire, c’est à dire le respect, le respect de ce que veut aussi une minorité et de ce qu’on doit à une minorité.
Dans ce cas, les paramètres économiques libéraux d'aujourd'hui seraient en quelque sorte considérés comme non importants, non essentiels. Mais on pourrait aussi dire à l'inverse, et cela n'aurait maintenant rien à voir avec l'art, mais avec une réflexion économique, combien de personnes travaillent dans ces entreprises culturelles, et combien de personnes ces entreprises culturelles font vivre ?
Si je considère Salzbourg, il y a environ 260 personnes qui travaillent toute l'année au Festival de Salzbourg, dont 75 à 80% n'ont absolument rien à voir avec l'art, rien du tout. Les personnes qui travaillent comme menuisier, comme tailleurs, celles qui travaillent dans les costumes, dans le nettoyage ont le droit de vivre. Nous leur donnons ce droit, nous leur donnons cette vie, nous les payons.
Quand par exemple une chaîne de droguerie fait faillite et que 200 ou 400 personnes doivent être licenciées c'est un grand sujet dans les médias. Et dans la culture, on ne voit pas les choses comme ça, on ne les prend pas au sérieux alors que c'est une affaire sérieuse. On parle toujours par exemple d'économies dans la culture à Berlin[1]. Vous ne pouvez pas sans cesse répéter que dans la culture il y a des gens comme Picsou qui apprennent à nager dans des piscines remplies d’argent, que l’argent y coule à flot, alors qu’en réalité il y a des milliers de gens qui y exercent simplement un métier tout à fait normal, que nous devons respecter, et dont nous rendons aussi possible le métier avec la culture que nous proposons, dans la plus grande normalité. Et je trouve ça important qu'on le sache. Et que l'on respecte cela, c'est tout à fait essentiel.
[1] Voir notre article à ce propos dans notre blog personnel
Nous arrivons au terme de cette longue conversation qui tombe à pic au moment où les réflexions sur l’Europe, sur la culture en Europe et son avenir, et aussi sur la notion de culture européenne semblent à la fois si essentielles et en si grande difficulté. Et à Salzbourg, vous êtes en quelque sorte dans un lieu, un monde qui y a largement contribué et qui personnellement a donné bien du sens à ma propre vie…
C'est aussi mon monde. Tout ce que je fais, c'est mon monde, et une ville où j'aime passer ma vie, c'est une ville comme Vienne, où il y a tout ça, de Mozart, de Beethoven, de Schubert, de Brückner, de Mahler, à Schönberg, à Berg, à Webern, à Wittgenstein, à Klimt, à Schiele, à Josef Roth ! Oui, il y a tout ça. Et j'ai un capteur pour ça, oui, c'est aussi mon monde.
Pour les détails, voir le site des Salzburger Festspiele
Opéras :
Productions scéniques :
G.F.Händel : Giulio Cesare in Egitto (Emmanuelle Haïm, Le concert d’Astrée/Dmitri Tcherniakov)
One morning turns into an eternity
(Schönberg : Erwartung/Mahler: Abschied, du Lied von der Erde) (Esa-Pekka Salonen, Wiener Philahrmoniker /Peter Sellars)
Hotel Metamorphosis, pasticcio (Vivaldi/Ovide) (Gianluca Capuano, Les Musiciens du prince-Monaco /Barrie Kosky/)
Production du Festival de Pentecôte
Gaetano Donizetti : Maria Stuarda (Antonello Manacorda, Wiener Philharmonker/Ulrich Rasche)
Peter Eötvös : Drei Schwestern(Les Trois Sœurs) (Maxime Pascal-Alphonse Cernin, Klangforum Wien/Evgheni Titov)
Giuseppe Verdi : Macbeth (Philippe Jordan, Wiener Philharmoniker/Krzysztof Warlikowski)
Reprise de la prod. de 2023
Productions en version concertante :
W.A. Mozart : Zaïde (Raphael Pichon, Ensemble Pygmalion)
W.A. Mozart : Mitridate, re di Ponto (Adam Fischer, Mozarteum)
Michael Jarrell : Kassandra (Bas Wieger, Ensemble Modern)
Salvatore Sciarrino : Macbeth (Vimbayi Kaziboni, Klangforum Wien)
Umberto Giordano : Andrea Chénier (Marco Armiliato, Mozarteum)
Jean-Philippe Rameau, Castor et Pollux (Teodor Currentzis, Utopia)
Théâtre :
Hugo von Hofmannsthal : Jedermann (Robert Carsen)
Karl Kraus: Die letzten Tage der Menscheit (Les derniers jours de l’humanité)( Dušan David Pařízek)
Leonid Andréiev: Le passé (Julien Gosselin)
Lucinda Childs : Four new works
Vladimir Sorokin : Der Schneesturm (La Tourmente) (Kirill Serebrennikov)
Lectures diverses.
Concerts :
Ouverture Spirituelle : Fatum
Concerts des Wiener Philharmoniker, Berliner Philharmoniker, Concertgebouw, Utopia, Le Balcon, Orchestre de l’ORF, Klangforum Wien, Le Concert des nations, Gustav Mahler Jugendorchester…
Concert de musique sacrée : Messe en ut mineur de Mozart (Gianluca Capuano, Les Musiciens du Prince-Monaco)
Récitals de solistes :
Daniil Trifonov, Pierre-Laurent Aimard, Evgeny Kissin, Igor Levit, Grigory Sokolov, Arcadi Volodos, Yulianna Avdeeva et András Schiff, Víkingur Ólafsson, Patricia Kopatchinskaja et Joonas Ahonen, María Dueñas et Alexander Malofeev.
Récitals de Lieder :
Diana Damrau et Jonas Kaufmann (Helmut Deutsch au piano)
Asmik Grigorian et Hyung-ki Joo, Christian Gerhaher et Gerold Huber, Andrè
Schuen et Daniel Heide, Sabine Devieilhe et Mathieu Pordoy, Florian Boesch et la Musicbanda Franui
Concerts de musique de chambre, soirées spéciales, programme pour enfants complètent le programme.
© Salzburger Festspiele / Neumayr / Leo (M. Hinterhäuser)
© SF/Anne Zeuner (K.Warlikowski)
© Luciano Virgilio (L'homme difficile, Ronconi, Turin)
© Tommaso La Pera (Archivio Luca Ronconi) (Derniers jours de l'humanité)
© Abisag Tullman, Die Riesen vom Berge (Les géants de la montagne)) (Ronconi, Salzbourg)
© SF / Ruth Walz (Salomé, Castellucci)
© SF / Peter Rigaud (Présidente K.Hammer et M.Hinterhäuser)