Programma

Saverio Mercadante (1795–1870)
La stella
La primavera

Giuseppe Verdi (1813–1901)
È la vita un mar d’affanni
Stornello
Chi i bei dì m’adduce ancora
Perduta ho la pace

Franz Schubert (1797–1828)
Gretchen am Spinnrade D118
Vedi, quanto adoro D510

Giuseppe Verdi (1813–1901)
Romance sans paroles
Valzer in fa maggiore

Luigi Arditi (1822–1903)
Valse des belles viennoises

Vincenzo Bellini (1801–1835)
Malinconia, ninfa gentile
Vanne, o rosa fortunata
Bella Nice, che d’amore
Almen se non poss’io
Per pietà bell’idol mio
Ma rendi pur contento

Gaetano Donizetti (1797–1848)
Lamento per la morte di Bellini
Se a te d’intorno scherza
L’amante spagnuolo

Luigi Luzzi (1828–1876)
Ave Maria

Frédéric Chopin (1810–1849)
Mazurka in la minore op. 67 n. 4

Gioachino Rossini (1792–1868)
L’invito (da Soirées musicales)

Giuseppe Verdi (1813–1901)
Merci, jeunes amies (da Les Vêpres siciliennes)

Bis :

 Giuseppe Verdi (1813–1901)
Pietà Signor

 Gioachino Rossini (1792–1868)
La promessa (da Soirées musicales)

 Giuseppe Verdi (1813–1901)
Gualtier Maldè!…Caro nome (da Rigoletto)
È strano!…Ah forse è lui….Follie ! follie!….Sempre libera (da Traviata)

Soprano                 Lisette Oropesa
Pianoforte            Francesco Izzo

Parme, Teatro Regio, jeudi 7 octobre 2021, 20h

Le Festival Verdi 2021 accueille les débuts au Teatro Regio de Parme de la star Lisette Oropesa avec un concert qui n'est pas une simple collection d'arias mais un délicieux et intelligent voyage musical à travers les riches salons nobles du XIXe siècle. Elle a offert à son public, séduit dès le premier air, une soirée mémorable. Technique, style et sympathie sont les armes d'une voix vraiment importante qui enchante et ravit le théâtre pendant plus de deux heures de musique suivies d’un triomphe bien mérité qui arrive avec les feux d'artifice de Rigoletto et Traviata !

Verdi de salon… dit comme ça, il est difficile d'imaginer Giuseppe Verdi fréquentant les salons de la haute société, se rendant à des fêtes glamour et enchantant les jeunes filles… La tradition le décrit surtout comme un homme rocailleux, à la limite de la misanthropie, inconsolable après la mort de sa jeune épouse, Margherita.

En fait, Verdi était un habitué des plus illustres des salons et, jeune homme issu de la campagne de la plaine du Pô, après ses premiers succès, il a profité de ce que les salons de l'aristocratie milanaise mettaient à sa disposition pour construire son éducation littéraire et sociale. Il profitait avec gourmandise de ces salons, en particulier des soirées qui se déroulaient dans la maison de la comtesse Clarina Maffei ((la comtesse Elena Chiara Maria Antonia Carrara Spinelli avait épousé en 1832 le poète Andrea Maffei, qui écrivit plus tard le livret de la pièce "I masnadieri" de Verdi)), qui pouvait prétendre à l'époque être la personne la plus célèbre de Lombardie, voire d'Italie.

À sa manière, l'homme construisait la base culturelle d'une personnalité de plus en plus intéressée par le monde contemporain, par les histoires de courtisanes dans lesquelles la rédemption part de leur propre crise intérieure, par les pères moralement déformés avant même de l'être physiquement, par le choc entre des pouvoirs séculiers plutôt que par les mythes classiques ((pour avoir une idée des soirées de discussion dans la maison Maffei, voir par exemple le chapitre VII de "Il Salotto della Contessa Maffei", Raffaello Barbiera, Milan, 1895)).

Le Verdi de salon, au Teatro Regio de Parme, avec Lisette Oropesa (soprano) et Francesco Izzo (piano)

Le Festival Verdi 2021 a donc eu une intuition splendide en nous emmenant à la découverte de romances et d'arias d' une apparente simplicité le plus souvent, qui, étiquetées musique de chambre, pourraient laisser penser qu'il s'agit d'un simple divertissement pour nobles amateurs, et qui sont au contraire de véritables joyaux de l'art musical, alignés dans ce concert avec une logique artistique à la fois solide et exquise. En commençant par les romances de Mercadante, un auteur si important pour comprendre les débuts de Verdi, juxtaposées à des feuillets d'album du même Verdi qui démontrent, parmi de nombreuses autres qualités, comment il n'avait pas peur de traiter rien de moins que le Faust de Goethe. Perduta ho la pace, composé en 1838 et caractérisé par un espoir énigmatique et (peut-être) subtil, cède la place à la désolante Gretchen am Spinnrade de Schubert dans une juxtaposition inattendue.
À la fin de la première partie de la soirée, il y aura aussi une place pour la danse : entre autres, la Valse en fa majeur, qui a acquis une telle célébrité dans la formidable transcription de Nino Rota, rendue célèbre par Le Guépard de Visconti, et la Valse des belles viennoises, déjà un cheval de bataille d'Emma Albani ((célèbre soprano canadienne, 1847–1930, à qui la composition est dédiée)).

Lisette Oropesa (soprano) et Francesco Izzo (piano)

Après avoir repris notre souffle, nous recommençons avec les Six Arias de chambre de Bellini, petits chapitres de romantisme et de délicatesse dans lesquels résonnent les échos des ses romances. Pendant un instant, les spectres de Gualtiero, Elvino, Amina et Pollione ((respectivement les protagonistes de Pirata, Sonnambula et Norma)) occupent la scène, puis nous quittent pour laisser place, avec une autre heureuse juxtaposition musicale, au Lamento per la morte di Bellini de Donizetti, dans lequel nous voyons un discret hommage à Sonnambula.
Le programme comprend l'Ave Maria de Luigi Luzzi ((Olevano di Lomellina,1824 – Stradella, 1876)), une composition gracieuse mais musicalement modeste, surtout quand elle résonne dans la maison de l'auteur de la prière d'Otello, et le grand final, provisoire, avec deux chefs‑d'œuvre au rythme de boléro. Tiré des Soirées musicales L'invito de Rossini, le programme se termine par l'air d'Hélène du cinquième acte des Vêpres siciliennes.

Lisette Oropesa (soprano) et Francesco Izzo (piano)

Avec ce programme, le Festival Verdi a préparé sur mesure les débuts à Parme d'une (vraie) étoile de première grandeur, la soprano américaine Lisette Oropesa, accompagnée au piano par Francesco Izzo, qui est également directeur scientifique du festival.Oropesa a une voix importante et a conquis le public dès la première romance du programme. Sa voix, au timbre lyrique, est homogène sur toute la tessiture, douce, ronde, riche en harmoniques dans les centres, elle s'élève facilement vers le haut sans avoir besoin de la hardiesse des voix coloratures légères et conserve fermeté et corps même dans les régions inférieures. Soutenue par un legato magistral, elle frappe par la précision instrumentale avec laquelle elle pousse les embellissements et, parmi ceux-ci, le plus difficile, le trille. Une précision qui donne de la fermeté à la ligne de chant, toujours contrôlée même dans les moments les plus expressifs. L'excellence générale de l'interprétation est rendue possible par la présence de Francesco Izzo au piano, qui soutient la voix avec élégance et une convenance stylistique exemplaire, lui qui est un éminent spécialiste du mélodrame du XIXe siècle. Pour recréer l'ambiance du salon, il est le protagoniste de pages de Verdi et de Chopin, qui sont accueillies par de chaleureux applaudissements. Avec ces prémisses, le Lamento per la morte di Bellini de Donizetti est un hommage émouvant et sincère à son rival et non un morceau de circonstance mélodieux. L'Invito de Rossini, tirée des Soirées musicales, un mécanisme aussi vif et rigoureux que L'amante spagnuolo de Donizetti. Un Per pietà bell'idol mio à couper le souffle nous laisse pantois : soliste et piano nous font comprendre le sens de l'Allegro agitato écrit par Bellini. Les deux se lancent à l'unisson et lancent une page avec une précision virtuose, tant dans la tenue rythmique que dans l'intonation. L'interprétation est soutenue par une force qui rappelle les éclats des œuvres de jeunesse de Mozart. Une page qui vaut à elle seule le voyage d'un Wanderer. Un autre exemple de ce que solidité technique et conscience du style peuvent accomplir est le Merci, jeunes amies des Vêpres siciliennes, abordé avec un enthousiasme digne d'un salon, en quelque sorte " débarrassé de l’opéra ". La légèreté du chant, en synchronisation avec les lèvres, nous fait oublier la tragédie imminente du cinquième acte de l'opéra. Cette fois, le piano, loin de la lourdeur orchestrale, est un véritable complice de salon.

Lisette Oropesa fêtée à la fin du concert

Accueillis par l'enthousiasme du public, Oropesa et Izzo ont offert au public une courte prière de Verdi et La promessa, cette dernière issue des Soirées musicales de Rossini, avant de se livrer à un nouvel hommage généreux à l'hôte des lieux. Caro nome de Rigoletto et le final du premier acte de La Traviata ont ainsi conclu une soirée de fête pour tout le théâtre, avec l'apparition inhabituelle et imprévue d'un jeune spectateur qui, depuis les gradins, a répété les brèves lignes d'Alfredo dans Sempre libera. Une soirée de fête : la musique, c'est aussi et surtout ça !

Standing ovation
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Paolo Malaspina
Paolo Malaspina est né en 1974 e fréquente le monde de l’opéra depuis 1989. Il pris des cours privés de chant lyrique et d’histoire de la musique, en parallèle avec des études en ingénierie chimique. Il obtient son diplôme en 1999 auprès de l’Ecole polytechnique de Turin avec une thèse réalisée en collaboration avec l’Ecole Nationale Supérieure de Chimie de Toulouse. Ses intérêts en matière musicale s’orientent vers le XIXème et XXème siècles, avec une attention particulière à l’histoire de la technique vocale et de l’interprétation de l’opéra italien et allemand du XIXème.
Crédits photo : © Roberto Ricci

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