Outre les zones d’ombre qui entourent encore le retour dans les salles de spectacle, surviennent d’autres contraintes avec les travaux annoncés sur le bâtiment et la grande salle de la Comédie afin d’en améliorer encore l’accessibilité pour tous. C’est pourquoi la saison se déroulera en partie hors les murs, dans d’autres lieux sur le territoire des deux départements au sein desquels certains spectacles ont d’ailleurs été coréalisés – ce qui s’inscrit dans un « joyeux maillage de propositions artistiques » pleinement en lien avec le projet du CDN. Parmi ces coréalisations, on peut mentionner par exemple, le concert de Bertrand Belin – faisant partie de l’ensemble artistique de la Comédie – en compagnie des Percussions Claviers de Lyon, avec le Théâtre de la Ville de Valence ; avec le Train-Théâtre de Portes-lès-Valence, le projet très original pour enfants et adultes de Johanny Bert intitulée Une Épopée, s’appuyant sur des textes de Gwendoline Soublin, Catherine Verlaguer, Arnaud Cathrine et Thomas Gornet ; ou encore avec la FOL 26 à l’Espace Liberté de Saint-Marcel-lès-Valence, Kamuyot de Ohad Naharin, dirigé par Josette Baïz avec treize danseurs de la compagnie Grenade pour « entraîner les spectateurs qui entourent l’espace de jeu, dans une énergie festive et électrique ».
La Comédie itinérante se prolonge également au cours de la prochaine saison avec des spectacles dont plusieurs créations, présentés dans différents lieux de la Drôme et de l’Ardèche comme La Vie invisible spectacle conçu et mis en scène par Lorraine de Sagazan de l’ensemble artistique de la Comédie, prenant appui sur un texte de Guillaume Poix à partir de témoignages de personnes non et mal-voyantes de la région, dans le but « d’inquiéter la perception » du public ; Tarfuffe d’après Tartuffe d’après Tartuffe d’après Molière conçu et joué par Guillaume Bailliart dans « une version de poche » et énergique de la célèbre comédie moliéresque ; Je suis une fille sans histoire d’Alice Zeniter – elle aussi dans l’ensemble artistique de la Comédie – pour un seul en scène sous forme d’une « conférence performée » cherchant à percer les arcanes de l’art du récit ; Et puis on a sauté ! mis en scène par Odile Grosset-Grange, sur un texte de Pauline Sales et une scénographie de Stephan Zimmerli faisant lui aussi partie de l’ensemble artistique, relatant l’authentique chute de deux enfants dans l’univers de leurs émotions, dans leur perception du monde si éloignée de celle des adultes parfois trop débordés. Voici que s’annoncent de beaux moments de théâtre, en itinérance hors le site de la Comédie. Marc Lainé poursuit donc ce dispositif afin de consolider certains partenariats, d’en développer de nouveaux. Afin de « commencer à penser des projets en commun ». Soulignons d’ailleurs combien le choix de cette démarche fédératrice paraît tout à fait signifiant dans un territoire où les distances géographiques creusent de plus grands fossés entre les publics et l’expression artistique. De cette façon, dans la richesse des propositions transdisciplinaires, le théâtre comme « formidable outil de compréhension du monde et de soi » devient possible et ce, dans de nombreux endroits pour le plus grand nombre.
Jusqu’ici nous avons déjà signalé la présence de plusieurs membres de cet ensemble artistique extrêmement cohérent autour de Marc Lainé. Cette douzaine d’artistes engagés interviendra beaucoup tout au long de la saison : Silvia Costa avec la création française du texte de Samuel Beckett Comédie / Wry smile Dry sob en novembre au Théâtre de la Ville ; Penda Diouf a écrit un texte qui évoque la Namibie et s’interroge sur le courage dans Pistes… mis en scène par Aristide Tarnagda à la Fabrique entre fin novembre et début décembre ; Tünde Deak crée un espace en suspension dans lequel évoluent les œuvres de Frida Kahlo avec D’un lit l’autre au Théâtre de la Ville en janvier ; Éric Minh Cuong Castaing mêle chorégraphie et art numérique dans une performance intitulée L’Âge d’or (avec Silvia Costa), et retrace son expérience auprès d’enfants atteints de troubles moteurs, en avril à la Bourse du travail ; Marc Lainé présente la répétition publique de Nosztalgia Express, « une enquête rocambolesque » où il joue avec les archétypes et les conventions génériques, au Théâtre de la Ville le 26 novembre ; puis en report de la saison 2019–2020, La Chambre désaccordée où partition musicale et chemins de vie s’entrecroisent, en mars au Théâtre de la ville ; enfin, il reprend Vanishing Point, cette sorte de road-movie théâtral inquiétant créé en 2015, avec pour cette saison Tünde Deak, Marie-Sophie Ferdane et Stephan Zimmerli, à la Comédie fin avril ; la programmation s’achève à la Comédie avec le répertoire de Tchékhov qu’abordent d’abord en mai, Cyril Teste en adaptant La Mouette, puis Lorraine de Sagazan (et Guillaume Poix).en juin, avec L’Absence de père « librement inspiré de Platonov ».
D’autres artistes de passage à la Comédie ne manqueront pas non plus de marquer fortement cette saison. Citons les deux danseurs François Chaignaud et Akaji Maro dans Gold Shower en octobre au Théâtre de la Ville ; Pippo Delbono rend hommage à son ami Bobò ancien SDF et acteur qui l’a accompagné pendant plus de vingt ans dans La Gioia au Train-Théâtre en novembre ; le lauréat du prix Goncourt 2018, Nicolas Mathieu propose une lecture musicale avec Florent Marchet de Leurs enfants après eux, en novembre à l’Auditorium de la Médiathèque Latour-Maubourg (sous réserve) ; toujours en novembre, Julien Gosselin met en scène Le Marteau et la Faucille d’après une nouvelle de Don Lillo sur fond de crise financière, dans la continuité de la trilogie du même auteur qu’il avait montée au Festival d’Avignon en 2018 ;
le chorégraphe Jérôme Bel va certainement enchanter la scène du Théâtre de la Ville en décembre, avec Danses pour une actrice (Valérie Dréville) dans une démarche artistique où théâtre et danse se confondent dans l’interprétation de la comédienne ; Eric Vignier poursuit son exploration du répertoire racinien avec Mithridate, dans lequel on peut retrouver notamment Stanislas Nordey et Thomas Jolly, au Théâtre de la Ville, fin décembre ; dans le même lieu, en janvier, Chloé Dabert s’arrête à Valence avec Orphelins de Dennis Kelly, créé en 2013 et pour lequel elle a remporte le prix du Jury du Festival Impatience l’année suivante ; le chorégraphe Josef Nadj fait retracer la formation de l’univers à huit danseurs d’origine africaine, au Train-Théâtre en janvier ; au Train-Théâtre aussi, Célie Pauthe met en scène Antoine et Cléopâtre de Shakespeare en février ; citons encore Philippe Quesne toujours en février mais au Théâtre de la Ville avec Farm Fatale, « une fable écologique aux accents felliniens » dans un monde imaginaire comme seul sans doute, le metteur en scène de La Mélancolie des dragons sait le faire surgir.
Devant la richesse de ce premier programme tout à fait enthousiasmant, souhaitons la bienvenue à Marc Lainé, à ses équipes, aux membres de l’ensemble artistique qui l’entourent à la Comédie de Valence. Souhaitons-leur également dans des temps plus sereins, d’autres beaux rêves pour d’autres belles saisons à l’image de celle qui s’annonce et dont évidemment Wanderer ne manquera pas de suivre le déroulement.