Maria Callas aurait eu cent ans en 2023, très exactement le 2 décembre, date choisie par certaines institutions pour rendre hommage à celle qui fut de son vivant et plus encore depuis sa mort, la plus illustre cantatrice du XXème siècle. Les commémorations de ce centième anniversaire ont cependant eu lieu tout au long de l’année, expositions, productions lyriques, concerts, livres et parutions discographiques célébrant en France bien sur où la diva avait élu domicile, mais également en Italie, en Espagne et surtout en Grèce où sa première carrière avait commencé juste avant la seconde guerre mondiale. Derrière l’émotion, la dévotion ou la célébration mercantile, que reste-t-il quarante-cinq après la disparition de cette artiste mythique dont la gloire hors du commun fut aussi la tunique de Nessus ? Adulée pour avoir redoré l’image d’un art lyrique moribond, on lui fit payer cher l’audace acharnée de sa révolution, ses tentatives répétées de retour sur le devant de la scène (cinéma, cours d’interprétation, mise en scène et longue tournée de récitals avec le ténor Giuseppe di Stefano) finissant par l’éloigner définitivement avant que la mort ne vienne l’emporter à la stupéfaction générale à seulement 53 ans.

Ifigenia in Tauride, Milano 1957

Parmi l’avalanche d’hommages qui ont émaillé l’année 2023, il en est un qui résume avec le plus d’évidence le phénomène Callas. Athènes, la ville symbole où elle apprit le chant et débuta sa carrière à la toute fin des années trente – Maria Callas ne l’oublions pas est née à New York de parents grecs – Athènes qui fit d’elle une jeune soprano prometteuse mais qu’elle quitta en 1945 pour aller tenter sa chance en Amérique d’abord, mais sans succès, puis en Italie, a souhaité redonner le fameux concert donné par la prima donna, le 5 août 1957, à l’Odéon Hérode Atticus. Celui-ci marquait à l’époque le retour de l’enfant prodigue tout auréolé de gloire, douze ans après son départ. Connue dans le monde entier, Maria Callas avait répondu à cette invitation, retrouvé sa chère professeure Elvira de Hidalgo et alterné dans la même soirée les agilités vocales de Lucia et d’Ofelia (Hamlet), le spinto verdien et le soprano dramatique de Wagner dans lequel elle s’était illustrée au tout début de son ascension en Italie, sous la baguette complice du chef italien Antonino Votto. Il s’agissait bien là d’un exploit puisque la cantatrice passait d’un registre à l’autre, d’un répertoire de colorature à celui d’un dramatique, adaptant son instrument selon les airs, convoquant dans un même programme les vocalises d’une Lili Pons et la puissance d’une Kirsten Flagstad. Le résultat avait fait sensation, Callas acceptant pour l’occasion de bisser la strettta d’Hamlet « E d’ora voi cantero una canzone », habitude qu’elle n’avait pas d’ordinaire.

En septembre dernier, c’est en vain qu’une seule et même interprète a été trouvée pour relever le défi et la direction du festival a dû faire appel à quatre cantatrices différentes pour venir à bout de cet Himalaya : Catherine Foster, Anna Pirozzi, Vassiliki Karayannis et Nina Koufochristou. Cela pourrait être anecdotique et pourtant cet élément est particulièrement révélateur de ce que fut Maria Callas. Une musicienne à part, infiniment douée, dotée de moyens immenses, affutés, travaillés, taillés pour répondre comme un instrument soliste, non pas à un type de partition, mais à toutes. Entièrement dévouée à son art, la jeune artiste passée entre les mains d’un premier professeur, Maria Trivella, du Conservatoire d’Athènes, puis des cours particuliers de son mentor Elvira de Hidalgo, apprit la musique, travailla sans relâche pour acquérir les bases du bel canto dont la technique lui permis par la suite de chanter sur scène les rôles les plus opposés, sans limite de tessiture ou de style. Cette voix puissante et grave gagna en extension, s’allégea, conservant en toute circonstance sa vaillance et son étonnante vélocité. Immergée dans ce monde musical qu’elle allait dominer et marquer à jamais, la jeune Maria fait ses premiers pas à l’opéra à 16 ans à peine dans Cavalleria rusticana (2 avril 1939), apprécie d’emblée la scène, la passion du théâtre, du jeu, faisant également partie de sa révolution et remporte de vifs succès notamment dans Tosca et Fidelio avant de partir tenter sa chance en Amérique en 1945, où elle retrouve son père.

Kundry (Roma 1950)

Ce n’est pourtant pas sur ce continent que le déclic va avoir lieu, mais en Italie où l’ambitieuse Maria va voir son destin bouleversé. Une première Gioconda à Vérone à l’été 1947 la met dans la lumière, ses dons spectaculaires se révélant enfin un beau soir de 1949 à Venise, lorsque la jeune protégée du chef d’orchestre Tullio Serafin se voit proposer de remplacer au pied lever une soprano colorature dans le rôle d’Elvira des Puritains de Bellini, alors qu’elle vient de s’illustrer dans celui de Brünnhilde de la Walkyrie. Ce timbre étrange qui avait surpris et déstabilisé le public, mais qui l’avait aussi happé, cette présence vocale et scénique magnétique, cette faculté à exprimer, à inventer un personnage en caractérisant chacune de ses facettes par d’infinies nuances et d’étourdissantes colorations étaient enfin révélées. Une même cantatrice était capable de chanter Wagner et Bellini avec un absolu respect des règles ainsi qu’une vérité théâtrale infaillible. Du jamais entendu. La carrière de Maria Callas était lancée : assoiffée, intrépide, enthousiaste, la jeune soprano qui redonne vie à l’inaccessible « soprano drammatico d’agilita » du passé, accepte dès lors toutes les propositions, enchaine les rôles, passant à un rythme effréné des héroïnes classiques (Aida, Forza del destino, Nabucco…), au vérisme (Turandot), sur lesquelles elle pose un regard neuf autant qu’affirmé, n’hésitant pas à les faire cohabiter avec quelques œuvres de Wagner telles que Tristan und Isolde et Parsifal, en italien, à multiplier les incursions dans le répertoire belcantiste (Norma dès 1948), se montrant aussi à l’aise dans le drame que dans la comédie (premier Turco in Italia de Rossini en 1950 à Rome, une véritable rareté pour l’époque). Le rythme est vertigineux, une quarantaine de rôles vont se succéder en une quinzaine d’année, les performances vocales étant souvent associées à des résurrections – le nom de Callas étant lié à de nombreuses redécouvertes telles que l’Orfeo de Haydn, I Vespri siciliani de Verdi, l’Armida de Rossini ou la Medea de Cherubini abordés à Florence en entre 1951 et 1953 – couronnées de succès et qui font rapidement grimper la notoriété de ce phénomène qui va bientôt s’exporter par-delà les frontières (Buenos Aires et Mexico avant Londres, les Etats-Unis, puis l’Allemagne, l’Autriche, l’Espagne, le Portugal et enfin la France, seulement en 1958). La diva se surmène, chante partout, trop tôt sans doute, n’hésitant pas à se surpasser pour construire sa légende basée sur cette capacité qu’elle a d’oser l’impossible (ah ces concerts fous où elle affronte crânement Lucia et Lakmé, puis Macbeth et Nabucco, Les variations de Proch avec Il ballo in maschera, Donna Anna et Gioconda, Dinorah et Turandot et jusque tard, Nabucco avec La Bohème…..) se plaisant, mais sans en savoir les conséquences, à être un soir la tragique Medea puis le lendemain la diaphane Sonnambula, ou pour les besoins des studios Leonora de La Forza del destino et Fiorilla d’Il Turco in Italia en 1954, ou Aida et Gilda en 1955. Exiger pareille pression, pareil déplacement sur un instrument même parfaitement préparé, n’était pas sans risque et celui de la diva ne pouvait pas résister à ces changements brutaux et incessants. D’autant que vint s’ajouter à ce corps au métabolisme déjà fortement secoué, un régime draconien réalisé en un temps record (entre 1953 et 1954) aux effets dévastateurs, mais qu’elle avait jugé indispensable sur le plan visuel, la principale intéressée ne supportant plus son embonpoint, incompatible avec la beauté de son jeu et des gestes que lui dictaient son art.

Somnambula, Milano 1955

Parvenue en quelques années à cet idéal vocal et physique auquel elle aspirait, Maria Callas a transformé l’opéra dont l’image poussiéreuse et ronronnante avait fini par le desservir, grâce à des chefs fameux (Serafin, de Sabata, Giulini, Kleiber et Karajan..), à un metteur en scène de génie, le cinéaste italien Luchino Visconti, qui créera pour elle La Vestale, La Sonnambula, La Traviata, Anna Bolena et Ifigenia in Tauride à la Scala de Milan, entre 1954 et 1958 et à un legs discographique unique (voir plus bas). Le rythme frénétique qui l’anima, le travail harassant, le stress et la fatigue, sans oublier les critiques assassines, les cabales et les calomnies qui allaient accompagner son existence à partir de sa défection romaine en janvier 1958 à l’issue du premier acte de cette Norma tant aimée, expliquent sans doute l’usure précoce que connut la voix pourtant exceptionnelle de Maria Callas. Mais à bien réfléchir, une carrière longue et traditionnelle n’était au fond pas faite pour une personnalité si habitée, si jusqueboutiste, si unique. L’intensité qui accompagna son parcours, sa manière de se consumer pour essayer d’approcher la vérité et de respecter la musique, n’étaient pas compatible avec celles, admirables mais plus classiques, d’une Magda Olivero, d’une Léonie Rysanek ou d’une Renata Scotto.

Callas réalisa en quelques années ce que tant d’autres ne peuvent accomplir en toute une existence. Elle déchaina les passions, faisant siennes Lucia, Violetta, Medea et Norma comme si personnes avant elle n’avaient été capables de les incarner avec autant de pertinence, de vérité et de grâce, au point de devenir des références quasiment intouchables et avec le temps insurpassées. A Berlin le 29 octobre 1955, Callas donna sa plus mémorable interprétation de Lucia, atteignant des sommets de virtuosité et de dramatisme dans le spectacle créé un an avant à Milan par Karajan metteur en scène et chef. La même année toujours à la Scala, Callas livrait sa performance ultime dans la célèbre Traviata de Verdi travaillée dans les plus infimes détails par Visconti et le chef Carlo Maria Giulini (28 mai). De toutes les Medea chantées entre 1953 et 1962, celle de Dallas datée de 1958 est sans doute la plus aboutie, synthèse entre les incendiaires incarnations des débuts, à jamais marquées par la sauvagerie d’une femme et magicienne trahie et la douleur d’une mère qui, à la différence de Norma ira jusqu’à tuer ses enfants ; de Norma enfin, le rôle des rôles, ce personnage fétiche qui fit sa gloire et son désespoir, celui auquel elle s’accrocha si longtemps et que personne après elle ne chanta avec autant de passion, de science et de conviction, les deux intégrales restent des témoignages devant lesquels l’on ne peut que se pencher avec la plus grande dévotion. Quelques années les séparent, mais entre la première datée de 1954 torrentielle, fiévreuse, combattive, fulgurante où se lit la parfaite fusion entre les mots et les notes (comment oublier son « Teneri figli » mouillé de larmes ?) et la seconde qui nous la montre plus fragile (nous sommes en 1960 année où la cantatrice a choisi de s’éloigner de la scène pour vivre une autre vie), mais ô combien touchante en mère protectrice et en femme troublée, mon cœur balance, d’autant qu’à Milan pour la gravure mono elle est, malgré Serafin au pupitre, bien seule à livrer les secrets d’une interprétation mythique, alors que pour la version stéréo elle a pour partenaires Franco Corelli et Christa Ludwig.

A la scène c’est d’abord à Londres un soir béni de 1952 qu’il faut se rendre, la jeune et encore bien en chair Callas offrant à un public extrêmement concentré, une interprétation superlative de la druidesse, trois ans avant la soirée milanaise de décembre 1955 qui laisse tant d’années après l’auditeur sur le flanc, à l’écoute d’une voix aussi considérable, aux accents tantôt lunaires tantôt vindicatifs, qui accompagnent cette héroïne triomphalement vers le brasier qui va la consumer. Maria Callas accéda de son vivant au statut de prima donna, de diva assoluta, d’icone, de mythe pour de bonnes raisons, son art, son talent, sa beauté indépassables et de moins bonnes, son passage d’idole du chant à celui de jetsetteuse, en raison de son incursion dans le monde des mondanités par amour pour Aristote Onassis, sa mort prématurée à 53 ans seulement (Olivero s’est éteinte à 104, sa partenaire et amie Giulietta Simionato à 99, Scotto à 89…) renforçant encore un peu plus l’aspect tragique et météorique de sa vie.

Fedora, Milano 1956

Éperdument éprise de l’armateur grec Aristote Onassis, Callas « abandonne » en 1960 ce métier qui lui a tout apporté, mais dont elle se sent lasse. La diva s’éloigne au profit de la femme qu’elle voudrait être, malgré les difficultés que sa relation va générer. Elle divorce de son mari Gian Battista Meneghini, voyage, se distrait, découvre toutes ces choses qu’elle n’a connu que de loin et oublie de travailler sa voix. Onassis voudrait la convaincre de tout arrêter, mais comment résister au chant et à cette carrière qu’elle a tant souhaitée. Le studio d’enregistrement lui permet de garder un contact avec son art, mais souvent déçue elle interrompt les projets de récitals, acceptant tout de même de revenir chanter sur le sol grec, cette fois à Epidaure : ce sera avec Norma qui connaîtra un grand succès, Norma qu’elle retrouvera quelques semaines plus tard pour en graver une seconde version qui nous renseigne sur son état vocal d’alors. Certes la voix bouge, l’aigu est devenu moins assuré, le timbre a perdu de son éclat, mais l’artiste est au sommet en matière de caractérisation, son approche psychologique s’étant plus encore affirmée. Elle est attendue quelques mois plus tard à Milan pour l’ouverture de la saison – ce sera sa dernière – avec une rareté puisque Poliuto de Donizetti a été choisi. Entourée des fidèles Corelli et Bastianini, dirigée par Votto, Callas apparait moins héroïque que par le passé mais la soirée demeure l’une des plus excitantes, galvanisée par un public en liesse qui se réjouit de retrouver celle qu’il n’a cessé d’aimer. 1961 est marqué par la rencontre avec le chef français Georges Prêtre avec lequel elle va beaucoup travailler à la scène comme en concert et par son installation à Paris où elle résidera jusqu’à sa mort en 1977 : un disque exceptionnel d’airs français, intitulé « Callas à Paris » nait de cette collaboration, qui sera suivi en 1963 par un second opus, plus douloureux que les autres – si l’on excepte l’air des lettres de Werther magistralement interprété. La divine sera de retour en Grèce cette fois avec Medea, toujours au festival d’Epidaure, avant de terminer la saison à la Scala avec une nouvelle production de Medea (après celle signée Margherita Wallmann en 1953) où elle est d’une intensité dramatique sans égale. L’année 1962 sera celle de sa dernière apparition à Milan (avec Medea), la cantatrice ne chantant plus qu’en concert et au disque jusqu’en février 1964. Tosca et Norma seront ses deux dernières contributions scéniques, réalisées à son intention par Franco Zeffirelli (Londres, Paris, New York), Callas revigorée trouvant d’un soir à l’autre des ressources vocales insoupçonnées pour se prouver et prouver à son public qu’elle est toujours celle d’avant ; à cet égard les deux Tosca du Met l’une avec Corelli, l’autre avec Tucker datées de 1965 s’écoutent avec émotion, les extraits de Norma en 1964, véritable chant du cygne distillant parfois encore de très beaux moments, surtout ceux où elle partage le plateau avec Simionato. Malheureusement elle devra quitter le Palais Garnier le 29 mai 1965 sans avoir pu livrer sa dernière bataille et mener sa chère Norma jusqu’au bûcher. Son ultime apparition scénique aura lieu le 5 juillet 1965 au Covent Garden de Londres dans Tosca.

Tosca, Covent Garden 1965

Si Maria Callas a tant marqué l’Histoire de la musique, ce n’est pas uniquement parce qu’elle réussit à redonner vie à des opéras oubliés tels qu’Anna Bolena, Poliuto, Il Pirata.. ou à se réapproprier tant de partitions qu’une mauvaise tradition avait fini par détourner (avant elle Lucia di Lammermoor était confiée à d’improbables rossignols qui transformaient l’héroïne en oiseau mécanique à l’image d’Elvira, de Gilda ou de Violetta à qui elle restitua leurs présences théâtrales et dramatiques originelles), à fasciner l’auditoire par la qualité de ses interprétations, ou de jouer de façon si convaincante le drame ou la comédie. La scène lyrique avait connu avant elle des artistes de grande renommée, célébrées elles aussi pour leur beauté, leur incandescence, leur talent de comédienne ou leurs exploits vocaux (Muzio, Ponselle, Lubin, Jeritza…), mais aucune n’était parvenue à synthétiser toutes ses qualités en une seule et même personne. L’acharnement qu’elle mit à devenir la première, au prix de nombreux sacrifices, en magnifiant son instrument au départ rebelle et singulier pour qu’il puisse répondre à toutes les sollicitations, en s’accaparant avec un instinct infaillible chaque partition pour y trouver l’essence même de la musique, ses expressions, ses émotions et ce jusqu’au geste qui en était l’aboutissement, ainsi que son magnétisme, autre don que la nature lui avait été confié, contribuèrent à faire d’elle une cantatrice d’exception.

Mais l’ascension fulgurante de Maria Callas dans les années cinquante n’aurait sans doute pas été planétaire sans l’avènement du disque. Les moyens colossaux, une voix couvrant trois octaves, de cette jeune américano grecque, ont en effet été très rapidement exploités. Ses premiers pas en studio en 1949, nous permettent de réaliser combien déjà à cette époque le timbre était unique, immédiatement reconnaissable par sa douceur, son velouté, sa régularité, le legato, la beauté du style, la souplesse et l’impressionnante longueur de la ligne venant aviver la qualité de l’expression. L’auditeur reste aujourd’hui encore frappé par l’intensité avec laquelle la cantatrice semble s’adresser à lui, l’extrême facilité que revêt son chant qu’il s’agisse de traduire la folie passagère d’Elvira (I Puritani), ou l’abandon métaphysique d’Isolde, mourant sur le corps de Tristan (Tristan und Isolde de Wagner) ; le premier « Casta diva » gravé pour l’éternité à Turin sous la baguette d’Arturo Basile pour la firme italienne Cetra, révèle la parfaite adéquation entre le classicisme d’un phrasé belcantiste de haute école et la modernité d’une vision qui n’appartient qu’à elle et voit loin. Cette voix immense, sans limite, adaptable à tous les répertoires, à tous les registres, ce timbre étrange et vibrant permettant d’exprimer tous les états d’âmes d’héroïnes tragiques ou romantiques, allait faire sensation au disque. En pleine expansion, l’industrie du microsillon recherchait de nouveaux artistes et les succès scéniques de Maria Callas allaient trouver un formidable écho grâce à ce vecteur. A la Cetra avec laquelle elle signe un premier contrat (dont elle aura du mal à se débarrasser par la suite) et dont subsistent deux très belles intégrales (Gioconda en 1952 et Traviata l’année suivante), succède celui passé avec la firme Emi Angel pour laquelle Callas restera l’une des artistes emblématiques avec Schwarzkopf, Ludwig, ou de Los Angeles…Walter Legge devient son directeur artistique attitré et lui confie entre 1953, date de la première Tosca et 1960 année de la seconde version de Norma, pas moins de 24 intégrales d’opéra, les deux ultimes opus (Carmen et Tosca) étant gravés à Paris sous l’égide de Michel Glotz et pour Emi La voix de son maitre, l’intégrale de Medea de Cherubini jugée trop risquée commercialement étant gravée par la firme italienne Ricordi en 1957, sans oublier de très nombreux récitals, du mythique « Lyrique et colorature » de 1954, aux « Airs de Verdi » et aux « Scènes de folie » (1958), sans oublier le « Callas à Paris » de 1961 pour lequel elle campe en magicienne le mezzo d’Orphée, de Dalila, ou de Carmen et les sopranos aigus tels que Titania ou Juliette.

A ce propos, s’il fallait ne retenir qu’un air parmi tous ceux enregistrés en studio par la diva, ce serait sans hésiter « Amour viens aider ma faiblesse » extrait de Samson et Dalila ; curieux choix me direz-vous, c’est exact, mais assumé, tant la cantatrice atteint dans cet air de mezzo – qui fit penser un temps qu’elle allait pouvoir tenter une seconde carrière dans cette tessiture et aborder en plus de cette Carmen sauvée de justesse par le disque, Charlotte de Werther ou Orphée de Gluck, pourtant aucun projet ne vit le jour – un niveau d’expression et une qualité de timbre tout simplement exceptionnel ; mais je m’éloigne !

Puritani, Mexico 1952

Cette voix aux mille visages, aux couleurs et aux inflexions infinies, s’illustrera ainsi dans une multitude de répertoires, de Verdi (Forza, Rigoletto, Aida, Ballo), Puccini (Tosca, Turandot, Bohème), Ponchielli (Gioconda stéréo en 1959), titres bien connus du public, avec d’autres plus aventureux de Rossini et de Bellini, tels que Il Turco in Italia (1954), I Puritani (1953) et La Sonnambula (1957), la consécration ayant lieu avec la première Tosca dirigée par Victor de Sabata en 1953 et les deux Norma placées sous la houlette de Serafin (1954 mono, 1960 stéréo). En trio avec le ténor phare de l’époque, Giuseppe di Stefano et l’immense baryton Tito Gobbi, la divina verra donc sa carrière propulsée grâce à ses enregistrements diffusés partout dans le monde et dont les ventes ne s’épuiseront qu’au début des années soixante-dix, avant de reprendre après sa mort.

Ce legs impressionnant qui nous renseigne aujourd’hui encore sur les capacités vocales et expressives de Maria Callas, ne cesse depuis sa disparition d’être édité d’abord en 33 tours puis en cd et en dvd ; les éditions Warner qui ont racheté le fonds Emi célébrant à chaque occasion le souvenir de son artiste-référence comme ce fut le cas en 2017 avec la parution d’un grand nombre de live (1949–1964). Une édition anniversaire vient de paraitre qui rassemble 131 cd/3blu-ray/1 dvd/1 livre de 148 pages, avec un bonus constitué par des prises alternatives totalement inédites issues de séances de répétitions captées entre 1960 (Semiramide et Armida) et 1964 (Obéron), qui raviront les fanatiques que la moindre bande fait rêver.

Peu d’images nous renseignent sur l’effet Callas, en raison des moyens techniques qui n’en étaient à l’époque qu’à leurs balbutiements et parce que la cantatrice n’était pas très favorable à ce type de captation : par bonheur il nous reste l’incontournable Concert de Hambourg heureusement enregistré en 1959, où le spectateur d’aujourd’hui réalise ce que la diva pouvait livrer avant même de chanter pendant les deux longues introductions orchestrales qui précèdent l’air d’Elisabetta « Tu che le vanita » (Don Carlo) et la scène de folie d’Imogene issue du Pirate de Bellini : drapée dans les pensées de ces deux personnages, Callas touche au sublime, immergée, à la fois proche et lointaine, exprimant en quelques gestes, soulignés par son regard perçant, tout un monde intérieur immédiatement perceptible. A l’opéra il faudra se contenter de Tosca avec des extraits américains de 1956 (mal filmés..) du second acte, autrement plus précieux à Paris en 1958 puis à Londres en 1964 dans la fameuse mise en scène signée Franco Zeffirelli qui permit à la diva de reprendre confiance et de retravailler pendant deux années (Norma suivra, donnée à l’Opéra de Paris à deux reprises en 1964 et en 1965). Ardente Floria Tosca, aux prises avec le plus pervers des Scarpia, l’éternel Gobbi, Callas se montre de bout en bout captivante, surprenant par la justesse et la précision de son jeu d’une grande modernité, associé à la merveilleuse mobilité de son visage de tragédienne née et qui plus est dans une excellente condition vocale. Pour ceux qui douteraient encore du pouvoir magnétique de Callas même dans les dernières années, rendez-vous en mai 1965 à la télévision française où la diva répond aux questions de Bernard Gavoty tout en proposant au public trois airs admirablement chantés et joués (Manon, Sonnambula et Gianni Schicchi) dirigés par Prêtre : un sommet.

Médée – Pier Paolo Pasolini 1969

Le cinéaste Pier-Paolo Pasolini sera le seul à l’avoir convaincue de passer au cinéma, lui proposant en 1969 de tourner sa très personnelle version du mythe de Medea, un film puissant, barbare et poétique dans lequel son hiératisme, sa douceur et sa beauté illuminent l’écran, mais qui ne recevra pas l’accueil escompté et restera sans lendemain, comme le lui avait prédit Visconti….

La diva, malgré ses échecs, ne perdra jamais espoir, reprenant le chemin des studios en 1969 en prévision d’un nouvel album consacré à Verdi dirigé par Nicolas Rescigno, mais dont elle interdira la parution, comme en 1972, ce disque de duos gravés pour Philips avec di Stefano… Après le cinéma, elle acceptera de donner des cours d’interprétation aux étudiants de la Julliard School, mais son approche de la musique n’était pas transmissible par des mots et ses démonstrations vocales aussi géniales qu’elles étaient ne pouvaient répondre aux attentes de ces jeunes plein de révérence. En 1973 Turin l’appelle pour mettre en scène ces Vespri siciliani qu’elle avait remis au gout du jour vingt ans auparavant. L’événement est de taille puisque l’opéra rouvre ses portes après de longues années de silence. Elle accepte le défi mais demande à être rejointe par son cher di Stefano : malgré leur enthousiasme, le résultat n’est pas probant, l’ouvrage étant l’un des plus complexes à maitriser… Nouvelle déception. Et voilà que le couple légendaire se sent pousser des ailes : une grande tournée de récital est alors imaginée, mais comment faire revivre un âge d’or quand les années ont passé ? Entre octobre 1973 et novembre 1974, Callas et di Stefano tenteront de retrouver leur jeunesse en chantant parfois bien, parfois mal, des airs et des duos dont certains jamais abordés à la scène, pour la diva en tous cas (Faust, Elisir d’amor etc….). D’une ville à l’autre il est possible de retrouver des fulgurances grâce à de nombreux pirates d’où s’échappent sans que l’on sache bien pourquoi un air des Lettres totalement habité, un saisissant « Sola perduta abandonnata » ou encore un fulgurant « Suicidio ».

Après cette longue parenthèse qui permit à ces deux géants de retrouver leur public et de ne pas s’avouer vaincus, Callas retrouva son appartement parisien, sa fidèle camériste Bruna et son chauffeur Ferruccio, poursuivant quelques temps encore ses sorties régulières et répondant aux invitations de diverses relations. Les dernières années furent également marquées par les disparitions de Pasolini, de Visconti et d’Onassis avec lequel elle entretint d’étroites relations, bien qu’il l’ait trahie en épousant Jacky Kennedy…

Et l’après Callas alors ? Dès le milieu des années soixante la question de la succession de la diva s’est posée ; qui allait prendre le relais, qui allait se risquer à poursuivre le chemin tracé par cette personnalité hors norme ? En 1965 la toute jeune soprano grecque Elena Souliotis est promue à une grande carrière, lancée du jour au lendemain par la firme Decca qui lui a fait signer un contrat de plusieurs années. Dotée de moyens considérables et d’un tempérament fulgurant, la cantatrice grave une intégrale époustouflante de Nabucco aux côtés d’un génial mais vieillissant Gobbi. Le succès est total, la carrière de la soprano décolle, mais insuffisamment préparée, Souliotis malgré son intelligence et sa détermination, se précipite imprudemment dans l’arène usant inconsidérément de son registre de poitrine, de graves ouverts et d’aigus rayonnants, abordant sans mesure des rôles trop périlleux qui endommagent rapidement son capital. Aida, Gioconda, Bolena, Norma, Macbeth et surtout Nabucco ce rôle fétiche qu’elle chantera partout dans le monde, l’acculent en quelques années à se retirer progressivement de la scène, faisant l’effet d’une comète. Sylvia Sass dix ans plus tard suivra les traces du modèle callassien triomphant à Aix dans une sensationnelle Traviata, mais abusant là encore de sons poitrinés, la soprano hongroise au physique racé précipitant sa carrière en alternant elle aussi des partitions trop lourdes qui dépassaient son calibre vocal. L’italienne Lucia Aliberti fut la seule à copier ouvertement Callas que ce soit physiquement (même élégance, même minceur, même gestuelle…) ou vocalement. Epigone assumée, elle choisit de faire revivre sa célèbre aînée en chantant le même répertoire bel cantiste (Norma, Pirata, Sonnambula…) et en usant des sons tubés et d’aigus pris par en-dessous qui furent ceux de la diva, mais en toute fin de carrière. Malgré cette recherche de mimétisme Aliberti chanta beaucoup et assez longtemps sans pour autant chercher son propre chemin et sans marquer durablement l’art lyrique. Concomitamment Maria Dragoni (une italienne encore), modeste grenouille, voulut se faire plus grosse que le bœuf, mais chuta en quelques années, laissant Callas sans héritière. Joan Sutherland, Beverly Sills, Monsterrat Caballé ou Leyla Gencer avec des instruments et des approches bien différentes ont finalement choisi de suivre la voie que leur avait ouverte leur illustre devancière, reprenant dès les années soixante un brûlant flambeau qu’elles surent maintenir et à leur manière faire briller.

avec Luchino Visconti

Maria Callas imposa son style, ses règles, sa vision totale du théâtre et du chant, son exemple radical restant comme elle, unique dans l’histoire, et impossible à reproduire. Son agilité, son dramatisme, ses aigus insolents et ses graves caverneux, sa manière de couvrir les sons et de chanter piano, ce legato et ce souffle inépuisable, cet art de la coloration, de la nuance et du portrait lui ont permis de chanter les rôles les plus variés en trouvant à chaque fois de nouvelles voix, de nouveaux timbres et en s’appuyant sur de nouvelles expressions. Quelle cantatrice avant et après elle a su proposer des incarnations vocales aussi définitives et différentes que celles imaginées par ses soins pour dépeindre la toute jeune Butterfly (au disque en 1955, un véritable miracle), la véhémente Gioconda (celle de 1959 pour la stéréo et l’impressionnante maturité de l’artiste), l’élégiaque figure d’Amina (Sonnambula inégalée au disque en 1957, comme à la scène en 1955 à Milan ou à Cologne deux ans plus tard), sans oublier la troublante et inoubliable Carmen, seule héroïne chantée en français, gravée pourtant en juillet 1964, et jamais tentée en public ? Personne. Les plus intelligentes ont donc eu raison d’écouter les témoignages de Callas sans pour autant essayer de l’imiter, car il n’y a qu’une Callas.

Autour du 2 décembre, date anniversaire de naissance de la diva, plusieurs événements sont à signaler. Au cinéma les 2 et 3 sera proposée une version colorisée du fameux gala donné à l’Opéra Garnier en 1958 (dans les cinémas Pathé), Callas faisant à cette occasion ses débuts dans la capitale dans un programme en deux parties (airs d’opéras et second acte de Tosca) devant le tout Paris et en mondiovision. Les adeptes de la colorisation apprécieront peut-être le travail réalisé sur ces images d’archives bien connues, les autres dont nous sommes, regretterons les nuances du noir et blanc officiels qui faisaient scintiller notamment les bijoux Van Cleef portés par la diva, transformés ici en corde à linge et luminions, et bannirons le maquillage outrancier (ces paupières bleu pétrole !) plus proche de celui d’une Néfertiti de souk égyptien que d’une gravure de mode. Seul apport véritable et incontestable, le travail réalisé sur le son à partir de bandes originales retrouvées soi-disant en Grèce, absolument extraordinaire et supérieur à celui jusque-ici publié.

Un déplacement à Athènes s’imposera pour aller découvrir le musée tant attendu qui vient d’ouvrir ses portes le 25 octobre. Chez Acte sud le Maria Callas de Jean-Jacques Groleau s’avère un excellent ouvrage, synthétique, écrit dans un style vif et précis, sur la vie et l’œuvre de la diva (on regrette d’autant plus les erreurs qui parsèment ces 195 pages : l’ouverture de la saison milanaise 1957–1958 a eu lieu avec Un ballo un maschera et pas avec La forza del destino p.173, en 1961, Callas grave en studio l’air d’entrée d’Il Pirata et non la scène finale p. 175, et pourquoi relater cette rumeur insensée de la naissance farfelue de l’enfant mort-né qu’elle aurait eu d’Onassis, dès lors que rien n’est avéré et que « l’affaire » aurait eu lieu en 1960 et pas en 1966 !). Aux éditions Assouline une version complétée du Maria by Callas, riche biographie illustrée de photos rares par Tom Volf s’avère un parfait cadeau de Noël (Détails en fin d'article).

L’Opéra national de Paris rendra hommage à la divine le 2 décembre avec une soirée de gala mise en scène par Robert Carsen à laquelle participeront Sondra Radvanovsky, Pretty Yende, Elina Garanca ainsi que Carole Bouquet, le tout placé sous la direction de Eun Sun Kim. Quelques jours avant, le 30 novembre, un Hommage à Callas aura été rendu cette fois par la soprano Myrto Papatanasiu au Teatro Massimo de Palerme dirigé par Alessandro Cadario (Verdi, Bellini, Donizetti, Puccini et Ravel). La télévision française ne sera pas en reste puisque France 5 offrira le 8 décembre une soirée spéciale Callas qui débutera avec un numéro de Fauteuils d’Orchestre, l’émission culturelle animée par Anne Sinclair, en direct depuis le foyer du Palais Garnier : Sondra Radvanovsky, Fanny Ardant, Marie-Agnès Gillot et Robert Carsen évoqueront la cantatrice. A 21h45 sera diffusé le Gala filmé le 2 décembre au Palais Garnier (voir plus haut), suivi à 23h30 par un documentaire de Vassilis Louras (directeur de la Communication et du marketing de l’Opéra national de Grèce) intitulé « Mairi, Mariana, Maria » qui permettra de faire le point sur les années grecques de la diva. Nous passerons en revanche sous silence le film dans lequel Angelina Jolie interprète la diva dans les dernières années de sa vie, un mélo qui s’annonce ridicule, la comédienne chaussée d’affreuses lunettes hublot ressemblant autant à Maria Callas que le roi Charles III à James Dean… dont la sortie est prévue courant 2024.

Depuis sa disparition le nom de Callas ne s’est jamais éteint, le culte que la diva suscite n’a jamais connu de purgatoire, au contraire on l’a vu se renforcer, sans doute parce que le monde musical, même en perpétuelle mutation, n’a cessé de se référer à ses interprétations et à rappeler l’impact majeur que la cantatrice avait eu sur des générations successives. Avec le recul il est facile de constater qu’il y a bien eu un avant et un après Callas, le degré d’exigence qu’elle mis dans son art ayant abouti au maintien de la forme opéra dont on a si souvent annoncé la fin. D’autres chanteuses ont su profiter de sa légende, de l’engouement qu’elle a provoqué et de son apport à la musique et au théâtre, pour prolonger la figure de la diva, tout en la modernisant : plus proche du public, plus en phase avec la société, l’époque, la réalité (être mère, être femme et cantatrice), toujours plus attirées par le jeu et lorsque cela est possible, par la création contemporaine (Karita Mattila, Anne-Sophie von Otter, Joyce DiDonato ou Renée Fleming en sont quelques exemples récents).

Si avec le temps l’opéra est devenu le terrain favori des metteurs en scène, capables de tous les excès, ce n’est pas au détriment de la diva qui reste, aux yeux du public, cet être à part, sublime et vénéré, qui veille du haut de son Olympe et répand sur lui sa voix aux bienfaits salvateurs. Bon anniversaire Maria Callas et à jamais merci pour tout ce que vous avez apporté à la musique, à l’art et à nos vies.

Tom Volf : Maria by Callas (édition augmentée)
Editions Assouline
256 pages, 230 illustrations – 195 euros
ISBN : 9781649802767
© Assouline – juin 2023

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François Lesueur
Après avoir suivi des études de Cinéma et d'Audiovisuel, François Lesueur se dirige vers le milieu musical où il occupe plusieurs postes, dont celui de régisseur-plateau sur différentes productions d'opéra. Il choisit cependant la fonction publique et intègre la Direction des affaires culturelles, où il est successivement en charge des salles de concerts, des théâtres municipaux, des partenariats mis en place dans les musées de la Ville de Paris avant d’intégrer Paris Musées, où il est responsable des privatisations d’espaces.  Sa passion pour le journalisme et l'art lyrique le conduisent en parallèle à écrire très tôt pour de nombreuses revues musicales françaises et étrangères, qui l’amènent à collaborer notamment au mensuel culturel suisse Scènes magazine de 1993 à 2016 et à intégrer la rédaction d’Opéra Magazine en 2015. Il est également critique musical pour le site concertclassic.com depuis 2006. Il s’est associé au wanderesite.com dès son lancement
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1 COMMENTAIRE

  1. La modestie de l hommage de Milan et plus spécialement de la Scala est proprement scandaleux.
    Une conférence en fin d après-midi dont le programme respire l ennui et une exposition de quelques costumes de scène. Pour un théâtre, qui doit tant à sa plus grande interprète, un énième faux-pas.

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