Rodion Shchedrin (Родион Константинович Щедрин)(1932)
Lolita (1994)
Livret du compositeur d'après le roman éponyme de Vladimir Nabokov (1955)

Editions SCHOTT MUSIC GmbH & Co, Mayence (Allemagne)
Création : 14 décembre 1994, Opéra Royal de Suède (en suédois)
Production créée le 3 Octobre 2019, Théâtre National de Prague

Direction musicale : Valery Gergiev
Adapatation et mise en scène : Sláva Daubnerová
Décors : Boris Kudlička
Costumes : Natalia Kitamikado
Lumières : Daniel Tesař
Video : Dominik Žižka, Jakub Gulyás
Preparation musicale : Irina Soboleva
Chef des chœurs : Pavel Teplov
Préparation vocale : Maria Ralko, Leonid Zolotarev
Lolita : Pelageya Kurennaya
Humbert Humbert : Petr Sokolov
Charlotte : Daria Rositskaya
Claire Quilty : Alexander Mikhailov
Domestique noire : Olga Legkova
Mrs Chatfield : Marina Mreskina
Mr Chatfield : Gleb Periazev
Mrs Pratt, la maîtresse de l'école de filles "Bearsdley School for Girls": Elena Vitman
La voisine de l'Est : Tatiana Kravtsova
Le professeur de musique : Svetlana Kapicheva
Le sacristain : Oleg Losev
Le Pullover rouge : Yevgeny Chernyadiev
Les amis buveurs de Guilty : Anton Khalansky, Vitaly Yankovsky
Chœur d'enfants, juges : Ensemble des solistes de l'Académie des jeunes chanteurs d'opéra du Théâtre Mariinsky
Chœur solo : Anastasia Vyazovskaya
Figurants du Théâtre Mariinsky
Orchestre et chœurs du Théâtre Mariinsky
Coproduction avec le Théâtre National de Prague
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Saint Petersbourg, Théâtre Mariinsky, Mariinsky 2, Samedi 15 janvier 2020, 19h30

En une semaine, le Mariinsky présente deux adaptations lyriques de romans fleuves de la littérature russe, Guerre et paix et Lolita (même si Lolita, écrit en anglais par un russe émigré de longue date, doit-être aussi considéré comme un roman américain et même si la version russe est moins séduisante).
La présentation de
Lolita au Mariinsky de Saint Petersbourg, en coproduction avec le Théâtre National de Prague créée à Prague en octobre 2019 quelques uns des protagonistes de la soirée, se justifie par la place de Rodion Shchedrin dans les productions du Mariinsky que Valery Gergiev a vigoureusement soutenues. Comment s’étonner que ce soit lui qui soit au pupitre de cette production signée Sláva Daubnerová, interdite aux moins de 18 ans ?

Pelageya Kurennaya (Lolita) Petr Solkolv (Humbert Humbert): la route de la perdition

Plusieurs remarques liminaires à ce spectacle ambitieux qui vise à traduire en opéra le célèbre roman de Nabokov, dont russes et américains se disputent la paternité, les uns parce que Vladimir Nabokov est né à Saint Petersbourg et donc un enfant du pays, et qui plus est de la ville dont le Mariinsky est le théâtre principal, et que par ailleurs il a fui très tôt la révolution russe pour finir par s’installer définitivement aux Etats-Unis en 1940. Il publie Lolita en anglais en 1955, le publie à Paris, et donc ce roman est justement revendiqué comme un roman américain, de la part d’un russe qui a passé l’essentiel de sa vie hors de Russie. Ce sont questions identitaires inutiles, la notion d’identité ayant une élasticité et une plasticité telle que le discours autour de l’identité est assimilable à la poudre de perlimpinpin chère à qui vous savez.
Que Lolita soit un chef d’œuvre de la littérature mondiale suffit bien à sa gloire, même si Nabokov a été élevé dans son enfance au lait de la culture russe, d’autant qu’il est issu d’une aristocratie cultivée. Mais que ses pérégrinations d’exilé aient aussi alimenté son inspiration de créateur est une autre évidence. L’identité n’est jamais un donné, mais un construit en permanente évolution, en dépit que ce qu’essaient d’inculquer les politiques et démagogues de bas-étage qui pullulent aujourd’hui.
Vladimir Nabokov écrit un roman et Shchedrin un opéra, c’est à dire deux arts à l’opposé. L’opéra doit dire l’essentiel en peu de temps : les livrets d’opéra sont des concentrés, que la musique éclaire et développe. Le roman est au contraire un genre qui développe, qui raconte, qui explique. L’opéra suggère, fait voir et écouter, le roman explique, analyse, raconte. L’un est un concentré, l’autre un développement, Lolita est un récit-confession en ce sens c’est un roman classique…
Comment en faire un opéra ?
Au théâtre les adaptations de grands romans ne sont pas rares, on a vu encore récemment Frank Castorf mettre en scène Les Frères Karamazov (et Luca Ronconi bien avant avant lui) ou Les Possédés.  Ronconi encore lui avait au théâtre adapté Quer pasticciccio brutto de Via Merulana, un des grands romans de Carlo Emilio Gadda.
À l'opéra, Manon, Don Quichotte, La Bohème, La Traviata, sont des adaptations de romans et dans ces quatre titres (la liste n’est pas exhaustive) seul Don Quichotte est une adaptation d’un très long roman picaresque. On verra dans un prochain article comment le pavé de Tolstoï, La Guerre et la Paix va devenir un opéra sous l'inspiration de Prokofiev : cela suppose des choix, cela suppose aussi que s’affiche clairement une parabole.
Et L’opéra Lolita en est une, d’autant que le héros Humbert Humbert raconte son histoire, et évidemment parce que le héros raconte cette histoire, il lui donne un sens et une direction, ne reprenant que les moments clefs qui vont expliquer au public les raisons de la situation et de son aboutissement.
Du même coup, cela demande au metteur en scène de résoudre les questions posées par un récit étendu dans le temps, où les personnages ne cessent de vieillir et d’évoluer, et aussi de voyager, changer de lieu, d’ambiance, de période. Il s’agit donc pour des raisons techniques, de donner au récit réduit en opéra de la fluidité, de la légèreté, en évitant les interruptions et les arrêts : il s’agit de dramatiser un récit étendu, dilué, analytique, explicatif, pour faire en sorte que la mise en scène rétablisse une lisibilité du message romanesque.
La production de Lolita, coproduite avec le Théâtre National de Prague, et désormais rachetée par le Mariinsky, signée de la metteur en scène slovaque Sláva Daubnerová, dans des décors de Boris Kudlička s’efforce de répondre à ce défi : espace vide, structure légères, tournette : tout doit installer la fluidité et cette idée de temps qui court.
Le foisonnement du roman est rendu par des actions simultanées qui se déroulent dans différents espaces de la scène et par l’utilisation de vidéo, notamment des gros plans, qui visent à donner aux personnages une profondeur psychologique, mais la vidéo plutôt à usage illustratif que dramaturgique n'ajoute pas grand chose à l'ensemble.
Point central et répétitif de la scène, une petite table, une machine à écrire où Humbert Humbert écrit son récit et son histoire. On ne perd pas de vue qu’il s’agit d’un récit, dont l’aboutissement est donné au début… Lolita est un long flash-back, qui n’est ni explicatif, ni justificatif puisque qu’aucun des personnages n’est racheté. Dans le roman comme dans la pièce, tous sont délétères, et l’opéra devient un regard impitoyable sur les vices cachés d’une petite bourgeoisie un peu rassise. Lolita elle-même est une perverse, qui recherche et séduit Humbert Humbert, lui-même sous les traits d’un être anonyme et banal, sorte de serial-pédophile, complètement pris et magnétisé par la jeune adolescente, et sans aucune espèce de morale : il traverse cette histoire exprimant cette banalité du mal, cette facilité à passer à l'acte définitif, à tuer sans aucune espèce de frein (Clare Quilty).

L’univers du décor de Kudlička est donc sombre, l’ensemble de l’opéra se déroule dans la nuit, éclairages glauques, feux tricolores, phares, lampadaires intérieurs, c’est l’univers de la classe moyenne dans des intérieurs qui rappellent les séries américaines, la cuisine, l’inévitable divan, le jardin. Bref, la mise en scène fidèle à l’univers du roman essaie d’en tirer la moelle, lecture d’une société américaine sans but sinon la satisfaction immédiate de petits désirs, individus sans qualités ni sentiments : à ce titre la scène de la fuite puis de la mort de Charlotte, la mère de Lolita, est l’une des plus fortes de la soirée parce qu’un drame survient qui réveille un peu l’ensemble.

Humbert Humbert (Petr Sokolov) avec la fille  (Pelageya Kurennaya)

L’univers de Nabokov est sans doute rendu, mais sans la littérature : c’est à dire sans le style sans les références, sans la couleur : l’adaptation (du compositeur) reste fidèle à la linéarité du récit, mais elle l’aplatit inévitablement.
Normalement, c’est la richesse de la musique qui devrait redonner l’épaisseur « littéraire », et c’est peut-être là où le bât blesse. Malgré une instrumentation large et abondante, l’utilisation notamment de nombreux instruments variés et surprenants par leur rapprochement (clavecin et célesta, saxophone et crécelles etc…), l’impression reste d’un manque de relief et d’une relative platitude. Cela se laisse « écouter », mais l’œuvre est longue et inévitablement le public fuit avant une fin qui ne semble jamais finir. Il y a des moments choraux, de la foule en scène, mais l’impression claire est que Shchedrin lisant essentiellement la médiocrité et la banalité du mal et du crime, les désirs inassouvis et la violence qui en résulte quand ils surgissent, n’écrit pas une musique avec trop d’accents, ni de relief dramatique et cela peut sembler répétitif et ennuyeux. Cette amertume plate (voulue ?) crée du malaise et d’une certaine manière les chanteurs rendent avec une certaine vérité ce malaise, d’autant que pour eux aussi, la partition manque de relief vocal (sauf en de rares occasions), comme si ce qui était déterminant dans ce roman, c’était d’une certaine manière l’étalement des événements en leur faisant perdre leur valence dramatique.

Et avec la mère : Daria Rositskaya (Charlotte) Petr Sokolov (Humbert Humbert): on va bien s'amuser avec le tuyau…

Deux parties dans l’œuvre, d’une part la mise en place du drame, la rencontre avec Lolita, le jeu de l’adolescente, le mariage de Humbert Humbert avec Charlotte, la mère, évidemment motivé par la présence de Lolita,  avec ses jeux érotiques dans le jardin du cottage (avec le tuyau, puis un bas de Lolita : Humbert Humbert fait l'amour à la mère en pensant à la fille) puis la crise et la mort de Charlotte, et puis la seconde partie en road-movie d’une tristesse infinie, vie en camping-car, paysage encore plus désolé dont la lande grise ou noire fait contraste avec l’univers complètement étouffant du camping-car, où les corps sont forcément en contact, avec une violence et un dégout accentués.
Tout ce travail respectueux du livret rappelle un peu les réflexions d’Hannah Arendt sur la banalité du mal qui réside dans les petites choses, et non dans une image flamboyante de la monstruosité. Ici, chaque personnage est plus ou moins miteux. Aussi bien Humbert Humbert au look de petit fonctionnaire, que Lolita, petite fille pas modèle du tout, mais aussi les personnages secondaires, Charlotte, ennuyeuse housewife, ses amis, la directrice d’école, chacun dans son coin est une petite caricature de l’ennui et de la grisaille. Humbert Humbert tue avec un dégagement singulier (l’assassinat de Clare Quilty) qui confine à la caricature.

 

 

Univers de série américaine…
Respectant la linéarité du récit, le caractère ordinaire des personnages, la mise en scène est d’une certaine manière respectueuse d’une musique volontairement plate, usant de « leitmotives » pour dessiner les personnages, mais devenant prenante, comme on l’a dit, en de rares moments (interventions du chœur). Le malaise naît plus de ce côté lancinant que d’une sexualité déviante et d'un texte quelquefois cru qui a fait interdire l’accès au théâtre aux moins de 18 ans…

Valery Gergiev a pris en main ces deux premières représentations petersbourgeoises. Il laissera vite la baguette à Sergeï Neller, qui a dirigé les représentations pragoises et préparé l’orchestre. Gergiev a largement contribué à faire entrer les œuvres de Shchedrin (symphoniques et lyriques) au répertoire du Mariinsky, il connaît bien cette musique et a déjà dirigé Lolita en version de concert il y a une douzaine d'années : sa présence au pupitre est pleinement légitime et justifiée, mais il n'a pas répété énormément, as usual. On note donc notamment au départ, quelque flottement dans la coordination plateau-fosse, des décalages avec les ensembles qui laissent penser à un manque d’approfondissement de la lecture. Cependant, les choses s’arrangent et la représentation se poursuit mais un peu trop étirée et lente et la tension s'en ressent. Gergiev fait néanmoins émerger à la fois le classicisme de l’œuvre et de la musique, la richesse instrumentale, les éléments ironiques, cette conversation continue et distanciée tout en maintenant l’aspect lancinant du dessin général.
Il est servi par un chœur solide, préparé par Pavel Teplov dont les interventions sont peut-être les rares moments de relief de l’œuvre, le chœur ayant ici une fonction de commentateur (de type chœur antique) plus qu’une véritable fonction dramaturgique.
La distribution dont les deux principaux protagonistes ont participé aux premières représentations à Prague est dans son ensemble au point, aussi bien les protagonistes que les rôles secondaires tenus par des artistes locaux.

Petr Sokolov (Humbert Humbert) au milieu de ses Lolita…

Dans le sillon de ce qu’on a remarqué précédemment sur la linéarité, la banalité, l’absence de moments de relief particulier dans la partition, les lignes vocales n’apparaissent pas « marquantes ».
Petr Sokolov est Humbert Humbert, physique indifférent, qui se fond dans la grisaille. C’est, dit le roman, un intellectuel, mais cela n’apparaît pas dans la mise en scène (sinon la table et la machine à écrire) , où, à part son obsession envers Lolita et sa duplicité, il incarne la perversion dans ce qu’elle se confond à l’ordinaire et à la platitude de la vie, et met du sel dans l’existence, ce qui est encore plus terrible. La voix est claire, avec une diction modèle, et il est dans l’ensemble convaincant, grâce à une voix homogène, assez forte où le registre central est très sollicité (c’est plus l’expressivité que la performance vocale qui est ici privilégiée). Mais cette robustesse linéaire confine aussi à une fadeur dont à mon avis il ne faut pas rendre responsable le chanteur mais l’œuvre, qui exalte cette fadeur dans la mesure où elle est aussi la cause du mal : en parodiant presque Rousseau on pourrait dire, "l’homme est bon et c’est le contexte qui le corrompt"… C'est le sens général d'un opéra volontairement sans relief.
Lolita, c’est Pelageya Kurennaya. Un rôle ingrat qui renvoie fortement à la Lulu de Berg, personnage qui se définit en elle-même et par le regard des autres et notamment de Humbert Humbert. Elle est donc versatile dans ses attitudes, tantôt petite fille (vu sa corpulence, c’est une ado qui a trop grandi…), tantôt perverse, tantôt séductrice, tantôt insupportable petite garce ou méchante petite fille : elle semble être la cause plus que la victime de la situation. Dans les images que rêve Humbert complètement circonvenu, elle se multiplie, sortant de tous les coins de la salle de bain et de la maison, ou bien dans le chœur des petites filles de l’école "Bearsdley School for Girls". Pelageya Kurennaya, qui a créé le rôle à Prague, est scéniquement irréprochable. Elle s’en sort aussi avec les honneurs vocalement, même si la voix pourrait  être mieux colorée selon les facettes du personnage. La voix de colorature s’adapte aux exigences, projette très bien, mais on aimerait aussi plus de profondeur (c’est un rôle pour Marlis Petersen…). Ici l’approche reste – est-ce la responsabilité de la mise en scène qui s’en tient essentiellement aux faits et aux manifestations extérieures ? – relativement superficielle ou justement « factuelle ». La deuxième partie est à ce titre plus convaincante, elle acquiert sa personnalité, uniforme et moins polymorphe. L’ensemble de la prestation reste néanmoins très réussie : le rôle est difficile et elle reste crédible.

Daria Rositskaya (Charlotte)

Daria Rositskaya est Charlotte, la mère de Lolita, et elle apparaît peut-être la plus émouvante du plateau. Elle a cette ambiguïté d’une représentante parfaite de la classe moyenne américaine, élevant sa fille tant bien que mal dans un cottage traditionnel (nous avons déjà souligné la ressemblance du cadre avec celui des séries américaines) et songeant à se remarier, dans la conformité de la bien-pensance typique de sa classe (selon Nabokov). Ainsi, en choisissant Humbert Humbert, elle choisit une image de stabilité qui pense-t-elle va apporter une sorte de paix intérieure. À l’opposé des motivations du mari…

Daria Rositskaya (Charlotte)

C’est pourquoi la découverte de la trahison, du rapport avec Lolita, des motivations réelles du mariage et au total à la fois de la perversion du mari, de la fille, et de l’horreur de sa situation, elle est complètement bouleversée, certes, mais c’est tout ce monde d’ordre apparent et superficiel qui s’écroule : c’est à ce moment qu’elle est réellement émouvante dans sa réaction à la fois désorientée et désespérée. Au-delà de sa situation, c’est un monde de valeurs qui s’écroule, elle ne peut plus littéralement faire partie de ce monde-là. Daria Rositskaya exprime cette complexité avec une grande vérité, à la fois petite bourgeoise sans intérêt puis véritable héroïne. La voix est forte, bien timbrée, c’est peut-être elle qui arrive le mieux à colorer son chant, à exprimer par la voix ordre et désordre qui caractérisent le personnage. Belle incarnation.
Le personnage de Clare Quilty est ici vu comme un ténor de caractère, un personnage caricatural, marginal, tout aussi maniaque que Humbert Humbert, un double version déliquescence. Autant il y a une apparente dignité dans Humbert Humbert, autant Clare Guilty ne donne même pas le change. Le personnage est vraiment "incarné" par le jeune Alexander Mikhailov qui n’a rien d’un séducteur. C’est aussi une vision intéressante de la mise en scène, qui montre que les processus de séduction sont indépendants de l’objet. Comme chez Castorf dans sa mise en scène de Bajazet où Bajazet excite un désir qui semble inexplicable lorsqu’on voit le personnage, Clare Quilty n’a rien d’un séducteur, mais pour Lolita, il est objet de désir selon des processus complexes de la psychè.  Il est l’opposé et le même qu’Humbert, pervers comme lui, il est ici vu comme une ruine alcoolique là où Humbert Humbert garde toujours une apparence de respectabilité. Mikhailov (qui remplace Alex Briscein) impose son incarnation qui obtient un très réel succès, même s'il fatigue un peu à lutter contre l'orchestre à la fin (scène de la mort).
Tous les autres personnages sont plutôt bien tenus. La solidité de la troupe est telle que chaque intervention est juste, affirmée, dessine un personnage (voir Mr and Mrs Chatfield de Marina Mreskina et Gleb Peryazev), le cas est frappant pour la directrice d’école de Elena Vitman qui obtient un beau succès, mais tous sont à citer et à complimenter, Olga Legkova (domestique noire), Svetlana Kapitcheva (professeur de musique), Tatiana Kravtsova (voisine de l’Est), Oleg Losey (sacristain), Yevgueny Tchernyadiev (Pullover rouge), Anton Khalansky et Vitaly Yankovsky (les compagnons de beuverie de Clare Quilty).
Au total une mise en scène qui reste distanciée et ironique, la manière humoristique dont tous saluent montre aussi qu’ils sont des personnages caricaturaux : on nous dit en somme que le personnage de Lolita est engendré par ce monde d'où personne n’est à sauver. Une soirée intéressante, par sa grisaille, et par le goût amer qu’elle laisse en bouche, indépendamment de la problématique de la pédophilie, aujourd’hui au-devant de la scène, qui n’était pas aussi nette en 1994 quand l’œuvre a été créée et de la question que pose le roman sur l’ambiguïté de la notion de victime… Où sont les victimes ? Où sont les coupables ? Vastes questions à la sortie du spectacle.

Lolita (Pelageya Kurennaya) on the road

 

 

 

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Guy Cherqui
Agrégé de Lettres, inspecteur pédagogique régional honoraire, Guy Cherqui « Le Wanderer » se promène depuis une cinquantaine d’années dans les théâtres et les festivals européens, Bayreuth depuis 1977, Salzbourg depuis 1979. Bouleversé par la production du Ring de Chéreau et Boulez à Bayreuth, vue sept fois, il défend depuis avec ardeur les mises en scènes dramaturgiques qui donnent au spectacle lyrique une plus-value. Fondateur avec David Verdier, Romain Jordan et Ronald Asmar du site Wanderersite.com, Il travaille aussi pour les revues Platea Magazine à Madrid, Opernwelt à Berlin. Il est l’auteur avec David Verdier de l’ouvrage Castorf-Ring-Bayreuth 2013–2017 paru aux éditions La Pommerie qui est la seule analyse parue à ce jour de cette production.

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