Richard Wagner (1813–1883)
Parsifal (1882)
Ein Bühnenwiehfestspiel in drei Akten
Livret du compositeur d'après Wolfram von Eschenbach
Créé au Festival de Bayreuth, le 26 juillet 1882
Version réduite pour enfants de Katharina Wagner
(Enfants de 8 à 12 ans)
Adaptation musicale de Marko Zdralek

Direction musicale
Azis Sadikovic
Mise en scène Ruth Asralda
Dramaturgie Giulia Fornasier
Décors

Costumes

Linda Tiebel

Ilona Bühler et Marion Kral

 

Kundry Nadine Weissmann
Parsifal Jonathan Stoughton
Gurnemanz Andreas Hörl
Titurel Jens-Erik Aasbø
Klingsor Werner Van Mechelen
Amfortas Olafur Sigurdarson
Blumenmädchen Julia Grüter
Sonja Isabel Reuter
Margaret Plummer
Marie Henriette Reinhold

Heilerin (guérisseuse).            Irmgard Seemann

Brandenburgisches Staatsorchester Frankfurt (Oder)

Bayreuth, Bayreuther Festspiele Probebühne 4, mardi 28 juillet 2023, 11h

Parallèlement au Parsifal inaugural, on peut voir un autre Parsifal réservé aux enfants de 8 à 12 ans en version réduite (1h15) puisque, comme chaque année désormais depuis une quinziane d’années, une œuvre de Wagner est présentée en version pour enfants la plupart du temps dans un des espaces de répétition du complexe du Festival et exceptionnellement l’an dernier en ville (Tristan und Isolde). L’entreprise n’est pas anodine et nécessite une logistique importante puisque la représentation a lieu avec orchestre, chef et des solistes la plupart du temps engagés dans le Festival – et pas des moindres (l’an dernier, Stephen Gould était le Tristan pour enfants). C’est une initiative de Katharina Wagner qui dès le début de son mandat s’est dédiée à cette mission, créant une structure ad-hoc (BF-Medien) et ayant déjà) présenté au moins une fois tout le répertoire de Bayreuth, y compris le Ring. Comme c’est plutôt une belle réussite, faite avec intelligence et soin, avec des enfants ravis et captivés, on préfère ne pas (trop) en parler puisque la mode est au Katharina-Basching.
Il reste que chaque festival, nous sommes fascinés par le sérieux des enfants, leur attention, leur préparation aussi et le sentiment qu’on leur propose un vrai spectacle musical et vocal de qualité. C’était de nouveau le cas cette année.

Des gradins pouvant accueillir environ 250 personnes, une représentation à peu près chaque jour pendant les deux premières semaines de Festival, un décor imposant (cette année un château fort figurant le château du Graal) et derrière, invisible, l’orchestre d’environ 25 musiciens, dans un espace de répétition situé au bas du Festspielhaus, au cœur du complexe constitué par les espaces de travail, les salles de répétition et de stockage du Festival.
Voilà pour le cadre.
Le public composé d’enfants, de leurs parents ou grands-parents, de classes (les vacances en Bavière commencent début août) et d’adultes isolés attend sagement que les portes s’ouvrent 15 minutes avant le début du spectacle, comme au Festspielhaus.
C’est Parsifal qui est représenté ce matin (chaque jour à 11h) dans une version réduite à 1h15, mais contenant au moins un moment musical de chaque scène importante et des préludes des actes.

Amfortas (Olafur Sigurdarson) dans sa baignore (avec le cygne) et derrière Julia Grüter (Fille fleur) et un figurant.

C’est Katharina Wagner qui a écrit cette version qui simplifie l’action de manière à s’approcher le plus possible de l’univers des contes de fées : Le Roi du Graal (Amfortas) est malheureux et malade parce que le méchant magicien Klingsor et son horrible âme damnée Kundry ont volé la lance qui protège le Royaume : du même coup, le Roi est malade, ne peut être soigné, mais aussi la nature est endeuillée et les fleurs se fanent. C’est le jeune chevalier Parsifal qui va héroïquement aller chercher la lance et la ramener, mais pour cela il doit être concentré et les enfants l’aideront en criant « Soll der Gral die Kraft dir schenken, lass dich nicht ablenken » ((Si le Graal doit te donner la force, ne te laisse pas distraire)). Ce qui est dit est fait, et il ramène le précieux viatique, les fleurs se redressent, le roi est guéri, et même Klingsor et Kundry sont amadoués sous le charme général. Pluie d’étoiles et de confettis dorés et triomphe auprès des enfants.
L’adaptation musicale de Marko Zdralek fait entendre des extraits assez rapides de tous les grands moments de l’opéra (y compris les Filles-Fleurs) et entre ces moments, un des chanteurs, Andreas Hörl, qui fait cela très bien (il est Gurnemanz dans la distribution) s’adresse aux enfants, leur pose des questions, ils y répondent volontiers et leurs réponses montrent qu’ils ont préparé leur venue. Ils suivent l’ensemble avec beaucoup d’attention, on n’entend pas une mouche voler, il y a là une concentration remarquable et à la fin un authentique triomphe.

Andreas Hörl (Gurnemanz) | Jonathan Stoughton (Parsifal).

Les chanteurs sont également très engagés, ils chantent vraiment, en posant leur voix, en faisant vraiment de l’opéra, sans tricher, sans savonner, sans éviter les aigus : ils respectent infiniment ce public, si bien qu’on a vraiment une représentation d’opéra.
Quant à l’orchestre, une formation régionale de belle tradition, le Brandenburgisches Staatsorchester , il accompagne depuis 2010 le projet « Wagner für Kinder » (Wagner pour enfants) et il est dirigé par le chef d’orchestre autrichien Azis Sadikovic, qui depuis qu’il a dirigé le Ring pour enfants en 2018, il est invité chaque année pour animer musicalement le projet. Il faut d’ailleurs reconnaître que sa manière de diriger a quelque chose de séduisant, tant il soigne les couleurs de l’orchestre. Le prélude avait des reflets et modulations vraiment marquées, avec un souci des couleurs qu’on n’a pas entendu aussi nettement dans la fosse du « vrai » Festspielhaus lors de la première du 25 juillet.
La mise en scène de Ruth Asralda s’appuie sur les dessins de contes de fées, château, vilain magicien, gentil roi, le tout dans des costumes de Ilona Bühler et Marion Kral, avec un Parsifal à l’allure de Robin des Bois, des méchants en costume bleu nuit un peu sorcier/sorcière, et des rois sympathiques de carte à jouer.
Un exemple : Amfortas pour être soigné, doit se glisser dans une sorte de cercueil (en réalité une baignoire, voir photo ci-dessus) qu’on remplit d’eau (des cailloux en mousse) prise dans le lac représenté au sol, et la « Heilerin (la guérisseuse) » (Irmgard Seemann) lui apporte une décoction de basilic qu’on avait confié à une petite fille dans le public (dont on va trouver la recette dans le programme).
Au niveau du chant, nous l’avons souligné, c’est avec le plus grand soin que les artistes défendent le texte, aussi bien les filles-fleurs, peu sollicitées mais présentes (Julia Grüter, Sonja Isabel Reuter, Margaret Plummer et Marie Henriette Reinhold) que Nadine Weissmann (la somptueuse Erda de Castorf et  Mary du Fliegende Holländer cette saison) en Kundry affirmée et gentiment maléfique et le Klingsor de Werner van Mechelen assument crânement leur rôle de méchants très vite vaincus par un Parsifal qui sait récupérer la lance grâce aux cris des enfants. Du côté des « gentils », on note immédiatement l’excellent Amfortas de Olafur Sigurdarson aisément reconnaissable grâce à son phrasé soigné et sa voix si bien projetée (il triomphe en Alberich dans le Ring ), ainsi que le Titurel de Jens-Erik Assbø (un des deux remarquables Gralsritter du Parsifal « officiel » ) ; le Gurnemanz d’Andreas Hörl, à la fois chanteur et récitant, est très habile auprès des enfants.

Jonathan Stoughton (Parsifal).

Tous sont au rendez-vous de leurs rôles. De menus accrocs en revanche chez le Parsifal de Jonathan Stoughton, ténor britannique en troupe au Nationaltheater Mannheim où outre Parsifal, dans la très fameuse production de Hans Schüler, il chante Siegmund et Siegfried…

Marie Henriette Reinhold (Fille-fleur) | Olafur Sigurdarson (Amfortas) | Jens-Erik Aasbe (Titurel).

Quoi qu’il en soit, on constate à cette distribution que l’on est loin de se moquer du public.
À la sortie, distribution du programme de salle en forme de cahier, avec noms des artistes et de l’équipe de production, dessins des costumes et des décors, mais aussi résumé, et des jeux, quiz ou mots croisés, du découpage et même des recettes… Non, décidément, on ne se moque pas du jeune public…

Un ensemble solide, séduisant, d’où adultes et enfants sortent ravis après avoir fait un triomphe à tous les participants et qui montre que l’opéra fait intelligemment pour les enfants non seulement plaît, mais fascine.
Cela pose la question de l’opéra pour enfants, qu’on serait bien inspiré d’orienter vers la découverte du répertoire, en y mettant des moyens dignes et adéquats. Il est clair qu’il y a là une voie possible et intelligente de conquérir un public qui paraît-il, ne fréquente pas les salles. À Bayreuth, les 10 représentations affichent complet, avec un autre public que celui du festival, neuf, curieux, joyeux, et avide. Inutile de se demander pourquoi… C’est l’Enchantement chaque matin.

Amfortas, heureux (Olafur Sigurdarson)
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Guy Cherqui
Agrégé de Lettres, inspecteur pédagogique régional honoraire, Guy Cherqui « Le Wanderer » se promène depuis une cinquantaine d’années dans les théâtres et les festivals européens, Bayreuth depuis 1977, Salzbourg depuis 1979. Bouleversé par la production du Ring de Chéreau et Boulez à Bayreuth, vue sept fois, il défend depuis avec ardeur les mises en scènes dramaturgiques qui donnent au spectacle lyrique une plus-value. Fondateur avec David Verdier, Romain Jordan et Ronald Asmar du site Wanderersite.com, Il travaille aussi pour les revues Platea Magazine à Madrid, Opernwelt à Berlin. Il est l’auteur avec David Verdier de l’ouvrage Castorf-Ring-Bayreuth 2013–2017 paru aux éditions La Pommerie qui est la seule analyse parue à ce jour de cette production.

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1 COMMENTAIRE

  1. C’est une excellente initiative de Katarina Wagner.Il est dommage qu’elle prenne souvent les spectateurs de Bayreuth pour des enfants ou qu’elle se comporte souvent elle-même comme une enfant gâtée.

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