Giuseppe Verdi (1813–1901)
I Masnadieri (1847)
Opera tragica in quattro atti
Livret d'Andrea Maffei
Créé au Her Majesty's Theatre (Londres) le 22 juillet 1847)

Direction musicale : Antonino Fogliani
Mise en scène : Johannes Erath
Décors et costumes : Kaspar Glarner
Lumières : Olaf Freese
Vidéo : Lea Heutelbeck
Dramaturgie : Malte Krasting

Massimiliano : Christian Van Horn
Carlo : Charles Castronovo
Francesco : Igor Golovatenko
Amalia : Lisette Oropesa
Arminio : Kevin Conners :
Moser : Alexander Köpeczi
Rolla : Jonas Hacker

Bayerischer Staatsopernchor
Direction : Stellario Fagone

Bayerisches Staatsorchester

 

Munich, Nationaltheater, samedi 21 janvier 2023, 19h

I Masnadieri n’est pas un titre de Giuseppe Verdi fréquent sur les scènes européennes. Une production à la Scala il y a quelques années et quelques autres (Rome, Monte-Carlo ) avaient un peu réveillé l’intérêt Cette production de Johannes Erath présentée en mars 2020 à la veille du confinement n’avait connu que sa première représentation.
C’est donc une découverte pour le public que cette musique flamboyante de Verdi, entendue une seule fois à Munich au Theater am Gärntnerplatz et jamais à l’Opéra. C’est un événement qui justifie que le théâtre ait affiché complet pour toutes les représentations.
L’histoire, inspirée du drame de jeunesse  de Schiller,
Die Räuber (1781) sans doute un peu plus familière à un public germanique est échevelée, mélodramatique, compliquée et quelquefois absurde. Schiller d’ailleurs ne prévoyait pas de le faire représenter et la première édition fut anonyme. C’est en 1782 à Mannheim que la pièce eut les honneurs du théâtre.
Qu’importe la complexité, l’absurdité ou la rareté, parce que le résultat est un énorme triomphe pour tous, qui confirme que le jeune Verdi (l’opéra est créé en 1847 à Londres) quand il est si bien chanté et dirigé, est une assurance de réussite alors que le titre faisait partie des fameuses « années de galère » du compositeur italien.

 


C’est Andrea Maffei à qui l’on doit le livret, dont le rôle de traducteur et transmetteur de la littérature européenne en Italie est irremplaçable, de Schiller (ici) à Goethe et Heine, Shakespeare, Lamartine, Hugo. Il est aussi, avec Piave l’auteur du livret de Macbeth, dont la première version est de 1847 (Florence, teatro La Pergola), la même année que I Masnadieri créé à Londres avec succès (grâce à Lablache et surtout Jenny Lind en Amalia). Maffei a simplifié le texte foisonnant de Schiller, réduisant le nombre de personnages et faisant passer les actes de cinq à quatre, mais au prix de raccourcis qui n’améliorent pas forcément  la lisibilité ou la cohérence.
Le choix de Nikolaus Bachler, qui était le Staatsintendant en 2020, de monter l’œuvre de Verdi est sans doute à la fois lié au chef Michele Mariotti,  spécialiste du jeune Verdi,  qui avait dirigé l’œuvre à la Scala en 2019 et en 2020 en a assuré la création à Munich et à la disponibilité de la star Diana Damrau qui chantait Amalia. Sans doute enfin la présence limitée de ces œuvres mal connues à Munich (c’est une entrée au répertoire)  singulièrement pauvre en Rossini sérieux et en jeune Verdi a aussi joué un rôle important.

Comme à beaucoup de mélomanes de ma génération l’œuvre s’est révélée à moi par l’enregistrement de Lamberto Gardelli (dans sa célèbre série du jeune Verdi chez Philips, aujourd'hui Decca) avec Caballé, Bergonzi, Cappuccilli, Raimondi), où elle rejoignit dans ma discothèque Il Corsaro, La Battaglia di Legano, Stiffelio, autres titres vus une seule fois à l’opéra ou au concert.
C’est ma deuxième vision de I Masnadieri, la première, il n’y pas si longtemps, le fut donc à la Scala en 2019, dans une mise en scène de David McVicar, avec Mariotti au pupitre et déjà Lisette Oropesa comme Amalia.
La trame est particulièrement confuse, c’est une histoire de haine fratricide à la Caïn et Abel :  l’un  Francesco, le cadet manœuvre et trompe son monde, réussit à circonvenir le père, un vieillard qui ne sait plus trop distinguer le vrai du faux (c’est pourquoi on le rapproche de Lear). À la suite d’une dispute, l’aîné Carlo s’est éloigné, contraint à l’exil et à vivre avec une bande de brigands. En réalité Francesco le frère méchant (baryton) veut mettre la main sur l'héritage paternel et rage de ne pas avoir de droit d’ainesse. Carlo éloigné, il lui reste à faire disparaître son père.
Il fait faussement annoncer leur mort.

Sous le même toit vit Amalia, orpheline recueillie par le père et amoureuse de Carlo :  à l’annonce de la mort de Carlo, le père s’évanouit, Amalia fuit en forêt et Francesco le méchant se frotte les mains. (Acte I).
On croit Massimiliano (le père) mort, il est en réalité prisonnier dans un donjon loin du château avec pour ordre de le laisser mourir de faim. Francesco est devenu le seigneur et essaie de convaincre Amalia qu’il ne lui reste plus qu’à se donner à lui, tandis qu’elle apprend d’un serviteur repenti que Massimiliano et Carlo sont vivants.
Mais Carlo qui voulait obtenir le pardon paternel, refusé par une manœuvre de Francesco a fait le serment de rester avec les brigands et en est devenu le chef. Ils mettent à feu et  sang la région, et Amalia qui a fui dans la forêt en est terrorisée, mais elle retrouve son amour et ils se jurent à nouveau fidélité.
Carlo veut se venger de son frère, retrouve son père enfermé au secret, et Carlo doit révéler à l’aimée et au père qu’il est le chef des redoutables bandits qui n’ont pas vraiment pour modèle Robin des Bois. Des deux frères, l’un est méchant par nature, et l’autre l’est devenu par les événements, toujours secrètement déchiré par la situation (mais le résultat est le même) .
Pour éviter d’entraîner Amalia (pourtant prête à tout par amour et préférant la mort sinon), dans cette vie de honte et sauver ce qui lui reste d’honneur, il la poignarde et décide de se livrer à la justice.

"Ora, al patibolo": Charles Castronovo (Carlo), Lisette Oropesa (Amalia)

Sa dernière parole « ora, al patibolo » (et maintenant, à l’échafaud).
Dans d’autres drames, il aurait pu se poignarder sue le corps de son aimée, cet ange qu’il a envoyé aux anges (c’est lui qui le dit), mais il choisit la justice des hommes, qui est en réalité un rachat social, comme l’est toute condamnation, manière de laver en quelque sorte son honneur. On sent derrière cette décision le Schiller des Lumières.
De son côté Francesco, un peu angoissé devant sa situation personnelle, a été promis à la mort pour l’étendue de ses méfaits.

La question est simple : comment réduire cette trame complexe à une ligne à peu près compréhensible et cohérente ?
Johannes Erath, le metteur en scène à qui l’on doit aussi un assez bon Ballo in Maschera à Munich décide d’en faire un long cauchemar familial entre ombres et nuit, présent et passé, visions fantomatiques désespoir et théâtre dans le théâtre. Rien que tout ça.

Le dispositif global

Il en résulte un unique décor de grande salle.de château, une très longue table familiale qui occupe toute la largeur du décor, qui glisse latéralement pour apparaître à chaque fois différente, à différents âges de la vie, un peu fantomatique et marquer ainsi symboliquement cette famille dévastée. On y est à table, on s’y dresse, on y chante, et la table est d’autant plus longue qu’il y a peu de personnages , et qu’il y manque une figure qui manque souvent chez Verdi, la figure maternelle, l’absente puisque dans la plupart de ses livrets on y trouve une mère de substitution (Il Trovatore par exemple), illustration d’un vide impossible à combler chez Verdi. Amalia est la seule figure féminine dans l’œuvre, figure angélique au milieu d’un monde d’hommes au total pas très recommandables.
Ainsi l’espace de jeu est-il réduit, avec un escalier monumental sur lequel on verra des arbres de la forêt, des cerfs en majesté, un cercueil, et en haut un violoncelle, instrument fétiche de l’opéra (qui commence par un magnifique solo) qui chez Verdi indique le manque, ici sans doute la mère absente, rappelons le chant de solitude du violoncelle dans le monologue de Philippe II de Don Carlos « Elle ne m’aime pas » . Emblématiquement, Amalia pour se défendre des assauts de Francesco le méchant le brandira comme une arme en un des très rares moment spectaculaire de la mise en scène.
Avec cet espace de jeu réduit, dans le décor énorme de Kaspar Glarner, les chanteurs sont souvent rejetés sur les côtés, sur ou derrière la table et le chœur important se presse en arrière-plan ou là où il peut.
Le metteur en scène a choisi de ne pas trop travailler les mouvements des chanteurs ni la direction d’acteur, ni les circulations, et tout cela semble au mieux laissé aux initiatives individuelles.
C’est en somme un repas de famille cauchemardesque dans un Château de Dracula…
Entre cauchemar et film noir style années vingt au temps du muet, cette mise en scène plus visuelle que dramaturgique se laisse voir. Elle garde une vraie tenue, malgré son côté un peu cryptique. Erath choisit d’en faire une succession de grandes vignettes de livre d’images avec ce décor imposant qui n’est pas désagréable à regarder, aussi peu réaliste que possible et ses espaces troublés et évocateurs. Il y cultive une imagerie, sans cultiver de vraisemblance, jamais, offrant à la musique un imaginaire qui n’est pas si absurde et jamais dérangeant.
Il cultive le théâtre dans le théâtre, avec comme des toiles peintes, (pour le répertoire, reprendre ce titre ne doit pas poser trop de problèmes), ou quelques projections, de vastes fausses perspectives d’un décor qui pourrait aussi bien d ‘ailleurs convenir à une Traviata version Bal des vampires…
Aucun des protagonistes (hommes) n’est rachetable entre un père incapable de distinguer la vérité du mensonge et deux frères engagés dans le crime d’une manière ou d’une autre. C’est étrange d’ailleurs de voir que dans cet opéra, même le ténor, méchant sans le vouloir (nul n’est méchant volontairement disait Socrate), devient par serment et sur un coup de colère le chef d’une bande de criminels sans foi ni loi.
Dans cet univers impitoyable, seule Amalia reste intouchée, d’ailleurs vêtue de blanc, et presque intouchable, prête à aller suivre par amour son criminel de Carlo. Mais cela il ne peut le supporter, car Amalia, miroir de pureté, ne lui enverra que son reflet de bandit de grand chemin. Alors, pour éviter cette honte, il la tue, brutalement, sans que rien ne nous y prépare dans la trame et dans la mise en scène.
Erath ne cherche pas à montrer des psychologies, il y en a peu ou pas, il ne cherche pas non plus à travailler sur des motivations, fouiller ces âmes : ce serait peine perdue. D’ailleurs aussi bien le père Massimiliano que le méchant Francesco disparaissent sans vraiment qu’on sache comment.

Table familiale…

Alors, tout défile devant nos yeux comme un film qui se déroulerait de manière fluide avec une fond plus ou moins toujours semblable. Peu de différences entre les actes, peu d’action sinon dans nos têtes et dans la fosse, ce qui laisse bien du temps pour se concentrer sur une musique qu’on connaît peu.. Johannes Erath construit une sorte de représentation semi-concertante avec pour écrin un décor totalement fantasmatique assumant le renoncement à montrer quelque action.

C’est donc du côté de la fosse et des voix que tout se passe, avec un chœur de la Bayerische Staatsoper préparé par Stellario Fagone  au point, puissant, en place, dans la grande et belle tradition des chœurs verdiens.
Il y a une vraie mise en scène musicale de la part de Verdi, par certains côtés traditionnelle (le schéma récitatif, air, cabalette) et par d’autres plutôt inattendus, comme ce début d’opéra où défilent illico les trois protagonistes Carlo, puis Francesco, puis Amalia en une série-exposition des données du drame avec trois airs initiaux successifs. C’est assez surprenant pour qu’on le signale.
Le premier, Carlo, commence a vouloir faire pardonner ses errances à son père et médite de revenir, l’autre substitue à une lettre de pardon du père une autre menaçante et intimant l’ordre d’un éloignement définitif, et ainsi en deux scènes le nœud est serré, noué, et il ne sera plus tranché, puisque Carlo fait le serment de rester avec les brigands et qu’après ce premier air, il disparaîtra pendant un certain temps.

Lisette Oropesa (Amalia)

Amalia apparaît alors, chantant son amour pour Carlo et sa détresse, puis elle constate que Massimiliano pense sans cesse à Carlo.

En quelques scènes, les données du drame sont exposées, mais elles le sont surtout musicalement, puisqu’à chaque scène correspond un air d’entrée où les protagonistes disent leurs desseins. Ce n’est pas une entrée in medias res, aucune action qui détermine la suite, comme on en trouve dans Il Trovatore ou La Forza del Destino), mais des exposés des caractères, le brigand contraint, le frère maléfique, la jeune fille éperdue d’amour et le père dépassé.
C’est la musique qui dit tout, ce sont les voix qui posent le drame, la mise en scène accompagne sans jamais expliquer ou éclairer. Cet opéra sera avant tout vocal ou ne sera pas.
Ainsi, du côté vocal, un plateau de haut niveau, avec des rôles de complément bien tenus (Rolla le jeune brigand, Jonas Hacker, un bon ténor de la troupe, Alexander Köpeczi en Moser, le pasteur qui avertit Francesco de sa fin, à la voix de basse respectable, tout nouveau membre de la troupe et surtout l’Arminio de Kevin Conners, qui après Triquet dans l’Onéguine de la veille, rentre parfaitement dans  le rôle d’Arminio, et sa voix de ténor de caractère rend avec justesse les ambiguïtés du personnage. Ce pilier de la troupe de Munich (depuis 1990) montre une fois de plus son efficacité.

Kevin Conners (Arminio), Christian van Horn (Massimiliano)

Christian van Horn fut lui aussi membre de la troupe entre 2008 et 2010 : les chanteurs américains, en général parfaitement formés, achèvent souvent leurs années de formation en troupe en Europe (où les théâtres sont plus nombreux), pour aborder le plus de rôles possibles et se fondre dans diverses productions, avec des chefs aussi variés que possible. Puis ils partent en carrière.

Christian van Horn (Massimiliano) Lisette Oropesa (Amalia) et quelques objets fantômes

Celle de Christian van Horn a été essentiellement américaine depuis, même si on l’a vu de loin en loin en  Europe dans Narbal des Troyens signés Tcherniakov à Paris ou plus récemment dans le Mephisto du Faust parisien de Tobias Kratzer, mais aussi comme Banquo du lointain Macbeth genevois signé Christof Loy. Il compte parmi les basses les plus intéressantes de sa génération, voix profonde et sonore avec de très beaux harmoniques, accents vigoureux et surtout belle étendue. On manque de basses profondes non russes en ce moment : son temps est peut-être venu parce que dans Massimiliano, il est très convaincant, basse noble et puissante, au caractère cependant sans pouvoir, mais figure et voix spectrales du plus bel effet.

Charles Castronovo (Carlo)

Charles Castronovo qui a créé le rôle dans cette production revient, on sait qu’il est aimé des castings-managers munichois car on le voit très (trop ?) souvent au Nationalltheater. Il faut reconnaître qu’il s’en sort avec grande dignité, avec un beau phrasé, très à l’aise dans le registre central, un peu moins dans les aigus, tenus, mais juste ce qu’il faut, et avec un timbre sombre qui pourrait convenir à la couleur de la mise en scène, mais qui dans ce répertoire appelle peut-être des ténors aux timbres plus clairs, plus ouverts, plus solaires de type Fabio Sartori ou pourquoi pas, Vittorio Grigolo que les théâtres évitent d’appeler à cause de son côté quelquefois ténorisant un peu excessif. Il pourrait ici faire merveille, parce qu’il sait vraiment chanter et qu’il a une vraie couleur italienne.

Igor Golovatenko (Francesco)

En Igor Golovatenko, on tient un des barytons les plus adaptés à Verdi, avec un beau phrasé, d’éminentes qualités d’émission et de diction, une voix d’une puissance assez incroyable, avec des aigus infinis. Immense chanteur au timbre chaleureux, presque trop beau pour le noir et terrible Francesco. Mais derrière la beauté extérieure peut se cacher aussi la méchanceté intérieure. On a connu des Jago à la voix merveilleusement trompeuse (il l’a chanté d’ailleurs). En tous cas Golovatenko s’ajoute à la liste assez longue des barytons aptes à très bien chanter Verdi.

Lisette Oropesa (Amalia) Christian van Horn (Massimiliano)

Reste la stupéfiante Lisette Oropesa qui en quelques années a conquis les premières places dans les rôles de soprano lyrique d’agilité. La voix est large, elle a une belle assise, dotée d’une technique de fer, au contrôle de tous les instants dans tout le registre, sachant filer les notes, mesurer le volume, doser les effets avec une attiutude scénique toujours adaptée, ne surjouant jamais, étonnamment naturelle. Ce chant n’est jamais apprêté quel qu’en soit le répertoire : les théâtres devraient l’inviter là où elle est aujourd’hui irremplaçable, Bel canto, Grand Opéra, jeune Verdi et pourquoi pas de grands Mozart, on y manque tellement de chanteuses intelligentes et sensibles. Lisette Oropesa a en plus cette qualité rare : elle a immédiatement prise sur le public, immédiatement émouvante, et immédiatement au sommet de son art. Moment exceptionnel qui n’est pas étranger au triomphe de la production à Munich en cette fin de mois de janvier.

Enfin, architecte de l’ensemble, Antonino Fogliani succède à Michele Mariotti au pupitre  du Bayerisches Staatsorchester . On l’avait quitté à Vienne il y a quelques semaines dans la Gazza ladra (La Pie voleuse) et dans ce répertoire différent non seulement il s’en sort avec tous les honneurs, mais il sait insuffler à l’orchestre à la fois délicatesse et tension, suavité et nervosité.
L’orchestre, il faut le dire, brille de tous ses feux, et on le remarque dès le solo de violoncelle initial, à la délicatesse exceptionnelle, qui donne immédiatement la couleur de l’ensemble. On admire les cuivres jamais tonitruants, les cordes charnues et énergiques, mais aussi séraphiques quand il le faut, et Fogliani sait à la fois être force d’entraînement (indispensable dans ce répertoire) et aussi architecte, laissant entendre dans ce Verdi de jeunesse les raffinements orchestraux, les différents niveaux sonores, les soli instrumentaux, alors qu’on accuse le Verdi de ces années-là d’être tout Dzim-boum boum et un peu vulgaire. Aucune vulgarité ici, l’orchestre est un écrin magnifique pour un spectacle dont le sens est de laisser la musique dessiner le drame que l’imaginaire de la mise en scène habille. Tout le drame est en fosse, avec ses variations, sa noirceur mais aussi ses raffinements (accompagnement des airs d’Amalia), avec un sens du rythme, de la pulsion, qui mènent l’ensemble au triomphe. Grande exécution.

Le triomphe obtenu devrait inciter la direction du théâtre non seulement à reprendre cette production pour installer le titre dans le paysage munichois, mais aussi oser bien plus dans le répertoire du XIXe que les titres consacrés et quelques raretés. Il manque de grands Cherubini (Medée, Lodoiska) un peu de Meyerbeer que seuls, Berlin et Francfort ont célébré ces dernières années et il y a les chanteurs et les chefs pour en assurer les triomphes. Dans une maison qui est une des plus grandes références internationales, c’est un risque très calculé…

 

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Guy Cherqui
Agrégé de Lettres, inspecteur pédagogique régional honoraire, Guy Cherqui « Le Wanderer » se promène depuis une cinquantaine d’années dans les théâtres et les festivals européens, Bayreuth depuis 1977, Salzbourg depuis 1979. Bouleversé par la production du Ring de Chéreau et Boulez à Bayreuth, vue sept fois, il défend depuis avec ardeur les mises en scènes dramaturgiques qui donnent au spectacle lyrique une plus-value. Fondateur avec David Verdier, Romain Jordan et Ronald Asmar du site Wanderersite.com, Il travaille aussi pour les revues Platea Magazine à Madrid, Opernwelt à Berlin. Il est l’auteur avec David Verdier de l’ouvrage Castorf-Ring-Bayreuth 2013–2017 paru aux éditions La Pommerie qui est la seule analyse parue à ce jour de cette production.

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