Sophie De Lint, directrice du DNO (De Nationale Opera, l’opéra d’Amsterdam) est l’une des personnalités les plus intéressantes parmi les grands managers d’opéra aujourd’hui à la fois par son parcours et par la manière dont elle conduit aujourd’hui la scène lyrique nationale néerlandaise, où elle a succédé en septembre 2018 à Pierre Audi, qui en était devenu, après une trentaine d’années de mandat une sorte de figure inamovible.
Son parcours est particulièrement diversifié et ouvert, qui l’a conduite d’abord auprès de Renée Auphan au Grand Théâtre de Genève pour finir à l’Opernhaus Zürich où elle était directrice artistique avant de venir à Amsterdam. Entre temps et très vite elle avait aussi enrichi son expérience professionnelle en entrant à mains nues dans le laboratoire de l’opéra, comme assistante metteur en scène et comme agent artistique à Vienne, où elle s’est occupée de jeunes artistes, chanteurs, chefs, metteurs en scène, et rejoignant ensuite à Zürich une grande agence européenne. Elle a donc et c’est assez rare pour le souligner, une claire vision de bien des aspects du métier, de l’évolution de l’art lyrique, et une connaissance aiguë des voix nouvelles qu’elle débusque au détour des nombreux concours où elle est invitée comme membre du jury.
Née à Rotterdam, mais ayant grandi à Genève, elle officie donc depuis six ans dans le pays qui l’a vu naître à la tête d’une institution, la plus grande du pays, qui peu à peu prend une couleur nouvelle sous son impulsion. Elle nous a reçu au lendemain d'une représentation de Trittico dans la mise en scène de Barrie Kosky pour un long entretien à bâtons rompus, dans son bureau très chaleureux au cœur de cette maison très particulière dans le paysage européen. C’était déjà le cas sous Pierre Audi, mais cette singularité s’est accentuée à la faveur de la pandémie de Covid 19 et de la nécessité très vivement ressentie ici d’ouvrir aux publics les plus divers. Cette manière de faire de l’opéra pourrait bien inspirer ceux qui déplorent, en France notamment mais pas seulement, la crise des publics et la crise du genre, car ici le théâtre ne désemplit pas.
Quelle est donc la recette Sophie De Lint ?
Vous êtes arrivée en poste peu avant la crise du Covid, et, comme c’est souvent le cas, les premières saisons sont largement préparées par le prédécesseur. C’est ainsi que votre première « vraie » saison a été totalement affectée par la pandémie. Comment cette situation a-t-elle influé sur votre travail ?
Le Covid a été une chose terrible, mais en même temps, pour mon métier, et pour la situation à Amsterdam, ça a été aussi quelque chose d 'extraordinaire, au sens positif du terme.
J'ai été engagée à Amsterdam sur un profil international où je pensais continuer sur le sillon tracé par les trente années de Pierre Audi que je trouve particulièrement intéressant. C 'est la raison pour laquelle j’ai été engagée, également grâce à un carnet d 'adresses diversifié. Et en fait, tout s'est arrêté au moment du Covid. Il a fallu du jour au lendemain se réinventer, briser les barrières, changer la manière de travailler, la tradition dans la manière de monter un opéra. Il fallait partir sur d’autres bases.
J’ai ainsi eu l 'opportunité de découvrir les Pays-Bas, d'une manière que je ne connaissais pas encore. Les Pays-Bas se limitaient pour moi à mes visites des spectacles programmés par Pierre Audi. Et tout d'un coup, j'ai eu l 'occasion de concentrer toute mon attention sur les artistes du pays, de connecter avec les différentes institutions, de voir comment on allait monter des spectacles ensemble et différemment. Et tout se faisait à très court terme. On pouvait prendre des risques que je n’aurais probablement pas pris s 'il n 'y avait pas eu le Covid.
On a très vite pris la décision de confier notre scène aux jeunes du pays, parce qu’en fait, les jeunes sont ceux qui ont été le plus touchés par cette crise, il fallait qu’ils puissent s'exprimer et créer. Nous leur avons littéralement confié la scène et les moyens du DNO pour créer « à leur manière », tout en leur donnant le cadre de travail nécessaire, et en écoutant comment ils voulaient travailler. Ce fut une découverte pour moi de voir quelles histoires cette génération d’artistes voulait présenter sur la scène de DNO et surtout quel impact ça allait avoir sur le public.
C’est à ce moment-là que j’ai réalisé que le public de base était très ouvert à découvrir des spectacles complètement différents, des spectacles qui en plus nous permettent d’attirer de nouveaux publics.
C’est quelque chose qu'on ne voulait pas perdre, en aucun cas. C’est pourquoi on continue à travailler en partie dans cette dynamique à Amsterdam. Certes, toute la saison ne reflète pas cette programmation particulière, mais elle est essentielle et elle fait partie d’une saison DNO.
Le Opera Forward Festival [1]existait déjà et lorsque j 'ai été engagée pour prendre la direction du DNO, j'ai très clairement dit que je le continuerais. Pour moi c 'était primordial parce qu’il y a peu de maisons d’opéra qui ont leur propre festival et qui offrent ce moment particulier dans la saison où j'aime à dire qu’on est protégé par la bannière « festival » pour faire des nouvelles choses et prendre plus de risques. Quand je travaille avec les artistes dans le festival, je leur donne souvent carte blanche, je leur dis : « Allez-y, peut -être ça ne plaira-t-il pas à tous, mais on se lance et on évaluera après » .
De fait à chaque festival on tire les leçons pour voir ce que ça nous a apporté, ce sur quoi on aimerait construire à l 'avenir et aussi ce qu'on ne fera plus.
L’Opera Forward Festival est donc clé pour nous aider à avancer, à explorer la forme d’art « opéra », développer notre manière de travailler et entrer en contact avec un public plus large.
[1] Trois directions à ce Festival (qui a lieu en mars)
- Opéras : Des premières mondiales, des sujets d'actualité et de nouvelles formes de théâtre musical
- Labs : Donner à une nouvelle génération d'artistes faire leur première incursion dans le monde de l'opéra, dans une variété de projets où sont impliqués des étudiants de tous les Pays-Bas.
- Context : Pendant les week-ends de l'Opera Forward Festival, le théâtre est en ébullition avec un programme chargé de jour comme de nuit : variété des activités du forum du théâtre, spectacles, débats, concerts et, enfin, des fêtes exaltantes.
Avez-vou eu une chute de public immédiatement après le Covid, comme pas mal de théâtres ont eue et dont ils ressentent encore quelquefois aujourd’hui les effets ?
En fait non, peut-être a-t-on eu de la chance mais peut-être aussi a-t-on pu se réinventer. Tout de suite après la reprise des activités, les salles étaient pleines. On a pu vraiment recommencer avec Opera Forward 22 et à partir de ce moment-là, on a eu des spectacles qui sont très bien remplis, au-delà de ce qu’était la fréquentation à mon début de mandat. Le Festival est fondé sur l’accessibilité à tous niveaux. Un grand opéra, comme Animal Farm d’Alexander Raskatov, dans la production de Damiano Michieletto, a attiré 43% de nouveaux publics, dont plus de 30% en dessous de 35 ans, et a été complet. C'est le rêve absolu pour une maison d’opéra d’avoir une création « sold out ».
Pour mieux comprendre notre public, notre département de marketing passe beaucoup de temps à analyser les données. C’est intéressant d’étudier quelle sorte de spectacle attire quelle sorte de public et de réfléchir à comment attirer le nouveau public à revenir pour un second spectacle puis une troisième… Je me rends compte que je vous parle beaucoup de nouveaux publics mais il ne faut surtout pas oublier que notre salle est en majorité remplie par notre public fidèle depuis de nombreuses années, un public qui vient d’Amsterdam et région, et aussi des quatre coins des Pays-Bas pour les représentations du dimanche après-midi. On est très attentif à servir ces différentes catégories de publics.
Parce que vous êtes le seul opéra des Pays -Bas ?
Nous ne sommes pas les seuls non. Nous avons le rôle d’opéra national. Il y a aussi deux autres institutions lyriques, subventionnées, deux opéras itinérants, le Reisopera à Enschede, et Opera Zuid à Maastricht : ce sont des structures plus légères, qui tournent au Pays-Bas. On a une mission en commun, soutenir les jeunes talents. Pendant la pandémie il fut évident qu’en travaillant ensemble nous pouvions soutenir plus de jeunes talents. Cela a commencé avec notre opéra studio, puis s’est élargi aux jeunes compositeurs et metteurs-en-scène des Pays-Bas. Un très beau projet que nous avons scellé avec une convention. Nous faisons partir d’un ecosystème et en travaillant ensemble nous pouvons aller plus loin.
L'opéra d 'Amsterdam est encore considéré dans le paysage européen comme une institution jeune née dans les années 1980 …
En disant cela vous allez mécontenter à juste titre les néerlandais car il y a un très grande tradition musicale aux Pays-Bas ! Disons plutôt que le travail de mon prédécesseur Pierre Audi a placé le Dutch National Opera sur l’orbite de la scène internationale et c'est une maison qui joue un rôle important désormais dans l’écosystème européen et mondial.
Aux Pays-Bas, l’Opéra National est l'institution culturelle qui reçoit le plus de subventions. Je vous avoue d’ailleurs qu'il n'y a pas un jour où je ne pense pas au fait qu’on appartient aux citoyens des Pays -Bas, à ceux qui y paient leurs impôts. Cela conditionne notre politique artistique et de programmation. Et il y a beaucoup d'opportunités ici. Être un opéra national au Pays-Bas, ça n’a rien à voir avec, disons, un opéra national en Suisse. D 'ailleurs, ça n'existe pas ! Bien entendu, je peux comparer mes expériences à Zürich et à Genève, puisque c'est là où j'ai fait la plus grande partie de ma carrière, mais ce sont des mondes si différents. Et quand j'ai des visites de Genève ou de Zürich, ils sont toujours très surpris de voir ce qu'on programme, ce qui fonctionne et les développements du public aux Pays -Bas, qui ne peuvent pas être comparés à des villes comme Genève et Zürich. C 'est évident.
Justement, en réfléchissant à la position du NO&B, je pensais par comparaison à la situation belge, aux dimensions comparables, qui a trois grosses institutions qui font de l’opéra: Opéra des Flandres (Anvers-Gand), La Monnaie (Bruxelles), Opéra de Liège. On aurait pu imaginer d’autres salles ici, à Rotterdam, Groningen…
Dans notre cahier des charges et dans notre mission, on a un rôle national. Si on regarde le public qui vient au Dutch National Opera & Ballet, on peut vérifier les chiffres, mais c'est 39% à peu près qui vient d 'Amsterdam et de la région et 55% qui vient du reste des Pays-Bas. Comme c 'est un petit pays, on vient en train voir un spectacle et on peut repartir après. Voilà la beauté des Pays-Bas aussi. Ce rôle pour le pays dans son intégralité deviendra de plus en plus important pour justifier nos subventions.
Et votre public international est-il important ? D’où vient-il essentiellement ?
Le touriste ne se rend pas aux Pays-Bas pour aller à l’opéra, c’est certain ! C’est impossible de comparer notre institution et théâtre (bâti dans les années 80) avec La Scala, L’Opéra Garnier ou la Staatsoper de Vienne et leur histoire.
On pourrait essayer d’attirer les touristes à l’Opéra, mais je trouve bien plus intéressant d’être là pour le public des Pays-Bas. Les passionnés d’opéra qui veulent voir un certain spectacle à Amsterdam viendront de toute manière.
Je vous posais la question parce que traditionnellement, les représentations dominicales à la Monnaie sont fréquentées par des parisiens qui, avec le TGV, arrivent en fin de matinée et repartent le soir.
Ce sont souvent les Belges qui nous rendent visite le dimanche après-midi ! Et parfois aussi les parisiens mais le voyage est plus long.
Une spécificité du NO&B est notre large groupe de Young Patrons. Ce sont des passionnés d’opéra et de danse qui aiment se mettre en contact avec d’autres passionnés internationaux. Ils organisent des voyages, avec leurs réseaux et ça marche très bien.
Parlons un peu de la structure et de l’organisation. Combien le NO&B emploie-t-il de personnels ?
À peu près 600, incluant les ateliers, le chœur fixe et la compagnie du ballet qui a une part essentielle. Nous sommes « Dutch National Opera & Ballet ». Notre particularité, c’est que l’Opéra n’a pas d’orchestre maison. C’est pourquoi on a des partenariats avec différents orchestres des Pays-Bas qui reçoivent des subventions pour jouer chez nous, en plus de leur saison symphonique. C 'est très particulier, je crois presque unique.
C'est effectivement unique sur un opéra national, mais pas forcément sur les opéras régionaux, par exemple en France les opéras régionaux (sauf Lyon) fonctionnent ainsi, en liaison avec l’orchestre régional. Et à Genève que vous connaissez bien, l’OSR assure la majorité des représentations, même si pour le baroque désormais, on déroge à la règle avec d’autres formations.
Oui, mais notre particularité, c’est que nous sommes en partenariat régulier avec plusieurs orchestres du pays. Avec cinq différents orchestres.
Justement j'avais un jour interviewé Ingo Metzmacher, alors directeur musical et il se disait être comme « un général sans armée ».
Quand j 'ai commencé ici, Pierre Audi m 'a donné quelques conseils et notamment, si je voulais un « Chief conductor » il m’a conseillé de prendre le même que celui du Nederlands Philharmonisch Orkest qui est la formation avec laquelle nous collaborons le plus. Il a ajouté qu’ainsi cela avait plus de sens et fonctionnait bien mieux dans la mesure où le chef pouvait travailler de manière complémentaire au symphonique et à l 'opéra et avoir un projet beaucoup plus large pour le développement de l'orchestre et son rôle à l 'opéra. C’était la solution qu’il avait trouvée avec Hartmut Haenchen et Marc Albrecht.
Quand je suis arrivée, Marc Albrecht a décidé, après 10 ans, de continuer en tant qu'artiste invité. Avec la direction du Nederlands Philharmonisch Orkest, on a sélectionné un nouveau chef et ce fut Lorenzo Viotti, qui travaille donc sur les deux fronts. C’est très intéressant pour un chef d'avoir ce rôle au symphonique et ce rôle à l 'opéra. Notre solution donne une sorte de continuité, permet de développer des projets à long terme, d’avoir une communication spéciale avec le public aussi, tout en faisant un travail de fond avec l'orchestre et notre chœur.
Et vous gardez toujours la tradition d'avoir la production annuelle du Holland Festival avec l’Orchestre Royal du Concertgebouw?
Cette tradition existe toujours, et elle fonctionne bien. C 'est merveilleux de jouer une fois par an un opéra avec cet orchestre, toujours au mois de juin. Cette année on a eu une collaboration supplémentaire avec eux pendant le Opera Forward Festival en mars, dans l'esprit aussi de travailler de manière intergénérationnelle avec les académistes, les ex-académistes de l 'orchestre et puis les musiciens actuels de la formation. Ainsi on travaille ensemble pour voir comment on peut soutenir les jeunes talents dans le pays. Nous collaborons aussi une fois par an avec le Rotterdam Philharmonisch Orkest, un excellent orchestre, assez fascinant dont le chef est Lahav Shani et Tarmo Peltokoski, qui en est le premier chef invité.
Tarmo Peltokoski qui est le directeur musical de l’Orchestre National du Capitole deToulouse.
Oui, et Rotterdam cherche un successeur à Lahav Shani qui va quitter son poste dans deux ans
Avec Klaus Mäkelä au Concertgebouw, il n’y a que des chefs jeunes à la tête de ces orchestres…
Il y a beaucoup de jeunes chefs aux Pays-Bas. C 'est un pays qui aime chercher les jeunes talents et leur offrir une plateforme pour se développer. Il y a aussi Karina Cannelakis au Radio Filharmonisch Orkest qui n'est pas un de nos orchestres partenaires. Mais le plus jeune de tous, en ce moment - 22 our 23 ans je crois ! - c’est Tarmo Peltokoski, un passionné de Wagner.
Pour en revenir à ce paysage musical : à l’Opéra de Zürich, les stars c'étaient les chanteurs. Et quand je suis arrivée à Amsterdam, je me suis vite rendue compte que les stars sont souvent les orchestres et les chefs. C’est fou le nombre de grands orchestres pour un si petit pays.
On cherche à développer d 'autres sortes de collaborations fascinantes. Pour le baroque, un genre adoré aux Pays-Bas, on va pouvoir travailler la saison prochaine pour le projet Le Lacrime di Eros (un projet explorant les origines de l’opéra à Florence autour de 1600) avec l’Ensemble Pygmalion et son chef Raphael Pichon. Le public est fasciné par ses orchestres spécialisés et leur quête d’authenticité. On vient aussi de commencer une collaboration dans le cadre du Opera Forward Festival 2025 avec l’Amsterdams Andalusisch Orkest (l 'orchestre andalousien d'Amsterdam) pour notre projet avec la compositrice Bushra El-Turk. Cela permet une incroyable ouverture du répertoire.
Ne pas avoir d 'orchestre « maison » nous donne une sorte d'élasticité et de souplesse et nous permet d’ouvrir le répertoire qu’on a envie d’explorer. En programmant des créations, de nouveaux opéras, nous pouvons explorer plus largement ce que peut être l 'opéra aujourd'hui, une question déterminante.
Une question que je me pose depuis longtemps est de savoir s’il y a en Belgique et au Pays-Bas une couleur très spécifique du monde de l’opéra, née à la faveur de la présence de Gerard Mortier à la Monnaie de Bruxelles dans les années 1980 : ouverture à la mise en scène, confiance aux jeunes, peu d’appel aux stars…
Est-ce le travail de Gérard Mortier, mais aussi celui de Bernard Foccroule, Aviel Cahn, Pierre Audi qui a tracé ce sillon-là ? Oui, ils ont tous joué leur rôle. Ce sont des pays qui sont ouverts, multiculturels et donc prêts à accueillir de nouvelles expériences avec une envie de découvrir et un grand respect des artistes.
Cela ouvre des portes et je pense qu’il y a des projets qu'on peut présenter à Bruxelles, Anvers ou Amsterdam qu’il serait plus compliqué de présenter dans d'autres pays ou dans d'autres villes européennes.
Pour revenir à Amsterdam ou aux Pays -Bas, il y a une envie d 'authenticité et aujourd'hui en particulier, il y a une envie d'écouter des histoires, et surtout des histoires nouvelles et d'essayer de les comprendre. Ainsi donc la curiosité vient surtout du public.
C’est très beau : travailler avec des artistes qui ont des choses neuves à raconter, et voir le public curieux de découvrir. Ainsi on sert le public traditionnel mais aussi le nouveau public pour des spectacles ouverts et divers.
Il faut vraiment regarder dans quel pays ou dans quelle ville on exerce ce métier et surtout pour qui on le fait, parce qu'on le fait pour le public. Et si on considère le public, Amsterdam c 'est un public qui demande cette ouverture et qui a cette curiosité. Sinon, on va servir juste une fraction du public mais ce n 'est pas dans notre mission. Notre mission c'est d'être là pour un public plus large qu’on va essayer de consolider dans les années à venir.
Il y a des villes avec des publics très différents, avec des attentes autres, mais j'ai toujours remarqué à Amsterdam, depuis que j’y viens, une très grande disponibilité et ouverture du public. C 'est un public généreux, curieux, avec un grand respect pour les artistes. C 'est un public qui est absolument ouvert, mais qui en revanche a ses exigences.
Lesquelles?
Il a une exigence d'authenticité, voilà le terme qui convient. Si le public sent par exemple que le chef a une vision et qu’il a travaillé dur avec l 'orchestre, qu’il est porté par les musiciens, le public va être un soutien sans failles. Mais si par exemple un metteur en scène ne fait pas confiance à une œuvre, la manipule trop, la rend trop peu lisible, là ça devient compliqué à Amsterdam. Le public ici doit vivre et ressentir l 'histoire de l 'artiste dans une sorte d’engagement mutuel. C 'est très particulier, ce que je dis là, au sens où ce public doit sentir l’engagement de tous, une authenticité absolue, et quand elle est là, ça marche avec une immense générosité. C’est pourquoi il peut y avoir ici des artistes qui peut-être ailleurs ne fonctionneraient pas. Et vice-versa.
Justement, tout à l'heure, vous avez un peu esquissé la question dans la cartographie de l'opéra européen : pour faire simple, quel est le rôle d'Amsterdam?
Amsterdam, c 'est une grande maison de production : c’est toujours ce que je mets en avant. On fait des nouvelles productions, on produit des nouveaux opéras. C'est dans l'identité de la maison de créer des spectacles très variés qui sont connectés avec la société d’aujourd’hui.
D'abord, c 'est la structure qui le permet. On a un sysème de stagione, ou semi-stagione avec le ballet, parce qu'on a l 'alternance. On a des grandes équipes motivées et on peut créer ces spectacles sans le devoir du travail du théâtre de répertoire qui doit gérer un grand nombre de reprises. On peut donc offrir aux artistes des conditions idéales pour créer à Amsterdam. Ce sont des conditions que tous les théâtres ne peuvent pas offrir, à cause de leur structure. Donc les artistes, compositeurs, metteurs en scène, scénographes, tous les maîtres d'œuvres d’une production savent qu’à Amsterdam on peut aller plus loin et donc expérimenter un peu plus, essayer de repousser un peu les limites du possible. Et ça, je pense, ça offre des horizons nouveaux aux artistes.
Pour moi qui viens de Genève, puis de Zürich, - en ayant passé aussi 5 ans à Vienne - Amsterdam, est une ville tellement différente ! Maintenant que j’y vis depuis plus de cinq ans, je trouve qu’Amsterdam a un côté américain, un peu New Yorkais. J'étais à New York il y a quelques jours, et c'est fou les similitudes entre New York et Amsterdam. Quand j'ai des artistes américains qui viennent ici, ils ne sont pas très dépaysés à part la beauté singulière de la ville d'Amsterdam. Mais sur le plan culturel, ils font immédiatement le rapprochement : « oh, it's just like New York here ». On est donc influencé par les État-Unis et New York, avec aussi un petit côté scandinave pour ce qui est de la culture de travail, sans oublier bien entendu la couleur européenne.
Les Pays-Bas est un pays multiculturel avec de larges communautés turques, marocaines, surinamaises et indonésiennes. Tout cela offre des possibilités pour agrandir et élargir le répertoire et réfléchir à de nouvelles collaborations qui incluent et parlent à ces communautés. Ceci est la démographie des Pays-Bas. À Zürich, à Genève, à Paris, c’est différent, il faut donc aborder l’élargissement du répertoire différemment aussi.
À Amsterdam on prend donc en compte cette réalité et quand on programme une saison d'opéra on essaie de concevoir une balance 50-50. 50% pour les classiques, les canons du répertoire qu’on essaie de présenter avec un regard d’aujourd’hui pour à la fois servir les œuvres tout en s’adressant à un public d’aujourd’hui. Et puis 50% de la programmation vise à ouvrir le répertoire, en réfléchissant aux besoins des nouveaux publics que nous ciblons et en créant des continuités, tout en essayant de soigner la cohérence générale.
Combien proposez-vous de productions d 'opéra par an?
On en programme entre 14 et 16, ça dépend des saisons, dont plusieurs créations chaque saison. On a la grande scène, et désormais aussi la petite scène, le studio Boekman, qu'on a ouvert en automne, et qui nous offre beaucoup de nouvelles opportunités sans compter les possibilités de collaboration avec les autres institutions culturelles du pays. On a un nouveau public qui croît et qui revient. Nous cherchons des histoires et des sujets qui intéressent ces nouveaux publics. Quand pendant le Festival Opera Forward 2024 on programme un opéra comme The Shell Trial[1], sur la question des responsabilités liées au changement climatique, le pourcentage de nouveaux publics est très élevé. Des gens qui ne venaient pas à l'opéra, qui n 'étaient pas intéressés. Et voilà un sujet qui les concerne directement !
Certaines personnes se demandent pourquoi autant d’argent public va à la culture, à une maison d’opéra. En ciblant un public plus divers, en traitant à l’opéra des questions qui les concernent, en étant ouvert à de nouvelles sortes de collaborations avec d’autres institutions, on peut avoir un tout autre impact.
Ces possibilités qu’offre Amsterdam sont très belles. Elles peuvent certainement se trouver ailleurs, en tout cas dans les Festivals.
[1] The Shell Trial, musique de Ellen Reid, livret de Roxie Perkins, représenté en mars 2024
Dans votre politique artistique, comment procédez-vous par exemple pour le choix des chanteurs ?
Nos chanteurs viennent de partout. Ce qu'on essaie de faire, pour chaque production, c’est d’avoir une combinaison de chanteurs internationaux, de chanteurs des Pays-Bas et bien sûr d’inclure les jeunes artistes de notre Opéra Studio ainsi que ses alumni. J’aime chercher et soutenir des jeunes chanteurs, et, venant de Zürich (une maison de répertoire avec une troupe et un grand opera studio), je considère notre Opéra Studio à Amsterdam comme un « junges Ensemble » qu’on a dans la saison et qu’on voit grandir à côté d’artistes confirmés. Voilà le rôle de l'Opéra Studio.
Il y a aussi beaucoup de jeunes artistes aux Pays-Bas qui sont intéressants, et bien sûr des moins jeunes aussi !, et on a évidemment une relation privilégiée avec ces artistes-là. Le Trittico que vous avez vu hier est un excellent exemple de là où « j 'aime être » en matière de casting.
Je réfléchis toujours à ce qu’un artiste réponde à toutes les exigences, un « full package » en quelque sorte : j'en parle avec le metteur en scène et le chef d 'orchestre pour être certaine qu'ils peuvent créer leur projet avec ces artistes. J’aime participer à des jury de concours de chant comme Operalia ou Neue Stimmen. Cela permet de découvrir de nouvelles voix et artistes venant de la terre entière. Et je fais aussi beaucoup d'auditions. Par exemple, quand je vais à New York j'écoute les chanteurs de la Juilliard, ceux du Lindemann Young Artist Development Program du MET. J’allais à l’époque à Philadelphie au Curtis Institute et Academy of Vocal Arts. Mais j'ai moins de temps maintenant. C’est merveilleux de pouvoir suivre le développement de ces jeunes artistes. Par exemple, pour Il Trittico, on devait avoir Elena Stikhina pour les deux rôles de Giorgetta (Tabarro) et de Suor Angelica. Mais notre chef Lorenzo Viotti a dit qu’il préférait avoir deux artistes différentes pour servir sa vision des œuvres. Ainsi a-t-on donné la chance à Leah Hawkins de faire cette prise de rôle en Giorgetta. Leah, je la connais depuis ses débuts au Lindemann, à New York. Une joie de pouvoir lui offrir ses débuts européens!
On fait aussi très attention à l’acoustique particulière de notre salle. Il faut des voix qui passent, qui aient une bonne projection. C’est essentiel. C’est très différent de Zürich qui a une salle beaucoup plus intime. J'ai dû donc revoir un peu mes choix ou mes idées. Il faut s'adapter.
Justement dans Trittico, j 'ai beaucoup écouté les petits rôles, et j’ai trouvé qu'ils étaient d'une très grande qualité, qu'il y avait une vraie homogénéité du point de vue de la qualité, du point de vue de la diction, du point de vue de la ductilité vocale. D’autant que chez Puccini, ce n’est pas toujours facile.
Ça me fait plaisir que vous disiez ça. Il y a beaucoup d 'artistes hier qui sont soit les artistes du studio actuel ou qui sont des ex membres du studio. On les connaît depuis longtemps. On les suit et on les soutient, notamment en les faisant travailler avec des coach linguistiques, de grands metteurs-en-scène et de grands chefs.
Vous n'avez pas de troupe à l’allemande mais vous avez un groupe de référence quand même visible, parce qu'on retrouve des artistes d'une distribution à l 'autre.
Oui, si on regarde par exemple Trittico, il y a des artistes aux Pays-Bas comme Helena Rasker, formidable contralto. Elle habite ici et peut donc peut chanter « à la maison ». Idem pour le baryton-basse Frederik Bergman – alumnus de notre opera studio, un jeune chanteur qui grandit vite, excellent acteur aussi, que le public adore. Comme mentionné au préalable, nous avons une responsabilité envers les ex-artistes de notre opera studio, pour les aider à lancer leur carrière. Je pense à des artistes comme la mezzo Polly Leech et soprano Inna Demenkova. C'est donc important qu'ils ne soient pas juste avec nous pendant un ou deux ans dans le Studio, mais qu'on continue à leur offrir des opportunités pour étoffer et construire leurs carrières. J’aime beaucoup ça, c'est le côté un peu impresario qu'un directeur de théâtre peut avoir et qui est très beau.
Je me souviens de Ioan Holänder (Nota : qui a été agent artistique avant de diriger la Staatsoper de Vienne[1]) qui disait de moi « ach, die Frau Direktorin Sophie de Lint, sie ist eine Echte» (pure/Vraie de vraie), que je prends comme un grand compliment.
Ça part d'une passion pour les artistes et les chanteurs. Que veut dire «être un chanteur» ? Hier soir, Renée Auphan était ici pour Trittico, et j 'ai eu cette grande chance que, depuis mes 18 ans, Renée Auphan m'ait appris les fondements du casting, en m’amenant aux auditions, aux voyages pour découvrir les chanteurs. Elle m'a tout expliqué, ce qu’était la voix et le répertoire et comment un chanteur peut grandir. Donc, j 'ai eu cette formation extraordinaire de commencer ma carrière avec elle.
[1] Renée Auphan, chanteuse, metteuse en scène, puis directrice de l’opéra de Lausanne (1984-1995) et du Grand Théâtre de Genève (1995-2001)
Quand je voyageais plus jeune dans les divers opéras européens, je croisais souvent des directeurs artistiques qui circulaient, allaient écouter. Aujourd’hui, est-ce que Youtube n’a pas quelquefois remplacé l’impression directe ?
YouTube, ça peut aider pour avoir une première impression. Mais on ne peut pas engager un artiste sur une impression de YouTube uniquement, c 'est impossible. Pour moi au moins. Chacun a sa propre éthique de travail.
Ici, je collabore au casting, je l’ai toujours fait et j’aime ça. Il faut qu'on ait entendu les chanteurs en direct. Soit on va les voir dans des spectacles, soit ils viennent auditionner ici. Ce que je trouve très beau, c 'est de voir le développement d'un chanteur.
Certes, cela prend du temps d'être dans le jury d'un concours de chant. Mais si on est une semaine avec Operalia, ou une semaine avec Neue Stimmen, ou une semaine avec Queen Sonja - de très grands concours, offrant des conditions idéales aux chanteurs - on les entend trois fois d 'abord au piano et après une ou deux fois avec l 'orchestre et sur des grandes scènes, ça donne du bagage pour travailler ensuite avec eux.
Quand je suis jury de concours, je suis moins intéressée par savoir qui gagne ou pas : ce qui m’intéresse, c’est de passer une semaine avec les artistes, de faire connaissance, de les entendre dans des répertoires différents. Et la cerise sur le gâteau c’est de passer une semaine avec d’autres directeurs, directeurs du casting, journalistes, et de pouvoir échanger sur toute sorte de question. C’est une sorte de mini forum. Et cette partie-là du job, j’espère qu’elle ne va pas se perdre parce qu’elle est fondamentale.
Vous m’avez dit tout à l’heure que vos chanteurs viennent de partout et les opéras européens emploient beaucoup de chanteurs russes.
Comment gérez-vous la situation politique actuelle ?
On n’exclut personne. Maintenant, si c'est un artiste qui va ouvertement s’afficher pour la guerre, là c 'est autre chose. On ne peut pas avoir ça dans la maison.
Si déjà on regarde le personnel, parmi les 600 personnes dont je vous ai parlé, on a par ex des artistes russes et des artistes ukrainiens. On a des artistes de tous pays et de toutes religions. Les artistes russes ne peuvent rien à ce que Poutine ait déclaré la guerre à l 'Ukraine. Pour nous, c 'est important de les soutenir aussi. Et quelle pépinière de talents, la Russie !
En revanche, quand la guerre a commencé, les ponts ont été coupés avec Valery Gergiev qui avait son Festival à Rotterdam et une relation étroite au Rotterdams Philharmonisch Orkest. Ça n’était pas possible pour eux de continuer.
Continuons d’explorer l’organisation artistique. Comment envisagez-vous une saison ? Comment alternez-vous nouvelles productions, créations, reprises, y compris de productions de la période Audi ?
Bien sûr, on fait des reprises, mais on ne commence pas par là.
On commence par réfléchir à ce qu'on aimerait offrir au public, quels artistes, quels répertoires, quelles histoires, quelles sortes de musique aussi en ayant toujours en tête le rôle national de notre institution.
Ensuite, il y a les paramètres. C 'est technique, un puzzle complexe. On doit placer tous les orchestres dans la saison avec des répertoires et des chefs qui les motivent, parce qu’on veut que les musiciens soient heureux de jouer chez nous. Cela signifie dialogue et vraie collaboration avec ces différents orchestres. Ce sont déjà neuf productions qu'on remplit avec les différents orchestres partenaires.
Et puis on a un grand chœur à Amsterdam, plus un grand chœur complémentaire, qui joue un rôle très important pour le développement du chant choral dans le pays. Il faut bien réfléchir aussi à voir où placer les productions avec le chœur, combien est-ce que le chœur peut en faire, mais aussi quels metteurs en scène et chefs d'orchestres vont « challenger » notre chœur, qui aime ça.
Je me souviens lorsque Peter Stein avait fait Moses und Aron de Schönberg avec Boulez, le chœur d 'Amsterdam avait fait l'admiration de tous pour sa qualité et son engagement dans la mise en scène.
Les metteurs en scène adorent travailler avec notre chœur. Notre chœur aime les défis. Avec quelqu'un comme Kirill Serebrennikov qui a commencé ici avec Freischütz en 2022, c'était une vraie relation d’amour avec le chœur. Un chœur qui attend avec impatience le Boris Godounov de la saison prochaine. Avec Barrie Kosky aussi. Et avec d 'autres comme Nanine Linning pendant le festival en mars dernier, chorégraphe et metteure en scène. Ils ont besoin et surtout envie de nouvelles expériences.
Mais même si c 'est une grande maison de production, on ne peut pas faire 14 nouvelles productions. Il faut compléter par quelques reprises et des co-productions avec d'autres théâtres. Par exemple Die Fledermaus la saison prochaine dans la production (Barrie Kosky) de la Bayerische Staatsoper. Mais bien sûr Barrie sera avec nous pour une grande partie des répétitions, pour adapter sa production à notre cast de chanteurs et travailler avec notre chef Lorenzo Viotti.
On développe de plus en plus de collaborations avec d'autres compagnies aux Pays-Bas - des compagnies qui ne sont pas forcément associées à l’opéra. Cela amène une nouvelle couleur à la programmation, offre des projets très différents et drainent aussi un nouveau public. Comme je vous l’ai précisé, on vise 50% de grand répertoire - un voyage bien entendu sur les 400 années de répertoire - et 50% sert un travail sur l 'ouverture du répertoire. Cela peut être de la création, ça peut être des collaborations, des nouveaux formats interdisciplinaires, des ouvertures vers des traditions musicales non-occidentales, et aussi des répertoires qui ont moins été représentés sur notre scène comme l’opérette et le musical. Nous visons une définition large de ce que peut être l’opéra.
Comme Idomeneo dans la production de Sidi Larbi Cherkaoui ?
Oui, cette coproduction avec Genève est un vrai projet interdisciplinaire : opéra, danse et arts plastiques. La première a eu lieu à Genève, mais c 'est aussi une nouvelle production pour Amsterdam. Il y a un autre orchestre, un autre chef, d 'autres chanteurs, un autre chœur. Le projet sera donc éventuellement adapté pour Amsterdam. Cela signifie qu’il est important que les maîtres d’œuvre puissent travailler avec les artistes engagés pour Amsterdam. En d’autres mots, nous continuons à développer le projet avec Sidi Larbi Cherkaoui et notre chef d’orchestre Laurence Cummings. Idem pour la Fledermaus de Barrie Kosky, une coproduction avec Munich. Barrie sera aux côtés de Lorenzo Viotti et un nouveau cast de chanteurs. Nos dialogues seront en anglais et peut-être même quelques incursions en néerlandais pour notre public. Cela deviendra donc la version « Amsterdam » ! Les collaborations, les coproductions, c'est très bien. Mais si on n'est pas le producteur d‘origine, il est très important d'être sûr que le metteur en scène soit libre et ouvert pour travailler avec un nouveau chef et une nouvelle équipe à Amsterdam.
Et est-ce qu'il y a des œuvres qui n'ont jamais été encore jouées à Amsterdam parmi les grands standards?
Par exemple, Il trittico dans son intégralité n'avait justement jamais été joué. Il y a encore quelques Haendel qui n'avaient pas été données ici comme Agrippina. Est-ce que c 'est un grand standard ?
Il y a des perles du bel canto, il y a des perles de l'opérette qui n'ont jamais été données sur cette scène, ça c 'est certain. Et puis il y a un public qui en a envie. Vous l'avez constaté dans Gianni Schicchi hier soir, il y a aussi un public qui a envie de rire à l 'opéra. On a monté un spectacle d'opérettes « Operetta Land » signé Steef de Jong, un passionné d’opérettes, adoré au Pays-Bas, un artiste merveilleux. C'était archicomble avec un énorme nouveau public qui n'attend plus qu'une chose : à quand la prochaine opérette ? Cela ouvre de nouvelles possibilités !
Comme je vous l’ai dit, j’ai appris ici qu’il y a une soif de nouveau, une envie d’être surpris à l’opéra, y compris par des sujets brûlants. Il faut s’assurer que le projet soit authentique et que la communication autour du spectacle fonctionne.
D’ailleurs c’est un sujet essentiel pour tous les directeurs d’opéra et nous en discutons dans le cadre notamment d’Opera Europa, une communauté opératique où nous échangeons en regardant ce qui marche ou non, ce qu’on fait pour le nouveau public par exemple.
Nous collaborons aussi dans ce sens avec les étudiants des écoles d’art et conservatoires néerlandais qui créent leurs premiers opéras (OFF Labs) pendant le Opera Forward Festival, c’est un grand investissement mais quel enrichissement de pouvoir être ainsi connecté avec autant d’étudiants.
Notre devoir, c’est de rester sans cesse connecté avec la société, et d’essayer de l’être de plus en plus. Si l’on programme uniquement les canons du répertoire et qu’on s’en arrête là, je pense qu’on a peu de chance de travailler à la pérennité de l’institution-opéra, en tout cas aux Pays-Bas. Nos institutions jouent un rôle important dans la société. Il faut veiller à être en phase avec elle.
Un exemple ?
Notre travail sur la durabilité qui nous a valu un prix récemment aux Opera Awards.
On s’y investit beaucoup et réfléchit à comment pouvoir créer de l'opéra de manière plus durable, avec un impact environnemental moins négatif. C'est compliqué, mais crucial et si on n’y travaille pas, l’avenir de l’opéra risque d’être problématique.
On essaye de considérer tous les aspects : pas seulement la production et la présentation de spectacles, mais aussi notre bâtiment, les collaborations, les déplacements des artistes, du personnels, du public, la compensation des émissions CO2.
On a créé un nouveau poste pour nous aider à avancer. Notre « coordinatrice de la durabilité » s'appelle Julie Fuchs, exactement comme Julie Fuchs, la soprano, elle est française aussi d’ailleurs et fait un travail extraordinaire pour nous guider, ouvrir le dialogue, développer les outils de mesure. Car oui, il s’agit de mesurer l’empreinte carbone. C’est un boulot gargantuesque !
Ce qu'on a déjà développé et qui est entré en vigueur lors de notre Opera Forward Festival en mars dernier, c’est un « Green Deal » qu'on partage avec toutes les équipes artistiques, pour les inviter à produire différemment, à créer différemment et à réfléchir à des alternatives. Ce n 'est pas un Green Deal prescriptif, mais incitatif, c'est une invitation à travailler autrement, à réfléchir, à faire des pas ensemble. C'est un énorme défi.
Et vous avez réussi à produire « zéro carbone » ?
On a créé un nouvel opéra, The Shell Trial, qui traite de la question complexe des responsabilités diverses autour de la crise climatique. On a utilisé cet opéra comme projet pilote pour essayer de produire et présenter zéro carbone donc climate neutral. On n'a pas réussi, malgré tous nos efforts. On n'a pas réussi à cause des voyages en avion, parce qu'une partie du cast, la compositrice et la librettiste venaient de l’étranger et parfois, de loin. Alors ce qu'on a décidé de faire, c’est de compenser ça pour finir, comme on dit, à zéro impact, et ça faisait partie du budget de la production.
Est-ce que, avec vos collègues d'autres théâtres, vous en parlez ?
Oui, on en parle beaucoup, via Opéra Europa par exemple. Et lors du festival Opera Forward, une partie de l’industrie lyrique se joint à nous pour échanger sur toute sorte de questions, comme par exemple la durabilité et les financements de la culture. Un autre sujet brûlant !
Comment sont structurés vos financements ?
C 'est compliqué parce que NO&B a des subventions de sources différentes. L'Opéra est subventionné par l 'État, le gouvernement, le ballet est principalement subventionné par la ville, et le bâtiment (le Théâtre) c 'est aussi la ville.
Et qui paie le personnel ?
Ça dépend parce qu'on a le personnel du ballet, le personnel de l’opéra et un personnel mixte, qui travaille pour les deux formes d’art. La question des allocations est un joli casse-tête ! Il ne faut pas oublier que les trois compagnies, l'opéra, le ballet et le théâtre, ont fusionné il y a seulement dix ans. C 'était encore sous Pierre Audi. La compagnie est désormais dirigée par un triumvirat de directeurs – tous au même niveau, une structure très néerlandaise qui s’appelle le « polder system ».
Et les financements privés sont-ils importants ? Le sponsoring ?
Le sponsoring nous aide beaucoup, on a pu créer par exemple la nouvelle petite salle, le Studio Boekman, pour nos projets expérimentaux et jeunes talents, grâce à des fonds privés.
Il faut des projets captivants pour attirer les sponsors.
Celui d’une nouvelle salle était très stimulant et nous avons réussi à convaincre des financeurs privés. Le Opera Forward Festival est aussi en partie financé par des fondations qui soutiennent le développement des arts, des nouveaux publics et jeunes talents.
Le prochain challenge, c’est la rénovation des sièges de la grande salle… Il faut attendre un peu avant d’entreprendre cela et c’est sûr que pour des fonds privés c’est peut-être moins excitant que de développer une nouvelle salle.
Nous sommes très éloignés des systèmes de financement privé anglo-saxon et nous avons encore beaucoup à développer sur terrain-là.
Mais par exemple, à Paris, 60% du financement est un financement hors subvention (sponsors, billeterie etc…). Et il ne reçoit donc que 40% de subvention.
Notre pourcentage de subvention est bien plus élevé que Paris c’est certain. Considérant aussi les orchestres indépendants qui sont en partie subventionnés pour jouer chez nous.
Ce qui est complexe en ce moment, si on pense au paysage des théâtres et des opéras européens, c 'est qu'on a des business models qui ne fonctionnent plus comme il y a 5 ou 6 ans, même avec des salles pleines et de nouveaux publics. En effet avec l’inflation, des subventions non indexées, parfois même coupées, ou en tout cas, menacées de l’être. Je ne sais pas si ailleurs il en va de même mais aux Pays-Bas, un « fairpay code » a été mis en place pour les indépendants. Du coup, les « freelancers » nous coûtent soudainement presque deux fois plus qu'avant. Cela n 'a pas été compensé par le gouvernement et l’impact sur nos budgets est énorme.
Ainsi donc les coûts fixes ont augmenté mais aussi les coûts variables sans indexation, c'est dire qu’on a une obligation de se réinventer dans les années à venir.
Ce qui me tient à cœur et ce pour quoi je me bats c 'est qu'on ne réduise pas l'offre artistique. Je vous ai longuement parlé de la diversification de l'offre artistique et je la trouve déterminante pour un opéra national qui cherche à élargir son public. Mais on est obligé de créer différemment si l’on veut pouvoir continuer à avoir cette diversité de l'offre. Voilà un autre défi important des prochaines années.
Je crois que c’est une situation partagée dans bien des pays ou régions. Si on voit la France, tout le monde parle de crise de l’opéra et d’opéras régionaux contraints de peu produire et qui produisent de moins en moins, d’où un public qui se rétrécit.
C 'est pour ça que je vous dis que mon plus grand challenge c'est de garder l'offre. Mais il faut pouvoir la produire différemment. Vu d’Amsterdam, il n’y pas de crise de l’opéra, pourvu qu’on poursuive le changement. Le changement à tous égards. Il faut oser programmer différemment, il faut vraiment réfléchir à la manière de répondre à ce public plus large. Sinon on ne peut pas justifier ces subventions, on n'y arrivera plus. C’est ainsi, aux Pays-Bas.
La période est compliquée : crise mondiale, tensions, guerres, polarisation, et en plus, changement climatique. Les gens sont anxieux et c’est là où l’Art avec un grand A est le plus nécessaire. Même si les financements sont compliqués, il faut saisir l’opportunité.
Et je vous dis : Non, l 'opéra n 'est pas en crise. En tout cas, pas à mes yeux. Je reviens de New York, où j’avais entre autres une journée de travail à l'Apollo Theater. Ce théâtre légendaire de Harlem qui est en train d’ouvrir de nouvelles salles. Les jeunes programmateurs de l’Apollo Theater, de fortes personnalités, m’ont dit : « il y a quelques années à peine, on ne savait pas ce qu'était l'opéra… Now, we all want to be part of it ! (maintenant on veut tous en faire). Je trouve ça génial et ça me remplit d’énergie. Vous imaginez les nouvelles possibilités ? Grâce au grands changements et mouvements des dernières années, l’opéra a la possibilité de se réinventer. Il faut oser les nouvelles collaborations et se lancer !
Autre exemple, dimanche passé, on a programmé une journée de festival qu'on a appelé Radio Cairo pour initier la collaboration avec l 'orchestre Andalousien d’Amsterdam (https://www.amsterdamsandalusischorkest.nl) et avec un autre théâtre qui s'appelle de Meervart dans un quartier où il y a une grande communauté d’Afrique du Nord et du Moyen Orient. Ça a duré tout l'après-midi, toute la soirée, très tard. C'était plein à craquer. Il y a des gens qui étaient sur scène à la fin très émus en disant, « on est sur la scène de l'opéra à Amsterdam, et quand est-ce qu'on continue? ».
C’est personnel mais je pense que si on arrive à combiner une programmation de grands Wagner, Verdi, Mozart et à côté de cela, développer ces nouvelles collaborations, alors l'opéra n 'est pas en crise. Voilà, c'est mon credo.
J’ai entendu dire que le MET est en crise depuis quelques années. Je ne sais pas… J 'ai passé quatre soirs au MET, la semaine passée. J 'étais à une reprise de The Hours, dimanche après -midi, c’était archi plein, avec un public complètement divers. J'étais à une reprise de Butterfly, avec les débuts de Asmik Grigorian, c'était encore plein, un peu moins divers mais les gens étaient ravis. Après j 'ai vu El Niño, de John Adams, nouvelle production, jeune metteuse en scène Lileana Blain-Cruz, et débuts au MET de Marin Alsop qui dirigeait pour la première fois là-bas. Non ça n’était pas plein, mais en revanche un super public qui était très heureux d'être là et puis enfin une Carmen qui fonctionnait bien sur le plan du public. Peter Gelb dit que (comme à Amsterdam) le nouveau public est là, mais il vient quand il y a des initiatives spéciales sur le prix des billets : c’est pour cela aussi qu’il faut un autre business model. Il faut combler l’écart, cela fait partie du grand défi.
A New York, et c’est pourquoi j’y suis restée six jours, il y a aussi des compagnies indépendantes, comme AMOC, American Modern Opera Company, qui prennent de plus en plus d’importance. Il s’agit de structures plus légères, très flexibles, qui trouvent aussi de plus en plus de fonds privés. Voilà pourquoi je dis « l’opéra vit, plus que jamais ! »
Ce qui est fascinant dans cette maison, c’est le mélange tradition et modernisme, c’est le grand répertoire et l’innovation, c’est aussi l’appel à des grands metteurs en scène d’aujourd’hui, en créant des fidélités (Kosky dans Puccini), tout en ouvrant à toute une nouvelle génération. Rien n’est laissé de côté, et même pour un « vieux spectateur » comme moi, c’est toujours une expérience de venir à Amsterdam…
On a la possibilité à Amsterdam de travailler avec les plus grands artistes d'aujourd'hui. Il y a quelques jours, Romeo Castellucci était là pour peaufiner les Lacrime di Eros (la prochaine saison, en novembre 2024) Il aime Amsterdam, connaît les équipes et sait qu’avec Raphaël Pichon, il peut développer un projet qui sort de l’ordinair. Idem pour Kirill Serebrennikov qui mettra en scène Boris Godunov en juin 2025 et Katie Mitchell pour La Femme sans Ombre au printemps 2025.
A coté d’eux, il y a une belle nouvelle génération qui est en train de s’établir et qui par exemple aime s’attaquer au « Green deal » et se laisser inspirer par les nouveaux défis. Je pense à Barbora Horáková (Peter Grimes en octobre 2024) et Ted Huffman (création mondiale de « We Are the Lucky Ones » composé par Philip Venables). Ce sont des artistes qui sont des musiciens eux-mêmes et ont donc une compréhension de la musique et des chanteurs, que ce soient les solistes ou le chœur. A l’opéra, c’est essentiel.
Et vous surveillez au niveau du théâtre quelles personnalités émergent ?
Bien sûr, on suit tout cela, il y a de très bons metteurs en scène aux Pays-Bas, par exemple Eline Arbo qui a pris la succession d’Ivo van Hove à Internationaal Theater Amsterdam, une grande artiste, mais comme elle a un théâtre et une troupe d’acteurs à diriger, il va falloir patienter avec de pouvoir commencer une collaboration. Mon équipe et moi-même sont en quête permanente de nouveaux talents. Mais il faut aussi leur laisser le temps de grandir et trouver les projets justes pour commencer, c’est une responsabilité. Je visite beaucoup de Festivals aussi, de toute sorte. Et puis il y d’excellents plateformes comme le Fedora Prize, où je fais partie du jury. Cela permet d’étudier de nouveaux projets et d’être informé des développements dans le monde de la création lyrique. Bref, plein de possibilités.
Et vous ? Votre avenir ? Vous êtes à Amsterdam et vous y êtes pour un certain temps mais qu’aimeriez-vous pour vous dans un avenir à moyen terme ou à long terme ? Un grand théâtre de répertoire à l’allemande ? Un Festival ? ou une nouvelle expérience ?
J'écoute votre question et je réfléchis en même temps. C 'est une question qu'on me pose parfois. Pour l’instant, je suis à Amsterdam et j'aime le projet amstellodamois parce qu'on peut vraiment travailler sur le développement de ce qu’est l’opéra aujourd'hui et nous avons de belles équipes. Je pense que quand l 'offre juste arrivera au moment où j'aurai l'impression que le travail est fait à Amsterdam, j’aurai la réponse…
Mais je n'ai pas un lieu ou une maison dans ma tête où je me dis que c'est mon rêve ! Et je suis bien contente de ne pas l'avoir parce qu'en général, ça ne se passe pas jamais comme ça.
Ça va beaucoup dépendre des opportunités, je crois. Par exemple, vous parliez de théâtre de répertoire à l'allemande. Je pense que le théâtre de répertoire est une très belle chose, mais j'imagine que pour renouveler le public avec ces nouvelles sortes de collaborations dont je vous parlais et auxquelles je crois, ces théâtres de répertoires doivent aussi revoir un petit peu leur structure. Ça ne signifie pas de ne plus faire de répertoire mais peut-être doivent-ils le considérer différemment pour créer un peu d 'espace, parce que les nouveaux développements dont nous parlions ont besoin de cet espace et de cet investissement. Si on passe tout son temps à servir le répertoire et avoir par ex 40 titres d'opéra annuels, c'est impossible d'avoir le temps et l'investissement pour de nouveaux projets et ça, à Amsterdam c 'est unique.
En plus ici on a un grand département pédagogique qui fait un travail extraordinaire. Donc peut-être que des festivals ont plus la possibilité de travailler dans cette direction, probablement en mobilisant aussi des fonds privés. Les grandes maisons de répertoire peuvent le rester, mais devront probablement revoir un petit peu leur rythme.
Quand on arrive à Amsterdam on se rend compte qu’on est dans des conditions exceptionnelles. Vous me demandiez si on faisait des reprises : on en fait deux la saison prochaine, Rigoletto (Prod.Damiano Michieletto) en début de saison et Die ersten Menschen de Rudi Stephan (Prod. Calixto Bieito), avec 5 semaines de répétition pour remonter ces spectacles et les présenter au plus haut niveau possible. C’est assez unique.
Vous êtes à la fois dans l'industrie, je veux dire, dans le travail d’une grande maison, mais en même temps dans une sorte d'artisanat.
La plus belle chose c 'est le contact avec les artistes, donc c'est pour ça que je vous ai dit, vous venez dans mon bureau - j 'ai fait de mon mieux pour qu'il soit un petit peu sympathique - mais je n’y suis pas beaucoup, je préfère humer ce qui se trame à l’extérieur…
SAISON 2024-2025
Vous pouvez consulter le site du Dutch national Opera
Septembre 2024
Giuseppe Verdi : Rigoletto
9 repr. du 2 au 29 sept.
Reprise
Dir.mus : Yi-Chen Lin
Ms en scène : Damiano Michieletto
Netherlands Philharmonic Orchestra
Grande Salle
Octobre 2024
Benjamin Britten : Peter Grimes
6 repr. du 6 au 22 oct.
Nouvelle production
Dir. mus : Lorenzo Viotti
Ms en scène : Barbora Horáková
Netherlands Philharmonic Orchestra
Grande Salle
Octobre-novembre 2024
Bnnyhuna : Lennox
12 repr. du 27 oct au 3 nov.
Nouvelle production
Opéra pour familles
Ms en scène : Marjorie Boston
Studio Boekman
Novembre 2024
Projet : Le lacrime di Eros
5 repr . du 15 au 23 nov.
Nouvelle production
Dir. mus : Raphael Pichon
Ms en scène : Romeo Castellucci
Ensemble Pygmalion
Grande Salle
Décembre 2024
Johann Strauss II : Die Fledermaus
Nouvelle production
10 repr. du 15 au 29 déc.
Dir. mus : Lorenzo Viotti
Ms en scène : Barrie Kosky
Netherlands Philharmonic Orchestra
Coproduction Bayerische Staatsoper
Grande Salle
Décembre 2024-janvier 2025
Mathilde Wantenaar : A Song for the Moon
12 repr. du 21 déc. 2024 au 5 janv. 2025
Nouvelle production
Opéra pour familles
Ms en scène: Béatrice Lachaussée
Nationaal Jeugdorkest (National Youth Orchestra of the Netherlands)
Studio Boekman
Janvier-février 2025
Rudi Stephan : Die ersten Menschen
Reprise
5 repr. du 22 janv. au 2 fév.
Dir. mus : Kwamé Ryan
Ms en scène : Calixto Bieito
Rotterdam Philharmonic Orchestra
Grande Salle
Février 2025
W.A.Mozart : Idomeneo, re di Creta
Nouvelle production
7 repr. du 7 au 23 fév.
Dir. mus : Laurence Cummings
Ms en scène : Sidi Larbi Cherkaoui
Netherlands Chamber Orchestra
Coproduction avec le Grand Théâtre de Genève
Grande Salle
Mars 2025
Opera Forward Festival
Philip Venables : We Are The Lucky Ones
Création
6 repr. du 14 au 30 mars
Dir. mus : Bassem Akiki
Ms en scène : Ted Huffman
Grande Salle
Coproduction avec la Ruhrtriennale
Gregory Caers/Bas Gaakeer : Codes
Création
A partir du 15 mars
Projet pour une ville multiculturelle
TBA
Oum
Création
2 repr. les 21 et 23 mars
Projet de Kenza Koutchoukali et Bushra El-Turk
autour d’Oum Kalthoum
adapté de Visage retrouvé de Wajdi Mouawad
Amsterdams Andalusisch Orkest
En collaboration avec Theater De Meervaart
Grande Salle
Avril-mai 2025
Richard Strauss : Die Frau ohne Schatten
Nouvelle production
6 repr. du 23 avr.au 10 mai
Dir. mus : Marc Albrecht
Ms en scène : Katie Mitchell
Netherlands Philharmonic Orchestra
Grande Salle
Henry Purcell : Dido and Aeneas
Nouvelle production
5 repr. du 25 avr. au 6 mai & tournée
Dir. mus : Camille Delaforge
Ms en scène : Rosemary Joshua
Netherlands Chamber Orchestra
Musiciens de l’Ensemble Il Caravaggio
Grande salle
En collaboration avec Reisopera et Opera Zuid
Mai 2025
How Anansi freed the stories of the world
Création lyrique et chorégraphique
5 repr. du 16 au 25 mai
Livret de Maarten van Hinte
Dir. mus : Lochran Brown
Ms en scène : Kenza Koutchoukali
Netherlands Chamber Orchestra
Junior Company – Dutch National Ballet
Grande Salle
Juin 2025
Modest Moussorgski : Boris Godounov
Nouvelle production
7 repr. du 10 au 29 juin
Dir.mus : Vasily Petrenko
Ms en scène : Kirill Serebrennikov
Royal Concertgebouw Orchestra
Grande salle
Holland Festival
© Liza Kollau
© Elmer van Marel
© Erwin Olaf
© Fabian Calis
© Jan Willem Kaldenbach
© D.R.