La mode de ces Festivals monographiques a été lancée à Torre del Lago en 1930 pour célébrer Giacomo Puccini, disparu six ans auparavant qui y avait élu domicile.
En 1940 naît à Pesaro dans la ville qui l’a vu naître la Fondation Gioachino Rossini dont les buts sont : le soutien aux activités du Conservatoire Rossini, et l’étude et la diffusion dans le monde de la figure, de la mémoire et des œuvres de Gioachino Rossini. Le grand œuvre de la Fondation est la constitution d’éditions critiques de l’opera omnia du compositeur, et le Festival naît en 1980 du désir de représenter l’ensemble de ses œuvres dans les éditions critiques publiées en collaboration avec Casa Ricordi.
Le Festival Verdi naît une première fois dans les années 1980 et s’interrompt en 1993 pour renaître en 2001 à l’occasion du centenaire de la mort du compositeur. Il ne s’est plus interrompu et nous en sommes à la XXIIIe édition depuis la refondation, et dans son histoire le site officiel ne fait étrangement pas état du premier festival interrompu.
La structure actuelle s’appuiei sur le travail de l’Istituto Nazionale Studi Verdiani de Parme autour des éditions critiques, et le festival est programmé l’automne, entre septembre et octobre.
Le Festival Donizetti de Bergamo naît de la Fondation Donizetti créée à l’initiative du chef Gianandrea Gavazzeni dans les années 1990 pour promouvoir les recherches autour du compositeur. Ses activités commencent en 1997 à l’occasion du bicentenaire de sa naissance. Aujourd’hui, c’est le Centro Studi (Centre d’études) de la Fondazione Teatro Donizetti (créée en 2014) qui a repris le flambeau, dont l’objet est les recherches et publications autour de Gaetano Donizetti et de Giovanni Simone Mayr, quant à lui bergamasque d’adoption et maître de Donizetti ainsi que des compositeurs locaux de l’époque.
C’est de là qu’est née l’idée du Donizetti Festival, là encore après des tentatives précédentes, qui se structure autour de la direction artistique de Francesco Micheli à partir de 2016.
Dernier arrivé, le Festival Bellini créé en 2009 à Catane qui a vu naître Vincenzo Bellini, et qui propose une série de manifestations sous l’égide de son directeur artistique Enrico Castiglione, et notamment des concerts, des récitals de chant et éventuellement des opéras. mais la manifestation n’a pas de retentissement national ou international à l’égal d’autres, à cause de moyens limités. (site : https://www.bellini-festival.org/)
Ainsi nous intéresserons-nous aux Festivals les plus importants ont qui ont quatre configurations différentes :
Torre del lago : Festival Puccini
Le Festival Puccini de Torre del Lago, le plus ancien est actuellement un Festival en plein air, installé à Torre del Lago (là où Puccini acheta une villa et résida la plus grande partie de sa vie) près de Lucca, sa ville natale et de Viareggio, dans un vaste théâtre en plein air de près de 3400 places construit en 2008 : c’est un festival d’été, le seul dédié au compositeur, à la surface plus nationale qu’internationale, mais qui a une offre régulière et abondante (4 à 6 productions annuelles) et qui, vu la capacité de la structure impose pour remplir ses gradins presque systématiquement les titres populaires (Tosca, Bohème, Turandot) à côté des autres qui le sont un peu moins (Trittico, Manon Lescaut, La Fanciulla del West) ou bien moins (La Rondine, Edgar, Le Villi). Site : https://www.puccinifestival.it/. Programme 2024 pour la 70e édition et le centenaire de la mort de Puccini : Le Villi/Edgar, La Bohème, Tosca, Turandot, Madama Butterfly et Manon Lescaut
Le Festival Verdi de Parme et Busseto
Le Festival Verdi dispose de deux théâtres magnifiques, le petit bijou qu’est le Teatro Verdi di Busseto, 300 places d’un écrin aux dimensions intimes où les productions verdiennes ont un parfum particulier au cœur des terres qui le virent grandir, et le Teatro Regio de Parme, magnifique salle dont le public a la réputation d’être l’un des plus difficiles en matière de chant verdien.
Le revers de la médaille est un paradoxe : la plupart des opéras de Verdi sont joués dans le monde entier et il est difficile pour un Festival Verdi de trouver alors une couleur spécifique, il ne peut représenter sans cesse des œuvres rares (Un Giorno di Regno/Alzira/Aroldo par exemple) ou des versions françaises d’œuvres populaires (Le Trouvère/Les Vêpres siciliennes) ou des versions originales d’œuvres révisées ensuite (La Forza del Destino, Simon Boccanegra), et devrait représenter aussi des grands canons du répertoire verdien, mais dans des conditions de Festival qui distinguent ses productions de celles qu’on voit partout ailleurs… Ce qui n’est pas vraiment le cas puisque la plupart du temps les productions ne se détachent pas d’un standard au mieux national et en général assez pâle.
Mais Parme a des atouts non négligeables, une ville historique et touristique, une région séduisante par sa gastronomie et ses centres historiques, qui plus est aisément joignable de Milan ou Bologne (une heure d’autoroute ou de train) avec leurs aéroports internationaux.
Mais la ligne artistique est une quadrature du cercle qu’il n’a pas encore résolue, et le Festival n’arrive pas à trouver un juste chemin, trop balloté entre localisme parmesan et lustre international, sans direction artistique claire et inventive.
A noter que la personnalité propre du Festival est mal séparée de celle du Teatro Regio de Parme, ce qui à mon avis nuit à sa communication.
Site : https://www.teatroregioparma.it/festival-verdi-2023/
Le Festival Rossini de Pesaro
Le problème de Pesaro est autre : c’est le Festival qui a vraiment explosé en Italie dans les années 1980, animé par la Fondation Rossini très active, une ligne artistique séduisante, et des productions d’origine devenues historiques (Il Viaggio a Reims, Abbado, Ronconi) distribuées entre le Teatro Rossini de capacité moyenne et l’Auditorium Pedrotti, aux dimensions plus réduites, mais à l’architecture charmante.
C’est aujourd’hui un festival à la croisée des chemins : les fondateurs ne sont plus aux commandes (Gianfranco Mariotti) ou ont disparu (Alberto Zedda) et le Festival peine à trouver un second souffle, alors que vient de s’achever en 2023 avec Eduardo e Cristina la présentation complète des opéras de Rossini dans leurs éditions critiques.
Les raisons en sont multiples :
- des productions qui manquent d’intérêt scénique et quelquefois musical
- un problème récurrent de salle : L’Auditorium Pedrotti n’est plus utilisé, Depuis le début des années 2000 à la faveur d’une augmentation du public, on usait du vieux Palazzetto dello Sport situé à la lisière de la vieille ville et de la zone littorale, puis celui-ci est entré en travaux avec des polémiques infinies, et c’est désormais dans une zone industrielle et commerciale peu séduisante et mal reliée, à la Vitrifrigo Arena réaménagée en théâtre que se passent l’essentiel des représentations, la totalité en 2023 à cause de travaux de réfection du Teatro Rossini (tremblement de terre etc…). En 2024 devrait être inauguré enfin l’Auditorium Scavolini de 2000 places, une salle multifonctions dédiée essentiellement aux spectacles qui est le résultat de la restauration du vieux Palazzetto dello Sport.
- Si la région est l’une des plus attirantes d’Italie (mer, montagnes, collines, centres historiques comme Urbino ou Saint Marin), elle est moins accessible que d’autres, pas de train à grande vitesse, aéroport de Rimini à une heure de voiture moins important que Bologne à deux heures de route au moins si la circulation est fluide etc… Enfin Pesaro l’été est une ville de tourisme de plage pas forcément mélangeable au tourisme culturel d’opéra et n’a pas un centre historique de grand intérêt.
Mais Rossini reste un nom qui attire avec un répertoire large d’une trentaine de titres dont à peine une dizaine (et encore) sont à l’affiche des grands théâtres internationaux qu’une politique artistique plus dynamique pourrait relancer plus fortement. Pour l’instant, l’impression est qu’on se repose sur des lauriers passés.
Site : https://www.rossinioperafestival.it/
Le Festival Donizetti de Bergame
Dans ce paysage, le festival Donizetti de Bergame a le vent en poupe : la situation de Bergame, à 50km de Milan est enviable, avec un aéroport (Orio al Serio) qui fait partie du système aéroportuaire milanais, et relié à toute l’Europe par low cost (Ryanair essentiellement qui en a fait son hub mais pas seulement), une région touristiquement séduisante avec de belles vallées et des lacs (Como, Iseo, Garda), reliée par autoroute à Vérone et Venise comme à Milan.
A cela s’ajoute la séduction de la cité elle-même, la ville haute historique et ses monuments et ruelles, ainsi que son charmant Teatro Sociale et la ville basse au centre XIXe complètement transformé et réaménagé avec son Teatro Donizetti à peine restauré et rouvert il y a deux ans, ainsi qu'une hôtellerie qui s’est bien rénovée.
Enfin, une politique artistique de Fabrizio Micheli, ouverte, séduisante, agressive ou échevelée proposant des productions peut-être discutables, mais jamais poussiéreuses et des réalisations musicales de grande tenue, tout cela fait qu’en peu d’années, le Festival Donizetti est devenu une étape presque obligée et très agréable du mélomane européen en une période creuse en festivals, et à la veille de l’ouverture des saisons des théâtres italiens, qui plus est la période anniversaire de la naissance de Donizetti (29 novembre).
Le résultat ? Un public de plus en plus international se presse aux représentations.
Enfin, Donizetti a composé plus de 70 opéras, dont l’essentiel est peu connu et rarement représenté, et si l’on ajoute l’œuvre de Mayr, cela offre au festival Donizetti un champ infini de répertoire pour bien des années futures avant que le terrain ne s’épuise, à l’opposé du Festival Verdi ou du Festival Puccini, contraints de passer systématiquement par les grands standards.
C’est incontestablement actuellement le Festival de l’avenir.
Site : https://www.donizetti.org/it/festival-donizetti/