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Pour sa première saison en tant que "Chef Dirigent" de l'Orchestre royal du Concertgebouw d'Amterdam, Daniele Gatti a traversé pendant un mois entier les paysages variés de la musique française (Dutilleux, Debussy) et romantique allemande (Weber, Schumann et Bruckner). Avançant une nouvelle fois en terres mahlériennes après le succès d'une 5 et d'une 9données il y a quelques années,  d'une 6e et d'une 3e  la saison dernière, il offre de la symphonie "Résurrection" une vision sans compromis qui fait la part belle au matériau sonore, dont la puissance et l'éclat forme l'élément central d'une écoute réflexive. Dans cette symphonie, se lit l'ombre portée d'une récente 4e de Bruckner donnée à Amsterdam et à Lucerne, interprétation d'un "romantisme" à la fois libre et vertigineux.

La Deuxième Symphonie "Résurrection" est parmi toutes les symphonies de Gustav Mahler, la symphonie de tous les paradoxes. Elle garde dans son sillage l'écho du bouleversement personnel qui affecta le compositeur à la recherche d'un parcours tant spirituel que musical. Si la tradition invite à y entendre un suret amalgame entre kitsch Sécession et naïve déclaration de foi, on ne peut que regretter cette abondance du sentimental qui chez Mahler fait régulièrement office de miroir aux alouettes et de piège à glue. Monumentale par ses dimensions et son message, cette symphonie se gravit par la face nord et l'interprétation de Gatti refuse la facilité des effets, pour pénétrer à l'intérieur du son.

Son Mahler assume une forme de désespérance quasi dantesque dans les intentions et les moyens mis en œuvre. Ce Ciel-là se mérite et rien n'est donné par avance, sans effort. La construction ternaire n'est pas sans rappeler un retable doux-amer, une alternance de panneaux tragiques depuis le granit de l'allegro maestoso jusqu'aux limites éthérées du mouvement final. Entendu successivement à deux emplacements différents, on garde la conviction que cet orchestre peut tout et que la direction de Gatti le débarrasse ici du vernis de gestes et d'images que d'autres baguettes y ont déposé. Le chef italien offre une lecture qui relie l'élégie à la méditation. Relier et relire, comme deux mouvements complémentaires qui font de cette "Résurrection" une invitation au voyage davantage qu'une invocation religieuse au sens strict. Libre à l'auditeur de voir dans cette approche, aussi bien une réponse à une interrogation spirituelle, que le refus de toute interrogation ; une abnégation qui tournerait le dos à une "solution" céleste qui littéralement tomberait du ciel, un peu comme le jeu facétieux des rayons de ce soleil d'automne qui pénètrent à l'intérieur de la salle…

On part de la terre et on y retourne, comme en témoigne cette agressive signature initiale, crayonnée en tremolo, avec cette ponctuation véhémente en quatre double et croche. Tout le premier mouvement est bâti sur des étagements d'accords et une progression massive rythmée par la cassure en quinte descendante. Gatti porte une attention de tous les instants à l'utilisation du silence comme une couleur invisible qui permet de concentrer et de contraster les contours de ses phrases. L'andante moderato déploie à la petite harmonie un discours en oppositions de timbres et de nuances, à la fois tendre et nostalgique. La salle permet une spatialisation idéale quand surgissent les fanfares, proches et lointaines comme une image qui s'enfuit au moment où elle apparaît. Les cuivres répondent avec une carrure impeccable, une vibration aérée dans les équales de trombones et la brillante vibration de la trompette solo. L'impressionnant volume des lignes de contrebasses trace un dialogue virulent avec une épaisseur de grain confondante. Préférant le mat au brillant élégiaque dans le Urlicht, la voix de la mezzo Karen Cargill calibre dans une longueur de notes généreuse sa voix ample et nuitée. Un rien arrondie dans le registre grave, la ligne se déplie sans effort dans l'aigu. Annette Dasch a été remplacée au pied levé par l'élégante Chen Reiss lors du dernier concert, le gain est audible, malgré la discrétion des interventions dans le chœur final. Le poudroiement impalpable de ces masses chorales est accentué par le fait que les chanteurs chantent les premières mesures quasi sotto voce et ne se lèvent qu'au dernier moment, ce qui accentue l'effet et surprise et de libération au moment où éclate le tremolo en triple forte des ultimes mesures et la brutalité de l'accord final noté scharf abreissen. Bouleversant.

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David Verdier
David Verdier Diplômé en musicologie et lettres modernes à l'université de Provence, il vit et enseigne à Paris. Collabore à plusieurs revues dont les Cahiers Critiques de Poésie et la revue Europe où il étudie le lien entre littérature et musique contemporaine. Rédacteur auprès de Scènes magazine Genève et Dissonance (Bâle), il fait partie des co-fondateurs du site wanderersite.com, consacré à l'actualité musicale et lyrique, ainsi qu'au théâtre et les arts de la scène.

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