Antoine Reicha (1770–1836)
"Le chantre des instruments à vent"

Quintette à vent op. 88 n° 2 en mi bémol majeur : 1. Lento. Allegro moderato – 2. Menuetto : Allegro – 3. Poco andante – 4. Grazioso. Finale : Allegretto
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Quintette à vent op. 100 n° 5 en la mineur : 1. Lento. Allegro – 2. Andante con variazioni – 3. Minuetto : Allegro vivo – 4. Finale : Allegro

Klarthe Quintet
Marion Ralincourt, flûte
Marc Lachat, hautbois
Amaury Viduvier, clarinette
Pierre Rémondière, cor
Guillaume Bidar, basson

Palazzetto Bru Zane, 21 octobre 2017

A quelques rues seulement de la Paroisse de San Rocco, le Palazzetto Bru Zane, lieu magique dédié à la musique romantique française propose depuis le 23 septembre et jusqu’au 4 novembre de découvrir l’art du compositeur Antoine Reicha (1770–1836). Pédagogue et théoricien, cet auteur prolifique, contemporain de Beethoven, a publié de son vivant près de 25 quintettes pour instruments à vents, dont deux d’entre eux étaient brillamment interprétés par le Klarthe Quintet le 21 octobre dernier à Venise.

 

Avec le cycle « Reicha musicien cosmopolite et visionnaire » le Palazzetto Bru Zane poursuit son exploration de la première partie du XIXème après avoir mis en lumière Méhul et Catel. Né à Prague puis naturalisé français en 1829, Antoine Reicha est l’exact contemporain de Beethoven, qu’il côtoya d’ailleurs à Bonn avant de séjourner à Hambourg puis d’aller étudier auprès de Salieri à Vienne, avant de choisir la capitale française pour port d’attache, à partir de 1808. Théoricien hors pair et professeur réputé qui eut pour élèves Berlioz, Liszt, mais également Gounod et Franck, il est l’auteur d’un étonnant corpus de musique de chambre, dont de nombreuses pièces pour piano, mais surtout d’une vingtaine de quintettes qui font de lui un véritable trait d’union entre le classicisme viennois et le romantisme français.

Il était donc temps de réhabiliter ce compositeur novateur et de redonner vie à son art grâce aux fougueux solistes du Klarthe Quintet. Le concert débutait avec l’opus 88 n°2, qui en compte 6 ; cet héritier de Mozart et de Haydn partage avec ses aînés un goût pour la tradition, la belle facture et la technique pure, apportant une attention particulière à l’écriture de chaque instrument, flûte, hautbois, clarinette, cor et fagotto étant mis en valeur alternativement comme s’il s’agissait de vrais solistes. Incisive et colorée, tantôt légère à la manière de Rossini, tantôt profonde et visionnaire comme celle de Beethoven, sa musique est constamment inspirée et fait appel à une virtuosité admirablement rendue par les musiciens de cette jeune formation (le clarinettiste Julien Chabod ayant été remplacé par l’éblouissant Amaury Viduvier, Révélation Classique de l’Adami en 2015). Traités sur un même pied d’égalité dans les passages les plus lents, comme dans les volets les plus rapides (allegretto finale), les cinq vents s’unissent, se confondent ou s’emportent avec une grande précision pour traduire l’esprit et la volubilité de Reicha.

Composé en 1820, l’opus 100 n°5 va encore plus loin dans la variété des combinaisons instrumentales, le compositeur affinant la singularité de son style et la puissance de son écriture. Des quatre mouvements, le second, « Andante con variazioni » constitue la pièce maîtresse de ce second quintette, le thème introduit par le hautbois laissant aux autres le soin d’intervenir avec vélocité, imagination et un plaisir évident du jeu.

Le cor de Pierre Remondière tempère 
certaines ardeurs, la flûte de
Marion Ralincourt badine avec alacrité, le hautbois de Marc Lachat veille à l’équilibre des lignes, tandis que le fagotto de Guillaume Bidar donne l’impulsion et que la clarinette d’Amaury Viduvier s’ébroue jusqu’au vertige.

Applaudis avec ardeur, les membres du Klarthe Quintet prolongeaient ce moment rare avec une courte et brillante pièce du compositeur hongrois Ferenc Farkas, décédé en 2000, pour le plus grand bonheur du public.

PS : à noter que ces concerts sont accompagnés par plusieurs publications passionnantes comme cet album pour piano solo d’Ivan Ilic chez Chandos et celui consacré à la musique de chambre de Reicha jouée par les solistes de la Chapelle musicale Reine Elisabeth (trio, quatuor et quintette) chez Alpha Classics. A ne pas manquer.

 

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François Lesueur
Après avoir suivi des études de Cinéma et d'Audiovisuel, François Lesueur se dirige vers le milieu musical où il occupe plusieurs postes, dont celui de régisseur-plateau sur différentes productions d'opéra. Il choisit cependant la fonction publique et intègre la Direction des affaires culturelles, où il est successivement en charge des salles de concerts, des théâtres municipaux, des partenariats mis en place dans les musées de la Ville de Paris avant d’intégrer Paris Musées, où il est responsable des privatisations d’espaces.  Sa passion pour le journalisme et l'art lyrique le conduisent en parallèle à écrire très tôt pour de nombreuses revues musicales françaises et étrangères, qui l’amènent à collaborer notamment au mensuel culturel suisse Scènes magazine de 1993 à 2016 et à intégrer la rédaction d’Opéra Magazine en 2015. Il est également critique musical pour le site concertclassic.com depuis 2006. Il s’est associé au wanderesite.com dès son lancement
Crédits photo : © Palazzetto Bru Zane / Rocco Grandese

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