Le public massé dans le parc de l’Auditorium du festival Castell Peralada était là pour vivre un intense moment de musique avec l’un des ténors les plus en vue du moment : Javier Camarena. Réputé pour ses incursions dans le répertoire belcantiste dont les bases lui ont été enseignées par Francisco Araiza et où sa longue voix solaire a trouvé un terrain d’élection (Puritani, La fille du régiment, L’Elisir d’amore, Don Pasquale, L’Italiana in Algeri, La Favorite, Il Pirata…), le chanteur a ouvert le bal avec deux classiques de l’opéra français : Lakmé et Les pêcheurs de perles. La voix étonnamment terne et d’une minceur inédite, s’est montrée incapable de respecter le style si particulier du « Fantaisie aux divins mensonges, parangon de douceur et de subtil alliage entre élégie et suavité. Le phrasé court et la prononciation insuffisante du français, associés à une ligne exempte de transparence n’ont pas mis en valeur les habituelles qualités d’émission de l’interprète, gêné par cette musique sur laquelle butte son instrument rebelle, impression également perçue tout au long de l’élégiaque « Je crois entendre encore ».
Donizetti avec « Com’è gentile », l’air d’Ernesto tiré de Don Pasquale, délivré avec une franchise de ton retrouvée, puis celui de Betly « È fia ver, tu mia sarai », à l’attrayante virtuosité, a semblé lui redonner des forces, inspiré par la présence de Chœurs et de l’Orchestre symphonique du Teatro del Liceu vigoureusement dirigé par Riccardo Frizza,
Donné sans entracte en raison d’un épisode pluvieux qui a failli interrompre la soirée, la seconde partie commençait par Mozart et tout d’abord par une élégante ouverture de Die Zauberflöte. S’il s’est déjà mesuré à Belmonte (Die Entführung aus dem Serail), l’exécution de « Ich baue ganz » lui a posé de nombreuses difficultés en termes de vocalises et d’homogénéité. Tamino, rôle qu’il devrait aborder cette saison à Barcelone, n’augure rien de bon : allemand plus que perfectible de son « Dies Bildnis ist bezaubern schön », voix placée dans des plus mauvaise notes et ligne de chant perturbée. Il n’est pas certain non plus que le personnage de Rodolfo dans La Bohème « Che gelida manina » soit un rôle idéal pour Javier Camarena, le manque d’éclat et de chaleur de son timbre étant quasi rédhibitoires, mais fort heureusement les célèbres contre-ut de Tonio « Ah mes amis… Pour mon âme » sont là pour nous rappeler l’espace d’un instant quel chanteur de talent il peut être. Avec en premier bis « La donna è mobile » de Rigoletto, Javier Camarena a tenté de dissiper le malaise qui planait sur l’assistance avec un certain panache, le second étant consacré à une chanson mexicaine à la tonalité chatoyante grâce à laquelle il a pu terminer avec les honneurs.
Espérons que cet état ne durera pas et que le ténor recouvrira vite ses moyens.