Hector Berlioz (1803–1869)
Roméo et Juliette, Symphonie dramatique op. 17 (H. 79)
pour voix, chœur et orchestreComposée en 1839 et dédiée à Paganini
Livret du compositeur d'après un argument tiré de Shakespeare

Cléopâtre, Scène lyrique (H.36) pour soprano et orchestre
Livret : Pierre-Ange Vieillard
Composée en juillet 1829 et créée le 1er août 1829
Publiée en 1903 par Charles Malherbe et Félix Weingartner

 

 

Joyce DiDonato, mezzo-soprano
Cyrille Dubois, ténor
Christopher Maltman, basse

Chœurs de l’Opéra national du Rhin
Chef de chœurs : Alessandro Zuppardo
Coro Gulbenkian
Chef de chœurs : Jorge Matta

Orchestre Philharmonique de Strasbourg
Direction musicale : John Nelson

2 CD Erato

Enregistrement live (Roméo et Juliette) Strasbourg, Palais de la Musique et des Congrès, 
Salle Érasme

Avec Les Troyens, La damnation de Faust, le doublé Nuits d’été/Harold en Italie et cette toute nouvelle intégrale de Roméo et Juliette, John Nelson clôt son cycle Berlioz réalisé avec l’Orchestre Philharmonique de Strasbourg et la firme Erato. Des affinités entretenues par le chef américain et le compositeur français tout a été dit ; pourtant un fois encore l’auditeur ne pourra qu’être impressionné par l’intensité et l’extraordinaire fusion expressive qui parcourt cet enregistrement, à ranger entre les versions de Colin Davis, Charles Munch et Riccardo Muti.

 

 

Le cycle Berlioz confié au plus français des chefs américains, John Nelson, par les éditions Erato, s’achève donc en beauté avec cette gravure mi-studio, mi direct de la symphonie lyrique Roméo et Juliette. L’album réalisé en juin 2022, résultat d’une semaine en studio et d’un mélange de répétitions, de prises de sons des deux concerts et de séances dite de raccords, est une incontestable réussite, à l’image des Troyens et de La damnation de Faust. Dès les premiers accords la cohésion d’ensemble entre le chef et un orchestre qu’il est parvenu à façonner pour répondre sa conception, éclate au grand jour. La phalange strasbourgeoise est d’une luxuriance et d’une énergie idéales pour dépeindre avec une grande capacité d’émerveillement le mythe éternel des amants de Vérone, ultime témoignage de l’amour que portait Berlioz à Shakespeare.

Nelson qui vit et respire cette musique comme peu de chefs aujourd’hui, en brosse une version dramatique éblouissante où la passion est exacerbée, mais ou s’expriment les contrastes les plus forts entre la réserve des premières scènes et la jubilation des jeunes amoureux. Tout dans sa direction palpite pour mieux traduire les premiers émois, les premiers tendres aveux, le tempo généralement très vif du maestro ne perdant jamais de vue l’état de tension perpétuel qu’il a voulu instaurer. Sous sa battue, les étoiles scintillent, les échos de la fête raisonnent au lointain, les murmures se répandent avec délicatesse avant que Feux follets et Fée des songes ne viennent caracoler à nos oreilles. Les chœurs Gulbekian et ceux de l’Opéra national du Rhin aussi tendus que brillants, se plient avec brio aux moindres sollicitations de John Nelson, qui fait de chacune de leurs interventions un bijou somptueusement serti, les traitant comme s’ils étaient de véritables solistes. Joyce DiDonato que l’on retrouve avec joie après sa participation aux Troyens et à La damnation de Faust, est magnifique de délicatesse, sculptant de sa voix chaude aux reflets mordorés la phrase berliozienne avec l’élégance et la précision que nous lui connaissons dans ce répertoire et avec quel legato. D’une espièglerie folle, Cyrille Dubois fait l’effet d’un elfe vertigineux qui chante admirablement et avec adresse comme au-dessus d’un précipice, sans oublier de dire son texte au laser, le Père Laurent de Christopher Maltman, autoritaire certes et comme ses comparses s’exprimant dans un français parfaitement intelligible, ne pouvant cependant cacher un vibrato devenu aujourd’hui très envahissant.

La grande scène lyrique Cléopâtre offerte en complément de programme, est la cerise sur un gâteau déjà savoureux. Joyce DiDonato s’y montre géniale d’implication et de nervosité, mordant à pleines dents dans ce texte signé Pierre-Ange Vieillard. Quelle fièvre, quel éclat sur tout le registre, quelle sauvagerie dans l’interprétation. Usant de toutes les aspérités de son instrument, la cantatrice déborde de rage et de désespoir, tout en faisant étalage d’un magistral sens du drame. Bénéficiant d’un accompagnement orchestral exceptionnel, la mezzo nous entraine dans les profondeurs des pyramides pour y mourir par surprise, de la morsure d’un serpent, dans un ultime et déchirant adieu.

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François Lesueur
Après avoir suivi des études de Cinéma et d'Audiovisuel, François Lesueur se dirige vers le milieu musical où il occupe plusieurs postes, dont celui de régisseur-plateau sur différentes productions d'opéra. Il choisit cependant la fonction publique et intègre la Direction des affaires culturelles, où il est successivement en charge des salles de concerts, des théâtres municipaux, des partenariats mis en place dans les musées de la Ville de Paris avant d’intégrer Paris Musées, où il est responsable des privatisations d’espaces.  Sa passion pour le journalisme et l'art lyrique le conduisent en parallèle à écrire très tôt pour de nombreuses revues musicales françaises et étrangères, qui l’amènent à collaborer notamment au mensuel culturel suisse Scènes magazine de 1993 à 2016 et à intégrer la rédaction d’Opéra Magazine en 2015. Il est également critique musical pour le site concertclassic.com depuis 2006. Il s’est associé au wanderesite.com dès son lancement
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