Donizetti, futur compositeur d’Anna Bolena en 1830 à Milan, est loin d’être un inconnu lorsqu’il vient s’installer à Naples juste après son mariage en 1828 pour occuper le poste de directeur du Teatro San Carlo. Il est l’auteur d’une bonne vingtaine d’ouvrages lyriques, vient de remporter dans cette ville un gros succès avec son Esule di Roma, qui suit de près L’Eremitaggio di Liverpool, mais également Alina regina di Golconda (Genova) et de Gianni di Calais (Naples). L’opera seria Il Paria, voit le jour le 12 janvier 1829, défendu par une distribution haut de gamme qui réunit Adelaide Tosi la créatrice du rôle d’Argelia dans L’Esule di Roma et d’Elisabetta dans Il Castello di Kenilworth, Giovanni Battista Rubini et Luigi Lablache, mais ne rencontre qu’un succès d’estime. Adapté de la pièce éponyme contemporaine de Casimir Delavigne, le livret de Domenico Gilardoni n’a rien d’exceptionnel pour dépeindre l’atmosphère exotique de cette intrigue qui met en scène Neala prêtresse du culte du Soleil et fille du grand prêtre des Brahmanes Akebare, secrètement amoureuse d’Idamore chef de l’armée victorieuse d’une bataille contre les envahisseurs et fils du paria Zarete. Construite à gros traits pour suivre une histoire où les faits s’enchaînent dans la précipitation, la partition peine d’abord à rendre sensible les paysages indiens dans lesquels l’auditeur doit se laisser conduire. Attaché à traduire avec réalisme les longues processions et à porter une attention particulière aux chœurs très développés, Donizetti hésite entre carte postale et drame intime. Soucieux de servir ses interprètes, dont chacun hérite d’un grand aria virtuose, il semble peu inspiré avant de libérer ses forces créatrices dans un large quart final, musicalement plus réussi.
Dirigé avec le talent et l’expertise bien connus de Mark Elder qui ne montre aucun signe tangible de désintérêt face à cette œuvre au style capricieux, de facture souvent complexe, ce Paria est donc le premier enregistrement complet de studio, une version de concert captée en direct en avril 2001 ayant été publiée par Bongiovanni. L’affrontement des deux castes ennemies aurait pu faire des étincelles si le brahmane Akebare tenu par la basse Marco Mimica et le Paria Zarete confié à Misha Kiria, s’étaient montrés tous les deux parfaitement idiomatiques dans leurs rôles respectifs. Le premier ne possède malheureusement ni un timbre gracieux, ni une technique suffisamment rompue aux arcanes belcantistes pour venir à bout de la tessiture d’Akebare. Le second s’en tire un peu mieux notamment en duo face à son fils, dans son air « Notte, ch’eterna a me parevi » et dans toute la dernière scène où il déclare accepter la mort avant d’être sauvé par Idamore. Confié au ténor américain René Barbera, le valeureux fils du paria, amoureux de Neala fait preuve d’une réelle hardiesse vocale – bel exploit dans la cabalette « Fin dove sorgono » au 1er acte – et d’une fougue qui sert son personnage. Dommage que sa partenaire Albina Shagimuratova soit moins enflammée que son chevalier servant, l’aigu serré et le timbre trémulant de la soprano ne permettant pas à l’héroïne d’atteindre les splendeurs escomptées. L’Opera Rara Chorus, le Britten Sinfonia et les comprimari Kathryn Rudge (Zaide) et Thomas Atkins (Empsaele) complètent cette première au disque.