Cello 360
Christian-Pierre La Marca,
violoncelle

Monsieur de Sainte-Colombe, le fils (vers 1600–1720)
Suite n°4 en mi mineur, Prélude X:XVII en mi mineur

John Dowland (1563–1626)
Lachrimae or Seaven Teares, « Lachrimae antiquae »

Marin Marais (1656–1728)
Deuxième livre de pièces de viole, « Les Folies d’Espagne »

Jean-Philippe Rameau (1683–1764)
Nouvelles suites de pièces de clavecin, « Les Sauvages »

Pablo Casals (1876–1973)
« Cant dels ocells »

Henri Dutilleux (1916–2013)
Trois strophes sur le nom de Sacher

Henry Purcell (1659–1695)
Dido and Aeneas, « Dido’s lament »

György Ligeti (1923–2006)
Sonate pour violoncelle solo

Marin Marais (1656–1728)
Deuxième livre de pièces de viole, « Les Voix humaines »

Georg Philipp Telemann (1681–1767)
Sonate pour viole de gambe TWV 40 : 1, Allegro vivace

Thierry Escaich (né en 1965)
Cantus I

Edvard Grieg (1843–1907)
Peer Gynt, « Chanson de Solveig »

Giovanni Sollima (né en 1962)
Lamentatio

Charles Chaplin (1889–1977)
Les Temps modernes, « Love theme »

John Lennon (1940–1980), Paul McCartney (né en 1942)
« Yesterday »

Christian-Pierre La Marca (né en 1983), Rayann (né en 1992), M.A.S. (née en 1973)
Timeless

1 CD Naïve

Enregistré du 13 au 16 juillet 2020 au Prieuré de Pommiers-en-Forez (France)

Enregistré du 13 au 16 juillet 2020 au Prieuré de Pommiers-en-Forez (France)

C’est un programme original et intelligemment conçu que nous propose le violoncelliste Christian-Pierre La Marca pour ce nouvel album paru sous le label Naïve. Parcourant quatre siècles de musique, de Dowland à une création contemporaine composée il y a seulement quelques mois, le musicien ne se limite pas aux œuvres écrites spécifiquement pour le violoncelle : il réalise également un travail d’arrangement et de prise de son lui permettant, seul, de rendre la polyphonie présente dans les partitions originales. Les qualités techniques et musicales de Christian-Pierre La Marca y apparaissent de manière évidente, avec une beauté du son et un sens du phrasé remarquables, tout comme sa curiosité pour les différents répertoires et les capacités expressives de l’instrument.

 

Le nom des frères La Marca est désormais bien connu des amateurs de musique classique, que ce soit grâce à Adrien, altiste, ou Christian-Pierre, violoncelliste. Mais c’est de ce dernier qu’il s’agit dans un nouvel album paru chez Naïve, album solo au programme assez original.

« Cello 360 » est en effet un panorama non pas du répertoire pour violoncelle – puisque certaines pièces de l’album n’ont pas été composées pour cet instrument –, mais de ses possibilités expressives. Christian-Pierre La Marca parcourt ainsi des œuvres de Dowland, Purcell, Sainte-Colombe, Dutilleux ou encore Ligeti et s’autorise une incursion hors des sentiers classiques avec des reprises de « Yesterday » et de la bande originale des Temps modernes de Charlie Chaplin. Différents genres, différentes époques, et donc différents styles de jeu : le diapason, l’archet utilisé, les phrasés, le rapport au chant du violoncelle sont autant de paramètres que le musicien explore d’une pièce à l’autre, refusant un programme purement chronologique pour faire résonner les œuvres entre elles. C’est ainsi que « When I am laid in earth » de Purcell se trouve entouré par les Trois strophes sur le nom de Sacher et la Sonate pour violoncelle seul signées Dutilleux et Ligeti, ou que le Cantus I d’Escaich côtoie une sonate pour viole de gambe de Telemann et la « Chanson de Solveig » de Grieg.

Chacun aura donc ses préférences en termes de répertoire, mais certaines pièces tirent particulièrement leur épingle du jeu grâce au travail d’adaptation réalisé par Christian-Pierre La Marca : on pense notamment à la mort de Didon, dont le violoncelliste a enregistré puis superposé les différentes voix tout en conservant une couleur particulière à chacune d’entre elles – le chant ressortant toujours par-dessus la basse obstinée et ses chromatismes – ; on pense également aux « Sauvages » de Rameau, réalisé selon le même procédé et qui conserve l’efficacité rythmique et les contrastes de la partition originale. Devant ces pages très réussies tant pour l’arrangement que l’interprétation, et qui se distinguent par la densité du jeu et du matériau, on ne cachera pas que « Yesterday » et « Les Temps modernes » semblent un peu anecdotiques dans le programme – indépendamment de la qualité des œuvres originales – et que la fin de l’album est un peu décevante après les pages autrement plus impactantes qui ont précédé.

Les Trois strophes sur le nom de Sacher par exemple mettent remarquablement en valeur le potentiel expressif du violoncelle, notamment grâce aux effets percussifs qu’elles mobilisent. La fragmentation de la mélodie, les effets d’atmosphères d’un mouvement à l’autre prouvent chez Christian-Pierre La Marca une affinité avec les timbres et avec une vraie recherche acoustique. La singularité de cet album est d’être au-delà de la « carte de visite » qui viendrait démontrer les aptitudes techniques de l’instrumentiste : l’enregistrement est davantage une réflexion sur le violoncelle de manière générale, son répertoire, ses qualités, sa manière de chanter, d’accompagner ou d’être dans l’effet sonore. La dernière pièce, Timeless, composée par Christian-Pierre La Marca, Rayann et M.A.S. (Marie-Amélie Seigner) est dans cet esprit en mêlant l’instrument et l’électro, une mélodie qui se déploie et des boucles. Elle vient également créer un pont entre les époques et ancrer le violoncelle dans la création contemporaine, à l’issue d’un programme parcourant pas moins de quatre siècles de musique.

Les qualités techniques du violoncelliste ne sont ainsi pas toujours exhibées dans ce programme, mais n’en apparaissent pas moins de manière évidente. Le prélude de la Suite n°4 en mi mineur de Sainte-Colombe, « Les Folies d’Espagne » de Marin Marais et l’adaptation des « Sauvages » de Rameau sont sans doute les œuvres qui font entendre au mieux la beauté du son, le sens de la respiration et le sens du phrasé du musicien ; la virtuosité aussi, parfois, mais qui n’empiète jamais sur la densité du jeu. On perçoit également un véritable investissement de Christian-Pierre La Marca dans les pièces qu’il interprète et une concentration de toute son énergie, qui ne faiblit pas d’un bout à l’autre de l’album.

Si un disque de violoncelle solo pourrait effrayer l’auditeur qui n’est pas particulièrement familier ou amateur de cet instrument, la variété des morceaux assure que chacun puisse y trouver de quoi retenir son attention. On reste tout de même particulièrement sensible à l’interprétation du répertoire baroque, bien qu’il soit joué sur violoncelle et non sur viole de gambe ; il y a une énergie particulière qui s’en dégage et fait presque regretter que davantage d’œuvres de cette époque ne soient pas présentes sur l’enregistrement. Peut-être un autre album viendra-t-il y remédier ?

On saluera en tout cas l’intelligence d’un programme qui ne fait pas dans la facilité – bien que les pièces ne soient pas toutes aussi marquantes les unes que les autres. Intelligent parce qu’il porte une réflexion sur l’instrument, et parce qu’il permet à son interprète de mettre en jeu ses qualités techniques et musicales de manière plus frappante que s’il s’était « contenté » d’enregistrer les grands tubes du répertoire pour violoncelle.

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Claire-Marie Caussin
Après des études de lettres et histoire de l’art, Claire-Marie Caussin intègre l’Ecole des Hautes Etudes en Sciences Sociales où elle étudie la musicologie et se spécialise dans les rapports entre forme musicale et philosophie des passions dans l’opéra au XVIIIème siècle. Elle rédige un mémoire intitulé Les Noces de Figaro et Don Giovanni : approches dramaturgiques de la violence où elle propose une lecture mêlant musicologie, philosophie, sociologie et dramaturgie de ces œuvres majeures du répertoire. Tout en poursuivant un cursus de chant lyrique dans un conservatoire parisien, Claire-Marie Caussin fait ses premières armes en tant que critique musical sur le site Forum Opéra dont elle sera rédactrice en chef adjointe de novembre 2019 à avril 2020, avant de rejoindre le site Wanderer.

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