J’abandonne une partie de moi que j’adapte

Un projet initié et mis en scène par Justine Lequette

Ecriture collective

RÉMI FAURE
BENJAMIN LICHOU
JULES PUIBARAUD
LÉA ROMAGNY

Régies

Michel Ransbotyn
Guillaume Rizzo
Jeison Pardo Rojas

Assistant à la mise en scène

FERDINAND DESPY

Créateur lumière

GUILLAUME FROMENTIN

Ultra-Girl contre Schopenhauer

Texte et mise en scène : Cédric Roulliat

Avec : David Bescond, Sahra Daugreilh et Laure Giappiconi

Musiques : Laurent Péju
Scénographie : Caroline Oriot et Guillaume Ponroy

avec l'aide d'Elise Siegwald, Elise Speicher et Marcel Mariotte

Lumières : Fabrice Guilbert et Arthur Magnier
Son : Baptiste Tanné et Teddy Mira
Avec l'aide de Christine Roulliat

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Un jour j’ai rêvé d’être toi

Conception / Jeu / Scénographie :
Anaïs Müller / Bertrand Poncet

Direction d’acteur : Pier Lamandé
Lumière : Diane Guérin
Musicien : Kévin Norwood
Administration : Shindô

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Le Songe d’une nuit d’été

Texte William Shakespeare£
Adaptation La Compagnie ADN
Traduction Jean-Michel Déprats
Mise en scène Anthony Jeanne

Avec

Jérémy Barbier d’Hiver Lysandre – Flute (Thisbé) – Obéron – Toile d’Araignée
Clémentine Couic Héléna – Snout (Le lion, le clair de lune) – Titania
Simon Delgrange Puck
Axel Mandron Démétrius – Bottom (Pyrame)
Julie Papin Hermia – Quince (Le mur) – Graine de Moutarde

Assistant à la mise en scène David Brémaud
Scénographie et Collaboration artistique Alyssia Derly
Costumes Louise Deldcique et Ely Mechain
Conseil dramaturgie Françoise Colomès
Fabrication tête d’âne Irène Aumailley

Avec le soutien du fond d’insertion du TnBA

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Je suis la bête

Texte Anne Sibran, publié aux éditions Gallimard.
Adaptation : Anne Sibran
Mise en scène : Julie Delille

avec Julie Delille

Scénographie, costumes : Chantal de la Coste
Création lumières : Elsa Revol
Création sonore : Antoine Richar
Collaboration artistique :  Clémence Delille, Baptiste Relat

Production Théâtre des trois Parques
en coproduction avec Equinoxe / Scène nationale de Châteauroux, Théâtre de l’Union / CDN de Limoges, Abbaye de Noirlac / Centre culturel et de rencontre

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Le Monde renversé

MISE EN SCÈNE  COLLECTIVE

Avec : Clara Bonnet,Marie-Ange  Gagneux, Itto Medhaoui, Aurelia Luscher

DRAMATURGIE : GUILLAUME CAYET
PRODUCTION DÉLÉGUÉE prémisses production
Coproduction avec le Théâtre de l’Usine / Genève

Du 23 au 25 mars au Centre dramatique régional de Tours

Pour sa troisième édition, le festival WETo impose son importance et sa nécessité. Pas seulement pour sa jeunesse d’ailleurs mais parce qu’il est avant tout un espace de partage entre une programmation audacieuse, sans autre filtre que le désir de surprendre et de déplacer le spectateur, et un public ouvert à l’inconnu, prêt à l’échange, acceptant tout simplement les codes classiques d’une véritable rencontre, et non ceux d’un mariage arrangé. Le public est chaque année plus nombreux et enjoué, quel bel espoir pour le théâtre…

Le festival WET° s’est déroulé du 23 au 25 mars à Tours sous l’égide du Centre dramatique national et en partenariat avec les autres salles de la ville et de l’agglomération. Trois jours d’une programmation théâtrale audacieuse et libre, portée par les comédiennes et comédiens du JTRC-Jeune Théâtre en Région Centre. Trois jours qui furent, bien au-delà de la notion d’émergence et de jeune création, la célébration d’un théâtre au cœur battant, d’un théâtre aux veines saillantes. Et puisque ce festival fut vécu intégralement en compagnie de  quatorze lycéens aussi pertinents dans leur regard critique qu’enjoués face à ce marathon théâtral de dix spectacles (hommage / respect / big up!), la preuve est faite que la relève est assurée de part et d’autre du plateau. Joie, bonheur donc, et retour sur les spectacles les plus marquants du festival, « par ordre d’apparition » comme on dit…

J’abandonne une partie de moi que j’adapte

La soirée d’ouverture du festival est assurée par J’abandonne une partie de moi que j’adapte, mis en scène par Justine Lequette. Fascinée par le documentaire Chronique d’un été (1960) réalisé par Jean Rouch et Edgar Morin dans lequel se croisent regard sur le monde et réflexion sur le bonheur, la metteuse en scène rend hommage à ces intellectuels et ouvriers témoins de leur époque, mais surtout prolonge le processus à la lumière de nos problématiques contemporaines, dans un monde où la question du travail annihile peu à peu le rapport à l’autre mais aussi à soi-même. Le spectacle démarre dans un grand éclat de rire, d’un rire qui va devenir au plateau une lutte pour ne pas mourir, l’humour et l’ironie sont les armes d’une jeunesse qui semble étouffer et malgré les efforts le silence se fera peu à peu. D’une grande intelligence et aussi d’une grande douceur, ce spectacle s’achève sur un magnifique moment de spectacle vivant, espoir d’un renouveau et d’une marche vers un ailleurs plus collectif et solidaire. Les quatre comédiens sont absolument formidables de naturel et de simplicité, et la mise en scène se met au service du propos sans jamais l’alourdir ni le retarder. Tout est alerte, le verbe, le jeu, les corps et le décor, le ton est donné et le festival est lancé.

Ultra-Girl contre Schopenhauer

Ultra-Girl contre Schopenhauer nous propulse dans les années 80 pour passer une journée en compagnie d’Edwige et de ses fantasmes. À moins que ce ne soit de ses frustrations et de ses regrets…L’auteur et metteur en scène Cédric Roulliat, par ailleurs photographe de talent, transforme la salle et le plateau en photo viewer grandeur nature pour donner chair et âme à Ultra-Girl, héroïne d’une bande-dessinée américaine dont Edwige fait la traduction. Références cinématographiques et plaisirs coupables sont alors convoqués pour animer les conversations entre les deux femmes prises au piège entre affirmation féministe et idéaux romantiques, et la solitude d’Edwige s’incarne au plateau à coups d’apparitions, de dialogues en play-back et de chorégraphies légères ou suggestives. Schopenhauer viendra régulièrement refouler Edwige dans ce goût du romantisme et d’une culture populaire et peu à peu le spectacle interroge sur cette prédominance de l’intellect sur les passions simples : Edwige voit se heurter ses rêves d’étudiante à la femme libre et indépendante qu’elle veut ou croit être, le désir charnel et l’extase cérébral, le philosophe et le plombier. Mais tout cela avec beaucoup de légèreté et de subtilité, avec des scènes extrêmement drôles  et une esthétique sublimement figée qui inscrit le dispositif dans une forme de folioscope. C’est beau, drôle et touchant.

Un jour j'ai rêvé d'être toi

D’autres solitudes apparaissent, tout aussi désarmantes et hilarantes, avec Bert et Ange, les deux personnages d’Un jour j’ai rêvé d’être toi, interprétés magistralement par Anaïs Muller et Bertrand Poncet tant la frontière entre personnages et comédiens devient très vite invisible. Le spectacle commence en vidéo, vrai ou faux documentaire on ne sait pas vraiment, Bert est un homme qui voudrait être une femme mais on finit par comprendre qu’il est surtout difficile d’être, tout simplement. Donc très vite cette question du genre n’est pas le sujet. Très vite en fait, ce n’est plus un sujet, mais une donnée qui rejoint d’autres données sur la question de l’identité. Ange de son côté est une actrice en mal de reconnaissance et qui se définit par sa ressemblance à d’autres actrices. Tous deux d’ailleurs se cherchent dans les traits ou le jeu d’autres comédiens et comédiennes plus illustres, cela semblerait pathétique si ce n’était si hilarant et surtout brillant car finalement nos deux personnages se débarrassent peu à peu des étiquettes et des cases à force de les affirmer. Assumant le ridicule et la mesquinerie de leurs frustrations ils composent une partition jubilatoire, opérant un va-et-vient entre conversations, répétitions et échanges avec le public. La grande intelligence de ce spectacle est d’interroger les notions de virilité, de féminité, de genre, en l’incluant dans une réflexion bien plus vaste – et plus pertinente – sur la possibilité et le bonheur d’être soi. Ne manquez pas cette bulle de fantaisie à Avignon cet été, elle rend heureux d’aimer le théâtre !

Le songe d'une nuit d'été

On a beaucoup ri pendant ce festival quand on y repense et quand on l’écrit. Car la compagnie ADN et sa version du Songe d’une nuit d’été, mis en scène par Anthony Jeanne, nous a également apporté son lot de fougue et de drôlerie. Conçue pour être jouée en extérieur, la mise en scène utilise le public pour incarner le labyrinthe de ces passions adolescentes, l’orée de ces amours contrariées, le complice et le témoin des malversations de Puck le lutin débordant de malice. Cette adaptation de la pièce de Shakespeare surprend d’abord par l’énergie sans faille des cinq jeunes comédiens qui incarnent tous les personnages. Le spectateur est emporté dès le début dans un tourbillon de trouvailles et de surprises qui redonne de la couleur à une pièce dont on connaît pourtant les moindres ressorts ; un spectacle fédérateur, sans artifices autres que ceux crées par le merveilleux du texte et l’inventivité tonique et tonitruante de cette jeune compagnie. Du théâtre à l’état pur.

Je suis la bête…

On a beaucoup ri pendant ce festival, donc. Mais pas seulement. Il y eut l’expérience physique et sensorielle de Je suis la bête, interprété et mis en scène par Julie Delille, d’après le roman d’Anne Sibran. Une petite fille recueillie et élevée par un animal sauvage tente par le langage de raconter son histoire, et comment l’homme, en la « récupérant », lui révéla une monstruosité que la nature et le monde animal ne lui avaient jamais reprochée jusqu’alors.

Au début du spectacle la salle est plongée dans le noir et rien ne se passe que le silence, très vite lourd, de ce silence anormal dont on ne sait que faire. Un spectateur qui attend dans le noir pour une durée inhabituelle ne sait que penser, quel sens garder en alerte de l’ouïe ou de la vue, il est aux aguets. Puis surgit la voix de la bête, son bruit, une parcelle de visage, un corps sauvage, la forêt qui s’agite avec ses cris et ses bruissements. Un travail ahurissant de la lumière et du son – merci Elsa Revol et Antoine Richard – nous  happe sans jamais nous lâcher pendant l’heure du spectacle. On en ressort physiquement éprouvé, avec l’étrange impression d’avoir été traqués nous aussi. Et puis bien sûr la force du langage dans cette adaptation du roman par l’auteure elle-même, un langage droit, sans détours, et pourtant d’une infinie poésie, qui raconte la survie mais surtout qui décrit l’humanité par le prisme de l’enfant à l’instinct animal. Julie Delille est la voix, le corps, le visage de la bête, elle est la créature morcelée qui se révèle à nous comme une apparition fantastique. Monstrueusement là.

Il faut sans doute accepter cette plongée aux confins de l’humanité, cette immersion dans les entrailles d’une forêt de sang et d’humus, mais l’empreinte qu’elle laisse en nous est suffisamment puissante pour qu’on la ressente encore même quelques jours après. N’est-ce pas là le signe des grandes aventures dont il faut savoir ne pas se priver ?

Le monde renversé

Le festival se terminera en compagnie d’autres créatures avec Le Monde renversé par le collectif Marthe, qui interroge, à travers le mythe de la sorcière, les mécanismes de persécution des femmes. A partir de l’ouvrage Caliban et la Sorcière, de Silvia Federici, un essai qui pense les  rap­ports d’exploitation et de domination à la lumière des bouleversements apparus à la fin du Moyen Âge, les quatre comédiennes transforment la théorie en matière théâtrale et nous emmènent dans une aventure à la manière d’un conte philosophique avec sa dose de surprises, d’humour, et bien entendu d’ironie. Il s’agit de réfléchir, il s’agit de démontrer, il s’agit de dénoncer, mais il s’agit aussi de s’amuser et l’ensemble fonctionne à merveille pour se transformer en manifeste joyeusement foutraque en faveur d’un monde renversé. A en faire se retourner Karl Marx, et pas que dans sa tombe…Ceux qui verront le spectacle comprendront.

 

 

Laurent Roudillon
- Professeur de Lettres Modernes et de Théâtre-Expression dramatique.. – Coordinateur de l’Action culturelle dans le domaine du théâtre pour le département d’Indre-et-Loire, missionné par la DAAC de l’académie d’Orléans-Tours auprès du CDN de Tours.  – Membre du conseil d'administration et du comité de sélection du Volapük : accueil de compagnies en résidence pour les écritures contemporaines. (http://www.levolapuk.org/) – Président de Groupenfonction, groupe de création "indisciplinaire". http://www.groupenfonction.net/Actualite#Presentation
Crédits photo : © Hubert Amiel (J'abandonne…)
© Cedric Roulliat (Ultra Girl…& En tête)
© Florent Gouëlou (Je suis la bête)
© Adrien Perrot (Le songe d'une nuit d'été)
© Dorothée Thebert-Filliger (Le monde renversé)

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