Fabio Franzese chante "Recondita armonia" (Tosca) en se faisant passer pour un peintre dans sa chambre aménagée en atelier. Emanuela Sala fait un doublé pour la barcarolle "Belle nuit" des Contes d’Hoffmann d'Offenbach. Bianca Maria Tivoli joue "Vissi d'arte" (encore Tosca) dans la salle à manger de la maison, assise à côté de la table qui doit encore être nettoyée et éclairée par une bougie. Eva Polimeni chante "Un bel dì vedremo" (Madame Butterfly) dans une robe de chambre orientale, entourée de tissus fleuris et avec une fleur à l'oreille. Carlo Alberto Gioja, exubérant, chante "Non più andrai farfallone amoroso" (des Nozze di Figaro) devant son smartphone, en tournant un vidéo-selfie entre un gag et un autre.
Ce ne sont là que quelques-unes des vidéos créatives, véritables répétitions de chanteurs-acteurs, que des dizaines et des dizaines de jeunes et très jeunes chanteurs d'opéra envoient ces jours-ci au jury du "premier concours virtuel de chant lyrique SOI « Scuola dell'Opera Italiana ». Un concours qui est né de la nécessité, étant donné le confinement général à domicile pour cause de virus, mais qui veut en faire une vertu. Le message est le suivant : courage, jeunes, jeunes gens, ne vous contentez pas de chanter, montrez-nous ce dont vous êtes capables, envoyez-nous une preuve de votre créativité.
Tout vient d'une idée du célèbre soprano Fiorenza Cedolins, qui est la fondatrice et le cœur didactique de la SOI. Sur Facebook, qui est la scène du concours de chant (compte @soifiorenzacedolins) ont déjà été publiées les vidéos d'une douzaine de concurrents, qui ont ainsi commencé à être jugées par le jury populaire des internautes. Beaucoup d'autres viendront, s'il est vrai, comme nous le dit Cedolins, parce que "deux cents ont demandé les papiers pour participer". La machine vient à peine d’être lancée. La date limite d'envoi de l'essai est le 16 avril (www.soifiorenzacedolins.com, soi@soifiorenzacedolins.com), le premier prix, attribué après le 19 avril, est de mille euros, l'âge minimum est de 18 ans et il n’y pas d’âge maximum ; un droit d'inscription de 50 euros est exigé, et à but non lucratif : "Tout ira en prix et en couverture des frais", assure la Cedolins.
Le jury a été très raisonnable, "depuis la mi-mars, quand j'ai essayé de trouver une idée pour surmonter ce moment dramatique" : Outre la soprano frioulane, il y a des organisateurs de théâtre et des experts de renom, d'Angelo Gabrielli de Stage Door à Enrico Stinchelli de la "Barcaccia" de Radio3, du critique Andrea Merli (l'Impiccione Viaggiatore, toujours de la "Barcaccia") à l'enseignante Cristina Bersanelli, du directeur artistique du Donizetti Opera Francesco Micheli aux responsables de casting et aux directeurs de théâtres italiens et étrangers. "Plus qu'un jury", déclare Andrea Merli, qui a créé pour l'occasion un prix spécial baptisé "Impiccione Viaggiatore" (500 euros) réservé aux plus créatifs, "est une plateforme internationale hyper-expansive, utile aussi pour l'après. Nous sommes dans un moment historique, un tournant dans tout. Ce concours est une solution alternative aux concours traditionnels : plus de visibilité, moins de coûts".
Une solution alternative, donc, et pour une raison simple. Il ne s'agit pas de "chanter une chanson et d'envoyer une vidéo", comme l'explique Fiorenza Cedolins : « J'enseigne en ligne depuis longtemps, même avec mes étudiants chinois enfermés en quarantaine, ou avec ceux de Barcelone : j'utilise Skype ou WhatsApp, ou We Chat, et entre autres choses j'obtiens des résultats étonnants, il suffit d'un engagement et de la bonne volonté. Non, ici nous demandons plus. Vous avez besoin de donner une preuve de créativité, en tant qu'acteur-chanteur ». Après la crise, "ce modèle restera, j'en suis sûr. Elle ouvre de nouvelles voies créatives et s'adresse à un public plus large. Je pense avant tout aux plus jeunes, aux adolescents. C'est pourquoi j'apprends aussi à utiliser Tik Tok. Pour voir une des vidéos, cliquer sur Concours en ligne Fiorenza Cedolins
De nouveaux talents seront également découverts de cette manière. Cedolins nous parle de sa "grande émotion" d'avoir "découvert" un jeune ténor prometteur qui lui a envoyé une vidéo depuis Nembro ((Une petite ville de 11000 habitants, au nord de Bergame qui a lourdement payé sa dîme à l’épidémie)), dans l'œil du cyclone-épidémie. Alors qu'un berger des Madonies, en Sicile ((Parc naturel régional des Madonies, entre Palerme et Cefalù)), qui, à peine plus de vingt ans, vit parmi les vaches et étudie le chant pour éduquer sa belle voix de baryton-basse, a "réchauffé le cœur de Merli". Oui, tout cela restera.