Deux voix nord-américaines dominaient la distribution, le ténor John Osborn comme Jean de Leyde et le mezzosoprano Kate Aldrich comme Fidès. Le rôle de Jean fut créé par Gustave-Hippolyte Roger, qui fut aussi le premier Faust de Berlioz. John Osborn fut convaincant du début à la fin de la représentation avec une voix toujours fraîche, claire, libérée, visiblement en forme avec une belle projection et magnifiquement ductile. Son chant élégant, et très soucieux du style singulier que demande ce répertoire permet de qualifier cette recréation du rôle de Jean comme exemplaire. Sa voix est aujourd’hui idéale pour pratiquement tous les rôles de ténor de Meyerbeer et Berlioz, comme il l’a montré la saison passée au Liceu dans Benvenuto Cellini.
Créée par Pauline Viardot, le rôle de Fidès est extrêmement exigeant : large, avec une ample tessiture et une alternance constante de passages dramatiques et d’agilités. Du coup il est difficile de trouver une voix qui satisfasse les deux exigences. Kate Aldrich n’a pas les moyens d’un vrai mezzo, parce que le grave est court et étouffé. Il s’agit plutôt d’un soprano court, parce que la voix ne décolle pas non plus dans la tierce aiguë. Cependant l’implication et la présence en scène éminentes dans son cas ont compensé en scène les évidentes limitations de la récréation vocale du rôle.
Le troisième rôle important de la partition est celui de Berthe, attribué ici au soprano russe Sofia Fomina, douée d’un instrument lumineux, brillant et résolu. D’un engagement scénique irréprochable, son interprétation donna une réplique idéale aux interventions d’Osborn et d’Aldrich. Du reste de la distribution se détachent le travail impeccable de Dimitry Ivashchenko comme Zacharie et de Mikeldi Atxalandabaso comme Jonas.
La nouvelle production signée Stefano Vizioli fonctionne relativement bien. Elle rend bien l’action marquée par le livret, avec un arrière-goût de papier mâché cependant. La direction d’acteurs a des éclairs ponctuels dignes d’intérêt, mais au total nous sommes devant une production qui affiche une ambition mais qui ne va jamais au-delà du simple décent, sans jamais entrer dans le côté morbide ou surréaliste du livret.
Claus Peter Flor, récemment devenu chef titulaire de l’Orchestra Sinfonica Giuseppe Verdi de Milan est convaincant en fosse avec une direction compacte et fluide. Ordre, clarté, impulsion, lyrisme pour une représentation aussi longue, avec logiquement des hauts et des bas dans la qualité de la partition, ici bien pondérés, il tire un son ferme de l’Orchestre du Capitole de Toulouse, toujours souple. On peut dire la même chose du chœur en très grande forme, raffiné, à la belle sonorité sans parler de son engagement en scène.