Modeste Petrovitch Moussorgski (1839–1881)
Boris Godounov (1872–1874)
Drame musical populaire en quatre actes et dix tableaux
Livret de Modeste P. Moussorgski d'après le drame éponyme d'Alexandre Pouchkine et l'Histoire de l'État russe de Nikolaï Karamzine

Direction musicale Vasily Petrenko
Mise en scène, décors et costumes Kirill Serebrennikov
Co-mise en scène et chorégraphie Evgeny Kulagin
Co-décoratrice Olga Pavliuk
Co-costumière Tatiana Dolmatovskaya
Éclairagiste Sergey Kucher
Vidéo Yurii Karikh
Dramaturgie Daniil Orlov

Boris Godounov Tomasz Konieczny
Feodor David van Laar
Xenia Inna Demenkova
Nourrice Polly Leech
Prince Vassily Ivanovich Shuisky Ya-Chung Huang
Andrei Shchelkalov Jasurbek Khaydarov
Pimen Vitalij Kowaljow
Grigori Dumitru Mîțu
Marina Mnishek Raehann Bryce-Davis
Rangoni Gevorg Hakobyan
Varlaam / Mitiukha ShenYang
Missail / Boyar Steven van der Linden*
L'aubergiste Eva Kroon
Yurodivy (« L’innccent – Un homme simple ») Odin Lund Biron
Nikititch Roger Smeets

Koor van De Nationale Opera/ Chœur de l'Opéra national néerlandais
Chef de chœur Edward Ananian-Cooper

Nieuw Amsterdams Kinderkoor (partie intégrante du Nieuw Vocaal Amsterdam)
Chef de chœur Pia Pleijsier

Koninklijk Concertgebouworkest /Orchestre Royal du Concertgebouw

Coproduction avec le Grand Théâtre de Genève

Amsterdam, De Nationale Opera, mardi 17 juin 2025, 19h

La saison de l’opéra d’Amsterdam se clôt traditionnellement par une production du Festival de Hollande (Holland Festival), avec en fosse l’orchestre Royal du Concertgebouw (RCO). C’était l’an dernier Fidelio dans une production très discutée d’Andriy Zholdak, dirigée par Andrés Orozco-Estrada, ce sera l’an prochain Simon Boccanegra de Verdi dans une mise en scène de Jetske Mijnssen, dirigé par Fabio Luisi avec George Petean dans le rôle-titre. Cette année, c’est une nouvelle production de Boris Godunov, signée Kirill Serebrennikov et dirigée par Vasily Petrenko qui clôt triomphalement la saison.

On connaît l’Opéra d’Amsterdam par la couleur que le regretté Pierre Audi lui a donné pendant vingt-cinq ans, attention soutenue aux mises en scène, programme très diversifié et ouvert et distributions souvent inhabituelles, mais toujours très sûres.
Sophie de Lint qui lui a succédé depuis 2018 a continué cette tradition tout en ouvrant encore plus à l’opéra contemporain, à un public encore plus large, et osant une politique encore plus hardie en matière de mise en scène (
Voir notre interview, réalisée en 2024).En appelant Kirill Serebrennikov pour monter Boris Godunov, elle savait parfaitement quelle couleur allait être donnée à une œuvre qui parle encore tant à la réalité de la Russie d’aujourd’hui. L’œuvre de Moussorgski est de celles qui décrivent les mécanismes du pouvoir, ascension, élection, chute et il est d’ailleurs intéressant de la mettre en perspective avec le futur Simon Boccanegra de la saison prochaine, qui traite d’une autre manière des mêmes problématiques.
Serebrennikov a adopté résolument le point de vue non du « sommet », au sens marthalérien du terme (voir notre analyse du dernier spectacle théâtral de Marthaler, « Le Sommet ») c’est-à-dire de ceux qui décident, mais de la base, du peuple qui regarde, qui subit et qui essaie de (sur)vivre, à la manière d’une immense fresque d’aujourd’hui, inspirée des photographies du photographe Dmitry Markov (1982–2024).
Le résultat ? un triomphe dans un théâtre qui affiche complet jusqu’à la dernière représentation.

Tomasz Konieczny (Boris)

Contextes

Pour comprendre ce spectacle il faut revenir rapidement sur la vie de Kirill Serebrennikov et notamment les dernières années. Après une carrière en Russie jalonnée de succès divers, Kirill Serebrennikov d’origine juive et ukrainienne, finit assigné à résidence (pour de prétendus détournements de fonds publics) pendant deux ans, et il continue de travailler en mettant en scène à distance des productions en Europe occidentale, dont Parsifal à Vienne. En 2022, peu après le début de la guerre en Ukraine, il quitte la Russie et s’exile à Berlin.
De tous les metteurs en scène russes travaillant notamment en Allemagne, il est celui qui a eu assez sérieusement maille à partir avec le régime,  évité la prison de justesse, et plusieurs de ses mises en scène font entendre indirectement le chant amer et mélancolique de l’exilé.
Évidemment, Boris Godunov (tout comme Khovantchina d’ailleurs) se prête idéalement à une lecture à deux niveaux, à la fois l’histoire racontée par Pouchkine et Karamzine, et celle qui est la Russie d’aujourd’hui, ou d’un hier bien proche (comme dans le travail de Castorf à Hambourg). Le procédé en soi existe presque depuis celle de Tarkovski à Londres (1983) (reprise à Vienne en 1991) dirigée par Abbado et surtout depuis la magistrale production de Herbert Wernicke à Salzbourg (1994 et 1998) toujours avec Abbado et dont il existe une vidéo et un enregistrement audio et qui se déroule devant une galerie de portraits des tsars jusqu’aux tsars modernes que sont les secrétaires généraux du PCUS et le couronnement de Boris est en réalité une élection du comité central.

Serebrennikov tient ce discours certes, mais aussi un autre parce qu’ils se place d’un double point de vue, de celui du peuple russe, et du sien propre, passant par des discours parlés (des textes de dissidents) de l’Innocent qu’il fait tenir tout au long du spectacle.

Une mode assez récente (Castorf à Hambourg ou Bieito à Munich) a été de s’appuyer désormais sur la version originale de 1869 qui se clôt sur la mort de Boris.
La version révisée de 1872 créée en 1874 à Saint Petersbourg inclut d’une part « l’acte polonais » et se clôt d’autre part non sur la mort de Boris, mais sur les révoltes et le malheur du peuple russe, faisant ainsi du Tsar Boris un élément de l’histoire, mais plus son centre et donnant au peuple une importance appuyée.

C’est évidemment cette version que Kirill Serebrennikov a choisie pour les raisons brièvement esquissées plus haut.

Il faut aussi comprendre le sens de la dramaturgie (y compris musicale) de cette version qui est aussi lumineuse pour comprendre peut-être des éléments de nos conflits d’aujourd’hui.
Rappelons rapidement que le tsar Boris dans l’histoire « réelle » n’a pas été l’un des pires  après le règne d’Ivan le terrible et les troubles qui ont suivi sa mort à la fin du XVIe jusqu’au début du XVIIe, mais sur lui pèse le soupçon d’avoir assassiné le tsarévitch Dimitri, dernier fils d’Ivan, pour monter sur le trône.
Toute l’histoire de l’opéra naît de ce qu’un moine exalté, Grigori Otrepiev se fait passer pour le tsarevitch Dimitri miraculeusement sauvé du massacre, et soulève des régions entières en s’appuyant sur la Pologne (catholique). Il règnera d’ailleurs un peu plus d’un an à la mort de Boris.
« L’acte polonais » est traité par Moussorgski comme une parenthèse « étrangère ». Tout le reste est histoire ordinaire de la Russie d’alors, puissance du tsar, limitée par les Boyards qui tiennent à leurs prérogatives, assassinats divers etc… mais entre soi.
Aller chercher appui en Pologne, c’est en quelque sorte trahir la « russité » de cette histoire. La Pologne, c’est un autre monde, catholique, face à la Russie orthodoxe autocéphale, et le jésuite Rangoni dans l’opéra est, en bon jésuite, la voix du pape dont il est le lieutenant. Marina Mniszek est quant à elle une princesse polonaise, personnage historique, brièvement tsarine en 1606, qui mourra en 1614 en ayant essayé avec tous les prétendants au trône de cette période troublée de revenir au pouvoir. Elle est en quelque sorte le parti de l’étranger.
La manière dont Moussorgski traite la musique de l’acte polonais est singulière, car elle n’a rien à voir avec la musique profondément enracinée dans la tradition russe du reste de l’œuvre.
Elle est plus légère, on y danse, il y a un duo « d’amour » entre Marina et Grigori, et on sait que Moussorgskl a essayé d’imiter la musique occidentale et notamment Verdi pour montrer par la musique même que cette aventure polonaise est un poison venu de l’étranger visant à détruire l’âme russe et ses racines.
Évidemment, ce sentiment de citadelle assiégée, menacée par une Europe occidentale (ici la Pologne) désireuse de réduire à Russie à quantité négligeable, mais aussi de la pervertir (La Pologne chante et danse dans Boris) montre que la Russie poutinienne n’a pas inventé ses fantasmes. Elle nous fait comprendre qu’une Ukraine « polonisée » en quelque sorte aujourd’hui est une menace d’autant plus aiguë qu’elle est orthodoxe et qu’elle est le foyer originel de la Russie naissante, le ver dans le fruit en quelque sorte. Pour le « roman national russe » qui reste certes, un roman, mais auquel on fait semblant de croire, c’est littéralement insupportable.
Et ce sentiment insupportable, Moussorgski en 1872 nous le fait entendre, par une musique rapportée d’ailleurs, qui n’a rien à voir avec les racines profondes de l’identité russe. Il faut bien saisir que l’opéra russe est art identitaire et national, c’est un signe bien plus qu’artistique (comme à l’époque l’opéra l’est en Hongrie ou en Bohème ou même, tiens donc, en Pologne) et qu’il en est à sa constitution « ès qualité » encore (Rouslan et Ludmila de Glinka considéré comme le premier opéra « russe », remonte à 1842, une trentaine d’années auparavant). Cette musique doit affirmer une singularité, en plongeant dazns les racines populaires de la musique russe, en éliminant les éléments allogènes, tout en les connaissant et les reconnaissant, comme le proclame le « Groupe des Cinq » (Могучая кучка) auquel Moussorgskl appartient  avec Cesar Cui, Nikolai Rimski-Korsakov, Alexandre Borodine et Mili Balakirev.
Il s’agit donc d’un « combat » idéologique et artistique, où l’acte polonais par sa signification multiple et sa musique « importée » n’a rien d’anecdotique, mais s’affiche comme démonstration d’une maladie dont on doit se protéger.

KIrill Serebrennikov, exilé de son pays, s’en affirme le produit profond, dans toutes ses entrailles, dans une production très personnelle et particulièrement mélancolique. C’est un chant de l’exil qui nous est ici proposé, usant d’une imagerie issue des photos (tout à fait exceptionnelles) du photographe Dmitry Markov (mort en 2024, le même jour qu’Alexei Navalny) qui laisse des photos de format carré (comme sur les icônes), sortes d’icônes photographiques d’un état du peuple russe.

Une Phto-icône de Dmitry Markov

Ainsi par sa structuration du décor, Serebrennikov plonge aussi dans l’histoire de l’Art Russe
C’est justement ce qui m’a bouleversé.

La production de Kirill Serebrennikov

Dès qu’on entre dans la salle le décor à vue s’impose, comme un mur de cases remplies d’ambiances diverses, un immeuble de béton en coupe, imposant une verticalité qui ne laisse aucun « espace » à l’œuvre pour se développer en profondeur et un espace horizontal devant ce « mur » où se dérouleront l’essentiel des scènes. L’horizontalité des scènes et le mur de cases, d’appartements remplis de petites gens finissent par s’opposer en deux mondes séparés, qui vivent deux aventures différentes. Les seuls moments où les deux mondes se rencontrent, ce sont les enterrements où les cercueils sont descendus du « mur » pour s’échapper horizontalement par le sol, ou les visites de la Police, représentante du pouvoir. Ainsi le seul trait d’union entre le peuple (mur) et le pouvoir (surface horizontale), c’est la polic et la mort. Les deux mondes sont séparés et se tournent le dos, reliés par la TV qui diffuse des images « arrangées ».

Icône russe "à cases"

Mais ce dispositif évoque quelque chose de bien plus profond à mon avis, qui fait image, un dispositif que j’appelle « iconique » parce qu’il est image d’abord, mais aussi icône (- qui veut dire image, du grec ancien εἰκών, eikon). Le décor est « image » et le décor est « icône ».
L’icône est l’objet sacré de la religion orthodoxe, qui a provoqué des guerres infinies au haut moyen-âge (les guerres « iconoclastes » parce qu’au contraire de la représentation dans la religion catholique, qui est représentation, l’icône porte en elle le divin : elle est donc objet d’idolâtrie et en adorant l’icône, on adore Dieu vivant… Cela vient du plus profond des traditions helléniques où la représentation d’une déesse ou d’un dieu (peinture ou sculpture) ne représente pas ce Dieu, elle l’est au sens où elle porte en elle la puissance du divin. D’où aussi l’ambiguïté du théâtre grec, cérémonie religieuse (au contraire du théâtre romain complètement civil) qui représentant les dieux dans la tragédie, avait un pouvoir puissant sur les spectateurs, d’où aussi le fait qu’on ne détruisait pas les statues, mais qu’on les enterrait, et qu’elles étaient peintes pour faire « vivant ».
Il y a partout dans le monde orthodoxe des icônes miraculeuses, et la présence de l’icône dans une église est évidemment un signe tangible (au sens propre, qu’on peut toucher) de la présence du divin.
À la différence des icônes grecques le plus souvent centrées sur un personnage ou une scène, les icônes russes sont souvent divisées en petites scènes racontant une histoire, divisant l’icône en « carrés » renfermant chacun un moment d’histoire.

Boris Godunov, Mise en scène Youri Lioubimov, Teatro alla Scala 1979

Rappelons par incise que l’immense mise en scène de Youri Lioubimov (à l’époque directeur du Théâtre de la Taganka de Moscou et un peu en délicatesse avec le régime) à la Scala en 1979 quand la Scala n’était pas Disneyland avait pour décor (de David Borovski) déjà, une immense icône.

 Le dispositif

Ce que représente ce mur, c’est aussi une immense icône, mais d’un peuple russe qui vit : ce n’est pas une « représentation » du peuple russe, on doit la considérer comme le peuple russe, et du même coup, ce Boris, c’est le Drame sacré du peuple russe, au sens que l’antiquité donnait à ce mot et devant la porte de l'immeuble deux cygnes, symbole de la famille en Russie…

Si l’on ne perçoit pas cet aspect sacral, tout un pan du sens de ce travail échappe. Il y a dans cette mise en scène une religiosité sous-jacente et puissante, sans jamais d’ailleurs qu’on aperçoive un prêtre. Et ainsi chaque case, chaque « appartement » prend sens, à la fois comme détail et scène de genre, mais aussi comme emblème, comme signe, et enfin comme « réalité » … C’est très complexe, mais en même temps passionnant parce que Kirill Serebrennikov nous livre là une image profondément identitaire de scènes de genre, comme pouvait le faire un Pietro Longhi dans ses petites miniatures vénitiennes du XVIIIe, montrant ici un intérieur, là un commerçant, ailleurs des personnages typiques de la rue vénitienne, finissant par reconstituer une vie, un univers et au total une identité profonde de la cité des Doges.

Pietro Longhi – La venditrice di frittole (1755), Ca' Rezzonico, Venezia

Et ce mur a sa vie propre, indépendante de ce qui se passe au proscenium, comme si ce peuple vivait sa vie autonome, relié à l’histoire ou à l’Histoire par la TV ou par quelques événements intempestifs comme ces visites brutales de la Police qui provoquent la peur et la dissimulation.
On y voit donc des vies familiales, des chambres d’enfants, des existences solitaires, des lieux de réclusions derrière des grilles, mais aussi l’appartement d’une prostituée qu’un homme visite, où il fait son office, prend sa douche etc… autre scène de genre. Le peuple vit sa vie de peuple et l’histoire défile devant, presque indifférente à cette existence qu’on devine faite d’un quotidien de débrouillardise et de soumission, les tsars passent, Poutine compris, le peuple reste.
C’est donc une vraie cérémonie qui met le peuple en majesté que cette mise en scène et le spectateur lorsqu’il regarde la scène, laisse plus souvent son regard courir sur le « mur » plus que sur le proscenium où se déroule l’histoire, très répétitive et que Serebrennikov traite avec un certaine distance et beaucoup d’ironie.

L’horizontal : le pouvoir

Kirill Serebrennikov traite la vie du pouvoir de manière répétitive et indifférente, avec une distance ironique, séparée de la « vraie » vie, qui est le mur-peuple. Pour cela ceux qui attendraient un Boris monumental à la Boris Christoff ou Nicolai Ghiaurov en sont pour leur frais et aussi montrent leur totale incompréhension du propos. Ce Boris Godunov est un « non-Boris Godunov ». Un Boris trop impressionnant, trop intérieur, trop lacéré, un Boris qui se poserait trop de questions serait déplacé. Ce qu’il faut c’est d’abord une image pour l’extérieur qu’on pourra ensuite retransmettre par la TV : le peuple voit défiler les images du pouvoir qui sont toujours les mêmes. Et les scènes de Boris ou du couronnement au premier plan ne sont que mises en scène, petit tapis, petit podium, maquillage, écran mat derrière sur lequel on projettera ce qu’on veut. Ce pouvoir est lointain, il est comédie du pouvoir, sans interdépendance avec ce qu’il y a derrière avec comme seule volonté celui de se maintenir, à tout prix, et notamment au prix du peuple. Un Da-sein du pouvoir

David van Laar (Fiodor) Inna Demenkova 5Xenia) Tomasz Konieczny (Boris)

En allant jusqu’au bout de la logique, on peut dire que ce Boris (Tomasz Konieczny) n’a aucun intérêt et tout est fait pour qu’il ne nous intéresse pas, même pas les scènes soi-disant intimes avec ses enfants qui sont tout autant des mises en scènes pour la galerie, où les « enfants » semblent être plus des « figurants » d’une téléréalité morbide. Et quand il ne servira plus, l’entourage (les Shuisky et autres) s’en débarrasseront pour passer à un autre pantin parce que ce qui compte ce n’est pas la figure, mais l’entourage, la superstructure : au peuple permanent correspond les cercles du pouvoir, qui gèrent leur maintien à leur place, au prix des têtes de tsar qui tombent… Ça n’est pas contradictoire avec l’histoire de la Russie post-Ivan le Terrible, ça n’est pas contradictoire avec l’histoire de l’Union soviétique (pensons à la succession Khrouchtchev – Brejnev) et même le pouvoir qu’on croit fort et inamovible peut aussi chanceler ou être au bord de la chute (voir Poutine et l’épisode Prigojine).
Mais ce qui doit compter c’est le récit plus que la réalité, le conte, la fable : souvenons-nous des images truquées d’un Poutine tout en muscle, le mâle russe dans sa grandeur…
Dans cette manière de peindre le pouvoir en tant qu’image c’est tout cela qui est derrière, il faut faire croire à un conte. Sauf que Serebrennikov nous montre le pouvoir défiler sur les écrans dans les familles dans le mur, qui restent indifférentes : les chiens aboient, la caravane passe.

Dumitru Mîțu (Grigori) ; Vitalij Kowaljow (Pimen)

Dans cette perspective, très intéressante est la manière dont l’histoire de Grigori est montrée : Grigori est dans le peuple, dans le mur, et Pimen est dans sa case, il vient de là. Grigori va utiliser ses racines « populaires » pour agiter les foules, l’épisode de Varlaam et Missail est aussi un épisode presque banalisé d’une police qui est partout, et comme souvent considérée comme un peu demeurée et facilement bernable (on pense aux blagues italiennes sur les carabinieri ou sur le rôle du gendarme chez Guignol). Grigori va donc chercher de l’appui en Pologne et la manière dont l’acte polonais est traité est à la fois sarcastique, démonstrative, et quelque peu volontairement répétitive aussi.

Acte "polonais"

Ainsi l’acte polonais est traité comme une parenthèse fantasmée, rêvée d’un Grigori presque SDF, comme une « americanata » (diraient nos amis italiens), une série américaine au nom aujourd’hui très prisé  The Conspiracy dont on joue chaque jour un épisode, une sorte d’épisode de « téléréalité politique » où Marina, à mi-chemin entre animatrice TV et leader politique va s’afficher pour le bon peuple avec Grigori. D’abord le mur du peuple est couvert, invisibilisé dans ses détails par un rideau qui représente le même bâtiment vu de l’extérieur en hiver (arbre décharné), c’est aussi une photo de Dmitry Markov : de Pologne (ou des USA…), ce peuple ne peut qu’être invisibilisé ?

Photo originelle de Dmitry Markov

Grigori est traité comme un pantin, un figurant qui dort en coulisse sur un lit de camp déglingué, on le réveille, on l’habille, on le cravate et on le projette sous les sunlights avec Marina autour d’une table qui ressemble à toutes ces tables politiques (négociations, discours etc…) pour une mise en scène. Kirill Serebrennikov mène au bout de sa logique celle que Moussorgski susurrait déjà : Grigori est une marionnette manœuvrée par un groupe qui sert ses propres intérêts dont Marina est l’image de tête (mais elle aussi un objet aux mains de Rangoni), il l’est si bien objet qu’il se projette comme fantasme.
Ravalée comme les autres au rang d ‘objet médiatique, Marina Mniszek montre que les objets visibles du pouvoir ne sont que la tête émergée et interchangeable d’un système qui veut garder son pouvoir et que système médiatique (ici US) et système politique (vu précédemment en Russie) se superposent.
Et de fait, Serebrennikov traite Boris, Marina et leur écosystème de manière parallèle. Boris n’existe lui aussi que par ses apparitions télévisuelles et à la fin se construit un tableau vivant avec des angelots grossiers qui ne sont que pantomime de drame et de mort. Tout est « fake » dirait-on.
Et sa vision de Grigori est encore plus cinglante : il n’est rien, il n’est que l’outil qu’on exhibe autant que de besoin avec cet avantage qu’il vient du peuple, et qu’il est suivi par le peuple : c’est un outil populiste, autre type, autre figure de la galerie délétère, autre type de Kleenex du pouvoir. Est-il l’usurpateur ? Est-il celui qui rêve de l’être ? Peu importe au fond parce que le résultat est le même.

Dumitru Mîțu (Grigori) Raehann Bryce-Davis (Marina)

Dernier élément qui m’apparaît essentiel dans cette vision : si Moussorgski faisait de la Pologne « l’autre » irréductible, ici, Serebrennikov nous indique le monde médiatique US, les USA comme « autre irréductible » et en même temps semblable et parallèle. C’est un truisme que de voir les dirigeants actuels des Etats-Unis se comporter en vedettes de la télé, faisant de certaines rencontres des saynètes scénarisées : on se souvient de la rencontre Zelensky-Trump dans le bureau ovale et surtout de la réflexion conclusive du président Trump disant que « ça allait faire de la bonne télé ». Entre la bonne télé de The conspiracy et la bonne télé du pouvoir, où est la différence ? Qui peut la faire ? C’est un monde en cercle fermé coupé du reste, et qui ne transmet au reste (le peuple, c’est-à-dire nous, et pas seulement le peuple russe) que ce qu’il veut bien, les bribes qui amusent la galerie. Ce dialogue de l’ombre double comme dirait Boulez est effrayant, qui laisse le monde au théâtre, à un Shakespeare moderne qui serait – horreur à ceux qui ont lu Macbeth, Lear ou Richard III- notre futur, que dis-je, notre présent.

Violence contre l'innocent (Odin Lund Biron)

Justement, dans son analyse des mécanismes pouvoir-peuple, Serebrennikov après l’acte polonais introduit une donnée nouvelle, qui est la conséquence de ces vies parallèles des sphères du pouvoir et des masses, la chute dans la violence quand le pouvoir se désagrège. Nous l’avons écrit plus haut, le seul trait‑d’union entre peuple et pouvoir c’est la police qui régulièrement visite les « cases » du peuple, qui y est habitué et toujours sur ses gardes. On vit, avec la police-Damoclès au-dessus de soi. Mais lorsque le pouvoir s’éloigne trop, lorsqu’il vacille (Boris), les pouvoirs de coercition s’exercent plus violemment pour tenir la masse et éviter qu’elle ne se révolte, dans les prisons d’abord, mais aussi dans la rue (l’innocent est réprimé), et tout cela finit en explosion de violence de tous contre tous, en une sorte de violence sans plus aucun exercice du droit : la violence naît quand le pouvoir quel qu’il soit semble s’autogérer en marge du peuple laissé à sa tv, à sa misère, à ses trafics, quand il ne semble plus y avoir aucun but ni d’un côté ni de l’autre.

Violence : Inna Demenkova (Xebia)

C’est cet état que Serebrennikov décrit en fin de course, un état des relations sociales qui explose, ou mieux, qui implose même parce que le peuple d’autodétruit. Ainsi la scène ultime de ce Boris est elle une scène d’apocalypse, de violence universelle et inarrêtable où l’arrivée de Grigori ne résoudra rien, n’arrangera rien parce qu’il est un de plus, et qu’il ne reste plus que la lamentation étouffée par la force de l’innocent, qui reste la lamentation d’un Serebrennikov lacéré.
Car l’innocent dans cette mise en scène a une fonction qui dépasse ses interventions dans l’opéra : il intervient par des discours tout au long de l’œuvre, des discours qui sont indiscutablement la voix de Kirill Serebrennikov, qui endosse le rôle par chanteur-acteur interposé (Odin Lund Biron qui est acteur de cinéma) jouant sur un discours en russe au départ et en anglais, montrant sa fonction de « chantre » de ce peuple russe enfermé dans ses cases, et qui dit des textes de dissidents qui marquent les passages des tableaux successifs.
En voici le premier exemple :

J'ai écopé de dix jours de prison
pour avoir fait un piquet de grève en solitaire
– ce n'était pas la première fois
On s'y habitue
Je veux juste enfiler
des sous-vêtements propres le plus vite possible

Mais ce qui transpire de ces textes, ce n’est pas ce qu’ils disent, – tout le monde en comprend la teneur – c’est que le peuple continue sa vie, textes ou non, Boris ou non. Dans le monde-là plus aucune voix n’a d’importance, et par extension, ni bien ni mal ni Dieu ni maître.
La solitude de la raison dans un désert humain.
Par le personnage de l’innocent qu’il endosse, par ce personnage qui subit la violence, Serebrennikov montre aussi qu’il a subi cette violence-là, il y a quelque chose d’autofictionnel dans cette démarche.

Ainsi, la version qui nous est proposé de Boris Godunov est une vision très personnelle et très ressentie de Kirill Serebrennikov, elle efface les horizons d’attentes « chaliapinesques » du public attendant un Boris hyper théâtral et iconique, pour rendre au peuple sa propre fonction iconique, en déclinant théâtralement les images du photographe Dmitry Markov, et en se faisant le chantre de ce peuple-là, dans sa grandeur et ses dérives. Serebrennikov, Homère du peuple russe ?  C’est puissant, émouvant, impressionnant, et un peu teinté d’hybris…

Tomasz Konieczny (Boris) Vitalij Kowaljow (Pimen): la "mort" de Boris traversée par une imagerie religieuse teintée d'ironie

La direction musicale et le chœur

Si ce Boris est scéniquement particulier, il l’est aussi au niveau musical, parce que l’option scénique d’une certaine manière détermine des choix musicaux qui vont évidemment faire perdre du relief aux moments attendus, aux « grandes scènes » et l’approche de Vasily Petrenko, détaillée, délicate, ne privilégie pas le drame- c’est-à-dire le théâtre singulier d’un Boris qui naît règne et meurt, ni même le côté spectaculaire qu’on aurait pu attendre à la scène du couronnement. Le spectaculaire dans ce spectacle est visuel et pas auditif.
Ayant à disposition une phalange aussi prestigieuse que le Royal Concertgebouw Orchestra, avec son rendu soyeux, ses pupitres d’une solidité à toute épreuve, capables des plus infimes raffinements, on entend ici qu’est privilégiée une certaine poésie, un discours de fluidité moins heurté, comme si à cette indifférence du peuple voyant passer ses tsars correspondait une musique développant un discours plus qu’un drame, un discours qui défilerait sans accrocs. Ainsi cette direction nous est apparue accompagner le propos du metteur en scène en s‘emparant de la musique de Moussorgski d’une manière moins théâtrale qu’attendue, moins dramatique, comme si se tissait un long tapis (ou un tableau) sonore d’une éminente qualité, d’une somptuosité charnue et confortable, mais presque quelquefois en réserve, à d’autres avec une certaine ironie distante (encore une fois l’acte polonais, à mon avis accompagné exactement comme la mise en scène le traduit). C’est une direction qui donne beaucoup de place à la couleur, aux facettes musicales laissant quelquefois de côté cette dureté, cette âpreté qu’on a appris à aimer dans la version originale de Moussorgski depuis qu’on ne joue plus celle de Rimski-Korsakov.

Scènes de genre

Conformément encore une fois à la mise en scène, c’est beaucoup plus le chœur du Dutch National Opera préparé par Edward Ananian Copper (avec le chœur d’enfants – Kinderkoor – Nieuw Amsterdam dirigé par Pia Pleijsier) qui est mis en avant et impressionne. Il nous rappelle que ce chœur est l’un des plus impressionnants et des plus engagés scéniquement de toutes les grandes scènes européennes, et depuis des décennies. Il suffit dans mon souvenir d’évoquer ce qu’il fut et fit dans Moses und Aron (Mise en scène Peter Stein) dirigé par Pierre Boulez en 1995, il y a trente ans pour me dire qu’il est toujours aussi puissant, voire extraordinaire à en être presque singulier ; à lui seul il vaut le voyage pour témoigner de ce qu’est la culture chorale aux Pays-Bas.

 

Les voix

On ne vient pas à Amsterdam et depuis très longtemps pour entendre des voix. On vient à Amsterdam pour voir un spectacle d’opéra où chacun participe à son niveau à la construction d’un tout indiscutable, même si dans le détail on peut aussi tout discuter.
L’Opéra d’Amsterdam, c’est un peu comme ces tableaux pixellisés qui de près et dans le détail ne prennent pas toujours leur forme, mais à mesure qu’on prend du recul, alors tout prend sens et tout prend sa place pour faire au bout du compte une soirée mémorable.

Alors il y a certes des voix intéressantes, mais peu de chanteurs vous marquent, même dans les rôles essentiels. Mais ils sont tous à leur place et aucun ne fait défaut dans le tableau final.

Il y a des habitués de cette scène comme Eva Kroon en aubergiste, toujours bien trempée ou le baryton néerlandais Roger Smeets en Nikititch, la nourrice c’est Polly Leech, ancienne de l’Opera Studio d’Amsterdam, elle aussi une habituée, toutes voix solides qui composent le fond des petits rôles si essentiels à la cohésion d’ensemble.
On avait déjà remarqué Inna Demenkova dans Il Trittico l’an dernier et elle nous avait séduit par sa tendresse ; de nouveau ce timbre nous frappe en Xenia avec une voix qui sans aucun doute est à suivre. Feodor est confié (par sens du réalisme ?) à un contreténor, David van Laar, très correct, ce qui donne à sa scène avec Boris une couleur particulière, presque plus inquiétante : par sa relative fragilité la voix de contre-ténor induit l’insécurité..

Ya-Chung Huang (Shuisky)

Shuisky est le ténor taiwanais Ya-Chung Huang, la voix est bien dessinée, la diction impeccable, si importante dans un rôle où la sculpture du mot est essentielle pour faire entendre la duplicité, les insinuations et le personnage est aussi particulièrement bien planté en scène, celui qui est dans l’ombre et tire les ficelles.
Chtchelkalov  doit marquer dans son intervention du premier tableau, l’une des plus belles musiques de l’œuvre d’une insondable tristesse, et Jasurbek Khaidarov, basse ouzbèque, s’en tire correctement sans être déchirant, mais il est vrai que la scène « artificialise » beaucoup son intervention.

Vitali Kowaljov est bien connu des scènes et il est ici un Pimen enfermé dans sa bibliothèque, dans son cubiculum de l’immeuble dessiné par Kirill Serebrennikov et Olga Pavliuk. La voix a perdu de son éclat et de sa profondeur, mais dans le contexte, ce Pimen voit sa parole « prophétique » neutralisée puisque ce « chroniqueur » n’est plus singularisé mais une part du peuple, donc un peu plus anonyme. Et donc cette couleur convient très bien : il remporte d’ailleurs un beau succès.

Très juste scéniquement et vocalement de très bon niveau le ténor Mîțu en Grigori a une voix vigoureuse et bien projetée et en même temps, il est très expressif en « héros » instrumentalisé, une belle surprise et un artiste à suivre.

Eva Kroon ; (Aubergiste) ShenYang ; (Varlaam) Steven van der Linden (Missail)

Le Varlaam de Shenyang a une puissance très affirmée et compose avec le très correct Missail de Steven van der Linden (du Studio) un couple un peu moins falstaffien que d’habitude, il reste que les personnages sont posés dans leurs démêlés très modernes avec la police et que Shenyang est une basse sonore à la voix qui mérite elle-aussi d’être suivie.

Gevorg Hakobyan (Rangoni) Raehann Bryce-Davis (Marina)

Gevorg Hakobian en Rangoni est la voix la plus convaincante du plateau, incontestablement la plus expressive, la plus sonore, la mieux projetée, avec une très grande qualité de timbre. On comprend pourquoi ce baryton commence à être invité un peu partout : son intervention est particulièrement réussie, par l’expressivité, par la tenue, par la noblesse aussi et la rouerie. Magnifique prestation.

Dumitru Mîțu (Grigori) Raehann Bryce-Davis (Marina)

Face à lui la Marina de Raehann Bryce-Davis montre une voix au grain somptueux, et on la sait appréciée à Amsterdam où elle fut entre autres la Zia Principessa de Suor Angelica l’an dernier : mais elle est pour moi un paradoxe. Elle sait parfaitement se mouvoir en scène, elle ne manque pas de présence, mais malgré la voix, cela reste plat. On a entendu des Marina tellement plus convaincantes, au phrasé étudié, variant les couleurs d’une musique si ondulante. Ici l’interprétation reste plate (un peu comme sa Marfa à Genève). Au lieu de se confronter à des rôles d’emblée complexes comme Marina ou Marfa, parce que la voix est de qualité, il faudrait que le ramage se plume d’une expressivité plus marquée : une cure de Mozart ??

Odin Lund Biron (L'innocent)

L’innocent c’est l’acteur de cinéma américain mais si populaire en Russie Odin Lund Biron, qui était Tchaïkovski dans le film de Kirill Serebrennikov « La femme de Tchaïkovski » (2022), c’est donc un compagnon de route du metteur en scène, étonnant par sa capacité à passer du russe à l’anglais (qui est la langue des textes parlés), étonnant aussi par sa souplesse, sa présence, et aussi par son chant de ténor, délicat, lacérant, mélancolique  car il chante et parle avec la même intensité. Un très beau moment, qui ne pouvait qu’être ainsi résolu si la mise en scène voulait donner à l’innocent une voix « augmentée ». Sans doute l’une des trouvailles les plus fortes de la soirée.

Enfin Boris.
Avoir confié Boris à un polonais (ouvertement progressiste d’ailleurs), après ce qu’on a écrit plus haut sur la Pologne et l’acte polonais, c’est assez bravache de la part du Dutch National Opera. Je plaisante bien entendu tant Tomasz Konieczny est familier des scènes mondiales, notamment pour ses interprétations wagnériennes. Il est si lié à Wagner qu’on a peine à l’entendre dans un autre répertoire. D’ailleurs c’est son premier Boris.

Tomasz Konieczny  (Boris)

Disons d’emblée et mes lecteurs le savent, que ce n’est pas mon interprète wagnérien de prédilection, mais son Boris ne manque pas d’intérêt. D’abord il n’est pas mal chanté, fait entendre le texte, et comme le chanteur est intelligent, c’est un interprète expressif.  Mais ce qui fait la première qualité de ce Boris, c’est qu’il n’est pas comme les autres. Ceux qui s’attendaient à Chaliapine ou Christoff en sont pour leurs frais, et c’est très juste ainsi parce qu’il ne faut pas, surtout pas de Boris noble pour cette production. Il faut un Boris « qui passe », moins marquant, qui sache jouer et faire image et surtout l’image qu’on attend de lui, mais qu’il dise le texte avec quelque distance, quelque extériorité qui fasse qu’on n’y croie pas trop. Et comme le timbre n’est pas noble, comme le phrasé n’est pas impeccable, il est ce personnage un peu plus pâle dont la mort ne sera pas monumentale et les discours indifférents sinon préfabriqués. En ce sens, dans cette mise en scène et ce contexte : Konieczny est idéal parce que ce qui serait défaut ailleurs est ici qualité éminente. Je l’ai donc beaucoup aimé, bien plus que dans ses Wagner, parce qu’il ne me donne aucune empathie pour ce Boris-là, qu’il chante avec intelligence et justesse ; une voix a trouvé un profil. Il est le Boris idéal dans cette production.

Au total, une production incontestablement plus forte pour ce qu’elle montre que par ce qu’elle fait entendre, mais tout ce qu’elle fait entendre est totalement au service de ce qu’on voit, totalement juste, d’abord parce que dans un opéra du peuple, c’est le chœur qui sort vainqueur, fabuleux instrument de cette maison. Le Royal Concertgebouw fait son office de grand orchestre de référence mondiale, sans toujours sortir le grand jeu, mais on a aussi essayé d’expliquer pourquoi, et les solistes comme tout le reste sont au service d’une vision qui s’impose et qu’a imposé Kirill Serebrennikov qui de Parsifal en Don Giovanni et en Boris promène sa vision mélancolique et profondément religieuse d’un monde en lambeaux.

Pour vous y plonger, ou bien vous sautez dans le premier train pour ne pas manquer la dernière le 29 juin 2025, ou vous attendez sagement Genève (Coproducteur) dans quelques années ou, plus facile, vous regardez mezzo.tv sur Mezzo Live le 13 juillet à 21h (https://www.mezzo.tv/) ou enfin, à défaut, du 25 juillet au 25 novembre, vous pourrez voir cette production mémorable parce que très singulière sur operavision (https://operavision.eu/). Mais croyez-moi, ne la manquez pas.

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Guy Cherqui
Agrégé de Lettres, inspecteur pédagogique régional honoraire, Guy Cherqui « Le Wanderer » se promène depuis une cinquantaine d’années dans les théâtres et les festivals européens, Bayreuth depuis 1977, Salzbourg depuis 1979. Bouleversé par la production du Ring de Chéreau et Boulez à Bayreuth, vue sept fois, il défend depuis avec ardeur les mises en scènes dramaturgiques qui donnent au spectacle lyrique une plus-value. Fondateur avec David Verdier, Romain Jordan et Ronald Asmar du site Wanderersite.com, Il travaille aussi pour les revues Platea Magazine à Madrid, Opernwelt à Berlin. Il est l’auteur avec David Verdier de l’ouvrage Castorf-Ring-Bayreuth 2013–2017 paru aux éditions La Pommerie qui est la seule analyse parue à ce jour de cette production.

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