Richard Wagner (1813–1883)
Tristan und Isolde (1865)
Action en trois actes
Livret du compositeur
Créé au Königlisches Hof-und Nationaltheater de Munich, le 10 juin 1865

Direction musicale : Markus Poschner
Mise en scène : Roland Schwab
Décors : Piero Vinciguerra
Costumes : Gabriele Rupprecht
Dramaturgie : Christian Schröder
Lumières : Nicol Hungsberg
Chef des chœurs : Eberhard Friedrich
Vidéo : Luis August Krawen

Tristan : Stephen Gould
Marke : Georg Zeppenfeld
Isolde Catherine Foster
Kurwenal : Markus Eiche
Melot : Olafur Sigurdarson
Brangäne : Ekaterina Gubanova
Ein Hirt : Jorge Rodriguez-Norton
Ein Steuermann : Raimund Nolte
Junger Seemann : Siyabonga Maqungo

Chor und Orchester der Bayreuther Festspiele

Bayreuth, Festspielhaus, vendredi 12 août 2022, 16h

Un Tristan und Isolde non prévu, décidé dans les six derniers mois avant le Festival, pour deux représentations seulement, c’est un peu inhabituel dans une manifestation qui planifie les productions très à l’avance. Mais ce Tristan est conçu comme un joker au cas où une représentation d’une autre production devrait être annulée pour Covid, comme c’est arrivé dans d’autres théâtres. On a toujours ce Tristan sous le boisseau et ce sera la même chose l’an prochain, pour deux représentations également. Mais cette production a été elle-aussi indirectement victime de la pandémie puisque le chef du Ring Pietari Inkinen contaminé a été remplacé par Cornelius Meister, prévu pour ce Tristan, et c’est Markus Poschner qui a finalement assuré les deux représentations prévues dans des conditions acrobatiques de répétitions, mais non sans réussite.

 

C’est en décembre 2021 que Roland Schwab a signé le contrat de ce Tristan de secours et en a très rapidement présenté le concept. Dans ces conditions, il ne vaut mieux pas prévoir une mise en scène complexe, avec lourds décors et grand nombre de répétitions, d’autant plus qu’il y avait un nouveau Ring à présenter. Dans le temps imparti pour les répétitions, où cette année au total cinq nouveaux opéras étaient prévus (un chiffre exceptionnel : quand il y a un nouveau Ring, il n’y a pas d’autres nouveaux spectacles) il a fallu faire des acrobaties pour que tout rentre dans le planning. On comprend alors qu’après la première de ce Tristan, il ait fallu refermer le théâtre et attendre encore une semaine pour que le nouveau Ring soit présenté.
On ne s’étonnera donc pas d’une production à décor unique (avec quelques aménagements à chaque acte), et nos commentaires doivent être relativisés à l’aune du défi organisationnel que représente ce Tristan.
Certes, on objectera qu’à partir du moment où l’on présente un spectacle au public, dans un lieu aussi symbolique, et encore plus symboliquement en ouverture du Festival, il faut assumer les risques et ne pas chercher d’excuses.
On en cherchera d’autant moins que le spectacle se tient et a le mérite de rencontrer les rêves romantiques de toujours des spectateurs de Tristan à Bayreuth (lire à ce propos les délires décrits par Alex Ross dans son Wagnerism ((Alex Ross, Wagnerism : Art & Politics in the Shadow of Music, 2020. Existe en traduction allemande et italienne, mais pas encore en français, bien évidemment, ce qui est désolant.)).
Après les mises en scène de Christoph Marthaler et de Katharina Wagner, assez dures, et donnant au mythe quelques coups de griffes, le public assoiffé de romantisme sera servi par cette succession d’images bien faites, qui ne choquent personne, qui ne provoquent aucun mal de tête dans la recherche de significations cachées, tout est clair, tout est à vue.
Avec ces problèmes d’agenda, cette deuxième représentation de Tristan prenait place entre Walküre et Siegfried. À vrai dire, le spectateur du Ring aurait eu besoin d’une journée de repos pour digérer les aventures de la famille Wotan dans la vision de Valentin Schwarz, mais cette production de Tristan avait aussi quelque chose de reposant, parce qu’elle ne faisait pas problème. On la digérait facilement.
Trois actes, le même dispositif (de Paolo Vinciguerra) avec quelques variations, et une ligne directrice qui est l’amour, le temps, l’éternité. Le prélude s’ouvre sur la vision d’un couple de deux enfants, et se termine par celle d’un couple de deux vieillards… tout est dit.

Au départ, le dispositif est assez simple : un espace elliptique avec au centre un bassin, très concret au début du premier acte et de plus en plus abstrait, ce sera le monde complètement halluciné des amants qui se projettent dans un ailleurs rêvé, et autour du bassin, c'est le réel.
Au-dessus du bassin, un immense oculus elliptique lui aussi, comme en miroir, qui laisse voir un ciel bleu nuageux puis étoilé (Merci la nuit, merci Novalis), au bord duquel des personnages se penchent tour à tour dans l’ombre un peu à la manière des sbires de Marke dans la production de Katharina Wagner, mais sans intention hostile.

Le dispositif, au troisième acte

On va aller du plus concret au début du premier acte  au plus abstrait, qui est en même temps le plus feuillu, vu les végétations qui tombent de la scène du haut au troisième acte, allusion à Philémon et Baucis dont la légende sous-tend tout le spectacle. C’est très bien éclairé, cela fait parfois de belles images et c’est apparemment suffisant.

 

Acte I

Après avoir entrevu les deux enfants, le rideau qui était entrebâillé s’ouvre sur une belle piscine de yacht, avec au bord des lits de repos, de ceux qu’on voit au bord des piscines de palaces ou de paquebots. Le ciel est nuageux, l’eau clapote (vidéos et LED très réussis avec des lumières de Nicol Hungsberg et vidéos de Luis August Krawen), pour un peu on verrait Isolde prendre le soleil en maillot de bain.
Mais la situation se tend au fur et à mesure que la colère monte et on le voit aux changements dans le bassin (décidément, on aime les piscines cette année à Bayreuth), l’eau se colore de rouge à l’évocation du meurtre de Morold, puis s’agite, à mesure de la tension, créant des tourbillons.

"Éternité"

À jardin, pendant toute la représentation une inscription en sanskrit qui signifie éternité (tous à l’entracte à chercher cette signification, décidément, les entractes à Bayreuth, depuis Valentin Schwarz, sont d’intenses lieux de recherche entre une coupe de champagne et une saucisse).
À part cette inscription qui évidemment est la clé affichée (assez banale quand même) de ce travail, on pense un peu au dispositif de Anna Viebrock pour Christoph Marthaler (un salon de paquebot du début du siècle, mais sans la piscine évidemment), la manière dont les chaises longues sont secouées et violemment tournées par Isolde rappelant celle dont elle renversait les sièges dans la production d’alors.

Stephen Gould (Tristan) Catherine Foster (Isolde), piscine en agitation et lit de piscine

Dans cette vision à décor unique, pour suggérer ensuite l’abstrait, il faut nécessairement passer au départ par le concret. Certes, la vision de l’ellipse, un peu déformée, en vision oblique, les éclairages, le décor ne suggèrent rien de particulièrement concret, mais les lits de repos, oui : on est clairement au bord d'une piscine luxueuse.
Mais entre le ciel bleu encombré de quelques nuages et cette piscine il y a une correspondance de forme et un système d’écho qui va se construire. Bientôt cette « piscine » va être le domaine exclusif des amants, et les bords ceux des autres, deux univers clairement indiqués et dans celui des amants, chaque mouvement, chaque parole sera traduite par « l’eau », de plus en plus violemment agitée, couleur (le rouge sang), à d’autres moments (au troisième acte), un scintillement.

Ekaterina Gubanova (Brangëne, tenant les philtres)

La lisibilité de la mise en scène, sa manière de suivre en images la musique et les élans, tout cela est traduit, dans l’eau l’agitation, et dans le ciel, l’obscurité qui gagne, le ciel qui s’assombrit, car les amants ne supportent pas le jour. Alors évidemment au moment du philtre versé dans cette « eau », dans ce monde « autre », tout devient tourbillon impossible à endiguer, de plus en plus rapide, de plus en plus vertigineux, ressemblant à ces images de galaxies lointaines : le monde des amants n’est plus terrestre.

Catherine Foster (Isolde), Stephen Gould (Tristan) dans le tourbillon de la passion

On comprend alors que cette « piscine » sera le centre névralgique de la passion, celle à laquelle les autres ne pourront accéder, autour, ils ne pourront qu’assister impuissants à l’ouragan passionnel. Il y a tout autour LE monde, et au centre LEUR monde.

 

Acte II

Le même principe gouverne l’acte II, plongé dans la nuit. La disposition fait là un peu penser à l’acte II de la production de Katharina Wagner, les ombres des personnages dans le haut par exemple, le couple est habillé de blanc, immaculé (costumes de Gabriele Rupprecht) comme pour un mariage mystique.

Catherine Foster (Isolde), Stephen Gould (Tristan)

Le tout est réglé de manière traditionnelle, sans direction d’acteur notable, tantôt ils sont contre le mur, tantôt ils s’allongent sans grande subtilité dans recherche des mouvements. Dans la seconde partie devant Marke leur habit blanc fera penser en revanche aux habits des prisonniers, ou des condamnés, voire des fous dans leur camisole, l’idée n’est pas mauvaise de donner au même costume deux significations selon le contexte. D’ailleurs, la seconde partie se déroule dans un décor encore plus abstrait de néons obliques qui tombent des cintres au centre duquel est assis sur un siège de condamné Tristan, comme un instrument de torture, autour duquel les autres personnages évoluent. Il y a le monde concret des hommes, avec leurs questions et leurs trahison (un Melot très agressif (chanté – est-ce un hasard ? –  par l’Alberich du Ring) et au centre dans une abstraction tragique cette fois, un Tristan qu’on imagine sur une chaise électrique.

Tristan (Stephen Gould) sacrificiel

Marke est traité conformément à l’habitude, extérieur, ne comprenant pas, et refusant de voir la tension finale, il quitte la scène, discrètement, (plus discrètement que le Marke de Warlikowski qui faisait faire le boulot à Melot) avant la fin dramatique.

Georg Zeppenfeld (Marke)


Acte III

Le décor s’est enrichi de verdure (voir la photo plus haut). En effet, nous avons souligné que la référence est la légende de Philémon et Baucis racontée dans les Métamorphoses d’Ovide. Philémon et Baucis forment un couple qui a tranquillement vieilli ensemble dans la sérénité, le piété et la pauvreté. Ils accueillent Zeus et Hermès déguisés en voyageurs très généreusement, alors que les habitants de la contrée leur avaient refusé brutalement l’hospitalité, et les deux Dieux décident de changer la cabane du couple en temple. Philémon et Baucis acceptent d’en être les gardiens et demandent de ne pas être séparés dans la mort. Zeus les transforme en deux arbres dont les feuillages se mélangent, pour l’éternité. Vieillir ensemble dans l’amour, c’est le prix qu’ils gagnent et que les Dieux leur offre. C’est l’idée que toute la mise en scène illustre.
Tristan est au départ allongé comme s’il était mort, entre des bougies, sur la  piscine. Image qui n’est pas sans rappeler (vaguement) celle de Katharina Wagner au début de l’acte III très inspirée quant à elle par Georges de La Tour. Image de mort solitaire, dans le paysage désolé de cette piscine qui semble inutile avec au fond cette verdure très marquante.
La présence de la piscine qui sépare deux mondes est cependant éclairante : Tristan après son réveil, dans son délire, s’y roule de manière sauvage, la piscine est désormais tout un scintillement, symbole de rêve, de totale abstraction de ce monde sombre représenté par Kurwenal, aux côtés de Tristan, qui semble pressentir qu’Isolde ne reviendra pas et donc essaie de calmer son maître et ami.
L’une des scènes les plus significatives (pas forcément comprise d’ailleurs) montre Kurwenal du bord attrapant Tristan avec une corde, comme un lasso, comme si on attrapait un gros animal et qui essaie de le ramener au bord, c’est à dire à la raison, c’est à dire au monde d’ici-bas. L’idée en soi n’est pas sotte, mais l’effet scénique produit frôle un peu le ridicule.
L’arrivée agitée d'Isolde entre les deux feuillages symboliques n’est pas très bien réglée non plus, avec ses gestes peu compréhensibles et toute la scène finale se déroule à la fois en bas et en haut, où Kurwenal et Melot se battent et où Melot s‘écroule, plié  sur la rambarde, les bras ballants, dans l’ombre (il restera ainsi jusqu’à la fin). Rien de bien neuf pendant cette fin, jusqu’au moment de la Liebestod, où un couple de vieillards arrive en scène, répondant au couple d’enfants de début, avec au centre Tristan étendu et Isolde chantant, ils entrent à pas comptés, presque dans une fragile chorégraphie, pour se réunir au proscenium : une fin un peu sucrée au bord du kitsch.

Nous sommes justement devant un travail qui pourrait tomber facilement dans le kitsch ou la caricature, mais qui reste quand même assez élégant, avec un message simple et compréhensible pour tout le public.
On pouvait difficilement attendre un travail complexe dans son élaboration vu le temps imparti de préparation et de montage, et les conditions générales de répétitions. La simplicité dans un système d’images capable de séduire le public et quelquefois de le marquer, c'est une réponse honnête. Il ne faut pas chercher au-delà dans ce travail que l’idée édictée par le mot en sanskrit, « éternité », vieillir ensemble, rester ensemble au-delà de la mort. L’allusion à Philémon et Baucis est claire. Sans doute l’an prochain quelques éléments seront précisés avec peut-être une direction d‘acteur un peu plus serrée, car on y laisse un peu les chanteurs en roue libre.

 

Les aspects musicaux et vocaux

Musicalement, ce spectacle a une très bonne tenue, d’abord grâce à la direction de Markus Poschner, qui a eu si peu de répétitions avec l’orchestre qu’on ne peut que saluer le résultat global. Il ne s’agit pas d’une direction musicale anthologique qu'on aurait pu attendre avec un orchestre préparé sur un temps plus important par le chef. Mais l’orchestre avait déjà travaillé avec Cornelius Meister qui devrait revenir l’an prochain diriger ce Tristan. Poschner dans ces conditions difficiles fait bien entendre certains détails instrumentaux, produit un son assez rond, par moment vraiment intense (prélude magnifiquement exécuté) et dans l’ensemble mérite le succès remporté au rideau final et tient un discours homogène, fluide, profondément symphonique par moments et en tous cas rendant à chaque moment justice à l’œuvre. Il est vrai qu’en tant que directeur musical de l’Orchestre Bruckner de Linz et dirigeant souvent Wagner, il sait ce que symphonie veut dire, il sait aussi comment faire entendre différents niveaux, même si quelquefois on aimerait quand même encore plus de lisibilité. Mais vraiment, dans ces conditions très particulières, chapeau.

Pour le peu qu’il a à chanter, et en coulisses, le chœur s’en sort évidemment avec beaucoup de présence dans une fin de premier acte pleine de relief.
Du point de vue du plateau, l’ensemble est vraiment en place, même si évidemment on peut émettre certaines remarques sur tel ou tel interprète.
Les « petits » rôles sont bien tenus, aussi bien le junger Seemann (très bon Siabunga Maqungo) que le berger (Jorge Rodriguez-Norton), ou le pilote (Steuermann) de Raimund Nolte. Il est rare que les petits rôles soient médiocres à Bayreuth, car dans la logique de troupe, ils ont chacun plusieurs rôles, quelquefois plus importants quelquefois moins (Raimund Nolte est par exemple Donner et Jorge Rodriguez-Norton Froh dans Rheingold), et donc cela garantit une homogénéité de qualité.
Il est étonnant de voir Olafur Sigurdarson, un vrai baryton basse, dans Melot, dont la nature vocale (pas toujours claire) navigue entre baryténor et ténor. La voix est ici plus lourde, avec les habituelles qualités de clarté et de diction mais justifie l'agressivité plus forte du personnage.
Autre vrai baryton, plus conforme cette fois, le Kurwenal de Markus Eiche, dont la voix chaude, le timbre velouté séduisent dans un rôle où quelquefois on entend des timbres plus voilés, voire plus vieillis : cela donne une noblesse et une tendresse presque inattendue au rôle qui prend un coup de « jeune », et comme toujours quelle belle diction, quel souci du poids des mots.

Ekaterina Gubanova (Brangäne) et dans ses bras Catherine Foster (Isolde)

Ekaterina Gubanova promène depuis longtemps une Brangäne dans laquelle elle triomphe sur de nombreuses scènes, avec un peu moins de relief cette fois et un peu moins de volume, en tout cas moins que dans sa Venus de Tannhäuser (le rôle n’est pas le même mais réclame beaucoup d’intensité également). Ses Habet Acht du deuxième acte restent cependant notables et dans l’ensemble la prestation est de très grande qualité.

Georg Zeppenfeld (Marke) devant le cadavre de Tristan

Avec Georg Zeppenfeld nous sommes devant un Marke tout à fait exceptionnel : bien sûr, la clarté de la diction, la perfection du phrasé, le sens de la nuance font merveille dans le récit du deuxième acte qui est vraiment monumental dans la musicalité, la respiration et surtout dans l’humanité qu’il affiche (à l’opposé de ce qu’il faisait chez Katharina Wagner). La voix s’est élargie, approfondie tout en n’étant pas comparable aux basses profondes qu’on a entendues dans le rôle, c’est un autre son, un autre personnage, mais toujours un immense moment.

Stephen Gould (Tristan)

Stephen Gould, nous n’avons cessé de le répéter n’était pas dans une forme exceptionnelle pendant cette période, mais tout de même, ce Tristan après Tannhäuser et juste avant Siegfried de Götterdämmerung reste d’immense facture ; il faut saluer d’abord le phrasé, le sens du texte et de la nuance, l’intelligence de l’interprétation et la manière habile d’éviter les récifs… son troisième acte, moins intense peut-être que le récit du retour de Rome dans Tannhäuser où il nous a tous stupéfiés, reste monumental et particulièrement solide, malgré une mise en scène qui ne gère pas l’acteur comme on le souhaiterait. Il est moins vibrant au deuxième acte, où pour les deux, le duo a manqué un peu de magie. Mais bravo l’artiste, comme toujours.

Catherine Foster (Isolde)

Catherine Foster était Isolde et si elle avait chanté toute l’œuvre comme elle a chanté le premier acte, c’eût été une soirée à marquer d’une pierre blanche. Elle débute sur des chapeaux de roue, des aigus éclatants, une incroyable virulence, de la couleur dans l’expression, un beau phrasé et une belle rondeur, avec son habituel problème de diction cependant.
Le deuxième acte n’a pas cette intensité, on est proche du cri quelquefois, cela retombe un peu et manque de cette magie inhérente à cette musique addictive. Catherine Foster a quelques moments de fragilité dans l'intonation, on comprend mal les mots et le duo "O sink hernieder Nacht der Liebe" seulement correct, passe sans qu’on soit vraiment ému à un seul moment.
Et la Liebestod (en dehors des questions de mise en scène et de mouvements intempestifs qu’on lui impose) est attentive, avec toutes les notes, mais pas toute la charge émotive : dans ce type de moment la question de la diction est déterminante, parce que le mot fait musique aussi. Et là, nous n’y sommes pas.

On aura compris que nous ne sommes pas devant le Tristan du siècle, à aucun moment vraiment passionnant, mais devant une représentation très solide, très honorable, capable de venir au secours d’un problème et qui a remporté un grand succès. C’est comme ça qu’elle a été conçue, et en tant que telle, elle remplit les conditions. Pour un Tristan pensé à l’avance, il faudra attendre la prochaine production (2024?) préparée dans des conditions « normales ».

Avatar photo
Guy Cherqui
Agrégé de Lettres, inspecteur pédagogique régional honoraire, Guy Cherqui « Le Wanderer » se promène depuis une cinquantaine d’années dans les théâtres et les festivals européens, Bayreuth depuis 1977, Salzbourg depuis 1979. Bouleversé par la production du Ring de Chéreau et Boulez à Bayreuth, vue sept fois, il défend depuis avec ardeur les mises en scènes dramaturgiques qui donnent au spectacle lyrique une plus-value. Fondateur avec David Verdier, Romain Jordan et Ronald Asmar du site Wanderersite.com, Il travaille aussi pour les revues Platea Magazine à Madrid, Opernwelt à Berlin. Il est l’auteur avec David Verdier de l’ouvrage Castorf-Ring-Bayreuth 2013–2017 paru aux éditions La Pommerie qui est la seule analyse parue à ce jour de cette production.

Autres articles

LAISSER UN COMMENTAIRE

S'il vous plaît entrez votre commentaire !
S'il vous plaît entrez votre nom ici