On lui fit confiance pour Casse-Noisette fin 2014, il explosa dans L’Histoire de Manon aux côtés de Dorothée Gilbert en mai 2015, il confirma avec La Bayadère fin 2015 puis Roméo & Juliette au printemps 2016 entre deux créations de Millepied ou Forsythe et des entrées au répertoire de la Compagnie. Quel vertige que ces deux années, à l’issue desquelles Hugo Marchand se voit nommé Danseur Étoile du Ballet de l’Opéra national de Paris ! Un mois après, se sont enchaînés Le Songe d’une nuit d’été, un gala à l’occasion duquel il interpréta Le grand pas classique d’Auber et Le Corsaire, les répétitions de Herman Schmerman de Forsythe. Il nous fait l’amitié d’un échange, qui mêle mise en perspective d’une trajectoire passionnante et expression des convictions fortes de l’artiste qu’il est.
Nommé Étoile il y a trois semaines à peine, Hugo Marchand, votre ascension est souvent qualifiée de fulgurante. Vous avez eu une expérience de 4 ans dans le corps de Ballet de l’Opéra de Paris avant d’être nommé premier danseur. Comment avez-vous vécu ces années d’évolution dans cet ensemble très normé ?
Si mon entrée dans la Compagnie a été mon plus grand bonheur, une émotion intense dans ma vie, je dois reconnaître que les deux premières années ne se sont pas si bien passées. La phase d’adaptation n’a pas été simple. D’abord, le positionnement par rapport aux autres, l’apprentissage des codes internes, la construction des rapports aux artistes qui ont une position plus élevée : au plan relationnel, l’intégration au sein d’un groupe si normé et les difficultés qu’elle induit ne se fait pas si naturellement Par ailleurs, au plan artistique, mon physique et ma taille m’ont toujours posé problème jusqu’à ce que je devienne soliste ; on me considérait comme trop grand pour assurer tel rôle, trop grand pour danser avec telle danseuse, trop grand pour apparaître en première ligne dans les ensembles… Bref, je ne dansais pas. Ma première production a été Phèdre de Serge Lifar, dans laquelle j’assurais un rôle de pure figuration (Minos) : 45 minutes de préparation maquillage chaque soir pour littéralement 30 secondes de présence en scène à la fin du ballet. Dans ma deuxième année, j’ai remplacé un des jaunes de La Bayadère à la dernière représentation… Pour ainsi dire, j’ai passé deux ans en coulisse. Il était même difficile donc, au début, de me sentir dans le corps de ballet, puisque j’étais soit remplaçant soit figurant. Les lignes ont un peu changé lors de la soirée Jeunes danseurs de 2013, dans laquelle Brigitte Lefèvre nous a confié à Juliette Hilaire et moi un extrait de Genus de Wayne McGregor, un mois après ma promotion comme coryphée, et c’est sans doute la première fois que je me suis senti autre chose que le grand dadais dont on ne sait trop quoi faire. N’étant pas dans la norme physique classique, je ne pouvais pas exprimer quelque forme de singularité dans un corps de ballet si homogène, et d’une certaine manière, je savais que soit ce physique envahissant était un handicap total qui bloquerait mon parcours, soit il me fallait devenir soliste pour danser. Ensuite, bien sûr, tout est allé très vite.
Quelle a été votre première partenaire dans cette marche vers les rôles solistes ?
C’est avec Mélanie Hurel que j’ai eu l’occasion de danser mon premier grand rôle sur la scène de Bastille (ndlr : Casse-Noisette, en décembre 2014), dans des conditions de préparation très bousculées. Il y a aussi Hannah O’Neill, qui est une amie, avec qui je danse beaucoup en gala et depuis longtemps, mais nous n’avons dansé sur la scène de l’Opéra que pour le prix de l’AROP (Variations Goldberg de Jerome Robbins) et une fois Le Songe d’une nuit d’été, ballet dans lequel le partenariat est presqu’inexistant, où il y a très peu de contacts physiques. Nous préparons Herman Schmerman de Forsythe, ce sera notre première vraie collaboration à l’Opéra.
À l’Opéra, on n’a pas de partenaire attitrée – même s’il peut se dessiner des relations suivies comme celle entre Germain et Léonore –, mais celle que je considère comme ma première partenaire, c’est Dorothée Gilbert.
Il est souvent remarqué que lorsque vous dansez ensemble, une énergie particulière se dégage de la représentation, comme si vous vous sublimiez l’un l’autre – à l’état naissant dans L’Histoire de Manon, cela a pris une ampleur remarquée dans La Bayadère ou Roméo et Juliette. Le ressentez-vous aussi ? Comment l’expliquez-vous ?
Oui, bien sûr, nous le ressentons, mais je ne saurais comment l’expliquer ! C’est une forme de communion interne, un mode de communication entre nous, une force très singulière. Tout a commencé avec L’Histoire de Manon, qui reste la plus grande expérience artistique de ma vie. J’en suis sorti totalement chamboulé ; un tel investissement pendant deux mois, de recherches, de lectures, de réflexions, de préparation physique, pour un spectacle, un seul (ndlr : Dorothée Gilbert et Hugo Marchand, alors sujet, ont dansé la dernière de la série, le 20 mai 2015), après les adieux officiels d’Aurélie Dupont en plus. La pression était folle et Dorothée Gilbert m’a accompagné dans toute cette préparation. Et c’est la première fois que j’ai réussi à donner au public exactement tout ce que je pensais devoir faire, en totale honnêteté, une mise à nu terrifiante (mais grisante) ; c’est la première fois que j’ai atteint un autre univers mental, que je suis sorti de moi-même ; à l’issue de la représentation, c’est la première fois que je me suis dit que j’étais un artiste ! Cette expérience est très profondément ancrée en nous et a créé une très forte complicité entre Dorothée et moi. Ce chemin commun se prolonge aussi hors les murs puisque je prends beaucoup de plaisir à souvent danser en gala avec elle. Elle est très généreuse et partage énormément. Cela va sans dire que pour un danseur jeune comme moi, c’est une chance qu’elle accepte de m’apporter toute son expérience, de me prodiguer ses conseils artistiques, techniques. De mon côté, je pense que je lui apporte un peu de peps, de fraîcheur, de renouveau à ce stade de sa carrière, déjà très riche.
J’ai aussi la chance d’avoir pu danser jusqu’à présent avec beaucoup de danseuses différentes, qui chacune m’apporte. Même si cela fait longtemps que nous n’avons pas partagé la scène, il se passait quelque chose avec Laura Hecquet, sur un mode certes plus contenu qu’avec Dorothée. Léonore, Hannah, bien sûr.
Je crois qu’il est bon, voire nécessaire, de construire des relations pérennes voire privilégiées avec des danseuses. Beaucoup construisent des carrières seuls mais il me semble que seul, on s’enrichit moins vite. Il y a d’abord une dimension très technique : être accompagné d’une partenaire permet de gagner beaucoup de temps dans la préparation des rôles – on connaît l’autre en tant que personne, on connaît son corps, on connaît ses préférences en termes de manipulation. Il y a aussi évidemment une dimension psychologique : on connaît mieux les réactions émotionnelles de l’autre et tout cela facilite la qualité et la profondeur des interactions. Et puis, la danse, cela se partage, tout simplement. Pour prendre des exemples que j’admire à l’Opéra de Paris, prenez Hilaire-Guillem ou Legris-Loudières : bien sûr chacun des quatre existait en tant qu’artiste individuellement et n’avait pas besoin de l’autre pour exister, mais je demeure convaincu qu’avoir partagé un long bout de chemin ensemble a magnifié leur Art. Alors bien sûr, j’adorerais un jour danser sur la table rouge du Boléro et ressentir la solitude de la transe en communion avec le public, mais ce qui fait le plus avancer, c’est pour moi le partage avec un partenaire en scène et le fait de vivre une histoire avec quelqu’un d’autre.
Et hors Opéra de Paris ?
Alors là, j’aurais beaucoup de mal à vous répondre ! Je m’intéresse beaucoup à ce qui se fait ailleurs, à comment les autres compagnies fonctionnent, mais dans la vie, je ne connais que très peu de danseuses d’autres compagnies. Et je crois que l’envie de construire quelque chose en scène vient aussi du fait de connaître l’autre, du fait d’aimer l’autre en tant que personne et pas forcément du fait d’aimer sa danse. Je n’arrive pas à partager un moment intense sur scène avec celles que je n’apprécie pas.
Évidemment, il y a des ballerines dont j’admire immensément la présence, le charisme, le sens artistique – par exemple Lopatkina, Nunez, Sylve et tant d’autres. Je ne les connais pas encore, alors nous projeter comme partenaires ? Je ne sais pas !
Et dans votre construction d’artiste, quel rôle joue l’émulation avec les autres danseurs ? On pense particulièrement à votre ascension parallèle avec Germain Louvet…
Ah, avec Germain, c’est étonnant : cette année, cela fait 10 ans que nous nous connaissons, c’est mon meilleur ami. À l’École de danse, il était tout le temps premier, j’étais deuxième ; pour notre promotion coryphées, j’étais premier, il était deuxième ; pour notre promotion sujets, il était premier, j’étais deuxième. Puis j’ai été promu 1er danseur, puis lui l’année suivante. Puis il a été nommé Étoile et je viens de l’être à quelques semaines d’intervalles. Même dans nos rêves d’enfants les plus fous, on n’imaginait pas aller si haut. Chacun et ensemble. La compétition professionnelle entre nous a toujours été présente, le succès de l’un entraînant presque mécaniquement une remise en question de l’autre. Mais je suis très fier – et à vrai dire très ému – que notre relation d’amitié personnelle ait pu être authentiquement préservée. Et je crois que nous nous sommes fait avancer l’un l’autre voire libérés l’un l’autre quand on a réalisé que nous sommes tellement différents en tant qu’artistes qu’il est très difficile de nous comparer.
Cela m’amuse et me flatte beaucoup de lire parfois qu’on nous compare à Laurent Hilaire et Manuel Legris, quand on sait les carrières incroyables qu’ils ont réalisées et les Étoiles immenses qu’ils ont été. Mais pour être honnête, je ne me rends pas encore totalement compte de ce que tout cela induit et du poids de la responsabilité que nous portons. J’ai été nommé il n’y a pas même un mois, alors je vous dirai ça dans 5 ans ! J’espère que nous y réussirons !
Vous avez été nommé dans le rôle de James (La Sylphide, Pierre Lacotte) lors de la tournée du Ballet au Japon, sur laquelle vous remplaciez Mathieu Ganio, blessé. La Sylphide, c’était la variation imposée lors de votre tout premier concours de promotion à l’Opéra, c’est une des variations que vous avez dansées au Prix international de Varna, où vous avez remporté la médaille de bronze, c’est le premier ballet que Mathieu Ganio a dansé en tant qu’Étoile… L’ironie de la vie ?
Oui, c’est vrai, c’est d’autant plus amusant qu’il n’était pas prévu que je sois de la tournée : j’étais programmé en Oberon sur Le Songe d’une nuit d’été pour la première et la diffusion dans les cinémas. Trois semaines avant la tournée, Aurélie Dupont m’a demandé si j’aimais les sushis et m’a proposé de remplacer Mathieu Ganio.
Mais lors des premières répétitions, tout ne coulait pas de source. D’abord parce que je n’ai pas compris tout de suite la subtilité du ballet de Pierre Lacotte et que je trouvais que le rôle de James très premier degré, celui d’un personnage naïf, boudeur, impulsif, trompant son Effie. Un Albrecht en plus nigaud et beaucoup plus antipathique. Il m’a fallu beaucoup parler avec Pierre Lacotte, Clotilde Vayer et Gil Isoart pour appréhender le personnage et me laisser séduire pour en construire une interprétation crédible en scène – d’ailleurs, rien n’est simple : le fait d’avoir 3 répétiteurs en même temps, s’il s’est avéré payant, a occasionné des petits frottements au début, chacun voulant m’apporter une vision différente… Tout au long de la préparation, Clotilde Vayer m’a aidé à affiner en profondeur ma compréhension et a été d’un très grand soutien, et je suis très heureux d’avoir pu bénéficier des indications précieuses et uniques de Ghislaine Thesmar (ndlr : créatrice du rôle de La Sylphide de Pierre Lacotte).
Ensuite parce que je n’avais pas dansé de grand rôle depuis Roméo en mai 2016. Alors, même si c’est un peu ridicule quand on a 23 ans et qu’on est en pleine forme, on se pose toujours des questions sur sa capacité à assurer ce type de rôles après une si longue période.
In fine, et ce n’était pas gagné, j’ai pris beaucoup de plaisir à le danser. Effet prise de rôle, effet Japon, effet première fois avec la danseuse étoile Amandine Albisson ?
J’ai aussi été très touché par l’accueil du public japonais : je craignais une sorte de déception de sa part puisque je n’étais là « que » pour remplacer Mathieu Ganio, qui est une véritable star au Japon. Il est certain que ma nomination crée un lien fort entre nos amis japonais et moi. Ce public qui est tellement respectueux et d’emblée chaleureux ! Le contraste avec une partie du public parisien, qui peut avoir tendance à être froid au point de quitter la salle dès le rideau baissé, est marqué !
Et tout s’enchaîne, à peine rentré de Tokyo, Oberon dans Le Songe de Balanchine ! Comment aborde-t-on Balanchine quand on mesure 1m92 ?
Je l’aborde beaucoup moins difficilement que ce qu’on imagine. Déjà, j’ai dansé beaucoup de Balanchine l’année dernière, par exemple pour l’entrée au répertoire de Duo Concertant, un ballet très vif, à toute berzingue, une très belle expérience. Je suis très grand mais une de mes qualités, c’est que je danse vite. Au début de notre travail sur Le Songe, la répétitrice Sandra Jennings n’a pas voulu de moi au prétexte que j’étais trop grand et que j’allais me blesser. Il m’a fallu me battre pour rester distribué, j’en avais envie parce que cela faisait longtemps que je n’avais pas abordé un rôle « consistant »((Oberon danse essentiellement le scherzo, 4 minutes d’enchaînement de pirouettes et petite batterie, le reste relevant surtout de la pantomime et de l’accompagnement de la narration)). Lors des premières séances de travail, je crois qu’elle a été convaincue. Mais la tournée au Japon a perturbé et interrompu ma préparation d’Oberon pendant un mois. Ma première répétition en scène, en costume devant la compagnie, le lendemain de mon retour du Japon, a été difficile : j’avais presque tout oublié… Pas très agréable de se montrer sous ce jour défavorable quand on vient d’être nommé Étoile !
Depuis que vous êtes premier danseur, vous vous consacrez à des rôles solistes. Comment préparez-vous vos prises de rôles ?
Je commence par un travail documentaire assez approfondi : en premier lieu, je me renseigne sur les lectures incontournables pour saisir les sources et avoir une compréhension globale du contexte. Ensuite, j’écoute beaucoup la musique dans le but de comprendre les lignes musicales pour mieux façonner mon interprétation du rôle. Et puis, au début, je regarde 5 ou 6 versions différentes du ballet pour en percevoir l’économie globale et capter les différentes approches ; je n’y reviens plus ensuite, tout le travail se concentrant dès lors sur la construction de mon interprétation.
Pour La Bayadère, il se murmure que vous avez préparé Solor en 5 jours ! Légende urbaine ? Difficile de faire tout ce travail préparatoire !
Pour Solor, je n’étais que remplaçant et il n’était pas prévu que je sois distribué. J’ai eu 5-6 séances de travail juste pour apprendre les pas et connaître la chorégraphie. Et puis un vendredi soir, on m’a appelé pour me dire que Mathias Heymann était blessé et que je devais danser le jeudi suivant avec Dorothée Gilbert. 5 jours de préparation violente et intense plus tard, je me retrouvais dopé par l’adrénaline le soir de ma première. Le deuxième spectacle a été un enfer pour moi : j’avais tout donné pour la première, je n’avais pas pu me remettre physiquement et l’angoisse de la fatigue m’a même fait rater des choses. J’ai ensuite eu 3 spectacles avec Laura Hecquet plus tard dans la série, que j’ai pu aborder plus sereinement. Pour la première phase de préparation, j’avais visionné les Solor de Nicolas Le Riche et José Martinez, mais tout s’est passé tellement vite : je me suis lancé dans le vide plutôt que je n’ai préparé !
Vous avez aussi une appétence claire pour les créations. Comment la préparation de ces grands rôles classiques nourrit-elle votre approche de la danse contemporaine – ou l’inverse, d’ailleurs ?
La technique classique m’apporte indubitablement une certaine confiance dans mon corps, donc une confiance en moi quand je me présente devant un chorégraphe que je ne connais pas.
J’ai eu la chance de participer à des créations à l’Opéra mais je ne peux pas dire qu’un chorégraphe ait créé sur ou pour moi avec un certain degré d’introspection. Je garde un souvenir inoubliable de la création de William Forsythe, Blake Works I (en juillet 2016), pour laquelle j’ai dû développer des capacités à danser différemment pour pouvoir m’adapter à la technique Forsythe, c’est une recherche artistique physique d’une certaine manière, mais ce n’était pas une recherche artistique émotionnelle à proprement parler. Cela s’est infléchi lors de la reprise du ballet à la rentrée suivante : là, je me suis plus approprié la partie dont j’étais le créateur et j’ai pu m’autoriser à moduler ça et là des choses en nourrissant la chorégraphie de mon propre ressenti – toujours en lien avec Forsythe et Lionel Delanoe. Ce travail de reprise, différent, a été très riche, et complémentaire du travail que j’ai pu faire sur les créations de Benjamin Millepied, où nous avons beaucoup échangé sur la musicalité.
Mais j’attends, comme tout danseur je crois, cette rencontre qui me conduira à travailler créer sur mes émotions. Et alors, peut-être que cela changera ma vision actuelle des rôles classiques.
Dans votre discours de réception du prix de l’AROP 2015, vous vous êtes posé en artiste citoyen, en revendiquant un rôle plus large « dans ces temps troubles ». Pourriez-vous nous en dire plus ?
Nous avons à l’Opéra la chance de travailler dans des conditions de confort matériel telles qu’on peut parfois avoir tendance à oublier que la vie, ce n’est pas que le Beau que nous fréquentons et créons au quotidien. Et l’Art n’est pour moi pas là uniquement pour « faire joli » et divertir. Compte tenu de la violence de notre environnement, l’artiste a un autre rôle à jouer, bien plus ouvert. C’est une chose à laquelle je réfléchis beaucoup.
Bien sûr, être danseur Étoile, c’est avoir des responsabilités vis-à-vis de la Compagnie, c’est jouer un rôle d’ambassadeur de l’Opéra de Paris et de la culture française au-delà des cercles d’initiés, mais j’ai envie de servir à autre chose que la danse stricto sensu. Que mon titre d’Étoile du Ballet de l’Opéra de Paris puisse y contribuer est clairement un objectif pour moi. Qu’il s’agisse de faciliter l’accès à la culture ou à l’éducation, d’aider d’autres artistes ou de penser des choses plus ambitieuses ?
Briller à l’Opéra de Paris, c’est très bien. Il faut aussi avoir pour ambition de rayonner dans un cercle plus ancré dans le réel. Une lourde responsabilité. Je ne sais pas encore comment rendre cela concret, mais c’est aussi une des raisons pour lesquelles je suis très heureux de désormais porter ce titre d’Etoile : suivant la manière dont on joue avec, il confère une certaine notoriété, une certaine popularité, qui peuvent permettre de faire bouger, modestement et à notre niveau, quelques lignes.
Au-delà de la danse, qu’est-ce qui vous nourrit en tant qu’homme ?
Je vais beaucoup à l’opéra et écoute beaucoup de musique. Je n’ai pas ce goût, que j’aimerais avoir, pour la lecture. Depuis peu, mon cercle de fréquentations personnelles s’est également élargi à des personnes baignant dans d’autres milieux que les milieux artistiques. Cela demande beaucoup d’efforts de s’ouvrir – les gens qui ne sont pas danseurs ne comprennent pas nécessairement toutes les contraintes de notre métier et de nos vies d’artistes – mais c'est absolument vital, m’enrichit énormément et me rend heureux.
Vous mentionnez l’opéra… et alors, dites-nous, vous aimez Wagner ?
Wagner, j’ai essayé… J’ai vu Le Vaisseau fantôme, j’ai écouté le début de Tristan et La Walkyrie, mais je ne pense pas être assez amateur d’opéra pour pleinement apprécier Wagner. Remarquez, j’ai vu la répétition générale de Lohengrin avec Jonas Kaufmann, et je dois dire que cela ne m’a pas déplu – mais en toute honnêteté, je suis allé voir Lohengrin pour entendre Jonas Kaufmann et non pour voir Lohengrin en soi ! Ça viendra sans doute !
Pour le moment, je suis plus touché par exemple par Pretty Yende dans Lucia. Et la Traviata d’Ermonela Jaho la saison dernière m’a ému aux larmes : je crois que là, ce petit bout de femme projetant une puissance fascinante incarnait ce qu’on entend par générosité dans l’Art, avec une vérité qui m’a bouleversé.
Hugo Marchand est à retrouver dans Oberon sur Youtube – Scherzo :
https://www.youtube.com/watch?v=vh5ev7LsARw
Par ailleurs, le 3 février 2021 est paru :
Hugo Marchand
Danser
Avec la collaboration de : Caroline de Bodinat
Arthaud
Hors collection - Récits et témoignages
Paru le 03/02/2021
224 pages - 134 x 220 mm
Couleur - Broché
EAN : 9782081445581
ISBN : 9782081445581
19,90 €
© Jack Devant : L'Histoire de Manon avec Dorothée Gilbert (gala des Benois de la danse, 27 mai 2015)
© Kiyonori Hasegawa, Opéra national de Paris : La Sylphide (3 mars 2017, Tokyo)
© Isabelle Aubert: Le Songe d'une nuit d'été (17 mars 2017, Opéra Bastille)
Wonderful interview !