Il est un des derniers enfants terribles arrivés sur les scènes lyriques où il se permet tout et le reste, décrivant un monde traversé par les violences et la déglingue, avec son regard acéré et direct, ses visions audacieuses, la justesse de ses intuitions. Et quand on le rencontre, on est frappé par un personnage hypersensible et hyperintuitif, à l’affût de tout, , s’exprimant avec force gestes dans un anglo-russe pas si cryptique… Et on vient à penser que cet ukrainien habitué des scènes russes vivant à Berlin depuis 15 ans est tout juste sorti d’une nouvelle de ses compatriotes Gogol ou Boulgakov.
Il vient de mettre en scène à Lyon pour le festival « Femmes libres » Le Château de Barbe-Bleue de Bartók dans une mise en scène, la première du genre, qui au lieu de mettre ensemble deux œuvres de même longueur, ce qu’on fait habituellement (par exemple à Paris avec La voix humaine) met ensemble l’œuvre avec elle-même dans deux visions qui se complètent et qui se reflètent au miroir déformant de la cruauté du monde et de l’amour absolu, et avec elles deux Judit différentes, et un seul Barbe-Bleue, le tout dirigé par un chef, Titus Engel soucieux de bien différencier les deux approches.
Cette expérience passionnante montre comment l’Opéra de Lyon met en scène l’innovation et offre au spectateur l’occasion de penser les relations entre musique et scène, dans une expérience stimulante de la complexité. C’est L’Opéra de Lyon le premier théâtre en France à avoir fait appel à Andriy Zholdak pour L’Enchanteresse de Tchaïkovsky en 2017, un énorme succès qui justifie pleinement d’avoir confié au metteur en scène ukrainien ce Château de Barbe Bleue très spécial, en « deux actes » selon une formule singulière que malheureusement les spectateurs ne découvriront en salle qu’en 2023. Mais dans la version digitale à partir du 26 mars, puisque le Festival est cette année (le dernier de Serge Dorny ès qualités) entièrement numérique.
C’est au terme de la première captation de la production que nous avons rencontré Andriy Zholdak , en une conversation chaleureuse et un peu échevelée, étonnante par certains aspects mais qui montre l’univers de l’opéra en fusion, en expansion, en explosion, d’une manière vivante et passionnante, loin du dessèchement élitiste où certains voudraient le confiner.
Le Château de Barbe-Bleue, Vendredi 26 mars à 20h, Medici.tv
Après Eugène Onéguine de Tchaïkovsky (à Saint Petersbourg au Michailovsky), Le roi Candaule de Zemlinsky (à Anvers et Gand) L’Enchanteresse de Tchaïkovsky encore (à Lyon), voici Le Château de Barbe Bleue. Vous avez beaucoup travaillé au théâtre et beaucoup moins à l’opéra. Qu’est-ce qui vous a poussé à vous intéresser à l’opéra ?
J’ai remarqué que la plupart de mes amis metteurs en scène qui font du théâtre, lorsqu’ils atteignent leurs années les meilleures, leurs années de maturité, après un certain temps passent à l’opéra. Je ne veux pas suivre leur exemple et continuerai à faire du théâtre. Ce sont deux arts différents.
Comment suis-je arrivé à l’opéra ?
Une de mes mises en scène « L’Idiot » de Dostoïevski avait beaucoup de succès à Saint Petersbourg et le directeur du Michailovski m’a dit « Andriy, c’est le moment de te mettre à l’Opéra ! ». On va faire La vie avec un idiot (Жизнь с идиотом) d’Alfred Schnittke ((Créé par Rostropovitch à Amsterdam en 1992)) . J’ai commencé à travailler le concept, on était en 2012, l’année de l’élection de Poutine. Dans L’Idiot, le personnage s’appelle Vova. Vova c’est un diminutif de Vladimir, le prénom de Poutine… Et du coup c’était comme si cela parlait d’autre chose, Vladimir Poutine…mais aussi Vladimir Lénine… Et le livret nous donnait plusieurs niveaux de lecture. On était très avancé dans la préparation de la production, et le directeur du théâtre a préféré renoncer, et en plus la musique de Schnittke était très contemporaine ! Alors il m’a dit qu’il valait mieux faire Eugène Onéguine de Tchaïkovsky ! (rires). Tout était presque prêt… Et j’ai répondu, « Onéguine n’est pas mon œuvre préférée» … Mais bon, j’ai fait la production. Et voilà qu’un metteur en scène ukrainien qui faisait sa première production lyrique, a ramassé tous les plus grands prix en Russie ! (rires).
C’est après cette expérience que j’ai commencé à ressentir de l’attirance pour l’opéra, à l’aimer. Je suis tombé amoureux de la musique et du chant. Le théâtre c’est comme un paysage de collines, l’opéra, c’est un paysage de montagnes, on monte dans les hauteurs, les cieux, les anges, et ça dépasse toute logique… Et maintenant j’adore.
Quelle est votre relation personnelle à la musique ?
Quand je mets en scène une pièce de théâtre je suis comme un chef d’orchestre. Je dis aux comédiens, « suivez ma main » ! Parce qu’une mise en scène doit avoir un rythme, un tempo. Je n’aime pas expliquer quand le suis en répétition. Il y a de grands metteurs en scène qui ont l’architecture de la pièce très solidement déjà prête dans la tête. Ce n’est pas mon cas. Parfois, je me sens au contraire comme un chamane quand je fais du théâtre et je réussis à utiliser des outils comme l’hypnose dans mes répétitions.
D’ailleurs j’ai passé trois mois chez les Sami en Finlande, très loin tout au Nord au milieu de milliers de rennes, j’ai pu voir leurs rituels, comment ils font pour guérir les malades, ou comment ils usent du sang des rennes. J’ai fait en Finlande Anna Karénine.
Après ça n’allait pas très bien, et on m’a trouvé un chamane au nord de la Norvège avec qui j’ai passé du temps. Et ce moment a été très important pour moi, j’ai vu des aurores boréales, comme une chose immense au-dessus de toi qui te fait sentir si petit. Et le chamane m’expliquait qu’à travers le son, il réussissait à influencer les gens. Et pour moi c’est très connecté au chant lyrique, à l’opéra. Tadeusz Kantor lui aussi était un chef d’orchestre, il dirigeait ses répétitions comme un chef d’orchestre. Je crois que si mes parents m’avaient fait faire de la musique j’aurais aimé être chef d’orchestre
On dit souvent que l’opéra est plus contraignant que le théâtre, comment votre liberté de créateur s’exerce-t-elle dans un art aussi codifié et aussi contraignant que l’opéra ? Est-ce que vous vous sentez aussi libre, moins libre, plus libre qu’au théâtre ?
J’ai une petite expérience de cinq opéras. Personnellement je ne m’y sens pas très libre. Mais j’ai deux sentiments contradictoires, la partition c’est un format très fort. Je suis un metteur en scène au tempérament volcanique, j’essaie de trouver une structure dans le chaos de la création. Et à un moment, je finis par trouver une règle. Mais c’est contraignant d’avoir le timing si précis d’une partition, comme des battements de cœur, chaque partition c’est une pulsion de vie. Je suis quand même content d’avoir une structure mise en place par la musique et par la partition, mais je suis mécontent de ne pouvoir intervenir sur cette structure, l’arrêter, ou la modifier.
Quand Serge Dorny vous a proposé le Bartók, quelle est la première chose que vous avez faite ?
La première chose que j’ai faite, c’est d’écouter la musique. Je n’ai pas voulu lire le livret tout de suite. Je connaissais plus ou moins le conte de Perrault mais c’est la musique qui m’a donné l’impulsion, qui m’a servi de tremplin. Je me souviens que je l’ai écoutée en voiture, je conduisais très très vite dans la nuit et cette musique m’accompagnait.
J’aime beaucoup Le Château de Barbe-Bleue, que ce soit avant et pendant les répétitions. Pendant six mois, on a travaillé le concept avec Georges Banu (le dramaturge) et Serge Dorny, ils m’ont aidé à analyser le texte et la structure du livret. Je me taisais et j’écoutais les autres pour me nourrir de leurs connaissances et de leur influence .
L’idée de faire deux fois l’œuvre est de vous ?
Non elle est de Serge Dorny. Et j’ai tout de suite été d’accord. Cela me faisait penser au film de Kurosawa, Rashômon (1950) où un meurtre est raconté quatre fois dans quatre perspectives différentes, un film littéralement magnétique. Et pour la deuxième partie cette référence était importante pour construire l’idée du personnage de Judit.
Comment avez-vous construit l’opposition entre deux Judit et un seul Barbe-Bleue ?
Pour moi c’était important d’avoir un seul Barbe-Bleue, le même personnage masculin, parce qu’on se dirige actuellement vers le matriarcat (rires), on vit encore les derniers soubresauts d’une période où les héros masculins sont les personnages principaux ; en littérature et dans les arts, c’est encore le pilier central de la structure de l’œuvre littéraire. Ensuite, dans tous les spectacles que je fais, que ce soit Shakespeare ou Bartók, je parle de moi. Cette part de moi, cette part secrète, je peux la raconter à travers l’œuvre d’un compositeur ou d’un écrivain. Je partage avec le spectateur cette partie intime de moi. Sans l’art, ce partage n’est pas possible. DostoIevski, à travers le Prince Mychkine ((NdR : L’Idiot)) ou Les frères Karamazov, se raconte. C’est pareil pour moi.
J’aimerais d’ailleurs dans l’avenir reprendre ce concept avec deux fois la même œuvre.
Je pense que l’opéra se construit comme en référence au passé, ça se répète à chaque fois différemment. Par exemple, hier on a eu une répétition avec piano et une avec orchestre. C’était tellement différent ! c’était incroyable comme la musique bougeait, changeait les choses, donnait une autre lumière dans l’une et l’autre version en revenant à une répétition avec piano après avoir travaillé avec l’orchestre… Répéter les mises en scène avec un piano seul, c’est bien trop réducteur. D’ailleurs on parle de « réduction pour piano », tandis qu’avec l’orchestre, on peut être mieux guidé dans la mise en scène.
Je pense que dans un avenir pas trop lointain, par la vertu d’un système numérique, on pourra répéter avec un orchestre… en isolant les instruments, en faisant entendre tel ou tel aspect. Il y aura sans doute des applications qui aideront ainsi notre travail de mise en scène.
Cela signifie que le chef d’orchestre doit aussi être là tout au long des répétitions scéniques, ce qui n’est pas toujours le cas.
Oui, lui personnellement ou un excellent assistant. Quand le chef d’orchestre arrive le ou les derniers jours et qu’on fait les répétitions avec quelqu’un d’autre, ça ne va pas du tout. Le travail dans ce cas ressemble à ce travail à la chaine où chaque travailleur ne fait que sa petite partie, sans avoir de vision d’ensemble. Chacun est maître de la pièce qu’il fabrique, mais seulement d’elle et n’a pas l’impression de faire partie d’un tout.
Alors comment avez-vous travaillé avec Titus Engel, comment avez-vous travaillé la musique dans la première et la deuxième partie ? Par exemple, au-delà du concept, les deux Judit, Eve-Maud Hubeaux et Victoria Karkacheva n’ont pas du tout la même voix et le chef doit adapter l’orchestre, sa couleur, son volume, son rythme à chacune des deux.
Absolument. J’utilise quelquefois des mots abstraits pour faire sentir la différence, mais j’ai expliqué aux chanteurs que la première partie, c’est comme un couteau qu’on aiguise sur une pierre et qui crisse et fait des étincelles. La voix doit être un peu inhumaine, glacée, incisive, coupante, et l’orchestre de même. Par contraste dans la deuxième partie, tout est dans l’humanité de la voix, sa chaleur, sa rondeur. Et l’orchestre doit le faire sentir.
Surtout dans la première partie, Titus m’a expliqué où étaient les moments culminants de la musique, des points délicats, les transitions, pour que cela se réponde au niveau scénique. On a très bien travaillé ensemble.
Et le prologue ? Je crois que vous n’avez pas repris le texte de Béla Balázs, pourquoi ?
Ce n’est effectivement pas le texte original, c’est un texte de la poétesse américain Louise Gluck ((NdR : Prix Nobel de littérature 2020)). Quand j’ai lu ce petit fragment sur Hadès ((Nous avons reproduit le texte de Louise Glück dans notre compte rendu du spectacle, lien ci-dessous)), j’ai pensé que c’était exactement l’histoire que je voulais raconter, exactement ce que je ressentais pour ce spectacle
Vous proposez un acte I d’une extrême violence, d’une extrême crudité. Vouliez-vous représenter le bout d’un chemin au-delà duquel on ne peut pas aller, une sorte de voyage d’Alice au pays des horreurs. Comment avez-vous vu cette première partie dans l’extrême, voire l’insupportable ? Une illustration du « Je t’aime, je te tue » ?
Absolument.
L’amour et la mort vont ensemble, la sexualité est liée à la mort et l’amour est lié à la mort. Dans le livret l’histoire est très cruelle : tout est là. Un homme attire une femme chez lui où il lui montre son univers, du beau et de l’horrible. Par exemple, les trois autres femmes qui sont là, qui vivent chez lui sous une forme ou une autre et qui restent enfermées.
Et c’est pourtant dans la deuxième partie que vous matérialisez l’idée du gouffre…comme si on était sur le point de tomber, au bord de la fin. Et en réalité les deux parties sont au bord du gouffre…
Oui. C'est bien le concept de ce spectacle et ma vision de l’œuvre.
Et quand vous montrez au début de la deuxième partie, Barbe-Bleue au bord du gouffre, on a l’impression que c’est en même temps la conclusion de la première, et donc que du coup la deuxième partie est en fait la dernière de la carrière de Barbe-Bleue…
Tout à fait, mais j’ai en même temps pensé à une troisième partie où Barbe Bleue attend une femme, très spéciale, parce que Barbe-Bleue attire les femmes, mais il a aussi besoin de ces femmes.
La troisième partie serait donc une Judit fantasmatique, un fantôme, un rêve ?
Oui, comme une sirène, comme la Sirène mythologique qui attire Ulysse par son chant, c’est le cœur de Barbe-Bleue qui doit guérir à travers ce chant, et ce chant doit le pénétrer et après il devient femme, comme une transformation… provoquée par ce chant qui l'a investi.
Vous vivez à Berlin mais vous êtes ukrainien, né à Kiev. Il y a une grande tradition du théâtre dans le monde slave, aussi bien en termes de présence de salles sur le territoire qu’en grands théoriciens. Comment vous situez-vous par rapport à cette tradition ?
La formation traditionnelle est très importante, mais j’ai aussi été formé par Anatoli Vassiliev qui était un très grand pédagogue et qui a d’ailleurs beaucoup travaillé en France. Vassiliev a été formé qaunt à lui par un des assistants directs de Stanislavski. C’est une filiation presque directe de Stanislavski, avec une chaine de transmission, qui passe par Knebel, l'héritier direct, puis Vassiliev et enfin Zholdak. Voilà la filiation dont procède ma formation, et dans cette école, ce qui importe, c’est le « quoi ? » c’est à dire l’action. On donne moins d’importance à la forme que dans les écoles occidentales, très soucieuses de comprendre la forme. Chez nous l’important c’est de creuser le texte aussi profond que possible et après on trouve la forme idéale qui sert le texte.
Le deuxième point c’est que je suis ukrainien et que la mentalité ukrainienne est différente de la mentalité russe. Gogol était ukrainien, Boulgakov avec sa métaphysique, était aussi ukrainien. Les grands créateurs ukrainiens ont une mentalité très spécifique, plus rêveuse. Alors il y a d’un côté ce sentiment concret de l’école russe de Stanislavski, et puis de l’autre ce caractère ukrainien qui est de rêver.
Pensez à cette image du cosaque qui est allongé et regarde le ciel étoilé, c’est un personnage qui dort et qui flotte au-dessus de la terre. Comme dans le spectacle la harpe qui vole dans le cosmos, cela renvoie à cette image.
Vous êtes loin de la distanciation brechtienne ?
Et vous, qu’en pensez-vous ?
Je pense que vous êtes d’abord dans l’émotion, directe, immédiate, voire violente, que vous demandez au spectateur d’être là, de plain-pied avec la performance, et donc loin d’une démarche brechtienne qui demande d’être en distance, et d’avoir une démarche analytique qui ne peut créer l’émotion qu’ensuite.
C'est tout à fait vrai.
Quand j’ai achevé ma formation avec Vassiliev, j’avais envie d’essayer d’autre chose, d’aller dans la direction opposée, et pendant cinq ou six ans, j’ai travaillé de manière très formelle, avec les masques, dans une très forte influence brechtienne. Les acteurs jouaient comme des marionnettes que je dirigeais. Et après je suis redevenu humain… (rires).
On dit et on lit beaucoup que la mise en scène aujourd’hui tue l’opéra et prépare sa fin. Êtes-vous un destructeur ?
Si on parle de l’opéra comme une bulle, alors oui, la mise en scène tue l’opéra, parce que l’opéra ne doit pas être dans une bulle. L’opéra c’est une chose magnifique même sans metteur en scène et la musique se suffit à elle-même sans metteur en scène.
J’ai vu un livre, ici à Lyon dans un magasin d’antiquités que je vais sans doute acheter, un livre sur la chute de l’Empire Romain, avec les gladiateurs, les assassinats et tout et tout… Lors des jeux, il y avait par exemple de grands décors, de vrais navires au milieu des arènes. Bien des metteurs en scène font ça aujourd’hui, ils construisent des navires sur la scène, pour distraire le public comme lors des jeux romains. Pour un public qui en a assez d’écouter, c’est un moyen de passer le temps. Dans notre première partie, il se passe tellement de choses sur scène qu’on n’entend plus la musique de Bartók tellement ce qui se passe est fort – enfin je le sens comme ça. Et dans la deuxième partie au contraire on a comme tout son temps. On entend pleinement la musique.
C’est donc aussi pour le spectateur un exercice d’écoute diversifiée… Mais la complexité scénique de la première partie est aussi une métaphore de la complexité musicale et de la profondeur de la partition. En montrant la complexité du sens, vous reflétez en même temps la complexité des notes. Vous "montrez" la musique en quelque sorte. La première partie est plus analytique (on est sans cesse obligé de jouer entre musique et scène), et la seconde plus synthétique, deux manières d’écouter la musique.
Oui, c’est très intéressant. C’est pourquoi ce choix de proposer deux fois l’opéra, c’est aussi montrer deux trajets différents pour écouter la musique. C’est une expérience aussi bien musicale que scénique.
C’est pourquoi je ne suis pas tout à fait d’accord avec vous quand vous dites que dans la première partie, il y a trop de choses en scène pour entendre la musique…
Dans la deuxième partie la musique entraîne, détermine ce que se passe en scène, tandis que dans la première partie c’est l’inverse, c’est la scène qui entraîne la musique. Si on me demande quelle partie je préfère, en tant que metteur en scène du XXIe siècle, je dirais que je préfère la première partie parce qu’elle est plus forte. La deuxième partie provoque en moi un autre sentiment.
Et vous quelle partie préférez-vous?
La première… (sourires entendus)
Et y-a-il des œuvres ou des compositeurs qu’on ne vous a pas proposés et que vous aimeriez mettre en scène ?
J’aimerais faire Britten, ou Janáček. J’adore la musique de Janáček. Et puis Lady Macbeth de Mzensk de Chostakovitch, ou Elektra de Strauss.
Voilà ce qui m’est le plus proche. J’ai travaillé il y a deux ans à Poznan en Pologne qui est un théâtre très connu, et je tenais à faire un spectacle en Pologne, comme Ukrainien. Une sorte de nostalgie personnelle. Ils m’ont proposé L’Elisir d’amore de Donizetti parce que c’était dans la programmation de saison avant même qu’ils ne me le proposent et c’était le seul créneau possible. Donizetti et moi, ce n’est pas le même monde, j’ai essayé dans tous les sens et j’ai beaucoup souffert, c’était très difficile. Pour moi la musique est comme une amoureuse, j’essaie de développer une relation comme avec une personne vivante, une relation de séduction. Si je n’ai pas cette relation amoureuse, cela ne va pas. Je vais faire Król Roger de Szymanowski à Salzbourg ce qui me va mieux…
Vous avez des idées d’opéras pour moi?
(rire) Dans le XXe siècle sans doute Die Soldaten de Zimmermann, mais aussi dans un genre tout différent, et à l’autre bout du répertoire L’incoronazione di Poppea, de Monteverdi… Enfin je vais y réfléchir… (rires de nouveau)
C’est la deuxième fois que vous travaillez à l’Opéra de Lyon, comment vous trouvez-vous dans ce théâtre très accueillant pour les metteurs en scène ?
J’aime beaucoup l’atmosphère de travail à Lyon, d’un point de vue technique, d’un point de vue administratif, pour tout ce qui concerne la production, ils sont très professionnels. J’ai travaillé au théâtre avec beaucoup de managers différents, au Japon, en Russie, en Allemagne, mais Serge Dorny est dans l’absolu le plus créatif que j’ai rencontré, dans le monde du théâtre aussi bien que dans l’opéra. C’est quelqu’un, comme on dit, « qui a du nez », très vite pour les artistes ou les tendances. Intuitivement, il sent très vite. C’est quelqu’un de très spécial, je n’en ai pas rencontré beaucoup de cette trempe.
Pour en savoir plus : svobodazholdaktheatre.com/, le site d’Andriy Zholdak où toute sa carrière est affichée, avec de nombreux extraits vidéo.
© Stofleth (Château de Barbe-Bleue, Lyon)
© Wanderersite (Titre)
© Website svobodazholdaktheatre.com