Johann Simon Mayr (1763–1845)
Messa di Gloria en mi mineur (vers 1820–34)
Messa di Gloria en fa mineur (vers 1820)

Dorota Szczepańska (soprano)
Anna Feith (soprano)
Freya Apffelstaedt (alto)
Maria Grazia Insam (alto)
Markus Schäfer (ténor)
Fang Zhi (ténor)
Thomas Stimmel (basse)
Elia Merguet (basse)

Simon Mayr Chorus
Concerto de Bassus
Direction musicale : Franz Hauk

1 CD Naxos 8.575293 TT 80'09"

Enregistré du 23 au 27 juin 2019 à l’Asamkirche Maria de Victoria, Ingolstadt (Allemagne

Le chef Franz Hauk poursuit son exploration du répertoire sacré de Johann Simon Mayr avec deux œuvres enregistrées pour la première fois au disque : la Messa di Gloria en mi mineur et la Messa di Gloria en fa mineur. A la tête du Concerto de Bassus, il fait entendre des partitions qui mêlent à l’écriture belcantiste quelques emprunts classiques (mozartiens même) et qui ne manquent pas d’éclat grâce à un travail d’orchestration très précisément réalisé, mettant en valeur les couleurs de l’orchestre. Si la prestation des chanteurs manque un peu de densité pour totalement convaincre, le résultat est tout à fait soigné et rend justice à un compositeur laissé bien longtemps dans l’oubli.

Johann Simon Mayr fait partie de ces compositeurs un peu malheureux qui, en dépit d’un grand succès de leur vivant et d’une œuvre prolifique – dans le cas de Mayr, plus de 600, dont 70 opéras ! – n’ont pas réussi à s’imposer durablement et à marquer la postérité. Il faut dire que Mayr était l’héritier de Haydn et de Mozart et que ses successeurs directs avaient pour nom Donizetti ((En 1805, Mayr avait créé les Lezioni caritatevoli di musica (Leçons charitables de musique), qui offraient à douze jeunes élèves des cours de musique. Gaetano Donizetti fut l’un d’entre eux, et le plus célèbre. Il collabora d’ailleurs à certaines œuvres de son maître.)) ou encore Rossini : quel que soit son mérite, servir de chaînon entre l’apogée de l’ère classique et le sommet du belcanto est une tâche bien ingrate.

Mayr a malgré tout la chance d’être ardemment défendu au disque par le chef allemand Franz Hauk, qui en ressuscite les œuvres avec énergie et passion : spécialiste de musique sacrée (sa thèse portait sur la musique d’église à Munich au début du XIXème siècle), il a déjà enregistré vingt-cinq albums consacrés au compositeur pour le label Naxos et fondé en 2003 le Simon Mayr Chorus, qui l’accompagne dans sa redécouverte de ce répertoire. C’est donc sous ce label et avec ces choristes que le chef a reconstitué et enregistré la Messa di Gloria en mi mineur (composée aux alentours de 1820–34) et la Messa di Gloria en fa mineur (composée vers 1820) : deux œuvres aux formats assez différents puisque la première dure une heure et la seconde à peine plus de vingt minutes. On ne s’étonnera donc pas que l’une laisse la part belle aux chanteurs dans de longues interventions solistes tandis que l’autre se présente sous une forme beaucoup plus dense – mais non moins soignée –, où le quatuor vocal porte l’œuvre de manière plus homogène.

Si l’on voulait tenter de décrire la musique de Mayr, on y soulignerait certains emprunts très mozartiens – Mayr et Mozart avaient seulement sept ans d’écart – et un emploi tout à fait classique de la forme fuguée (le Kyrie de la Messa di Gloria en mi mineur !) ; on relèverait également l’influence germanique dans le travail d’orchestration et certains usages des cuivres et des vents, car si Mayr ne fait pas toujours preuve dans ces deux œuvres d’une grande inventivité mélodique, il sait donner des couleurs à l’orchestre et faire dialoguer les instruments et les voix. C’est le cas de manière frappante dans la Messa di gloria en mi mineur où le violoncelle (« Christe »), le cor (« Domine Deus »), le violon (« Qui sedes »), la flûte et le basson (« Qui tollis ») solos construisent un dialogue très serré avec les chanteurs : de la musique sacrée à la musique concertante il n’y a qu’un pas, que Mayr n’est jamais loin de franchir.

Les deux œuvres n’en sont pas moins tout à fait italiennes dans leur traitement belcantiste des voix et l’énergie rayonnante qui se dégage de l’écriture. Le compositeur n’oublie pas de laisser à ses chanteurs des occasions de briller dans les airs solistes, mais sans excès virtuoses : la musique de Mayr est ici un savant équilibre que Franz Hauk et le Concerto de Bassus mettent assez admirablement en valeur par l’attention qu’ils portent aux détails d’orchestration, sans jamais mettre à mal le dessin mélodique de la phrase. Les solos sont tous bien tenus, et les cuivres trouvent particulièrement l’occasion de se faire entendre dans ces partitions (on pense au « Kyrie » de la Messa di gloria en fa mineur par exemple). De manière plus globale, l’orchestre est un soutien pour les chanteurs et un moteur : c’est lui qui dans cet enregistrement déploie le plus d’énergie et brille le plus par sa présence et la densité de son dont il fait preuve.

Le Simon Mayr Chorus et les solistes ne déméritent pas pour autant ; mais les voix manquent globalement d’ampleur, d’épaisseur, de caractère chez les choristes comme les solistes, en particulier dans la Messa di gloria en mi mineur. La soprano Dorota Szczepańska possède une voix plus corsée que ses collègues qui lui permet d’être plus présente dans ses nombreuses interventions, et Freya Apffelstaedt parvient à s’affirmer dans le « Cum sancto » ; mais le ténor Markus Schäfer reste le plus sollicité dans les deux œuvres et, en dépit de qualités musicales évidentes (la ligne est toujours parfaitement phrasée, avec beaucoup d’élégance), on regrette que la voix soit souvent allégée et ne déploie pas davantage de densité. Même remarque vaut pour la basse Thomas Stimmel, qui gère parfaitement les vocalises du « Domine Deus » (Messa di gloria en mi mineur) mais semble rester en retrait. Le résultat demeure équilibré, soigné, mais pas suffisant pour une musique qui met autant en valeur les voix. La Messa di gloria en fa mineur pose en revanche moins problème puisqu’elle possède moins de longues interventions solistes, et l’effet de groupe semble encourager les chanteurs à une présence plus affirmée. Mais on aurait pu espérer un peu plus, d’autant que l’orchestre ne manque pas d’énergie à leur insuffler.

Cet album constitue ainsi une belle découverte de deux œuvres enregistrées pour la première fois, et qui participent à mettre en lumière Johann Simon Mayr et sa production dans le répertoire sacré. Le mérite en revient amplement à Franz Hauk, aussi bien pour son travail de reconstitution des partitions que pour son travail à la tête d’un Concerto de Bassus qui rend amplement justice au compositeur, désormais bien représenté au disque.

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Claire-Marie Caussin
Après des études de lettres et histoire de l’art, Claire-Marie Caussin intègre l’Ecole des Hautes Etudes en Sciences Sociales où elle étudie la musicologie et se spécialise dans les rapports entre forme musicale et philosophie des passions dans l’opéra au XVIIIème siècle. Elle rédige un mémoire intitulé Les Noces de Figaro et Don Giovanni : approches dramaturgiques de la violence où elle propose une lecture mêlant musicologie, philosophie, sociologie et dramaturgie de ces œuvres majeures du répertoire. Tout en poursuivant un cursus de chant lyrique dans un conservatoire parisien, Claire-Marie Caussin fait ses premières armes en tant que critique musical sur le site Forum Opéra dont elle sera rédactrice en chef adjointe de novembre 2019 à avril 2020, avant de rejoindre le site Wanderer.

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