Giuseppe Verdi (1813–1901)
Aida (1871)
Opéra en quatre actes
Livret d'Antonio Ghislanzoni sur un projet d'Auguste Mariette Bey et un scénario de Camille du Locle
Créé le 24 décembre 1871 au Théâtre Khédival de l'Opéra du Caire

Dmitry Matvienko, direction musicale
Shirin Neshat, mise en scène

Christian Schmidt, décors
Tatyana van Walsum, costumes
Felice Ross, lumières
Dustin Klein, chorégraphie
Yvonne Gebauer, dramaturgie

Krzysztof Bączyk, Il Re
Judit Kutasi, Amneris
Ewa Płonka, Aida
Gregory Kunde, Radamès
Alexander Köpeczi, Ramfis
Roman Burdenko, Amonasro
Manase Latu, Un messaggero
Margarita Polonskaya, Sacerdotessa

Chœur de l’Opéra national de Paris
Cheffe des chœurs : Ching-Lien Wu

Orchestre de l’Opéra national de Paris

Production créée au Festival de Salzbourg (2017), reprise en coproduction avec le Teatre del Liceu, Barcelone

Aida fera l’objet d’une captation, réalisée par Mathilde Jobbé-Duval, produite par l’Opéra national de Paris, avec le soutien de la Fondation Orange, mécène des retransmissions audiovisuelles de l'Opéra national de Paris pour une diffusion en direct le 10 octobre 2025 à 19h30 sur Paris Opera Play, la plateforme de l’Opéra national de Paris.

Aida sera enregistré par France Musique pour diffusion le 8 novembre 2025 à 20h dans l’émission « Samedi à l’Opéra » présentée par Judith Chaine, puis disponible en streaming sur le site de France Musique et l’application Radio France.

 

Paris, Opéra national de Paris – Bastille, mercredi 22 octobre 2025, 19h30

La nouvelle production d’Aida présentée jusqu’au 4 novembre à l’Opéra Bastille a pour but de faire oublier les sinistres versions antérieures respectivement signées Olivier Py (voir le compte-rendu du Blog du Wanderer) et Lotte de Beer. Ces navrantes lectures sorties de deux cerveaux mus uniquement par la provocation gratuite et le plaisir de saccager une œuvre clé du répertoire lyrique, ont heureusement poussé le directeur des lieux à faire venir une mise en scène vue pour la première fois au Festival de Salzbourg en 2017. Reprise et remaniée par son autrice Shirin Neshat, cette Aida modernisée et contemporaine colle à notre actualité pour montrer la triste permanence des faits et atteint son but en respectant un ouvrage trop souvent dénaturé.

Aida, Opéra national de Paris 2025

Donner carte blanche à un artiste pour qu’il vienne créer Aida à l’Opéra national de Paris était trop risqué. Pour faire oublier les délires d’Olivier Py et de Lotte de Beer, Alexander Neef a donc préféré inviter la metteuse en scène Shirit Neshat à reprendre le spectacle qu’elle avait conçu en 2017 pour le Festival de Salzbourg et repris en 2022. L’artiste d’origine iranienne qui vit à New York est venue tardivement à l’opéra, plus connue pour son travail de plasticienne, de photographe ou de cinéaste. Contrainte à fuir son pays à l’heure de la révolution islamique, exilée comme Aida, elle est une ardente défenseuse des droits des femmes et questionne dans chacune de ses œuvres les problématiques liées au pouvoir, à la religion et aux relations passé/présent, Orient et Occident. Ainsi a‑t‑elle trouvé avec Aida matière à s’interroger sur les guerres et la souffrance des vaincus au point d’en faire le thème principal de sa lecture modifiée et enrichit depuis 2017.

Aida, Opéra national de Paris 2025

Si le très beau décor n’a pas changé, un cube immense qui tourne sur lui-même, se divise en deux selon les besoins, de nouvelles vidéos de plages, de mer, de désert, de cortèges d’exilés, de femmes voilées et d’exactions physiques de vainqueurs sur leurs prisonniers, projetées sur ses faces, ont été ajoutées. Au hiératisme de la mise en scène où chaque déplacement devient procession, où les ballets sont remplacés par des scènes de sacrifice quasi rituelles, répond un cadre scénographique à l’esthétique très affirmée où costumes, couleurs et lumières sont extrêmement maitrisés.

Aida, Opéra national de Paris 2025

La tenue et les bijoux trop voyants portés avec ostentation par Anna Netrebko en 2017 ont été remplacés par une unique robe noire plus appropriée à l’esclave qu’est devenue Aida, arrachée à sa terre natale. Amneris a perdu ses larges colliers, Radamès ressemble davantage à Mao Zedong qu’à un soldat égyptien et l’on ne s’attendait pas ce que les prisonniers éthiopiens soient exécutés sans sommation à la fin du Triomphe, scène glaçante choisie pour Paris. Sans doute plus libre qu’à Salzbourg ou Riccardo Muti tenait les rênes de l’orchestre et devait avoir son mot à dire sur la production, Shirin Neshat peut donc souligner plus ouvertement l’orgueil nationaliste des Égyptiens sur les Ethiopiens et montrer la force de l’oppression exercée par les vainqueurs sur les vaincus. Dans ce contexte, Aida soumise aux Égyptiens n’en est que plus désemparée lorsqu’elle doit choisir entre son amant et sa patrie ; Amneris bien que du côté des plus forts souffre en tant que femme de ne pas être aimée par celui qu’on lui destine et sa révolte contre l’oppression religieuse n’en sera que plus douloureuse lorsque Radamès reconnu coupable de trahison est condamné à mort. Des éléments dramatiques et psychologiques que révèle avec finesse la direction engagée de Dmitry Matvienko, jeune chef de talent qui succède en fosse à Michele Mariotti. Jouée sans lourdeur, de façon harmonieuse et rigoureuse, la partition respire jusqu’en dans ses moindres détails, magnifiée par l’intervention de somptueuses parties chorales.

Aida, Opéra national de Paris 2025

Ewa Płonka a les moyens d’Aida, sa longue et régulière voix, homogène sur toute la tessiture suivant plutôt bien les sinuosités d’un rôle où la nuance est de mise. Les amateurs de timbre rare et de personnalité vocale plus franche, comme celle d’une Sondra Radvanovsky magistrale à Paris chez Py et de Beer, resteront cependant sur leur faim. Julia Kutasi est une bien décevante Amneris, comédienne banale et musicienne insuffisante, qui chante faux jusqu’au 4ème acte où elle se décide enfin à rétablir le diapason mais en se satisfaisant d’un trop plein de décibels. Le temps n’a pas de prise sur le chant glorieux de Gregory Kunde, Radamès à l’émission ardente, à l’aigu puissant et aux sfumature inaltérées qui font tout le sel de ce personnage. Roman Burdenko est tout à fait convenable en Amonasro chef de guerre intraitable, sans toutefois rivaliser avec les fastes d’un Ludovic Tézier. Krzysztof Baczyk est un noble Roi, Alexander Köpeczi un honorable Ramfis, Margarita Polonskaya une bonne Grande Prêtresse et Mabase Latu en Messager, tient son rang avec dignité.

Aida, Opéra national de Paris 2025

NdR : Ci-dessous les compte-rendus des productions précédentes de Aida (Salzbourg 2017, Paris 2021) qui reflètent d’autres regards…

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François Lesueur
Après avoir suivi des études de Cinéma et d'Audiovisuel, François Lesueur se dirige vers le milieu musical où il occupe plusieurs postes, dont celui de régisseur-plateau sur différentes productions d'opéra. Il choisit cependant la fonction publique et intègre la Direction des affaires culturelles, où il est successivement en charge des salles de concerts, des théâtres municipaux, des partenariats mis en place dans les musées de la Ville de Paris avant d’intégrer Paris Musées, où il est responsable des privatisations d’espaces.  Sa passion pour le journalisme et l'art lyrique le conduisent en parallèle à écrire très tôt pour de nombreuses revues musicales françaises et étrangères, qui l’amènent à collaborer notamment au mensuel culturel suisse Scènes magazine de 1993 à 2016 et à intégrer la rédaction d’Opéra Magazine en 2015. Il est également critique musical pour le site concertclassic.com depuis 2006. Il s’est associé au wanderesite.com dès son lancement

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