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    Rencontre avec Vincent Baudriller, directeur du théâtre de Vidy-Lausanne

    Vincent Baudriller, directeur de Vidy : « C’est être un endroit à la frontière que je trouve intéressant »

    Guy Cherqui — 15 juin 2025
    Rencontre intervenue le mardi 20 mai à Vidy.

    Les vrais amateurs de théâtre connaissent le Théâtre de Vidy-Lausanne, en dehors du public naturel du canton de Vaud et de la ville de Lausanne. C’est en effet une institution historique, née il y a 61 ans autour de Charles Apothéloz (1922-1982), qui a persuadé les autorités de préserver des bâtiments « éphémères » de l’Exposition Nationale. Le Théâtre de Vidy était né et l’éphémère de métal et de verre s’est consolidé pour devenir définitif. Après Charles Apothéloz, Franck Jotterand, Pierre Bauer et Jacques Bert, puis Matthias Langhoff (de 1989 à 1991) et surtout René Gonzalez (1990-2012) après une brève apparition comme directeur de l’Opéra-Bastille (à l’époque où on le voulait populaire), ont fait de ce théâtre un lieu à la fois local et fortement international, un lieu de production et de création et surtout de bouillonnement culturel.
    À la mort de René Gonzalez, emporté par la maladie, c’est Vincent Baudriller qui lui succède en 2013, ayant terminé son mandat de co-directeur du Festival d’Avignon (avec Hortense Archambault, actuelle directrice de la MC93 de Bobigny) entre 2004 et 2013, un mandat marqué par une exploration systématique de tout ce que la scène peut offrir de neuf, mais aussi de discutable, de dérangeant, dans tous les domaines du spectacle vivant et qui a durablement marqué l’histoire du festival.
    Ainsi donc Vincent Baudriller, né en 1968, pilote depuis 12 ans ce navire singulier qu’est Vidy-Lausanne, une petite Cité du théâtre avec cinq salles, un espace convivial et serein au milieu d’un parc au bord du Léman, un espace aussi où l’on peut se restaurer, étudier, travailler au soleil, ou dans la salle commune, autour de laquelle s’organisent les salles de spectacle et de répétitions. Un lieu d’une étonnante sérénité, un vrai lieu de bonheur des spectateurs des divers spectacles qui se croisent, discutent autour d’un verre, un lieu où immédiatement on a envie de passer du temps.
    C’est à l’occasion d’une des représentations de « Le Sommet », de Christoph Marthaler, l’un des metteurs en scène fétiches de ce théâtre, et que Vincent Baudriller avait aussi amené précédemment à Avignon, qu’il m’a longuement reçu, pour une conversation à bâtons rompus autour de Vidy, évidemment, mais aussi du théâtre aujourd’hui et de son avenir, des artistes consacrés ou de tous ceux qui émergent et laissent bien espérer de l'avenir du théâtre.

    Vidy, carrefour du théâtre européen
    Guy Cherqui


    Ma première question sera générale : que représente Vidy dans l’écosystème théâtral et culturel suisse ?

    Vincent Baudriller
    Charles Apothéloz (1922-1982)

    Vidy a une place historique, dans le sens où c'est un des rares théâtres de création et c'est un théâtre de production. C'est un théâtre de création où il y avait des productions depuis Charles Apothéloz depuis 1972 quand il descend le théâtre qui était là où est l’Opéra de Lausanne aujourd'hui pour le descendre dans cette salle qui date de l'Exposition Nationale de 1964. Quand Langhoff arrive en 1989, il en fait un théâtre de création de dimensions européennes, en amenant la dramaturgie allemande et aussi une révolution dans le rapport au théâtre et dans les enjeux du théâtre qui bouleversent un peu tout le regard et les habitudes de ce théâtre-là.

    René Gonzalez (1943-2012)

    Et puis après, arrive René Gonzalez appelé par Langhoff et qui reste après son départ pour suivre ce développement en augmentant l’activité de l'activité de tournées.
    Ainsi quand j'arrive en 2013, il y a ici d'un des rares un théâtre de création, un théâtre de production et qui fait tourner ses œuvres. Et ça dans l'écosystème suisse, c'était quasiment unique et c'est devenu une des plateformes fortes de production en Europe. Et avec l'équipe qui m'accompagne, on a vraiment continué de développer ça en l’élargissant encore.
    C'est-à-dire que ce que je trouvais intéressant dans la situation géographique de Vidy, c'est qu'on est à la frontière de deux grands systèmes de théâtre européen, le système de production qui commence à Lausanne en gros, et qui va jusqu'à Londres et Madrid en passant par Paris, au Rome. Donc il y a le théâtre où on rassemble une équipe artistique, on monte et on répète un projet, on le crée, on le tourne, puis après l'équipe se disperse.
    Et de l’autre côté, à partir de Berne, jusqu'à Berlin ou Moscou, c'est le cadre du Stadttheater de répertoire.

    GC

    C’est un peu comme la géographie systémique de l’opéra

     

    VB

    Oui, effectivement, et donc cette frontière-là n’est pas seulement intéressante en soi, on est aussi entre ces deux cultures, c'est-à-dire qu'on est très connectés à la culture du théâtre suisse alémanique, du théâtre allemand, du théâtre nord-européen, et on est très connectés au théâtre latin. Et c’est être un endroit à la frontière que je trouve intéressant, dans le projet de développement, c'est vraiment d'être un théâtre suisse, mais pas seulement un théâtre romand. Cela signifie inviter régulièrement des artistes suisse-allemands, pour venir créer à Vidy, et aussi des artistes du Tessin, et donc vraiment d'inviter des spectacles des trois grandes régions de Suisse. Et ça aussi, c'est vraiment une singularité, il n'y a quasiment aucun autre théâtre en Suisse qui le fait avec cette ampleur, et c'est vraiment une chose que j'ai essayé de développer.

    Quand on a rénové le foyer du théâtre, on s’est dit qu'on allait s'amuser à mettre un nom emblématique au bar, on appelle ça La Kantina, avec un K pour faire comme Kantine en allemand, qu'on a ajouté un A pour donner tessinois et romanche. Et donc, ça raconte un petit peu cette identité.

    GC

    Des exemples ?

    VB

    Dans les artistes un peu maison qui viennent souvent ici, il y a par exemple Christoph Marthaler, un artiste suisse avec lequel j'avais déjà établi une forte relation avant d’arriver à Vidy. On avait créé une grande complicité à Avignon, il avait été un artiste associé en 2010. Après Avignon, j'arrive ici, et le premier spectacle que je présente ici, c'est un spectacle de Marthaler, King's Eyes, qu'on venait de présenter à Avignon. Et puis la première production qu'on fait tourner, c'est une coproduction avec le Theater Basel, qui est Das Weisse vom Ei (L’île flottante) après Labiche et qui tourne, et qu'on a fait tourner, et de nouveau, on a permis à un spectacle de Christoph Marthaler de tourner.

    Christoph Marthaler

    Donc, voilà un artiste qui travaille habituellement dans les Stadttheater, en dehors de son travail à l'opéra. Et quand il travaille dans les Stadttheater, soit la Volksbühne de Berlin, soit le Deutsches Schauspielhaus de Hamburg, ou au Theater Basel, ses spectacles tournent très peu. Il faut être un grand festival comme Avignon, le festival d'automne à Paris, qui peuvent se payer trois dates, et c'est vraiment beaucoup d'argent, parce qu’un Stadttheater en voyage, c'est des camions et des camions, et des techniciens en grand nombre : ça coûte très cher.
    En revanche, quand nous produisons un Marthaler, nous avons l'agilité de la tournée : ainsi donc on tourne à trois ou quatre techniciens, et pas à quinze. On rend donc plus facile la circulation de ses œuvres, et on élargit l'accessibilité du théâtre de Christoph Marthaler à des lieux et des villes qui n'ont pas forcément les moyens de se payer un grand Stadttheater.

    C'était un petit peu la stratégie qu'on avait mis en place pour L’île flottante en 2014-2015. C’est aussi ce qu'on a fait, par exemple, quand on a produit ce petit bijou qu’était Aucune idée, le spectacle avec Graham Valentine et Martin Seller en 2021.

    GC

    Je suppose que c’est cette idée qui préside au projet actuel, « Le Sommet » ?

     

    VB

    Oui, c'est la même idée qui nous anime quand on produit « Le Sommet ». On s’est mis à trois co-producteurs européens, la MC93 de Bobigny, dirigée par Hortense Archambault qui était avec moi à Avignon, le Piccolo Teatro di Milano, et c'est nous qui faisons la production déléguée, on construit les décors, on répète ici et Christoph passe ici des semaines, ici, à Vidy et puis le projet tourne.

    Derrière cette idée, il y a aussi la volonté d’accompagner un grand artiste suisse, de le produire, de le montrer ici en Suisse romande. Marthaler n'était venu qu'une seule fois à Lausanne, avant mon arrivée, René Gonzalez avait invité Lina Boeglis Reise (Le Voyage de Lina Boegli). Ça a été trois, quatre jours, mais c'est tout.
    Quand je suis arrivé, je pensais que c'était un grand nom que tout le monde connaissait Marthaler, mais en fait, en Suisse romande, il n'était pas un artiste si connu, parce qu'il n'était venu qu'une fois, en 1996. Et maintenant c’est un habitué.

    Et donc on a poursuivi cette idée, on invite désormais aussi chaque année quelqu’un comme Stefan Kaegi qui est Soleurois dont on produit chaque année quasiment un spectacle ;  on invite aussi toutes les productions du théâtre indépendant que fait Thom Lutz qui est une sorte de petit fils de Marthaler dans le théâtre allemand. Donc voilà, cette connexion forte avec la scène suisse allemande nourrit beaucoup le théâtre de Vidy.

    Thom Lutz

    Si on prend Thom Lutz par exemple, il n'est quasiment jamais venu en France, en Espagne, en Italie. On l’invite alors à Vidy dans un moment un peu fort, un peu festivalier « Tempo forte » où on arrive à faire venir pas mal de programmatrices et programmateurs de France, d'Espagne, d'Italie.

    Thom Lutz a été révélé à cette partie de l'Europe en étant à Vidy. Donc cette position un peu stratégique entre ces deux cultures, parce que la Suisse a la chance d'avoir ces différentes cultures linguistiques mais aussi théâtrales et ça nous permet d'essayer de jouer ce rôle un petit peu carrefour qui est une chose qu'on a beaucoup développé et qui me semble intéressante.

    GC

    Et par rapport à la France, à part le fait que vous coproduisez avec des institutions françaises, comment se construisent ces « regards croisés » ?

    VB
    Vincent Baudriller

    Là aussi, on est un peu à un endroit de nouveau frontière. Évidemment, culturellement, la Suisse romande est très connectée à tout l'espace francophone, donc à la France et à la Belgique francophone.
    On travaille beaucoup en réseau et avec toutes les institutions, on se voit régulièrement pour parler projets, puis là, on fait partie du même territoire de la même aire linguistique. On est effectivement un point de lien très fort avec des artistes français, soit qu'on produit, donc il y a des longues complicités à une époque avec Vincent Macaigne, avec Christophe Honoré, on produit les spectacles de théâtre de Christophe Honoré depuis Avignon, où on avait produit le Victor Hugo, Angelo Tyran de Padoue en 2009 et puis en 2012 Nouveau roman. On a continué ici avec Les Idoles et Le Ciel de Nantes, puis là, on prépare pour la rentrée son prochain spectacle Bovary Madame, à partir du roman de Flaubert, donc on produit ici, on est en train de construire le décor, et on va répéter ici.

    Ainsi offrons-nous ici vraiment une plateforme de production pour certains artistes français, et un endroit d'accueil aussi pour faire découvrir un petit peu les grands metteurs en scène, les metteuses en scène françaises ici en Suisse romande, comme Julien Gosselin qui dirige aujourd'hui l'Odéon, Marion Siéfert qui est une des metteuses en scène talentueuses d’aujourd’hui, ou Stanislas Nordey. Ce sont des artistes qui viennent souvent ici, c’est une façon aussi d'être aussi un coin un petit peu important du théâtre français.

    François Gremaud

    De notre côté, on accompagne des artistes suisses qui ont une grande créativité, sur la scène de Suisse, notamment en Suisse romande, notamment des artistes un petit peu décalés, comme François Gremaud. On crée ses spectacles ici, et comme Vidy a une visibilité internationale forte, c'est vrai que lorsqu’on programme ici des artistes suisses romands qui commencent à être un peu reconnus, et cela fait accélérateur en termes de visibilité. Si l’on prend pour exemple François Gremaud, je lui avais commandé un spectacle pour aller dans les classes, c'était un petit Phèdre qu'on a joué dans les classes des gymnases comme on dit ici, en Suisse romande (NdR : les lycées), et on en est à la 600e date de tournée, parce que tous les théâtres français et d'ailleurs ont voulu l’inviter, et donc François Gremaud a connu une espèce de visibilité comme ça énorme, et c'est un spectacle qui a tourné partout.

    Puis il y a eu après l'exploitation suivante qu'il a fait sur le ballet Giselle… ou sur l'opéra Carmen. Là aussi il a répété ici, on a coproduit, il a créé ici, puis après avec ses compagnies il est parti tourner, puis maintenant il fait partie du paysage européen.
    Donc cette idée d’être une plateforme de visibilité joue donc aussi pour l'artiste suisse romand par rapport à la France, et il y a un lien solide renforcé par la récente transformation de la Comédie de Genève ces dernières années, avec qui on a beaucoup de relations et qui sont ainsi deux points forts qui font lien entre l'espace francophone et la Suisse romande.
    Mais ce que je trouve intéressant c'est aussi de cultiver la singularité des artistes de Suisse romande qui font un théâtre assez décalé par rapport aux créations françaises, et je trouve que c'est une confrontation vraiment stimulante.

     

     

    GC

    Justement, comment fonctionne le théâtre en Suisse, enfin, non pas au niveau des institutions comme la Comédie de Genève, Vidy ou d'autres théâtres, mais comment émergent les artistes ? Il y a des compagnies, ça fonctionne un peu comme en France ?

     

    VB

    Oui, tout à fait. La différence est que la Suisse romande est un territoire tout petit par rapport à la France, c'est comme une région française, et aussi avec la singularité de la Suisse par rapport à la France, qui est la cherté de la vie, tout est deux fois plus cher en Suisse, et donc une production suisse est plus chère qu’une production française, les salaires sont plus élevés etc… et c'est toujours plus difficile pour l'artiste suisse d'aller pouvoir tourner facilement dans toute la France ou la Belgique. Donc souvent, c’est un petit peu étroit pour les compagnies qui tournent en deux, trois villes en général, et puis après, ils doivent faire un nouveau spectacle. Il y là un manque, d’espace, de réseau.
    Mais sinon il y a à Lausanne une grande école de théâtre qui fait un travail remarquable, qui est La Manufacture, qui forme des acteurs et actrices, des danseurs et danseuses, des metteurs en scène, des chorégraphes, des scénographes. C'est une école qui s'est beaucoup développée ces dernières années, qui est un petit peu sur la même ligne du théâtre contemporain que l'on défend ici à Vidy. Et ainsi cette école, qui a une vingtaine d'années, est une vraie pépinière. La plupart des jeunes artistes de théâtre ou de danse que l'on présente, sortent de La Manufacture, qui est une des bonnes écoles de théâtre en francophonie, et ça aussi, c'est un très bon vivier puisqu’elle est à Lausanne et qu’il y a un lien fort avec Vidy.
    Là ce week-end, on avait comme un petit festival avec cinq spectacles qu'on présentait dans les cinq salles du théâtre. Donc, c'était un très beau moment de visibilité pour les artistes qui étaient présentés. Il y avait la création d'un jeune danseur d'origine brésilienne, mais qui a été formé à l'école de La Manufacture. On avait une artiste de Berne, une sud-africaine qui travaille et vit à Berne, donc en Suisse alémanique, qui fait une création. On avait une compagnie mi-tessinoise, mi-catalane, qui a fait aussi un projet. On avait Marthaler et une artiste brésilienne qui a fait une création qui joue aussi ce soir. Donc là, on avait une belle visibilité de ce qu’est Vidy, entre un artiste consacré comme Marthaler et un tout jeune artiste qui sort de La Manufacture.

    C’était une belle représentation de la dynamique de Vidy.

    GC

    Vous avez cinq salles ? Est-ce que vous envisagez encore une expansion ?

     

    VB

    On a beaucoup agrandi Vidy !
    Quand je suis arrivé, le bâtiment était assez fatigué, c'est un bâtiment qui a fait l'Exposition Nationale de 1964 et qui a été construit pour durer six mois. Il y a eu des travaux de rénovation quand ils ont transformé cette salle de théâtre de l'Exposition Nationale en salle de théâtre. D'abord, c'était la salle de répétition du Centre dramatique romand de Charles Apothéloz puis, il a déménagé le théâtre ici. Il y a eu, à la fin des années 1980, une rénovation un peu thermique du bâtiment, mais c'est resté quand même très bricolé.

    C’est sûr que par rapport aux exigences du théâtre contemporain, les systèmes de perches, les grils techniques et toutes les normes de sécurité d'aujourd'hui ne sont pas du tout les mêmes qu’il y a 20 ans. Et donc, j'ai lancé un grand plan de rénovation en arrivant, ce qui a permis dans la première étape de relever le foyer. Après, la deuxième étape a été de changer le chapiteau de l'époque de René Gonzalez qui, de toute façon, ne tenait plus debout. Il était un peu percé, puis c’étaient des conditions difficiles pour les artistes, et les équipes, avec du vent, de la pluie, on entendait tout... On a transformé ce chapiteau en une salle en bois de 250 places, qu'on appelle Le Pavillon. Donc, maintenant, c’est la deuxième salle de Vidy, là où se produit l'artiste brésilienne ce soir.

    Le Pavillon (2017)

     

    GC

    Quelle est la capacité de la salle Apothéloz ?

    VB

    On a fait Le Pavillon en 2017, si vous voyez les numéros à l'entrée de chaque salle, c'est des dates de naissance des lieux pour raconter qu'on est le fruit d'une longue histoire.
    Donc Le Pavillon, on l’a inauguré en 2017 ce qui nous a permis de faire des spectacles à Vidy pendant les deux ans et demi de fermeture du site historique pour travaux

    Salle Apothéloz ("64"), coupe

    Donc là, on a rénové toute la salle Apothéloz où on a tout mis par terre à part les poutres d'origine pour isoler le bâtiment, pour mettre un gril technique automatisé aux normes d'aujourd'hui, améliorer la cage de scène, qui n’était pas symétrique, il n'y avait pas de dégagement en hauteur à jardin par exemple, des espaces pour la technique qui avaient été complètement bricolés parce qu’ils n'existaient pas à l’origine. Donc on a mis un véritable espace pour la technique, on a agrandi un petit peu la salle pour arriver à 430 places. Quand je suis arrivé, la jauge était 386, et comme les espaces techniques étaient si petits qu’en général, la régie son était dans la salle, on était plutôt à 350.  Ce qui fait que maintenant, on a 430 places et puis aussi un accès pour les personnes de mobilité réduite en hauteur, pas seulement en premier rang, puis surtout la vraie révolution c'est qu'on a changé toute la cage de scène, pour avoir quelque chose d'adapté au théâtre d’aujourd'hui.

    Salle Apothéloz

    Et puis on a refait l'intérieur technique de la petite salle de la passerelle, on l’appelle Salle 76, elle était dans un bâtiment de l'Expo et elle avait été utilisée comme petite salle en 1976. Et ici même si on n'a pas le droit de construire dans cette zone parce qu'elle est protégée, on a le droit de rénover et d'agrandir de 20%, donc nous avons construit un bâtiment nouveau qui représente 20% de l'ensemble de Vidy, qui a permis de dégager des espaces de stockage mais il y a surtout une salle de répétition, qui a la taille de la grande salle, et le spectacle de Marthaler a été répété avec le décor dans cette salle-là, avec déjà un peu de lumière et puis quand on a fini des représentations d’autres spectacles dans la grande salle, on a déménagé le décor et ils ont répété dans la grande salle.
    Donc là, c'est un outil essentiel, qui permet de programmer pendant qu’on répète.
    Ainsi on a renforcé l'ADN de Vidy qui est un formidable outil de création et de production, donc ça c'est la cinquième salle, mais ce week-end par exemple on y a présenté un spectacle...

    GC

    Vous pouvez y présenter des spectacles ?

    VB

    Des petits spectacles, il n'y a pas de gradins, mais on met le public autour, mais quand on met tout Vidy en vibration, comme on a fait ce week-end et le week-end prochain, ce petit festival qu’on a appelé Tempo Forte, on avait cinq spectacles samedi dernier.

    En plus il faisait beau, donc on pouvait aller partout dehors, et même sur la plage. Samedi on pouvait enchaîner 5 spectacles dans la journée, donc il y a des gens qui sont venus très loin, de Pologne, d’Espagne, d’Italie, de France, des journalistes aussi, donc on a donné une belle visibilité à Vidy, grâce à ça.
    Donc ça c'est la cinquième salle, et il y a une salle dont je n’ai pas parlé qui est au-dessus du parking, qui a été baptisée Salle René Gonzalez suite à son décès, qui a été ouverte en 1996, et où on vient de lancer la dernière tranche de travaux, donc le projet de rénovation est lancé, et des travaux devraient avoir lieu en 26-27, on devrait ouvrir en 2028, et retrouver le geste d'origine, quand René Gonzalez l'a inaugurée. C’est un projet initié par Matthias Langhoff réalisé par René Gonzalez, et c'était une salle tout en verre, et moi aujourd'hui c'est une salle qui me fait rêver, parce qu’avec ce verre partout, on peut en gros faire des spectacles dans les arbres, et ça va être aussi un petit bijou. Là on aura la cinquième salle complètement rénovée, mais dans ce week-end, toutes les salles ont fonctionné, ça devient une petite Cité du théâtre, donc c'est vraiment un endroit exceptionnel, en plus, au bord de la plage…

     

    Le Public
    GC

    Comment se compose votre public ?

    VB

     

     

    Vincent Baudriller

    La programmation de ce week-end reflète le type de propositions offertes à Vidy, on a des tout jeunes qui sortent de l'École de Lausanne et puis on a à l’autre bout une grande référence du théâtre d’aujourd’hui comme Christoph Marthaler qui a dépassé 70 ans.  Comme on a toutes les générations chez les artistes, l'idée c'est vraiment de travailler à avoir toutes les générations dans la salle. Donc ça dépend un petit peu évidemment des spectacles. Mais globalement aujourd'hui quand on regarde les tranches d'âge de public on a à peu près le même pourcentage (20%) de personnes dans chaque tranche, entre les moins de 25 ans, 25-35, 35-45, 45-55 et plus. C’est donc un public très mélangé sur le plan générationnel. Et ça c'est une chose pour moi très importante. Selon les âges on ne voit pas les spectacles de la même manière, on n'a pas la même histoire et ça nourrit beaucoup l'énergie de la salle quand on mélange les générations.

     

     

    GC

    Et du point de vue géographique ?

    VB

    Essentiellement le Canton de Vaud évidemment, mais sur des spectacles comme Marthaler (donc sur les grands noms...) on a pas mal de public qui vient de Genève ou de Fribourg, de Neuchâtel. Genève n’a quasiment jamais invité Marthaler, donc quand il est là, cela draine un public bien au-delà de Lausanne.

     

    GC

    Comment avez-vous amené votre public à la diversité des formes présentées ?

    VB

    Depuis mon arrivée le changement qu’on a apporté peut-être par rapport à René Gonzalez, c'est un aspect peu plus international dans la programmation. Christoph Marthaler était venu une seule fois, Castellucci n’était jamais venu, ni Frank Castorf. Et donc c'est sûr que le public ne connaissait pas. Au début, ça a pris un peu de temps. Maintenant, ça y est, ils font partie du paysage, et c'est sûr que ça crée un côté « partage », « transmission ».

    Ça a pris du temps pour que le public, s’habitue à voir le théâtre de Vidy s’ouvrir à une émotion plus internationale. Et il commence à prendre plaisir aussi à ces formes-là. Et donc ça passait aussi par un travail avec les langues. L'avantage et la force de Lausanne, c'est que la Suisse était vraiment un pays de l'éducation. Et Lausanne est vraiment un lieu très riche en formation. Outre les lycées bien sûr, il y a une école d'art locale (cinéma et design) très importante, nous avons parlé tout à l’heure de l'école de théâtre, une université et une école d'ingénieurs prestigieuse (Ecole Polytechnique Fédérale de Lausanne). Elles sont des bassins de population où il y a des gens qui pensent, qui cherchent, qui réfléchissent, qui innovent. Donc évidemment, ça dialogue beaucoup avec nous.

    GC

    Et ce public est-il complètement ouvert ou bien plutôt « en silo », danse, théâtre ? …

    VB

    Comme on a une programmation très hybride, c'est vrai que j'ai amené aussi la danse à Vidy et puis on a des formes qui sont entre la danse et le théâtre. Donc c'est sûr que maintenant il y a une curiosité qui s'est élargie, mais on travaille sans relâche pour convaincre les gens de venir au théâtre.

    Et puis après, pour les plus jeunes, c'est vrai qu'on a fait une dimension jeune public assez importante, mais avec des artistes contemporains. Donc là, l'approche aussi du jeune public, elle se fait déjà sur des formes contemporaines. Et là on travaille beaucoup avec les écoles, tout en gardant le mélange de générations, mais l’idée n'est pas de faire une programmation spécifique « jeune public », mais plutôt de demander à des artistes qui font des formes contemporaines de faire aussi un spectacle jeune public. Donc c’est un regard un petit peu différent. Mon idée, c'est plutôt de demander à des artistes qui font des spectacles à eux, pour tous les publics, de temps en temps, d'essayer d'amener leur langage vers le jeune public.

    GC

    En regardant la programmation de l'Opéra de Hambourg j’ai vu que Tobias Kratzer va faire une mise en scène dans la petite salle pour du jeune public.

    VB

    C'est plutôt notre approche, mais c’est aussi celle de Nicolas Stemann que j'ai beaucoup invité ici, et qui va partir pour Bochum maintenant, quand il était à Zurich, il a fait des spectacles de jeune public aussi sur le grand plateau.  Ou bien d’autres, comme Augustin Rebetez, un plasticien souvent venu à Vidy à qui on a demandé de faire des spectacles jeune public… Le demander à des gens qui ne sont pas spécialisés pour ce public alors que souvent ça l’est, c’est intéressant parce que par la commande, on arrive à produire des images nouvelles.

    Nicolas Stemann
    « Le Sommet », Mise en scène Christoph Marthaler
    GC

    Actuellement, vous présentez « Le Sommet », une création de Christoph Marthaler qui va tourner un peu partout. C'est quelqu'un qui a encore une force de proposition y compris subversive qui est assez fascinante, je trouve, par rapport à d'autres metteurs en scène de sa génération.

    VB
    "Le Sommet" au théâtre de Vidy

    Il travaille toujours à partir des lieux…
    Ici pour Le Sommet, c’est Duri Bischoff qui a conçu le décor et c’est une boite, un chalet. Ils voulaient faire quelque chose dans un chalet, ils ont trouvé le titre Le Sommet, et ensuite tout se passe dans ce chalet.
    À Avignon, en 2010 quand il a fait Papperlapapp, la boite, c’était la cour d’honneur et je me souviens de la manière fascinante et drôle dont Anna Viebrock a transformé la cour, jusqu’à tromper les spectateurs par des petites touches, des petits détails comme les climatiseurs qui laissaient certains perplexes parce qu’ils les pensaient installés dans ce monument historique par une quelconque administration.

    C’est aussi pour tout cela qu’à l’entrée on a fait une grande exposition sur Christoph Marthaler, conçue par notre dramaturge Eric Vautrin qui a plongé dans toutes les archives. Christoph a ouvert tout ce qu’il avait chez lui à cette occasion alors qu’il n’aime pas du tout parler de son théâtre et qu’il fait très peu d'interviews.
    Et là, l'idée n'était pas d'expliquer son théâtre, mais de rentrer à l'intérieur de son univers, donc il y a plein de téléphones, on entend des voix, il y a quelques extraits de spectacles et il y a plein de photos. Il a écrit plein de textes, il a pour le coup passé un peu de temps là-dedans.

    Comme le théâtre est un art éphémère, l'art des metteurs en scène disparaît un peu à la disparition de ses spectateurs, et après ça devient du matériau pour les universités… Mais il y a quelque chose d'une mémoire éphémère dans le théâtre qui m'a toujours touché. Et l’idée qui nous a animés c’est en quelque sorte comment on transmet cet artiste à des générations plus larges ? On a répondu par un spectacle plus agile, qui va aller dans les villes, qui n'ont pas forcément connu Christoph Marthaler, et par cette exposition qui accompagne.
    On a fait un peu la même chose avec Frank Castorf, quand il a fait chez nous Bajazet. C’était la même démarche c'est-à-dire on sort d’un univers qu’on ne voit que dans des grands théâtres où il fait ses spectacles, pour offrir quelque chose de plus agile, et on a fait une petite Expo, toujours conçue par Eric Vautrin, et l’expo suivait le spectacle.

    Les fissures de l’écosystème théâtral
    GC

    Justement, alors une question que j'aimerais bien aborder avec vous, qui est à la fois large et qui est pour moi problématique :  dans le monde tel qu'il est, où est la place du théâtre ? Moi je vois dans certains pays en Italie, en Espagne il a disparu, en Allemagne c’est encore une grosse machine mais Berlin qui est la métropole du théâtre voit ses subventions baisser et le monde du théâtre attaqué par les responsables politiques eux-mêmes.
    En France, la situation est pour le moins contrastée…
    Comment voyez-vous ce moment pour le théâtre ?

    VB

    Vu d'ici, ça va plutôt bien, parce que les salles sont très pleines, et ça discute beaucoup. Juste ce week-end par exemple, on avait 4 spectacles très différents. Et tous parlaient d'une façon très différente de la question écologique que connaît notre monde aujourd'hui et des crises de l'environnement. Donc, il y avait des points forts de connexion entre les spectacles, mais dans des des formes très différentes, et ça alimentait beaucoup les discussions, et c’était particulièrement vivant.

    GC

    Mais n’est-ce pas aussi le lieu qui aide, votre lieu ici est un facteur d’aimantation

    VB

    Le lieu fait beaucoup, la structure du lieu fait qu'on converge vers le foyer et la cour. On rassemble toujours les artistes le public et les équipes du théâtre, et il y a la plage, et là tout ça fait que ça circule, ça discute. Pour moi, les foyers et le théâtre, c'est un endroit essentiel. Si on ne peut pas parler du spectacle après le spectacle, il y a quelque chose qui manque dans le théâtre.

    En tout cas, quand on voit le nombre de projets qu'on reçoit, on doit faire des choix très difficiles. Il y a encore une créativité qui est assez extraordinaire. Les nouvelles générations ramènent d'autres façons de faire la dramaturgie, d'autres façons de concevoir la scénographie. Je suis toujours très stimulé par ce que je rencontre et ce que je vois.
    Je crois qu'il y a encore une vraie créativité.

    En revanche il y a des infrastructures, un écosystème qui se fissure un peu. C'est sûr que le paysage européen, en ce moment évolue dans beaucoup de pays. Les politiques sont de moins en moins cultivés ou du moins ont un rapport de moins en moins important à l’art. On voit que là où ces populismes montrent, que ce soit en Italie ou en Espagne, et une certaine façon en France, il y a vraiment des choses qui se fissurent. On voit les coupes budgétaires en ce moment qui vont un peu déstabiliser tout l'écosystème.

    Quand on voit l'écosystème français, elle est incroyable la métamorphose qu’il y a eu ces 40 dernières années avec le développement des centres dramatiques, puis le développement des scènes nationales dans des villes de taille moyenne. Avant il n’y avait que du théâtre commercial, n'y avait qu'une quête commerciale. J'ai grandi à Dunkerque et il n'y avait pas de théâtre. C'était les « tournées Baret », comme on disait.

    Et c'est à la fin des années 1980 que les choses se sont ouvertes et le dispositif est encore là. On se plaint souvent en France, mais on reste quand même avec un outil, un réseau extraordinaire quand on compare à d'autres pays.

    Mais c'est sûr qu'il y a une difficulté de soutien économique qui fragilise un petit peu. Et cette fragilité, ces pressions politiques, ces tensions économiques, font que parfois je trouve qu'il y a un peu de perte de prise de risque. Et que pour créer de l'art, il faut prendre des risques. Des artistes comme Warlikowski, comme Castellucci, comme Castorf, sont des artistes qui ont pris des risques.
    Et donc, cette question de prendre des risques est essentielle... Et je sens qu'au-delà de la pression économique et de la pression politique, elle a des effets indirects qui induisent souvent les directeurs de théâtres à hésiter en disant que « ça, ce n'est pas pour mon public », « ça, c'est trop long » « ça, peut-être les élus ne vont pas être contents ». Je pense c’est là le point d'inquiétude... Si l'art peut nous nourrir, c'est que tout d'un coup, on va se rencontrer avec un langage, avec un regard différent, un des sujets qui vont déranger… Je crois beaucoup à cette richesse de l'art. Et c'est là où, effectivement, je m’inquiète un peu.
    Et en même temps, il y a aussi beaucoup d'expériences un peu nouvelles qui se font, comme le théâtre dans l'espace naturel. Il y a aussi beaucoup de choses qui s'inventent en ce moment, qui sont assez stimulantes.

    Ici par exemple on a fait un grand projet qui s'appelle « paysage partagé » où sept artistes d'Europe ont créé une petite pièce d'une heure avec le public qui se baladait d'une pièce à l'autre. On a créé ça ici, on a présenté ça à Avignon, on a fait ça à Milan, on a fait ça dans plein de villes européennes
    Il y a toujours plein de choses qui s'inventent, et on peut encore inventer plein de choses. Je continue à être hyper stimulé par ce que je rencontre, ce que je vois, et par les nouvelles générations d'artistes.
    Et en même temps, on est inquiet du contexte économique et politique aussi, la pression politique aussi : en Italie par exemple, c'est terrible. On travaille beaucoup avec le Piccolo Teatro de Milan, il est dirigé par Claudio Longhi qui était avant en Émilie-Romagne et c'est sûr qu’il subit la pression politique du gouvernement italien. Le Teatro di Roma a disparu comme théâtre de création parce que le gouvernement a imposé quelqu’un, la Scala c’est pareil, et Claudio Longhi se demande s’il va pouvoir rester.
    On voit aussi le Sénat de Berlin qui a coupé dans toutes les structures. Alors qu’à notre époque d'Avignon, quand on avait invité Ostermeier comme artiste associé, ou Castorf, on était toujours bien reçu par le Sénat de Berlin, qui soutenait toujours un petit peu ces opérations, le maire de Berlin d’alors, Klaus Wowereit, quelqu'un d'assez extraordinaire, qui venait à Avignon et soutenait à fond tout ces projet-là, donc c'est sûr que les choses ont changé.

    GC

    Il reste encore Hambourg…

    VB

    Où vit Christoph Marthaler, d'ailleurs et qui créé tout le temps au Schauspielhaus.

    GC

    Mais les situations politiques sont aussi des stimulants pour la créativité, quand on voit celle des russes à l’étranger, ou celle d’un Castorf au temps de la RDA, ou même la vivacité du théâtre polonais aux temps du communisme. Je reste un peu étonné d'un certain manque d’idées dans le théâtre en France.

    VB

    Quand même, il y a le théâtre de Gisèle Vienne, par exemple, que je trouve très puissant et puis aussi la génération de Julien Gosselin ou de Sylvain Creuzevault.

    Gisèle Vienne

    Après, c'est vrai que quand on regarde l'étranger, parce que c’était le prisme qu’on avait pour le festival d’Avignon, on prenait toujours les deux meilleurs allemands qu'on voyait, les deux meilleurs polonais qu'on voyait et puis les deux meilleurs italiens qu'on voyait ou d'Espagne. Et par contre, en France, on avait les deux meilleurs de France, mais on avait aussi, comme il fallait faire la moitié de la programmation française, une vaste programmation qui n'était pas au même niveau que les Castorf ou Castellucci.

    Oui, après il y a eu quand même la génération Claude Régy, Patrice Chéreau, et après il y a toujours eu des artistes assez puissants, comme Stanislas Nordey, qui vient de faire L’Hôtel du Libre-Échange de Feydeau. Et puis il y a eu comme je vous le disais la génération Giselle Vienne ou Philippe Quesne qui ont amené des vraiment choses intéressantes, et puis là, les Gosselin, Creuzevault, Marion Siéfert, qui proposent aussi des visions autres, et neuves. Il y a vraiment des apports riches et neufs. Regardez aussi comment Vincent Macaigne a apporté quelque chose de nouveau et de stimulant sur la scène, même si en ce moment il est très pris par le cinéma.
    Non comme vous voyez, je ne veux pas être pessimiste.

    Marion Siéfert
    GC

    Et vous ? Vous êtes ici dans un Paradis d'une certaine manière.

    VB

    On accueille des artistes de partout, comme cette artiste brésilienne qui présente quelque chose de très étonnant, Gabriela Carneiro da Cunha. Voilà, c'est une artiste que j'ai découverte avec son spectacle précédent, qu'on a accueilli ici, coproduit et accompagné.

    Donc il y a toujours des rencontres... Moi, je continue de m’émerveiller sur des artistes que je rencontre, et je trouve qu'il y a toujours des choses nouvelles, il y a des gens qui amènent à voir la dramaturgie d'une autre manière, et ça n’est pas difficile de faire une programmation de théâtre aujourd'hui encore, c'est-à-dire qu'il y a toujours des projets qui sont excitants, fascinants.

    Carolina Bianchi

    Il y a par exemple cette jeune Carolina Bianchi qui était à Avignon il y a deux ans qu'on a invité ici, qui vient de faire une nouvelle création du Kunsten Festival des Arts de Bruxelles, qui était formidable, une jeune argentine qui vit en Espagne Marina Otero aussi, qui a fait un triomphe, ici, avec un spectacle très radical.

    Alors c'est vrai que maintenant l'espace européen est beaucoup plus mobile, donc les artistes se déplacent beaucoup, et la France a quand même cette force d'être une terre d'accueil pour beaucoup d'artistes comme Carolina Bianchi. Elle vit aujourd'hui entre la France et Amsterdam, elle produit beaucoup avec la France, et si je pense à ma génération des gens comme Romeo Castellucci, Rodrigo Garcia, ou Pippo Delbono ont beaucoup produit par l'aide de théâtre français.
    La France reste un endroit très important en Europe pour le théâtre. Le système allemand par exemple ne permet pas vraiment d'accueillir les artistes avec leur système des Stadttheater. Le système indépendant le fait, mais avec des moyens réduits puisque tout l’argent pratiquement va au système public.
    Autre exemple, une artiste comme Angelica Lidell qu’on accompagne depuis 15 ans et qui va faire ici l'année prochaine un spectacle de 6 heures, complètement dingue, en Espagne, n’a quasiment pas de soutien. Ce sont donc les coproducteurs européens, et notamment français, qui maintiennent son travail.

     

    GC

    Et je suppose que vous n'avez pas envie de partir de Lausanne (rires)

    VB

    On commence un nouveau chantier de rénovation, donc je suis très bien ici (rires). Maintenant, c'est intéressant parce qu'on est un petit peu à l'abri et en même temps on peut faire beaucoup de choses, il y a une confiance aussi du politique sur le risque artistique qui est aussi très agréable, c'est vrai qu’en 10 ans, on a construit un public qui est curieux de ce qui est proposé, curieux des aventures, donc c'est vraiment un moment assez agréable comme je l’ai dit pour pouvoir poursuivre le projet.

     

    Auteurs, textes, commissions…
    GC

    Et vous commandez beaucoup, vous commissionnez beaucoup ?

    VB

    Pas énormément.
    On en fait sur des projets spécifiques, mais souvent notre approche est plutôt d'être à l'écoute des projets artistiques ou d'en discuter, ou de faire parler sur les envies, sur les textes possibles je vous ai parlé de Phèdre que François Gremaud a fait pour aller dans les gymnases (Lycées), ça c’était une commande.
    Parfois on fait une commande pour travailler sur un sujet qu'on veut mettre en avant, mais c'est plutôt rare.  On est plutôt à l'écoute des projets que des artistes portent, et la moitié de la programmation sont des projets qui n'existent pas quand on les choisit, donc cette dimension du « risque de la création » est très importante pour nous.

     

    GC

    Et le théâtre « classique » de répertoire a-t-il une place ?  Vous avez fait Bajazet avec Castorf mais c’était un peu « spécial » …

    VB

    Ce serait plutôt mon approche du théâtre classique. En tout cas, pour moi, le théâtre classique n'existe pas dans le sens où le théâtre est un art du présent. Ce qui se joue, c'est ce qui joue sur scène. Après, la matière, elle peut venir du passé ou elle peut être contemporaine. Mais le geste, il est toujours présent. Quand Castorf fait sa création sur Bajazet, il le fait avec sa manière, c'est intéressant d'amener ici la dramaturgie allemande, il ne vient pas expliquer le texte, il prend le texte comme un matériau pour l'ouvrir et le questionner.

    C'est ce qu'on a essayé de faire en montrant ces dramaturgies qui prenaient être comme une matière et pas comme une explication de texte et un monument, qui était pour moi une chose qui a enfermé beaucoup le théâtre français. Quand on avait fait le projet Nathan le Sage ici en français et qu'on a fait tourner. Nicolas Stemann posait des questions au texte, il posait des questions à Lessing : jusqu'où va cette idée de la tolérance ? Est-ce qu'on peut être tolérant avec la tolérance ? C'était juste un peu après l’attentat de Charlie, et ça avait nourri un peu la réflexion de ce projet, c'est des spectacles sur lesquels on avance en se questionnant et qui nous font travailler, donc c'est ce rapport-là qui nous intéresse. Après c'est vrai qu'il y a peu de texte du répertoire ici, et pour beaucoup des artistes que j’invite ce ne sont pas des matières qui les intéressent, mais quand ils ont envie de se confronter à ça, c'est souvent passionnant. Quand Marthaler avait fait L'île flottante à partir de La poudre aux yeux de Labiche il prend le texte, il l'ouvre, mais il en fait une matière à lui. Donc ça, je trouve très stimulant de s'approprier ces textes-là.
    Mais Vidy n’est pas un endroit pour faire juste une mise en scène classique de texte classique,.. Comme il y a un autre théâtre qui fait plutôt ça à Lausanne, ça laisse un espace pour s'affranchir de cette obligation.

     

    GC

    Et par rapport du travail avec des auteurs, des auteurs de théâtre, des dramaturges, etc. Est-ce que vous avez un travail suivi avec des auteurs par exemple ?

    VB

    Je travaille beaucoup avec les projets qu’amènent les artistes et les metteurs en scène. C'est plutôt eux qui amènent des textes qu’ils veulent monter. De temps en temps, on travaille sur un auteur.

    Giulia Ramasuglia

    On a eu ici Giulia Ramasuglia, jeune metteuse en scène qui sortait de la manufacture. C’est d’ailleurs elle qui a fait l’assistanat du Sommet. On travaille beaucoup avec ces jeunes qui sortent de la manufacture et on leur propose de prolonger leur apprentissage en étant assistant à la mise en scène. Et cette jeune femme été assistante de Stefan Kaegi, puis de Marthaler. Et puis, l’année dernière je lui ai proposé de monter un projet, on lui a fait lire un texte de Friedrich Dürenmatt et qu'elle a monté.

    Donc, tout d’un coup, elle a mis en scène un texte du répertoire classique suisse qui était Hercule et les écuries d’Augias, avec son regard de jeune femme de moins de 30 ans. Et ça nous a aussi permis d’entendre la langue de Dürenmatt.

     

    GC

    Est-ce que vous avez une sorte de rêve que vous voudriez réaliser ici, que vous n'avez pas encore pu réaliser ?

    VB

    …  J'ai co-produit, accueilli des spectacles de Romeo Castellucci, mais j’aimerais vraiment que Vidy produise un spectacle de Romeo. il a fait une création ici, c'était en 2014 « Go down, Moses » qui est un peu en regard de Moses und Aron qu'il avait fait à l’Opéra-Bastille. Donc revoir Romeo répéter, comme il avait répété Inferno à Avignon, c'est vraiment un plaisir dingue. Donc, une création où il reste longtemps et il répète ici, ça serait une chose que j’aimerais bien faire, oui.

    Romeo Castellucci
    Crédits photo : © Roger Monnard (Apothéloz)
    © Samuel Fromhold (Gonzalez)
    © Samuel Rubio (Baudriller)`
    © Ilka Kramer (Pavillon)
    © Sandra Then (Lutz)
    © Niels Ackermann (Gremaud)
    © Diana Pfammatter (Stemann)
    © Matthias Horn (Le Sommet)
    © Peggy Jarrell Kaplan (Castellucci)
    © Alexandre Quentin (Bianchi) courtesy Festival d'Avignon
    © Aline Paley (Ramasuglia)



    Pour poursuivre la lecture…

    Marthaler à Vidy-Lausanne: "Le Sommet", ou six personnages en quête de sens
    Humains et rien qu'humains
    Un Macaigne viscéral, énergique et virtuose
    Essai sur un très grand Castorf

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