Dans une des villes les plus merveilleuses des Pouilles, la blanche et baroque Martina Franca, le Festival de la Valle d’Itria continue d’être l’un des grands Festivals de l’été italien. Il est aujourd’hui comme hier sans rival dans le Belcanto, avec des raretés et des redécouvertes toujours actualisées.

Traduit de l'italien par Guy Cherqui

Celui qui le connaît sait que le festival né dans les Pouilles en 1975, à Martina Franca, une petite ville baroque qui domine la Valle des “Trulli”((construction typique locale et particulièrement pittoresque)), se distingue de tous les autres en Italie et en Europe par son profil artistique tout à fait singulier. Fondé par Paolo Grassi, le grand manager théâtral ((Fondateur avec Giorgio Strehler du Piccolo Teatro di Milano et surintendant de la Scala de 1972 à 1977)) dont la famille était originaire de Martina, il s’orienta immédiatement vers la recherche et la réalisation d’un répertoire lyrique rare, qui de titres du XVIIème et du XIXème moins connus allait jusqu’à quelque titre contemporain qui méritait d’être reproposé. Un parcours tracé de manière indélébile par un directeur artistique comme Rodolfo Celletti, l’un des plus grands experts de Belcanto, et un directeur musical comme Alberto Zedda, protagoniste de la Rossini Renaissance, mais pas seulement. Le premier lançant à Martina une génération de jeunes chanteurs extraordinaires devenus ensuite des stars internationales, le second portant sur les fonds baptismaux des recréations modernes d’opéras oubliés, des éditions intégrales et des révisions critiques de titres célèbres à redécouvrir dans leur authenticité. D’autres baguettes raffinées furent liées à Martina, comme Bruno Campanella et Massimo De Bernard, et pour les accompagner arrivèrent des artistes célèbres de la scène italienne, de Lamberto Puggelli et Paolo Bregni à Filippo Crivelli et Carlo Savi, à Egisto Marcucci et Maurizio Balò et à Emanuele Luzzati.

Cette ferveur et cette rigueur programmatique n’ont jamais baissé la garde dans les décennies suivantes, grâce à des directeurs artistiques et musicaux particulièrement valides qui ont produit des éditions mémorables et continuant à accueillir des musiciens, chanteurs et metteurs en scène de très grande valeur. Il en est ainsi aujourd’hui plus que jamais, sous la direction d’un directeur musical reconnu et raffiné comme Fabio Luisi, qui débuta au festival de la Valle d’Itria comme assistant d’Alberto Zedda et d’un directeur artistique de talent comme Alberto Triola, parti de la Scala vers d’autres réalités importantes comme le Mai Musical Florentin. C’est à eux qu’on doit les productions et les redécouvertes les plus récentes, d’une très grande variété de répertoire parmi lesquelles on peut citer par exemple La donna serpente de Casella, chef d’œuvre du XXème redécouvert par Fabio Luisi, Rodelinda de Haendel ou Armida de Tommaso Traetta confiées à un spécialiste du baroque réputé comme Diego Fasolis, Crispino e la comare de Luigi et Federico Ricci qui permit de découvrir le talent du jeune metteur en scène Alessandro Talevi, comme celui de Davide Garattini Raimondi pour le Don Chisciotte de Paisiello, sans parler des titres du projet “Novecento e oltre” ((XXèmeet au-delà)) . La liste est longue.

Le programme de cette année propose de nouveau des moments importants du théâtre musical italien de tous les temps ; en suivant le filon belcantiste entre le “recitar cantando” monteverdien et le premier quart du XXème que montrait Rodolfo Celletti, ‑auquel sont dédiés, à l’occasion du centenaire de sa naissance, cette édition du Festival mais aussi un congrès– .

Diego Fasolis

L’inauguration aura lieu dans la merveilleuse cour du Palais Ducal avec l’opéra le plus , aimé de Vivaldi, Orlando furioso, avec I Barocchisti dirigés par Diego Fasolis dans une mise en scène de Fabio Ceresa, vainqueur des Operas Awards de Londres en 2016 comme meilleur metteur en scène émergeant. La distribution est composée d’artistes spécialistes du répertoire baroque comme Sonia Pina dans le rôle éponyme (14 et 31/7).
Pour célébrer les 450 ans de Monteverdi ,on a réuni sous le titre Altri canti d’amor ((Autres chants d’amour))  quelques madrigaux, exécutés par l’Ensemble Barocco du festival dirigé par Antonio Greco, par la compagnie théâtrale Eco di Fondo dirigée par Giacomo Ferrau et par les chorégraphies de Riccardo Olivier. Dans ce spectacle débute à Martina Franca le célèbre mezzo Monica Bacelli dans les rôles de Ninfa et de Venere. La performance se déroule de l’antique cloître de San Domenico(15,18,22/7- 1/8), tandis que dans la basilique de San Martino se déroulera un Concerto per lo spirito, avec des musiques d’inspiration religieuse, de Porpora à Takemitsu, avec Vincenzo Milletari à la tête de l’Orchestra della Magna Grecia de Tarente (26/7).

Niccolò Piccinni, parmi les musiciens de référence du Sud, dans la tradition du festival, est présent avec Le donne vendicate, proposé dans une édition critique et en collaboration avec le Piccolo Teatro di Milano, avec les élèves de l’ Accademia del Maggio Fiorentino et de l’Accademia del Belcanto “Rodolfo Celletti”, dans une mise en scène de Giorgio Sangati, qui travailla avec Luca Ronconi. Le spectacle entre dans le cadre de la magnifique initiative “L’opera in masseria” et sera en effet représenté dans une des plus belles propriétés de la zone (16, 24, 28/7).

 

Retour au Palais Ducal pour Un giorno di regno ovvero Il finto Stanislao, workshop attendu de l’ Accademia del Belcanto 2017 auquel participera aussi baryton Vito Priante, déjà très connu des scènes internationales. Tandis qu’une autre célébrité, le soprano Stefania Bonfadelli, enseignante de l’Académie, assurera la mise en scène du spectacle . C’est le titre avec lequel Verdi, à 27 ans seulement, se frotta à la tradition belcantiste de l’Opéra comique italien (19 et 30/7).

Le cycle “Novecento e oltre” propose dans le cloître de San Domenico le chef d’œuvre de Puccini Gianni Schicchi en édition de chambre, avec pour protagoniste Domenico Colaianni et les artistes de l’Académie, mise en scène de Davide Garattini avec Nikolas Nagele à tête de l’Orchestra della Magna Grecia (23, 25, 27/7).

Fabio Luisi

On arrive ainsi à l’événement le plus important de ce festival, qu’on doit à  Fabio Luisi. Le directeur musical du festival poursuit son propre parcours au coeur de la programmation et au coeur de sa tradition à travers une recherche approfondie sur l’autre XIXème entre Rossini et Verdi. Et après Mayr et Mercadante, ce dernier l’année dernière avec la première mondiale de Francesca da Rimini, il a jeté son dévolu sur le Meyerbeer “italien” en proposant Margherita d’Anjou. C’est l’opéra avec lequel Meyerbeer débuta à la Scala, un mélodrame semi-serio de 1820 sur un texte de Felice Romani, fascinant pour le mélange d’un drame au sujet psuedo-historique et des caractères comiques, d’aventures sentimentales au premier plan sur fond épique, avec une forte veine mélodique et des pages incroyablement virtuoses. La direction de Fabio Luisi, à la tête de l’Orchestra Internazionale d’Italia et la mise en scène d’Alessandro Talevi sont la promesse d’une très brillante réussite de cette première contemporaine, à laquelle participe une distribution de chanteurs émergents de la nouvelle génération (29/7, 2 et 4/8).

À cette programmation s’ajoutent deux concerts au Palais Ducal : I Barocchisti dirigés par Diego Fasolis avec Duilio Galfetti au violon interprèteront Vivaldi, depuis des airs et des duos, jusqu’aux Quattro Stagioni (1/8). Alvise Casellati dirigera l’Orchestra Internazionale d’Italia et le pianiste Alessandro Taverna dans des pages de Domenico Turi, Nino Rota et Alberto Franchetti (3/8). Tandis que tout au long du festival d’autres concerts sont prévus appelés “Fuori Orario” ((Heures supplémentaires)), à 12h dans les églises et à 17 ou 23h dans le cloître de San Domenico.

Concert à San Domenico

 

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Luciana Fusi
LUCIANA FUSI est née et réside à Milan. Elle est diplômée en Langues et Littératures Étrangères, est une journaliste professionnelle. Il a travaillé dans plusieurs périodiques Mondadori et Rizzoli, principalement dans le secteur de la culture et du divertissement en tant que rédacteur en chef. Dans le même temps, il a collaboré avec des magazines de musique tels que Discoteca, Musica, Amadeus, Opéra International et, jusqu'à présent, Suonare News. Il a été en outre l’attachée de presse du Teatro Comunale di Bologna, du Teatro alla Scala et de l'orchestre Mozart de Claudio Abbado.

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