Programmes :

19 janvier 2020
(a)
L.v.Beethoven (1770–1827)
Sonate n°15 en majeur, op. 28 ;
Sonate n°3 en ut majeur, op. 2/3 ;
Sonate n°24 en fa dièse majeur, op. 78 ;
Sonate n°30 en mi majeur, op. 109

21 janvier 2020
(b)
L.v.Beethoven (1770–1827),
Sonate n°4 en mi bémol majeur, op. 7 ;
Sonate n°9 en mi majeur, op. 14/1 ;
Sonate n°22 en fa majeur, op. 54 ;
Sonate en°32 en ut mineur, op. 111

Daniel Barenboim, piano

Philharmonie de Paris, Grande Salle Pierre Boulez, le 19 janvier 2020 (a), le 21 janvier 2020 (b)

La clôture de cette intégrale (voir les comptes rendus des premier et second, troisième et quatrième, cinquième et sixième récitals) aura, sans surprise, résumé de nouveau son hétérogénéité essentielle. Celle-ci dépasse le seul plan de l’inégalité des réussites interprétatives ou simplement techniques. Elle concerne aussi l’ordre de ce que le piano, mais aussi la figure individuelle de Barenboim rend et ne rend pas possible, et encore au-delà, pose la question de la réception instituée du corpus pianistique beethovénien, dont ce cycle constitue à bien des égards le canon – certes paradoxal – de l'exposition publique.

On évitera de s’étendre ici sur les début de secondes parties de récitals, stratégiquement (peut-être) dévolues aux sonates dans lesquelles Barenboim (à l’identique de l’opus 49 et 79 notamment) ne nous propose qu’un survol plus ou moins propre, et surtout ne laissant qu’entrevoir une approche personnelle. Au mieux dans le premier mouvement de l’opus 54, retrouve-t-on une signature de Barenboim, consistant, en quelque sorte, à dédramatiser les enchaînements d’octaves par un détaché proche du staccato. Ce n’est pas très léché, mais offre, ou plutôt rappelle, une perspective alternative à à l’exécution la plus répandue ici. Le finale pourrait être stimulant dans et par  sa lenteur, s’il était plus précis et donnait moins le sentiment d’être redécouvert par l’oreille au fur et à mesure, produisant l’impression globale d’une sorte de Lego épars dont les éléments ont été remis à peu près au bon endroit, sans certitude. A Thérèse est plus décevante encore, encore que dans ses intégrales Barenboim y soit souvent apparu compassé, n’y ait jamais semblé très en phase avec la liberté dramatique offerte par l’allusivité du texte. Le premier mouvement paraît rechercher une forme de naturel, de ton d’ariette qui ne parvient pas à s’extraire de la dimension réclusive, perpétuellement hésitante, fondamentement fragmentaire de l’écriture, par-delà le charme apparent du matériau : c'est un cas où Barenboim veut avancer, construire, et se heurte à la façon qu'a le texte de tourner sur lui-même, de toujours revenir à un inachèvement qui est celui du lien entre ses idées : or, on le sait, c'est dans la mise en évidence des liens entre les idées que Barenboim excelle. Le II est brouillon et énervé. De nouveau, quoique de façon plus subtile que dans la Tempête, le tempérament et le talent de chaman de la grande forme de Barenboim butent sur cette région de l’esthétique beethovénienne – celle de l’esthétique proprement romantique, et historiquement réflexive, du fragment.

Le surlendemain, la négligence des oeuvres courtes épargne la petite sonate en mi majeur, plus abouti et mieux soignée que l’autre opus 14 la saison passée. Le premier mouvement, par sa carrure si simple où l’allègement du pas tout en conservant la longueur de note est la clef, Barenboim est chez lui (cette sonate lui a toujours réussi), rappelant d’ailleurs quelque peu le charme que Radu Lupu y mettait, sa versatilité fine, sa rondeur de portato sur la petite phrase ascendante. Le naturel de balancement, sans excès théâtral dans la transition sur une note, des deux épisodes du second mouvement, fait également partie des passages où Barenboim donne la leçon d’écoute. Le finale, avec sa solaire séquence centrale, réjouit au possible, offrant rondeur et rebond conjugués, et prenant le temps de la tendresse sereine qui manquait à la sonate en sol. Une même élégante lumière distillée avec métier, mais aussi grande application, éclaire aussi le début de récital de l’avant-veille, avec une Pastorale qui, là encore, est en général un point fort des cycles de Barenboim. Certains maniérismes peuvent lui être reprochés, essentiellement dans le premier mouvement, pris dans la moyenne lente, mais où les effets d’attente et de contrastes sont beaucoup moins appuyés aujourd’hui qu’ils ont pu l’être dans le passé, y compris récent (dans l’intégrale berlinoise). Le piano y est d’une remarquable cohérence dans la beauté plastique, sans complaisance vide, en particulier dans un splendide second mouvement, où la facilité de la main gauche à rebondir naturellement dans un timbre clair-obscur fait merveille, tout comme l’art savamment dosé de la coloration des accords diminués à la droite. Même si les longues phrases legato ne sont pas le point fort de cette main, celle de la récapitulation variée du thème (voir plus bas) est d’une grande noblesse. Nul surlignage ne vient gâcher les accents populaires du trio ou du rondo, ce dernier se nimbant de tout l’intimisme sonore qui en assure la grandeur de recueillement. Cette entrée en matière promettait, en ce dimanche après-midi, beaucoup plus que ce que Barenboim pouvait, et allait offrir par la suite.

La paire 109–111, également répartie sur les deux derniers jours, illustre aussi l’inégalité de ces récitals conclusifs. Les qualités habituelles de Barenboim dans la sonate en mi se retrouvent toutes, mais non sans volontarisme. Sa manière d’appuyer en les détachant les appogiatures du premier mouvement (en contradiction avec l’idéal chantant, mais pourquoi pas) fonctionne moins bien que celle d’un Pollini, car elle s’intègre moins dans un cantabile harmonique englobant le climax initial. Barenboim demeure convaincant dans la gestion de la raréfaction de la texture, et des silences – dans la deuxième partie du mouvement en somme. Concentré et plutôt propre, le II paraît cependant un peu étriqué dans sa carrure. Barenboim fait du Barenboim dans le thème et variations, dispensant beauté sonore, langueur presque onirique (avec la première variation toujours jouée plus lentement qu’un thème déjà fort lent), et propose encore le phrasé sur le temps de l’ornement central (comme Brendel) qu’il est permis de trouver assez mal seyant. On est cependant plus intéressé par la seconde variation, où la particularité de mise en ordre des plans sonores permise par l’instrument est mise à profit. L’économie générale de la progression, contemplative et majestueuse, dont même le fugato ne s’extrait pas vraiment, présente l’inconvénient de laisser de côté l’aspect informel de cette page (et du thème lui-même), qui donne sens à la diversité éparse des variations, au caractère improvisé des changements de climat (y compris entre le fugato et la métamorphose finale). C’est le genre de liberté intrinsèque au texte que Barenboim tend à surdiscipliner dans l’interprétation, par tropisme du maitre de cérémonie, peut-être : ci-devant vous est présenté le cérémonial de l’opus 109, avec un service raisonnablement soigné. Une dimension historique y est magnifié, une autre plus proprement humaine, à laquelle l’opus 109 a été davantage liée par l’histoire interprétative, est mise en sourdine.

L’opus 111 a pu poser une difficulté d’approche comparable dans l’histoire des cycles de Barenboim. Cependant, il est possible que son approche se soit, en quelque sorte, humanisée, qu’elle soit devenue moins didactique et abstraite (dans le sens restreint d’une certaine froideur immobile, qui dans ses premières moutures manquaient de crédibilité). Ce qui frappe presque le plus ici est la modestie de l’approche, du moins son économie – même si elle est foncièrement distante de celle, encore plus radicale, de Peter Rösel, et qu’elle se fonde évidemment moins sur la force d’intériorisation permise par le jeu de piano lui-même. Dans l’introduction, Barenboim n’use d’aucun des artifices de la théâtralisation de la tension harmonique ou dynamique : ni décalages, ni grand retard, ni lourds accents : presque une forme de moins-disant, d’inattendu quant-à-soi introduisant une légère angoisse préalable. Même les oppositions extrêmes de registres de l’allegro ne sont pas sollicitées autant que l’instrument le permettrait. Barenboim privilégie le contrôle polyphonique et rythmique, propose des transitions simples aux visées claires, semble se faire petit devant l’obstacle, qui paraît dès lors presque aisé, mais peut-être parce qu’il est diminué.

Mais il n’est pas interdit de penser que d’une certaine façon, on gagne parfois à réduire l’enjeu dramatique de ce mouvement, au profit naturellement du suivant, mais aussi d’un équilibre des proportions internes à l’allegro, qui est somme toute fragile, cette page restant très concise en regard de l’ampleur de son matériau. Barenboim va en tout cas au bout de cette logique assez heureuse d’une opus 111 low-profile. Son Arietta, certes plutôt lente, n’est pas cérémonielle, et par bien des aspects rejoint l’esprit du largo de la Hammerklavier : une visée introspective, doublée d’une concentration sur la dimension objective (ce qui ne veut pas dire froide, ni hautaine) du matériau. Ici, le matériau (le thème mais surtout les deux premières variations), peu sollicité, laisse émerger une continuité par la douceur, qui se combine mieux à la lenteur dans ces pages que n’y parvient en général la sévérité. Ce n’est pas tout à fait l’effet de distance, la ruine benjaminienne rendue frappante par Rösel, mais c’est de nouveau le late style adorno-saïdien, illustré avec élégance par un Barenboim qui parvient à renoncer à la théâtralité sans imposer un interventionnisme de substitution (ce qu’il avait tendance à faire, en d’autres temps, dans l’Arietta). Aujourd’hui, pourrait-on dire, il laisse couler, sans que pour autant toute tension soit absente. La modestie intimiste empêche sans doute la transition et variation finale d’ajouter une dimension plus précaire et poignante (par une gestion plus déstabilisée, plus dangereuse du triple plan sonore, par exemple), qui projetterait l’enjeu subjectif sur l’ombre de l’objectivation du matériau : mais jusqu'au phrasé . Mais ce serait comme demander à Pollini de faire entendre cette objectivation en même temps qu’il met en fusion le métal de l’inexorable, qu'il fait sentir l'urgence subie : à l’impossible ni l’un ni l’autre ne peuvent être tenus. Comme métaphore de la condition humaine, le nœud de Wendell Kretschmar entre conventionnalité et subjectivité demeure gordien (mais on verra dans une chronique prochaine qu'il est possible de le desserrer un peu).On pourrait, en reprenant la dichotomie opérée dans Le Style classique, interpréter d’une autre manière la pente barenboimienne, légèrement accentuée par le temps, à fonder l’autorité générale de son style interprétatif sur la sûreté de maniement des grandes formes sonate et rondo sonate, et quelques grands mouvements lents dramatiques souvent très bien tenus, en négligeant les formes fragmentaires, ambitieuses ou non, et les petites formes en général. Son autorité se trouverait ainsi du côté du style public de Beethoven, et non dans la dimension privée ouvrant à la fois l’espace de l’expérimentation et celui de la réflexivité du matériau. Cette dichotomie pourrait facilement être contredite, s’agissant de Barenboim, si on se souvient par exemple de la hauteur de vue avec laquelle la dimension objective et réflexive, adornienne du mouvement de l’opus 106 était traitée par lui. Certes, avant d’être beethovénien, Barenboim est un – grand, incontestable – mozartien, au piano comme à la baguette. Ce qu’il réussit le mieux dans Beethoven serait simplement ce qui relève de l’expansion dramatique des formes mozartiennes de construction de la tension. En grande partie, cela continue de se vérifier.Mais là aussi, Il existe des exceptions, qui peuvent être rapportées à la nature pianistique des oeuvres. L’opus 2 n°3, plus qu'hier la Waldstein (et beaucoup plus que l'Appassionata) souffre de l’excès de théâtralisation de la forme, des foucades articulatoires, et surtout de l’absence d’un legato de grande portée expressive, d’une dimension de douceur propre à métaboliser la tension structurelle en une organicité qui la dépasse. Plus encore que dans l’opus 53, le trait combattif est forcé, au détriment de la qualité de réalisation, et on ne garde guère que l’autorité de conduite du II comme composante crédible de l’héroïsme mis en scène – et certes, quelques fulgurances, qu’on pourrait dire faciles, comme sur le lancement bravache, mi-chic, mi-cabotin du thème mineur de l’allegro.

Pourquoi est-ce si différent dans l’opus 7, bien plus convaincante d’un bout à l’autre ? Il n'y a pas de réponse évidente, l'écart de caractère, de dimension, et de maturité de style des deux sonates n'ayant rien d'évident. Mais il est vrai que premier mouvement de la sonate en mi bémol déploie ses grandes périodes de stabilité harmonique dans un espace qui n’est pas structuré par des oppositions expressives de blocs thématiques, la contradiction de contenu expressif ne redoublant pas la tension de structure. Curieusement, cette plasticité plus grande du matériau causée par son intégration, sa continuité naturelles, rend Barenboim moins interventionniste, et surtout plus concentré sur sa solidité instrumentale, ce qui n’est pas le moindre des défis dans cette page. Le cantabile caractéristique de l’incursion mineure du début du développement est (comme avec Pollini, mais bien sûr sous une lumière différente) un moment de choix de ce cycle, parce qu’il conjugue une évidence d’articulation dramatique avec une absence de volontarisme dans l’exécution : conjugaison rare chez ce pianiste, que l’on retrouve plus souvent dans sa direction d’orchestre, quand elle est à son meilleur, proche de son idéal furtwänglerien. Mais avec Barenboim, les surprises sont encore plus rares qu’avec Pollini : l’opus 7 a en fait toujours compté parmi ses franches réussites, tout particulièrement dans les moutures médianes (DGG/cycle Ponnelle). On attendait avec gourmandise le rondo finale, après les réussites délectables des opus 31 n°1 et 22, et on ne sera pas resté sur notre faim.

Entre ces deux sonates, ce n’est pas la distinction entre le public et le privé, ni entre l’achevé (ou l’assertif)  et le fragmentaire (ou l’allusif) qui constituent l’écart, mais plutôt la différence de profil général entre une page (celle en ut) traversée par un contraste structurel global, plaçant dans un vis-à-vis strict le contenu dissonant, l’opposition rythmique et de texture, de dynamiques, d’idée mélodique, et une autre, celle en mi bémol, dont le regroupement du matériau en un geste plus unitaire, notamment sur le plan du flux rythmique, fait prendre une dimension symphonique immédiate, déplaçant la perception de la tension à un niveau plus transversal au matériau. Or, dans la 3e Sonate, Barenboim semble vouloir exhiber une telle dimension, que son jeu de piano ne possède pas intrinsèquement : son aptitude à mettre en évidence la pureté des équilibres architecturaux d’une sonate classique s’en trouve compromise, dans une sonate qui n’est jamais tant valorisé que par des démonstrations de force pianistique fondées, d’abord, sur la simplicité, l’évidence produites par la netteté de contours rythmique et mélodique. A contrario, dans la 4e, Barenboim, à défaut de faire entendre un orchestre d’ivoire (cela reste du très beau piano), moins affairé à caractériser et contraster, trouve un équilibre entre l’urgence de pulsation et déploiement d’un lyrisme de long terme, dans lequel l’énergie ne se perd pas en route, à force d’à‑coups. Et d’un bout à l’autre, ce lyrisme, le cantabile, le chant polyphonique permis par le caractère global du mouvement harmonique, sont ce qui illuminent l’opus 7 et qui manquent à l’opus 2 n°3.

Il y a donc au fond une variété de plans pour saisir l’apport et les limites de cet art interprétatif, cette année et durant cinquante ans. A la fois, la contradiction entre théâtralité du discours et noblesse instrumentale, rencontrée quelques fois ; celle, plus subtile, entre l’articulation discursive et l’esthétique du fragment, dont les implications sont plus larges (voir nos réflexions à partir de la Tempête) ; et pour partie, celle entre style privé et style public. Rappelons que pour Rosen, le propre du style privé est d’introduire le néo-classicisme, c’est-à-dire la distanciation stylistique, soit, aussi, une dimension critique dans le processus créateur lui-même (du moins, une dimension explicite, l’esthétique romantique postulant cet aspect dans tout grand processus créateur, introduisant le thème de la destinée canonique). On a déjà eu l'occasion de l'observer par l'expérience du concert : cette idée est une remise en question, sans doute plus subtile et plus précise quant à la réalité des textes, de la dialectique adornienne de la subjectivité et du matériau, mais qui conserve le dualisme, qui pour l'interprétation in vivo n'est pas commode. Le rôle de l’interprète à l’égard de cet enjeu n’est pas évident, surtout s'il est lui-même une institution de la vie musicale mondiale : la distanciation rendue explicite dans la prestation instrumentale est une pente glissante, comme l’est celle d’une exhibition saillante de l’intelligence du texte en général – cf. les fortunes diverses du Beethoven de Brendel. Le sentiment de la spécularité, de la tension à même le style et par-delà le langage, se trouve sans doute davantage dans des formes d’appropriation transcendante du style dans une visée interprétative plus vaste, propre à une mise en scène de l’interprétation mettant en jeu ses propres idiosyncrasies, ou leur absence (Guilels, Richter ou Michelangeli hier, Rösel, Leonskaja ou Koroliov aujourd’hui) : schématiquement, des propositions où l’interaction entre la discursivité du texte et celle de l’instrumentiste s’efface dans une transcendance sonore, pour partie débarrassée de la pesanteur d’une interprétation voulant dire ceci ou cela.

Barenboim n’a jamais appartenu à cet ordre pianistique sauvage, en quelque sorte auto-suffisant, mais présente cet avantage qu’il exhibe une intelligence des choses simples, solides, publiques (le triomphe du style et de la forme, leur extériorisation) plutôt que des choses précaires et privées (l’interrogation du style par lui-même, sa spécularité). Tirant son sucès des unes, il court le risque du spectaculaire, du cabotinage, y cède parfois ; méfiant au contact des autres, il évite l'écueil d'un formalisme en forme de solipsisme, mais se trouve parfois démuni dans les espaces les plus arides – sauf ceux du style tardif. Il s’ensuit une mise en évidence d’une dimension de la signification historique de Beethoven, et pas de l’autre. Il réussit souvent et rate parfois, mais ni les réussites ni les ratés ne sont pédants, ni vraiment insincères : leur mérite ou leur défaut est au fond d’être presque toujours prévisibles. C’est le prix à payer pour cinquante ans d’une sorte de service public beethovénien assuré par son barde institutionnel, selon sa personnalité et ses idiosyncrasies, non tant pianistiques, qu’intellectuelles et politiques. La projection depuis longtemps opérée par Barenboim, des enjeux de la tension musicale  formelle à ceux du conflit et de la violence socio-politiques, a indéniablement soutenu le devenir, la forme d’aura canonique de ce projet esthétique au long cours, et pas uniquement sur un plan institutionnel : il demeure vrai qu’elle s’incarne dans le jeu de piano lui-même, à un niveau qui demeurera toujours inaccessible à bien des jeunes virtuoses. Sa limite est sa dépendance à un genre d’articulation expressive et logique qui a toujours en vue la résolution, comme triomphe de la volonté et de la raison. Ce qui échappe à la volonté et découvre l’arrière-fond irraisonné, irrésolu ou inchoatif de la musique, du moins de Beethoven, est aussi ce qui reste en marge de ce témoignage interprétatif.

 

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Théo Bélaud
Né en 1984 dans le Pas-de-Calais, Théo Bélaud fait ses études de philosophie à Lille, et débute dans la critique musicale en 2007. Collaborateur à Classiqueinfo ou Actu-philosophia, il étudie notamment l’œuvre de Charles Rosen, dont il a traduit et présenté Musique et sentiment & autres essais (Contrechamps, 2020).
Crédits photo : © Philharmonie de Paris / Charles d'Hérouville

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