Giacomo Puccini (1858–1924)
Tosca (1900)
Opéra en 3 actes
Livret de Giuseppe Giacosa et Luigi Illica d'après la pièce de Victorien Sardou
Création le 14 janvier 1900 au Teatro Costanzi de Rome

Direction musicale : Daniele Rustioni
£Mise en scène : Christophe Honoré
Décors : Alban Ho Van
Costumes : Olivier Bériot
Lumières:Dominique Bruguière
Vidéo : Baptiste Klein, Christophe Honoré
Chef des Chœurs : Hugo Peraldo
Cheffe de chœur de la Maîtrise : Karine Locatelli

Floria Tosca, cantatrice célèbre : Elena Guseva
La Prima Donna : Catherine Malfitano
Mario Cavaradossi : Massimo Giordano
Le baron Scarpia : Alexey Markov
Cesare Angelotti : Simon Shibambu
Un Sacristain : Leonardo Galeazzi
Spoletta : Michael Smallwood
Sciarrone : Jean-Gabriel Saint-Martin
Le Majordome : Jean-Frédéric Lemoues
Un Geôlier : Virgile Ancely

Orchestre, Chœurs et Maîtrise de l'Opéra de Lyon

Lyon, Opéra National de Lyon, 20 janvier 2020

C’est toujours un peu étrange ou amusant de revoir un spectacle quelques mois après l’avoir découvert avec une distribution légèrement différente et dans un cadre différent. On se rend compte alors combien un spectacle est un organisme vivant qui a sa vie propre, et qui respire différemment selon les conditions de la représentation. C’est exactement ce qui se passe avec cette production de Tosca, à la fois identique et différente qui nous avait laissé perplexe en juillet dernier et qui prend dans le cadre de l’Opéra de Lyon une autre couleur ; Avec une Tosca exceptionnelle ici, la production s’affirme et nous l’avons considérée avec un regard un peu différent

 

Acte I : Choeur et maîtrise de l'Opéra de Lyon, Catherine Malfitano (la Diva), Elena Guseva (Tosca) et Alexey Markov (Scarpia)

Nous avons analysé avec précision le travail de Christophe Honoré à l’occasion de la présentation à Aix-en-Provence et nous y renvoyons le lecteur (lien ci-dessous), mais cette seconde vision induit à s’interroger de nouveau sur les questions que pose cette Tosca.
La première observation tient encore au choix de l’angle de vue. Christophe Honoré interroge Tosca dans la mesure où elle raconte l’histoire d’une Diva, et à ce titre, Vissi d’arte est d’une certaine manière le centre de gravité de cette histoire. Tosca, c’est la diva interprétant une diva, une sorte de diva au carré, et cette particularité attire dans la mesure où le rôle de Tosca a été marqué par un certain nombre de divas, de Callas Tebaldi ou à Kabaivanska, la Tosca du siècle restant évidemment Maria Callas.
Il y a donc forcément quelque chose d’autofictionnel dans la manière d’aborder le rôle.
Ensuite, Christophe Honoré, en cinéaste qu’il est, construit un scénario, qu’il conduit avec rigueur jusqu’à sa conclusion. Il construit un scénario autour de la diva, ou du moins de celle qui fut diva, adulée, vivant dans ses souvenirs, et constatant que l’opéra use des divas les unes après les autres et qu’une diva du moment efface souvent celles qui furent : sentant que la jeune « élève » accède à ce statut (au second acte), elle s’efface et se suicide, comme Tosca son modèle, mais pas pour les mêmes raisons.

Acte I : être et avoir été. Sur l'écran Catherine Malfitano (Tosca) et Placido Domingo (Mario) dans la production d'Andrea Andermann (1992)

Ainsi donc de manière rigoureuse, Christophe Honoré médite d’abord sur le parcours d’une Diva, en l’occurrence Catherine Malfitano, qui fut Tosca dans la production d’Andrea Andermann (avec Domingo) en 1992 qui était retransmise en direct sur les lieux même du drame.
ici tout est à distance, en particulier le premier acte avec une agitation qui étouffe un peu l’action pour en faire un exercice de style, une répétition du premier ou les uns chantent et les autres écoutent, ou jouent aux cartes, ou même chipent quelque bijou au passage. Dans cet appartement de la diva, tout rappelle une carrière importante, dont Tosca est une pierre miliaire. Et ainsi, Catherine Malfitano va « doubler » la jeune Elena Guseva, qui interprète la jeune Tosca d’avenir (succédant à Angel Blue à Aix) tandis que dans Mario Massimo Giordano succède à Joseph Calleja.
Dans le scénario conçu par Christophe Honoré, les détails psychologiques sont importants : la diva enfermée dans son rôle de vieille diva par un majordome dictatorial, la jeune chanteuse, fraiche, disponible, un peu timide même sauf quand elle ouvre la bouche pour chanter, le partenaire déjà en carrière, cherchant sans cesse à occuper le terrain face à sa diva, et négligeant un peu sa partenaire, et ce Scarpia, presque inexistant (son entrée en scène efface volontairement tout l’aspect théâtral qui la caractérise dans l’opéra. Il faut au spectateur sans cesse aller vers le chant et revenir vers le chant et les personnages, qui sont Tosca, Mario et Scarpia au second degré, puisqu’ils sont chanteurs qui répètent, forcément avec un jeu plus lâche que s’ils étaient en scène leur personnage. Tout cela Honoré le souligne, distancie, suit avec rigueur sa ligne qui est de concentrer le regard sur la vieille diva, une Catherine Malfitano au rôle presque toujours muet (à quelques exceptions près, notamment en lever de rideau), qu’on voit en réel et à l’écran et qui nous est apparue plus à l’aise et moins caricaturale qu’à Aix, en tous cas plus naturelle et plus émouvante.
Ce qu’Honoré arrive à rendre dans ce premier acte, c’est d’abord un sentiment d’étouffement, de désordre apparent où se met en place le drame, non pas Tosca qu’on met un peu de côté, mais celui de cette diva qu’on force à revivre ce que visiblement elle n’a pas envie de revivre, à savoir une représentation de Tosca qu’on prépare.
Et ainsi sont détournés les moments clés du premier acte, l’arrivée de Scarpia, on l’a vu mais aussi le Te Deum devenu une sorte de manifestation d’adoration où l’on brandit l’affiche de Tosca à la place d’une quelconque icône pieuse et où la Diva est assaillie par les fans et les enfants…le mot diva étant ici presque pris à son sens propre.
Si l’on rentre dans le « système » de Christophe Honoré, le travail est d’une précision redoutable, plein de sens, et le détournement du regard d’une Tosca en direct à une Tosca rêvée ou qui fut, ou qui sera mais qui n’est pas, fonctionne,  peut-être plus qu’à Aix…l’enfermement de la salle d’Opéra, le noir total, la concentration sur l’action mettent mieux en valeur le travail théâtral qu’à Aix.

Acte II : mise en place du processus de dédoublement Catherine Malfitano (La Diva) et Elena Guseva (Tosca)

Le deuxième acte est sans doute chez Honoré comme chez Puccini l’acte dramatiquement le plus marquant.
La scène est double, à cour les chanteurs répètent Tosca, à jardin l’univers de la Diva, où prennent forme les drames intérieurs :

  • le souvenir, avec les différents costumes de la carrière désormais dans des boites , et donc ne portant plus un rôle, mais devenus traces presque muséales, d’un musée intérieur. 

    L'errance au milieu des souvenirs d'un Eden perdu : Catherine Malfitano (la Diva) face à ses costumes de Butterfly, Lucia, Salomé
  • La vieillesse : la diva qui – du moins le devine-t-on, grâce à la finesse d’Honoré, a dû avoir une vie intime assez riche ou agitée, en est réduite à soudoyer le majordome qui lui sert aussi de gigolo pour qu’il s’exhibe. Ravages de l’âge,
  • Enfin, la relation avec le ténor a peut-être elle aussi été particulière dans un vague naguère. Celui-ci au moment de répéter est pris de problèmes de digestion et doit se coucher, les cris qu’il pousse deviennent non les cris de torture, mais plus malicieusement les cris du malade. Rien de Tosca ne doit subsister si ce n’est l’ambiance subitement plus trouble, plus dramatique, plus violente aussi entre les personnages.

C’est paradoxal, mais la diva soudoyant pour son plaisir vit d’une certaine manière le symétrique de son personnage fétiche, qui finit par accepter de s’offrir pour acheter la liberté de son aimé. Elle achète des deux côtés. Misère de la femme victime des désirs masculins d’un côté (d’une étrange actualité d’ailleurs) et de l’autre achat d’un plaisir perdu : les rôles s’inverseraient presque.

Quant à Scarpia, il joue la superbe indifférence de la répétition, il est distant, froid, ne rentre presque pas dans le jeu, et la scène finale est là aussi double.
D’une part la jeune chanteuse acquiert ses lettres de noblesse et mérite de rentrer dans le costume mythique de la diva lorsqu’elle assassine Scarpia, d’autre part la diva se réserve les gestes traditionnels du final, les traditionnelles bougies autour du cadavre (bien connues par l’image de l’édition originale de Ricordi) chacun est quitte, mais si les chanteurs sont prêts, la diva quant à elle a compris qu’il lui faut céder la place : a star is born.

Frontispice de l'édition Ricordi (1899)

Le troisième acte est vécu comme Cérémonie des Adieux.  Passant devant une maquette du Château Saint Ange disposée dans la salle, Malfitano reprise à l’écran semble passer devant une sorte de monument funèbre, où elle a encore une lueur de bonheur et un zeste de sourire, vêtue d'une robe rouge qui rappelle évidemment celle de l'acte II portée par Tosca.

La cérémonie de l'Adieu : la Diva (Catherine Malfitano)

Car ce dernier acte est centré autour de la diva, qui commence à circuler dans la salle parmi les spectateurs comme saluant les uns et les autres, et elle s’installe sur un siège au proscenium tandis que l’orchestre sur la scène avec les chanteurs en habit de soirée interprète le dernier acte de Tosca. Dramaturgiquement le dernier acte en général affiche la statue de l’Archange Saint Michel qui domine le Château Saint Ange sous laquelle le prisonnier est fusillé et de laquelle Tosca se jette dans le vide en criant « avanti a Dio ! ».  Une version de concert élimine évidemment toute dramaturgie, pas de fusil, pas de peloton d’exécution et tout ce qui fait le suspens dramaturgique est effacé.

Cela convient bien à l’intention de Christophe Honoré qui est de focaliser tout le troisième acte sur la diva et de faire (presque) de la musique une « musique de fond », bin que l'orchestre et les chanteurs soient au premier plan… La diva en effet au milieu du troisième acte se lève, parcourt les travées de l’orchestre saluant les musiciens, comme un tour d’adieu à ce qui fut son monde, s’appuyant aussi sur le pupitre du chef, dérangeant le bel ordonnancement du concert sans le déranger tout à fait, et du coup, le regard du spectateur se focalise sur cette déambulation, et parallèlement au drame de Tosca, elle affiche sa solitude, elle qui n’est plus que spectatrice d’une Tosca qui vit sans elle. Son attitude est reconquête de la « première » place en quelque sorte, puisqu’elle monte sur une rambarde en fond de scène, et que spectaculairement et dominant l’orchestre, elle remplace la non-mort de l’exécution de concert par son propre suicide, en s’ouvrant les veines, créant d’une certaine manière le spectacle, son spectacle, La mort de Floria Tosca ((Titre d’un célèbre roman de Pierre Jean Rémy, Mercure de France, 1974)). Et la mise en scène qui accumule au proscenium les bouquets de fleurs, figure alors une sorte de cortège funèbre fleuri de la diva qui disparaît et non les fleurs récompenses obligées des divas après leur performance.
Par bonheur, Christophe Honoré a éliminé le pompier de service qui découvrait le corps comme anonyme à Aix en Provence créant une trop grande ironie qui faisait qu’une partie des spectateurs riaient, ou grinçaient. C’est le majordome qui plus logiquement, accourt.
Alors du même coup ce qui se passe en scène est comme un second plan. Le sommet de l’Opéra devenant la mort de l’Opéra.
Nous avions écrit que la mise en scène de Christophe Honoré posait volontairement ou involontairement les questions essentielles sur l’opéra, la question de la « Diva » et notamment de Maria Callas, si attachée au rôle de Tosca qu’à la fin de sa carrière, elle promena sur les scènes, laissant le deuxième acte comme seules images de son art. ce qui reste de la Tosca de Callas, c’est un film, comme ce qu’essaie de construire ici Christophe Honoré, en jouant sur les images filmées et la scène, ce film sur la diva-Malfitano et où l’on voit s’interférer quelques-unes des grandes Tosca du passé. L’Opéra est aussi un art qu’on accuse d’être passéiste, d’être sans cesse regret de ce qui fut, d’un âge d’or personnel ou fantasmatique. C’est ce que vit la diva, sans cesse naviguant au milieu de ses restes, de ses souvenirs, de ses objets qui sont autant de signes morts, c’est aussi ce que vit souvent le fan d’opéra, sans cesse comparant ce qu’il entend avec ce qu’il a entendu ou ce qu’il a rêvé d’entendre.
Nous avions aussi affiché quelques perplexités sur la nature de l’entreprise, qui glorifie Tosca en tant que mythe d’opéra, mais qui efface Tosca en tant qu’opéra ou qu’œuvre, puisque la trame de Sardou reprise par Giacosa et Illica est un fil rouge qui sans cesse renvoie à autre chose, à ce scénario rigoureusement construit par le metteur en scène-réalisateur qui rarement a autant essayé de lier cinéma et opéra à la scène. Suis-je cette fois convaincu ? Plus convaincu qu’à Aix ? Je constate au moins l’accueil du public lyonnais et les remarques enthousiastes des amis qui ont vu cette production ces derniers jours. Je reste un peu dubitatif non par rapport au travail effectué, remarquable, mais par rapport à l’œuvre elle-même, que je considère un peu oubliée, au premier et au troisième acte notamment. Mais c’est un vrai travail sensible et précis, et qui à Lyon a bénéficié d’un cadre musical transfiguré par une nouvelle Tosca.
Car ici habemus Toscam .
La Tosca d’Elena Guseva s’impose définitivement et porte la production parce que sa prestation justifie la thématique du passage de relais d’une diva à l’autre, avec l’atout supplémentaire que la jeune Elena Guseva est dans la situation même de son personnage, dans la mesure où c’est une prise de rôle, c’est sa première Tosca et qu’elle a tout d’une grande. Elle a la voix, intense,bien posée, bien projetée, homogène du grave bien installé à l'aigu lumineux sans jamais être crié,  elle a le phrasé, les accents, et elle est le personnage, spontané au départ et devenant de plus en plus assuré, pour s’affirmer aux deuxième et troisième acte avec une vérité extraordinaire. Elena Guseva est une révélation dans ce rôle, rejoignant de manière beaucoup plus juste l’idée de la mise en scène, là où la sensible Angel Blue à Aix n’arrivait pas à s’affirmer totalement. C’est Elena Guseva qui pour sûr donne au spectacle une force qu’il n’avait pas à Aix. À suivre…

Acte II : Catherine Malfitano (la Diva) et Massimo Giordano (Mario) dans le lit de douleur

Massimo Giordano est Mario, un rôle qu’il a interprété un peu partout et à qui il donne une spontanéité nouvelle qui convient bien au personnage voulu par Christophe Honoré.  Le timbre est toujours beau, la force est là. Pendant cette première, il est apparu cependant hésitant au premier acte (attaque problématique de recondita armonia), mais au fur et à mesure les choses s’arrangent et il apparaît beaucoup plus sûr dans E lucevan le stelle où la voix est intense et bien projetée. On peut imaginer que cette fatigue passagère au premier acte sera résolue dans les représentations suivantes. Mais ce Mario spontané juvénile, voire un peu sûr de lui et dominateur et un peu cafone (mal élevé) comme disent les italiens dans son jeu entre la diva et la jeune Tosca, illustre la vérité du personnage voulu par la mise en scène, y compris dans sa crise digestive surjouée du deuxième acte,
Alexey Markov comme à Aix est un Scarpia au phrasé élégant, à la force vocale notable. Honoré en fait un personnage un peu à part, un peu en marge, comme s’il ne rentrait pas exactement dans le jeu voulu, dans le schéma voulu, auquel il semble indifférent, Il paraît faire le job mais pas plus, engagé dans le chant et vaguement ennuyé dans le jeu. Ce côté un peu marginal convient bien au personnage.  Il reste que vocalement c’est le plus convaincant avec la jeune Guseva, et il emporte un succès mérité, parce que son chant est intense, élégant, sans jamais une vulgarité comme on en voit et entend sur les scènes d’aujourd’hui (cf la dernière Tosca scaligère).

Acte I : Catherine Malfitano (La diva) et Leonardo Galeazzi (Sagrestano)

Les rôles de complément (les mêmes qu’à Aix desquels émergent le sacristain de Leonardo Galeazzi et le Spoletta de Michael Smallwood, mais aussi l’Angelotti un peu mauvais garçon de Simon Shibambu.
Chœur et maîtrise de l’opéra de Lyon respectivement dirigés par Hugo Peraldo et Karine Locatelli sont parfaitement en place, dans une mise en scène où ils jouent (presque) leur propre rôle ; on ne répètera jamais assez la qualité des prestations des forces de l’Opéra de Lyon depuis quelques années.
C’est évidemment confirmé par l’orchestre impeccable dirigé par Daniele Rustioni, qui offre un orchestre jamais bruyante, jamais envahissant et qui veille à ne pas couvrir les chanteurs, y compris lorsque tout le monde est sur scène et que la situation pour suivre les solistes est plus acrobatique. Rustioni fait entendre les raffinements d’une écriture puccinienne complexe, et suit de manière attentive les « conversations » des chanteurs. Il y a souvent des partis pris de directions dramatiques et presque pathétiques que Rustioni refuse d’emprunter. En cela il suit en même temps la mise en scène, parce que sans mettre la musique au second plan, il en fait un juste accompagnement d’une histoire, révélant des délicatesses de l’écriture qu’un drame où le pathos serait débordant ce qui est si facile dans Puccini. Tout ce qui a été dit sur la représentation d’Aix reste d’actualité (s’y référer), avec la différence que l’orchestre est ici chez lui, dans son acoustique, dans sa salle, et que l’on est toujours mieux chez soi. Daniel Rustioni démontre une fois de plus la rigueur de son travail, le contrôle sur les volumes, le refus de travailler en marge de la mise en scène, et la volonté de faire une œuvre d’art totale (Gesamtkunstwerk…), où scène et fosse travaillent en cohérence.

Et puis il y a Catherine Malfitano, dans son propre rôle de Diva qui fut qu'elle réussit à incarner, avec ses déchirures, ses faiblesses et ses artifices, On l'a dit, elle semble plus à l'aise qu'Aix, plus rêveuse, plus mélancolique et moins apprêtée. Elle chante aussi puisqu'on lui fait chanter l'air du pâtre, un paradoxe dans lequel cette vieille dame incarne un adolescent, mais en même temps il y a quelque chose de lacérant dans cette voix qui fut et qu'on entend avec ses quelques fêlures. Il faut bien le dire, on est ému de revoir cette grande dame du chant qui ne fut jamais une diva à l'égal d'autres, mais qui fut une des grandes de la scène de la fin du XXème siècle. L'opéra ou la culture du souvenir…

Au total une belle soirée musicalement de très bon niveau,  qui laisse des questions ouvertes dont l'une toute particulière est « quelle mise en scène pour Tosca ? »  et en général « quelle mise en scène pour les grands classiques de l'opéra italien ? »  une question qui confine quelquefois à l'aporie.  Christophe Honoré ne la résout pas, même s’il apporte une vision originale, sensible et intelligente, à défaut d’être à 100% convaincante.

Catherine Malfitano, en portrait goyesque de la Diva

 

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Guy Cherqui
Agrégé de Lettres, inspecteur pédagogique régional honoraire, Guy Cherqui « Le Wanderer » se promène depuis une cinquantaine d’années dans les théâtres et les festivals européens, Bayreuth depuis 1977, Salzbourg depuis 1979. Bouleversé par la production du Ring de Chéreau et Boulez à Bayreuth, vue sept fois, il défend depuis avec ardeur les mises en scènes dramaturgiques qui donnent au spectacle lyrique une plus-value. Fondateur avec David Verdier, Romain Jordan et Ronald Asmar du site Wanderersite.com, Il travaille aussi pour les revues Platea Magazine à Madrid, Opernwelt à Berlin. Il est l’auteur avec David Verdier de l’ouvrage Castorf-Ring-Bayreuth 2013–2017 paru aux éditions La Pommerie qui est la seule analyse parue à ce jour de cette production.

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