Die Meistersinger von Nürnberg
Oper in drei Akten
von Richard Wagner
Uraufführung, 21.Juni 1868, Nationaltheater München
Musikalische Leitung, Kirill Petrenko
Inszenierung, David Bösch
Bühne, Patrick Bannwart
Kostüme, Meentje Nielsen
Video, Falko Herold
Licht, Michael Bauer
Dramaturgie, Rainer Karlitschek
Chöre, Sören Eckhoff
Hans Sachs, Michael Volle
Veit Pogner, Georg Zeppenfeld
Kunz Vogelgesang, Kevin Conners
Konrad Nachtigall, Carsten Sabrowski
Sixtus Beckmesser, Markus Eiche
Fritz Kothner, Michael Kupfer-Radecky
Balthasar Zorn, Ulrich Reß
Ulrich Eißlinger, Stefan Heibach
Augustin Moser, Thorsten Scharnke
Hermann Ortel, Levente Páll
Hans Schwarz, Peter Lobert
Hans Foltz, Timo Riihonen
Walther von Stolzing, Klaus Florian Vogt
David, Daniel Behle
Eva, Julia Kleiter
Magdalene, Claudia Mahnke
Nachtwächter, Milan Siljanov
Bayerisches Staatsorchester
Chor und Extrachor der Bayerischen Staatsoper
Bayerische Staatsoper, Nationaltheater München, 30 septembre 2018

Afficher Die Meistersinger von Nürnberg en pleine Oktoberfest a quelque chose de pléonastique : la grande fête bavaroise comme écrin de la musique considérée comme la plus identitaire de Richard Wagner. Dans une ville de Munich toute Dirndl et Lederhose, à l’heure de la Wiesn 2018, c’est la Festwiese que l’Opéra d’État propose. Et pourtant, comme un clin d’œil au spectateur, c’est une mise en scène (de David Bösch) débarrassée de ses oripeaux bavarois qui nous est ici reproposée.
La représentation du 30 septembre s’annonçait mal : Wolfgang Koch, le Hans Sachs prévu, annule pour grippe intempestive, remplacé par Michael Volle, bientôt rejoint par deux « Meister », Christian Rieger (Konrad Nachtigall) remplacé par Carsten Sabrowski, et Paul Kaufmann (Balthazar Zorn) remplacé par
Ulrich Reß. À cela s’est ajoutée l’annonce que Klaus Florian Vogt (Walther) était enrhumé, mais chanterait quand même, au grand soulagement d’un public un peu effrayé de ces changements successifs.
Et pourtant, malgré ces problèmes, ce fut l’une des plus grandes représentations de
Die Meistersinger von Nürnberg qu’on ait pu entendre depuis des années.

Concours de chant final (photo de l'édition originale avec Jonas Kaufmann)

Die Meistersinger von Nürnberg ont fait l’objet de plusieurs mises en scène, certaines marquantes, ces dernières années, à Bayreuth (Barrie Kosky et auparavant Katharina Wagner), à Salzbourg et Paris (Stefan Herheim), à Berlin (Andrea Moses), à Karlsruhe (Tobias Kratzer), à Zurich et Milan (Harry Kupfer) et à Munich enfin (David Bösch). Chacune allant dans des directions très différentes, signe de la polymorphie d’une œuvre parmi les plus complexes du répertoire wagnérien. On y vit une réflexion sur l’Allemagne et son histoire (Moses, Kupfer), sur son antisémitisme et son passé nazi (Kosky, K. Wagner), sur l’histoire de sa réception (Kratzer) et sur son aspect conte de fées (Herheim).
Tandis qu’au MET survit encore la vision bavaro-bavaroise d’Otto Schenk, à laquelle ne manque pas un pot de géranium.

Un travail scénique de David Bösch réévalué

David Bösch, dont j’avais vu la mise en scène il y a quelques années et qui ne m’avait pas totalement convaincu, a choisi trois piliers : d’une part il débarrasse l’œuvre de tout pittoresque, plaçant l’intrigue dans un quartier périphérique, pauvre, surveillé par la police où les Lehrbuben (les apprentis) sont de sacrés sauvageons, où Pogner parce qu’il a réussi revient offrir la fête au quartier, d’autre part il dénonce à la manie sociétale de la fête télévisée, avec ses applaudissements pilotés, et sa bonne humeur télécommandée, enfin, il s’intéresse aux caractères, et notamment à celui de Beckmesser, le centre à la fois ridicule et déchirant de l’intrigue. De ces trois éléments frappe d’abord le décor (Patrick Bannwart), uniformément gris et assez « cheap », une ambiance nocturne, mais une nuit artificielle, une sorte de nuit américaine où tout serait décor et où une script en permanence surveille le plateau : ainsi travaillerait-on sur du cinéma dans le théâtre, mais ce double degré n’est pas vraiment exploité, sauf par des vidéos (Falko Herold) particulièrement bien construites. Mais si film en répétition il y a, ce serait un « Beckmesser maître et martyr » car vu sous cet angle c’est bien là le sujet.
Le plus significatif est l’aspect « social » développé par Bösch (costumes de Meentje Nielsen).

Markus Eiche (Beckmesser) cherche à séduire Eva (Acte II) (Edition originale avec Jonas Kaufmann (Walther)

En plaçant l’intrigue dans une périphérie un peu grise que vient éclairer la perspective de la fête, il en fait un îlot comme l’est chez Wagner la Nuremberg rêvée du livret, mais un îlot socialement marqué : immeubles gris, antennes paraboliques, échoppe de Sachs transformée en vieux camion itinérant, Pogner qui a réussi, sans doute issu du quartier, habite côté théâtre, côté dorures, côté luxe (Beckmesser voit apparaître celle qu’il croît être Eva au balcon doré d’une loge d’avant-scène), un quartier qui n’est pas si bon-enfant travaillé d’une tension résiduelle : la gentillesse habituelle des apprentis fait place à une certaine violence, notamment contre David qui est on le verra un personnage ambigu, sorte de souffre-douleur.  L’échelle sociale est dominée par Pogner, identifié par son costume blanc et par sa belle voiture un peu poussiéreuse, qui tranche dans l’univers uniformément gris du décor. Dans cet univers, des détails amusants, comme la camionnette de bière « Meister » dans laquelle s’engouffrent dès le premier acte Eva et Walther.
Bösch fait du quartier un lieu d’aujourd’hui où s’impose un couvre-feu (le Nachwächter, c’est la « police de proximité »),  qui n’attend qu’un signe pour se réveiller violemment (fin du deuxième acte), mais encore dominé par la religion comme le montre la procession initiale.  Il encadre la trame dans un décor à l’opposé du pittoresque bavarois, mais créant d’une certaine manière un autre pittoresque social, marqué par l’Art comme frein social (plus que la religion présente à un niveau anecdotique) qui se rapprocherait de ce que Abreu avait pu faire dans les favelas vénézuéliennes avec « El Sistema » des orchestres de jeunes musiciens.

De fait, dans un lieu improbable des faubourgs populaires d’une ville, c’est la fête de l’art et de la poésie, avec un buste de Wagner mis en avant, comme un pied de nez aux idées habituelles qu’on diffuse sur la culture dans ces quartiers. Il y a là des prolongements singuliers à toutes les idées préconçues, et en même temps un relevé scrupuleux de ce qui marche (les maîtres, l’art) et de ce qui reste problématique (la violence).
Bösch travaille ensuite sur un axe satirique qui, dans ce monde qui semble dédié à l’art, se doit d’en passer par la culture télévisuelle, dominée là aussi par Pogner, sponsor et diffuseur du concours qui devient presque un télé crochet dans le style de la « Nouvelle star » dans une version moins léchée et fort drôle (vidéos approximatives, brouillages…). Par son côté approximatif justement, Bösch en souligne les ridicules (« Applaus » indiqué par les chauffeurs de salle), mais en même temps les rituels un peu détournés : Pogner sur la tribune auprès de sa fille qui est le prix du concours semble être l’empereur de l’Amphithéâtre où vont s’affronter les gladiateurs du chant des Maîtres. L’idée du concours télévisuel en soi n’est pas neuve : elle avait été exploitée naguère par Katharina Wagner à Bayreuth, mais elle est utilisée ici comme si une télé locale (Télépogner) s’en emparait, faisait « comme les grandes », avec les ridicules afférents. Dans ce cadre on comprend alors pourquoi l’affiche « Probe Ruhe » (répétition, silence !) au premier acte, qui deviendrait une répétition de l’épreuve finale, dans une sorte de plateau télé un peu désordonné. Entre « haute culture » et culture TV, le petit monde navigue de manière contrastée, en prolongement de la lecture sociale dont il était question plus haut, mais faisant de la Festwiese télévisée une Festwiese au second degré où la joie est forcée, au bord de l’artifice et où tout peut se déglinguer vite (Départ de Walther, Suicide de Beckmesser).
Le final si surprenant (Beckmesser arrivant cherchant à tirer sur la foule puis se retournant l’arme) peut aussi être le final d’un scénario catastrophe du film évoqué plus haut, « Beckmesser maître et martyr » qu’on serait en train de tourner : calicots détruits, peuple stupéfait, David vomissant dans la coupe de Maître prévue pour Walther, et Walther, Wanderer du chant, sorte de trouvère moderne, quittant avec Eva la place assez étouffante, laissant un Sachs isolé et méditatif assis sur les marches (branlantes) de la tribune. Et signant du même coup la fin des maîtres, du rituel et de la fête. Une fausse fête, des maîtres détruits, le héros partant : le final à la fois télévisuel et dramatique retire au show sa gentillesse, et en fait le dernier avatar des Maîtres chanteurs, l’ultime survivance de ce qui put être une utopie : le monde n’a plus droit à l’utopie, et la manie sociétale de la fête télévisée, avec ses applaudissements pilotés et sa bonne humeur forcée est dénoncée…tristes tropiques…

Enfin à travers ce scénario pas si souriant, Bösch trace aussi une galerie de caractères bien dessinés, un David souffre-douleur de ses camarades, qui le secouent, qui le molestent, mais aussi de Sachs (la gifle), un David un peu plus loin de l’intrigue et écrasé, un peu perdu et ignorant des enjeux, dont on sent qu’il ne sera jamais un héros.
Eva est une fausse innocente, jeune fille une peu étouffée et travaillée par le désir, un peu rouée aussi. Walther arrive à point nommé : il est l’extérieur, le monde de l’au-delà du quartier, et la fuite est l’élément moteur dès le premier acte où le couple  s’installe pour partir dans la camionnette de bière, comme ils s’installeront au volant de celle de Sachs au deuxième… pour finalement partir à pied au troisième.

Ainsi Bösch installe l’idée de ce départ dès le début, parce qu’il est clair, portant guitare et sac de voyage, que Walther ne prendra pas racine dans ce monde-là et son refus d’être Maître reflète la logique d’un caractère de personnage de road-movie.
Au contraire, les autres et Sachs en tête sont ceux qui restent, avec la mélancolie profonde qui s’y attache (Wahn ! Wahn ! Überall Wahn !) et Sachs, le centre et la « raison » du petit groupe, est en malaise, tiraillé entre son goût pour Eva, son désir de former Walther, son désir de fuite lui aussi, ou du moins d’échapper à la logique de sa situation. Wolfgang Koch en faisait un personnage populaire, bougon au grand cœur, Michael Volle dans la même mise en scène lui donne une stature un peu différente, son art très conversatif en fait plus un raisonneur, plus intellectuel que l’instinctif dépeint par Koch.
Pogner face à lui ne comprend rien des enjeux du petit groupe : il paie gentiment pour la fête et pour le maintien artificiel d’une tradition où tout lui échappe sans qu’il ne s’en rende compte.
Le plus passionnant de tous pour David Bösch est Beckmesser, débarrassé de toute allusion politique ou raciale, il n’est pas le juif de Kosky, ni l’artiste incompris de Katharina Wagner. Ce Beckmesser est engoncé lui-aussi dans des contradictions individuelles, il est Maître et en fait une protection, le seul élément qui va lui permettre de séduire, et de défendre son pré carré. Il est certes ridicule (la scène du chariot élévateur est l’une des plus désopilantes qui soient), il est aussi cruel (au premier acte en tant que Merker) mais (et l’interprétation magnifique de Markus Eiche y aide) il est aussi déchirant, il fait sourire, et il attendrit : la scène du concours est à ce titre terrible, ainsi que sa fuite et bien entendu son retour armé. Bösch fait de Beckmesser un être plus complexe, fait de désir de revanche sociale, affective, artistique, mais en même temps, comme Wagner le veut, il est celui qui n’a ni le talent, ni l’étincelle divine et qui reste le médiocre. Impardonnable dans un contexte artistique. Il le justifie par son erreur de travailler sur un texte qui n’est pas de lui : à l’opposé de l’art d’un Wagner pour qui texte et musique son liés et doivent naître d’un même processus créatif,  pas de musique de l’avenir sinon. Beckmesser est un homme du passé, accroché aux règles du passé, incapable de comprendre les temps nouveaux de l’art, en décalage pour toujours.
En fait Beckmesser se suicide aussi bien parce que son monde est fini, et que le monde des maîtres est fini, l’espace de l’avenir est ailleurs et Sachs méditatif le comprend, mais reste : en partant, Walther dit en fait « À nous deux le monde », il a pris sa leçon chez Sachs dans la génération précédente, et son départ laisse le monde des maîtres sans objet. Walther-Parsifal, même combat (voir l’article de David Verdier à ce propos).
Le travail de Bösch est plus subtil qu’on l’a dit : il n’a pas fait un travail politique, mais très sensible sur la fin des traditions, sur leur gauchissement, sur l’inévitable meurtre du père qui existe en tout artiste, et sur la transmission artistique qui est aussi l’un des thèmes des Meistersinger (la « formation » dirait-on aujourd’hui).

 

Une distribution exceptionnelle et des chanteurs au sommet

La force de la soirée a résidé dans la réussite fusionnelle d’un travail scénique et musical : car dans pareille œuvre, rien ne tient sans l’étroite liaison de la fosse et de la scène. Et ce soir a été réunie sans doute la plus belle distribution qui soit. C’est ici d’abord son homogénéité qui frappe, et l’incroyable niveau atteint. Autour du Sachs « improvisé » de Michael Volle, qui a été exceptionnel, tout le plateau s’est organisé et le résultat a été sans doute une stupéfiante réussite musicale, évidemment accompagnée par un orchestre au sommet, emporté, sublimé par Kirill Petrenko : quo non ascendat !!
La soirée menacée par les multiples problèmes de santé des participants, montre d’abord un ensemble de Maîtres (toujours difficiles à distribuer) homogène, avec notamment un beau Fritz Kothner de Michael Kupfer-Radecky.
David (Daniel Behle) a remporté un beau succès pour son personnage un peu perdu, totalement hors du jeu et des enjeux, qui montre un beau contrôle,  un raffinement particulier du chant et de jolis aigus. Claudia Mahnke lui donne une réplique vive en Magdalene, un rôle souvent ingrat qui demande à la chanteuse d’affirmer sa présence de manière notable pour exister en scène. La voix est toujours énergique et fraiche, même si on a pu l’entendre certains soirs peut-être plus affirmée. Mais Magdalene n’est ni Selika (à Francfort) ni Waltraute ou Fricka (Bayreuth).
Eva était Julia Kleiter. On reste frappé par la beauté du timbre, la sensibilité du chant, la jeunesse et l’émotion transmise. Bien que la voix n’ait pas une puissance marquée, la projection rend bouleversant ce qu’on entend dans le quintette. Sans aucun doute c’est la meilleure Eva du marché lyrique, parce qu’elle vit le rôle et le sent, et qu’elle sait faire partager l’émotion. Certaines Eva récentes (à Bayreuth, à Milan) n’ont pas été convaincantes : Julia Kleiter possède dans la voix cette vibration dramatique qui donne à son chant tension et émotion. Magnifique prestation.
Georg Zeppenfeld en Pogner est éblouissant : science du phrasé, clarté de la diction, timbre clair, voix somptueuse : on ne revient pas sur l’art d’un chanteur aujourd’hui au sommet, qui marque tous les rôles qu’il aborde. Il est ici un Pogner magnifique, à la voix à la fois suave et puissante, aux intonations poétiques et souvent émouvantes. Extraordinaire.

Markus Eiche (Beckmesser)

Markus Eiche est lui aussi exceptionnel. On est toujours frappé par la justesse de ce chanteur dans tous les rôles qu’il aborde, et ici en particulier, dans ce Beckmesser quelquefois ridicule, jamais burlesque ou clownesque, marqué par une extraordinaire humanité : c’est bien là la marque de fabrique de ce Beckmesser aux multiples inflexions, cynique au premier acte, émouvant à force d’être ridicule au deuxième acte, et à la fois éperdu et terrible au troisième, où sa désespérance est un élément nouveau à la palette de couleurs d’une voix parfaitement posée, à la projection modèle, au style complètement dominé qui réussit à chanter souvent comme un Liederiste ; et quelle émotion de voir face à face l’immense Beckmesser que fut Michael Volle (à Bayreuth), aujourd’hui Sachs, et l’immense Beckmesser qu’est Eiche aujourd’hui !
On ne présente plus le Walther de Klaus Florian Vogt. Il était ce soir un peu fatigué (il y avait eu une annonce préalable) avec quelques duretés dans la voix, notamment à l’aigu où quelquefois la justesse est fragile (dans le quintette notamment). Mais il reste un style inimitable, une diction exemplaire, une clarté du timbre et une émotion toute particulières dans l’expression : ce chant est toujours un modèle de contrôle et de suavité. Il est un Walther toujours référentiel, un rôle qu’il chante depuis plus de dix ans et qui à chaque fois séduit par une fraîcheur qui semble éternelle.
Reste Michael Volle.
Il faut saluer la performance qui lui fait chanter Barak à Berlin le samedi, et arriver le dimanche matin à Munich, répéter un peu et arriver en scène à 15h pour remplacer Wolfgang Koch souffrant. Une performance d’autant plus extraordinaire que la voix ne semble pas atteinte par la fatigue à la fin d’une représentation où son rôle est exténuant. Au contraire, il semble traverser une période magique où sa voix est puissante, expressive, où le phrasé est d’une incroyable clarté, où la diction et l’expression sont une sorte de modèle. Il a une maîtrise de l’art de la conversation chantée qu’on connaissait déjà, mais qui ici est une pure merveille, tant la langue est sculptée, tant chaque mot est clair malgré le rythme, tant il est à l’aise (il est vrai que le rôle n’a plus de secrets pour lui) en scène, composant un personnage à la fois énergique, intellectuel, émouvant, bouleversant même, qui n’a pas le « douce brutalité »  bougonne d’un Koch, et qui ici domine complètement la distribution pourtant magnifique d’une bonne tête. Son apparition aux saluts provoque une de ces explosions d’un public qui se lève comme un seul homme pour saluer le Sachs anthologique et inoubliable qu’il a composé ce soir.

Chœur et orchestre inscrits dans la légende dorée de l’interprétation wagnérienne

Aux côté de cette distribution extraordinaire un chœur de la Bayerische Staatsoper des grands jours, dirigé par Sören Eckhoff, , avec une puissance et un souffle incroyables : quel Wach auf tenu aux limites et tellement impressionnant, quel rythme, quelle clarté dans la diction.
Et puis il y a l’orchestre, dont les solistes émergent tout particulièrement grâce à la direction claire et raffinée de Kirill Petrenko, en particulier hautbois phénoménal et clarinette. Mais c’est l’ensemble qui frappe, avec une direction très attentive au plateau, mais au son plein, clair, charnu : l’attaque du premier accord de l’ouverture est totalement bluffant « à la Kleiber » par la surprise qu’il suscite. Une direction qui stupéfie aussi bien par les scènes de foule (fabuleux final du troisième acte et phénoménale Festwiese), que par les moments plus poétiques : le prélude du troisième acte est bouleversant. Mais ce qui frappe une fois de plus c’est le travail terme à terme musique-parole, c’est l’accompagnement vif et toujours en retrait face à la scène, c’est aussi les parties plus symphoniques ou plus spectaculaires complètement assumées, avec une rare fluidité et une présence émotive qui laissent pantois. Il faut user de superlatifs pour ce travail toujours fabuleux (rappelons le Parsifal de cet été) mais qui atteint ici la légende. Tout le troisième acte émeut aux larmes, par la justesse du ton, par le rythme, par les contrastes musicaux assumés : Kirill Petrenko exalte ici l’art de la composition musicale, amené au plus haut par Wagner dans ce que je continue d’estimer son chef d’œuvre. Il reste le Maître de ces Maîtres.

Festwiese (edition originale : Wolfgang Koch, Christoph Fischesser, Sara Jakubiak

 

 

 

 

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Guy Cherqui
Agrégé de Lettres, inspecteur pédagogique régional honoraire, Guy Cherqui « Le Wanderer » se promène depuis une cinquantaine d’années dans les théâtres et les festivals européens, Bayreuth depuis 1977, Salzbourg depuis 1979. Bouleversé par la production du Ring de Chéreau et Boulez à Bayreuth, vue sept fois, il défend depuis avec ardeur les mises en scènes dramaturgiques qui donnent au spectacle lyrique une plus-value. Fondateur avec David Verdier, Romain Jordan et Ronald Asmar du site Wanderersite.com, Il travaille aussi pour les revues Platea Magazine à Madrid, Opernwelt à Berlin. Il est l’auteur avec David Verdier de l’ouvrage Castorf-Ring-Bayreuth 2013–2017 paru aux éditions La Pommerie qui est la seule analyse parue à ce jour de cette production.
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