Giuseppe Verdi (1813–1901)

I masnadieri (1847)

Direction musicale : Roberto Abbado
Mise en scène : Massimo Popolizio

Chef des chœurs  Roberto Gabbiani
Décors Sergio Tramonti
Costumes Silvia Aymonino
Lumières Roberto Venturi
Vidéo Luca Brinchi et Daniele Spanò

avec

Massimiliano Riccardo Zanellato
Carlo Stefano Secco 
Francesco Artur Ruciński 
Amalia Roberta Mantegna** 
Arminio Saverio Fiore
Moser Dario Russo
Rolla Pietro Picone

**diplomée  “Fabbrica” Young Artist Program

Orchestra e Coro del Teatro dell’Opera di Roma

 

Nuovo allestimento

Teatro dell'Opera di Roma, 23 janvier 2018

Deux raisons ont présidé à la programmation de I masnadieri à l’Opéra de Rome. Le retour d’un titre qui manquait au répertoire depuis novembre 1972, et les débuts de l’acteur Massimo Popolizio dans la mise en scène d’opéra.
Il y a quarante-cinq ans, c’était Gianandrea Gavazzeni qui dirigeait la production d’une œuvre – difficile à croire – n’avait jamais été à l’affiche de ce théâtre. Si bien qu’à Rome la présente production n’est que la seconde d’un opéra qui a vu le jour en 1847…En dominant les craintes naturelles de qui n’a jamais affronté le théâtre musical, Popolizio a accepté l’invitation de l’Opéra de Rome, offrant avec sa mise en scène une prestation dans l’ensemble positive.

Traduit de l'italien par Guy Cherqui

Giuseppe Verdi a trente-deux ans quand il reçoit en 1845 de Her Majesty’s Theatre de Londres la commande d’un opéra, sa première commission d’un grand théâtre étranger. Même s’il est jeune encore, le compositeur a en ces années-là une activité fébrile et sa réputation croît avec les succès de Nabucco, I lombardi a la prima crociata, Ernani. A la réception de la commande de Londres, Verdi se tourne pour le livret vers le comte Andrea Maffei, qui exprime dans ce travail toute l’étoffe d’un intellectuel raffiné, traducteur expert du théâtre allemand et britannique ; il propose à Verdi le drame de Schiller Die Räuber, I masnadieri justement, un texte d'une grande énergie, aux couleurs de révolte marquées, du pur Sturm und Drang. Dans l’ensemble le livret fonctionne, même si affleurent çà et là le maniérisme et la lourdeur où se voit le goût de cet aristocrate cultivé.

La musique du jeune Verdi trouve ici des accents propres, même si de manière compréhensible elle révèle des influences des astres majeurs de l’époque, par exemple dans la facture de nombreux airs qui, dans le style de Donizetti, présentent une première partie en tonalité majeure, et la seconde en mineure. Il y a aussi quelque limite, quelque indice d’une maturité non encore atteinte dans l’élaboration musicale, par exemple  le monologue de Carlo, avec ses intentions de suicide est résolu à la va-vite, omettant des développements possibles et intéressants que, dans des situations analogues, le Verdi plus mûr approfondira.
Dans les nouveautés portées par l’œuvre, les grandes pages pour chœur  très articulées qui racontent un événement comme la destruction de Prague, et révèlent une vision théâtrale novatrice. Les traits des personnages sont bien réussis, à commencer par le père, Massimiliano, à qui est réservé un grand air au troisième acte, avec une variété notable de solutions, dans le style majestueux typique des basses verdiennes. La figure du fils, Carlo, est romantique et inquiète, d’un côté nourrie d’idéaux enflammés, de l’autre traversée de regrets. Dans son rôle de méchant, l’autre fils Francesco présente une riche palette d’accents et de nuances. La protagoniste féminine, Amalia, est intéressante aussi parce qu’au fond, elle n’est pas aussi innocente, comme on le ressent dans sa première cavatine, légère dans la couleur musicale, mais très passionnelle dans le texte.

Amalia (Roberta Mantegna) et Carlo (Stefano Secco)

La mise en scène de Popolizio souligne fortement l’affrontement de tensions fortes et de troubles insatisfaits, dans l’esprit pré romantique, mais la plaçant dans un Moyen-âge aux contrastes acérés eu égard au cadre du XVIIIe de Schiller. La couleur d’ensemble est le gris, sans nuances, dans une scénographie crue, signée Sergio Tramonti avec des costumes de Silvia Aymonino, qui utilise l’espace sans meubles ni oripeaux variés, imposant l’emploi de ponts à des niveaux divers, qui soulignent la force de la musique.
C’est là qu’on reconnaît la leçon des mises en scène de Luca Ronconi ((dont Massimo Popolizio était un des acteurs favoris)), pour lesquelles espace et scène sont des moteurs importants de la tension dramaturgique. Cependant, on reste un peu perplexe devant la situation fréquente de Carlo sur une sorte de tribune qui va et vient depuis les coulisses. Une solution tarabiscotée qui voudrait souligner l’isolement de Carlo, mais qui finit inévitablement par rappeler le bastingage du Titanic d’où se penchaient Leonardo Di Caprio et Kate Winslet…

Massimiliano (Riccardo Zanellato)

La direction de Roberto Abbado est somptueuse, elle souligne les couleurs marquées et fortes de la musique de Verdi, tout en mettant en valeur la riche palette de nuances offerte par cette partition de jeunesse. C’est déjà vrai dans le prélude avec le grand solo de violoncelle, et le chef milanais met en valeur les dynamiques et les couleurs avec une pénétration expressive marquée, en articulant avec clarté l’engrenage de moments pressants et d'autres plus lyriques. Abbado démontre aussi une grande attention aux qualités de l’orchestre et du chœur préparé par Roberto Gabbiani avec des résultats remarquables dans les équilibres entre fosse et scène, qui ont beaucoup contribué à la réussite de l’exécution et au rendu des voix solistes.
Des voix qui ont pleinement convaincu dans les divers personnages comme le Massimiliano de la basse Ricardo Zanellato, ou le Francesco d’Artur Ruciński, baryton extraordinaire dans le grand air délirant du quatrième acte. Amalia était confiée au jeune soprano Roberta Mantegna, un produit flatteur du Progetto Fabbrica, structure de formation de jeunes chanteurs de l’Opéra de Rome pour cultiver des voix nouvelles. En revanche, le Carlo du ténor Stefano Secco n’est pas aussi convaincant, il ne possède pas la richesse de timbre requise, ni une émission toujours ferme. Méritent aussi d’être cités les rôles de complément, tous de qualité, Saverio Fiore, Arminio, le Moser de Dario Russo, Pietro Picone comme Rolla. Succès chaleureux et unanime pour tous à la fin.

Roberta Mantegna (Amalia) Artur Ruciński (Francesco)

 

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Francesco Arturo Saponaro
Francesco Arturo Saponaro a exercé comme enseignant d’histoire de la musique et de directeur de Conservatoire. Depuis toujours il maintient une présence attentive dans le champ du journalisme musical. Il écrit dans Amadeus, Classic Voice sur les journaux en ligne Wanderer, et Succede Oggi. Il a écrit aussi dans d’autres journaux Il Giornale della Musica, Liberal, Reporter, Syrinx, I Fiati. Il a collaboré de nombreuses années avec la RAI pour les trois radios animant d’innombrables émissions, ainsi que pour la télévision (RAIUNO et les rubriques musicale du journal télévisé TG1)
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