Programme

 Gustav Mahler (1860–1911)
Lieder extraits de Des Knaben Wunderhorn :

Rheinlegendchen
Wo die schönen Trompeten blasen
Das irdische Leben
Urlicht
Verlorne Müh’!
Revelge
Der Tamboursg’sell

-
Johannes Brahms (1833–1897)
Symphonie n°4 en mi mineur op.98

 Matthias Goerne, baryton

Bayerisches Staatsorchester
Direction musicale : Kirill Petrenko

Nationaltheater Munich, 8 et 9 octobre 2017

De retour de sa tournée asiatique, le Bayerisches Staatsorchester (l’Orchestre de l’opéra de Munich) présente un premier concert de la saison symphonique triomphal. À la baguette, Kirill Petrenko a conquis le public avec une lecture incandescente de la Symphonie n°4 de Johannes Brahms, après une exécution vibrante d’une sélection de Lieder du cycle Des Knaben Wunderhorn, exécutés par le baryton Matthias Goerne.

Traduit de l'italien par Guy Cherqui

Un dimanche comme tant d’autres à Munich, il pleuviote e l’automne prend le dessus. Mais musicalement la matinée est importante pour le Nationaltheater, et ce pour plusieurs raisons.

D’abord c’est le premier dimanche après le retour à la maison des personnels de l’opéra après l’importante tournée asiatique : 10000 km au Japon, en Corée et Taipeh qui les ont vus dans des concerts, dans la production du Tannhäuser vue en mai (signée Romeo Castellucci), et dans la marque de fabrique historique, la production toujours verte de Die Zauberflöte d’August Everding.

À Taipeh, Séoul et Tokyo (la dernière tournée remonte à 2011, à six mois du tremblement de terre désastreux qui a frappé le Japon), l’orchestre, en plus des opéras a reproposé le magnifique programme Rachmaninov-Mahler présenté en juin à Munich avec Igor Levit au piano, une soirée Beethoven et pour le derneir concert, la première partie du programme de ce soir liée au premier acte de Die Walküre, avec quelques-uns des chanteurs engagés dans Tannhäuser.
De plus, ce concert du dimanche matin  représente une sorte d’avant-première exceptionnelle du traditionnel rendez-vous quasi mensuel du lundi, repris le jour d’après, des « Akademiekonzert » , les concerts pour lesquels l’orchestre abandonne la fosse suivant une tradition qui remonte à 1811, et qui correspond cette fois à la réunion des membres de l’Association des Amis du Nationaltheater.

Enfin, last but not least, si l’intérêt du GMD s’est porté la saison dernière pour l’essentiel à Mahler et Tchaïkovski, le programme du jour concentre l’attention sur un compositeur très attendu : au cours de cette saison en effet Petrenko sera au pupitre pour la première et la quatrième symphonie, ainsi que pour le concerto pour violon et violoncelle de Johannes Brahms. On commence par l’op.98,  un magnifique banc d’essai pour le futur chef des Berliner Philharmoniker.
Sur le papier, il y avait là de quoi proposer un programme digne d’une inauguration de saison.

Dans la première partie du concert, le baryton Matthias Goerne a interprété une sélection des Lieder pour voix et orchestre extraits du cycle Des Knaben Wunderhorn de Gustav Mahler, qui a mis en musique vingt-quatre textes à diverses reprises en 1892 et 1901.
Le choix des Lieder s’adapte bien aux qualités vocales de Goerne, qui est un interprète raffiné du répertoire des Lieder. La voix, qui a du corps, mais qui n’est pas énorme, reste fluide et sûre dans le registre central, et Goerne privilégie la mezzavoce dès que la ligne mélodique monte à l’aigu.
Petrenko ne se limite pas à accompagner, et soigne chaque accent à travers un orchestre qui se caractérise par une très grande variété de tons.

Ainsi au début de Rheinlegendchen, l’entrée de Goerne bénéficie du rendu magistral des indications de la partition rit. et a tempo et la pièce se développe avec une grâce apparente, prélude aux deux pièces suivantes. Dans Wo die schönen Trompeten blasen et Das irdische Leben nous entendons un Mahler désenchanté aux prises avec un univers aux sonorités sinistres et sarcastiques.
À ce dernier Lied, comme pivot du programme, se soude sans solution de continuité Urlicht, où vole la vedette le hautbois de Frédéric Tardy, ex hautbois soliste de l’Orchestre de l’Opéra de Lyon, depuis ce début de saison hautbois soliste du Bayerisches Staatsorchester.
Reproposant le même schéma, c’est au tour de Verlorne Müh’! d’introduire un Lied aux sonorités d’orphéon et triviales comme Revelge. L’orchestre en rend magistralement chaque nuance, avec âpreté, soutenant le soliste qui, par rapport aux pièces précédentes, semble moins à l’aise dans les moments aigus prévus à pleine voix.
La sélection se clôt avec la ballade Der Tamboursg’sell et sa tristesse noire.
Remportant un succès personnel chalmeureux, Matthias Goerne confirme ainsi à cette occasion ses dons tout particuliers d’interprète de Lieder, grâce à une belle et passionnante interprétation, même si on pourrait s’attendre à une plus grande variété d’accents face à une plus grande retenue gestuelle, qui se ressent peut-être de tant de représentations de Wozzeck, y compris les dernières de cet été à Salzbourg.

Une fois les tensions mahlériennes apaisées, après l’entracte Kirill Petrenko revient au pupitre pour une extraordinaire symphonie n°4 de Brahms.

Comme pour tous les chefs d’œuvres trop acclamés, derrière l’exécution d’une page si connue et pour le public si emblématique du répertoire se cache le risque de déraper (dans la meilleure des hypothèses on pourrait l’appeler ennui), si on pense à une édition ou l’autre qu’on connaît par cœur.
Le grand interprète ne suscite pas de comparaisons : il recrée la page et alors l’implication est totale. Le public comme c'est le cas ici est totalement captif de la première à la dernière note. Pas de place pour penser à autre chose !
Ainsi dès les premières mesures, l’allegro non troppo initial est une succession d’états d’âme dans lesquels prévalent les innombrables indications dolce. Les bois entrent avec une fantastique légèreté et les cuivres se plient au dessein général, immergés dans les sotto voce des cordes et des vents. Grâce à des montages savants, mesure après mesure, le compositeur entraîne toutes les sections de l’orchestre vers la poignante péroraison..
En ouverture de lAndante moderato, ce sont les pizzicati des cordes et le legato des bois qui dessinent l’atmosphère qui prépare une entrée des bois mémorables inspirés par le premier thème. Une romance sans paroles où douceur et mélancolie sereine s’imposent à l’esprit.
Pour contrecarrer cette ambiance, l’ Allegro giocoso commence en ff comme une danse qui scelle un héritage symphonique dont l'esprit se réfère à une célèbre septième symphonie.
Dans lallegro energico e passionato final, c’est tout l’orchestre qui soutient la conclusion si construite et si énergique, d’où émergent les interventions très marquées de la flûte, du hautbois et de la clarinette, précédant un hommage prolongé, libératoire du public.

 

 

 

 

 

 

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Paolo Malaspina
Paolo Malaspina est né en 1974 e fréquente le monde de l’opéra depuis 1989. Il pris des cours privés de chant lyrique et d’histoire de la musique, en parallèle avec des études en ingénierie chimique. Il obtient son diplôme en 1999 auprès de l’Ecole polytechnique de Turin avec une thèse réalisée en collaboration avec l’Ecole Nationale Supérieure de Chimie de Toulouse. Ses intérêts en matière musicale s’orientent vers le XIXème et XXème siècles, avec une attention particulière à l’histoire de la technique vocale et de l’interprétation de l’opéra italien et allemand du XIXème.
Crédits photo : © Wilfried Hösl
© WandererSite/Paolo Malaspina

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