Concert Pauline Viardot

Pauline Viardot

« L’Orage »
« Géorgienne »
« Berceuse cosaque »
« Evocation »
« Les Ombres de minuit »
« Aimez-moi »
« Haï Luli ! »
« Ici-bas tous les lilas meurent »
« Solitude »
« Les Filles de Cadix »
« Havanaise »
« L’Absence »

Jules Massenet

« O mes sœurs », Marie-Magdeleine

Christoph Willibald Gluck

« J’ai perdu mon Eurydice », Orphée et Eurydice

Giacomo Meyerbeer

« Ah ! mon fils », Le Prophète

Camille Saint-Saëns

« Mon cœur s’ouvre à ta voix », Samson et Dalila

 

Aude Extrémo, mezzo-soprano
Etienne Manchon, piano

Enregistré au Palazzetto Bru Zane (Venise) en mars 2021, et disponible en streaming sur le site du PBZ et sur Youtube

Dans le cadre de la journée internationale des droits des femmes, le Palazzetto Bru Zane met à l’honneur Pauline Viardot : chanteuse et compositrice, ce sont ces deux facettes que la mezzo-soprano Aude Extrémo illustre en compagnie du pianiste Etienne Manchon dans ce récital enregistré à Venise et disponible sur le site et la chaîne Youtube du PBZ. Mêlant mélodies composées par Pauline Viardot et airs d’opéra dont elle fut l’interprète ; mêlant (re)découvertes et pages bien connues, le concert constitue une bonne entrée dans l’année du bicentenaire de l’une des figures phares de la scène lyrique française du XIXème siècle.

Aude Extrémo et Etienne Manchon

Concert disponible sur Youtube :
https://www.youtube.com/watch?v=puulPivctGI

Les Garcia sont l’une de ces familles de musiciens dans lesquelles les mélomanes ne savent plus où donner de la tête. Il y a d’abord le père, Manuel Garcia : ténor (il fut le premier Almaviva du Barbier de Séville), compositeur, professeur (d’Adolphe Nourrit entre autres) ; puis son fils Manuel Junior, qui suivit exactement le même parcours (bien qu’avec un succès un peu moindre) ; la fille aînée, Maria, si célèbre qu’on ne l’appelait plus par son prénom mais « La Malibran » ; et enfin Pauline, qui fut aussi bien chanteuse que compositrice – fait malheureusement assez rare en son temps pour être largement souligné. Le 8 mars était donc une journée toute trouvée pour que le Palazzetto Bru Zane mette en lumière Pauline Garcia, devenue Pauline Viardot, à travers un concert enregistré à Venise et diffusé sur son site internet et sa chaîne Youtube, concert durant lequel la mezzo-soprano Aude Extrémo et le pianiste Etienne Manchon interprètent aussi bien des œuvres de la compositrice que des airs d’opéra qu’elle a interprétés sur scène.

Il faut bien admettre que Pauline Viardot a pu être un peu éclipsée par la renommée de sa sœur Maria Malibran, figure véritablement mythique dans le panthéon des chanteurs grâce à des capacités vocales hors du commun et les témoignages que ses contemporains – Musset en tête – nous ont laissés. Pourtant Pauline Viardot fut elle aussi l’une des mezzo-sopranos les plus en vue de son époque, et pas seulement auprès du public : si Berlioz adapta pour elle le rôle d’Orphée (de Gluck), si Saint-Saëns lui dédia la partition de Samson et Dalila, si elle fut la première Fidès du Prophète de Meyerbeer et la première Didon des Troyens (en version de concert), elle côtoya aussi dans la sphère privée tous les grands créateurs de son temps – Delacroix, Chopin, George Sand, Clara Schumann, Tourgueniev, Fauré, Zola, Massenet, Flaubert…

Et pourtant… qui joue Pauline Viardot ? Qui chante Pauline Viardot ? On trouve bien quelques traces de sa production au disque, et l’Opéra Comique porta en 2013 sa Cendrillon sur la scène de la salle Favart. Mais le catalogue de ses œuvres laisse encore bien des choses à découvrir, notamment lorsqu’on pense à toutes les mélodies qu’elle a composées – genre auquel se prêtaient beaucoup les femmes compositrices, globalement exclues de l’opéra et limitées à des formes plus intimistes, et plus domestiques.

Aude Extrémo

Aude Extrémo et le pianiste Etienne Manchon nous donnent heureusement l’occasion d’entendre pas moins de douze poèmes mis en musique par Pauline Viardot, ce qui constitue déjà un bel aperçu de son travail. Le programme s’ouvre sur cinq mélodies en russe qui créent une atmosphère plutôt mélancolique en début de concert, et on est d’emblée frappée par le timbre si reconnaissable d’Aude Extrémo : riche, sombre, corsé, et d’une étonnante homogénéité sur l’ensemble de la tessiture. Parmi ces cinq premières pièces, c’est probablement la « Berceuse cosaque » qui retient avant tout l’attention, la mezzo-soprano y gagnant en expressivité ; mais Etienne Manchon, qui conserve un jeu sobre et évite les excès romantiques, trouve aussi à briller dans « Evocation » et ses divers accents rythmiques.

Les pièces s’enchaînent sans temps mort, et il n’aurait pas été superflu de laisser quelques instants de pause entre les différentes mélodies, ou du moins entre les différentes parties du programme ; car le passage du russe au français se fait de manière assez abrupte (et il en sera de même entre les mélodies et les airs d’opéra). L’auditeur se trouve ainsi plongé dans, « Aimez-moi », « Hai Luli », « Ici-bas tous les lilas meurent » ou encore « Solitude » ; et si la voix d’Aude Extrémo est très belle, on regrette que la mezzo-soprano ait fait le choix d’une émission vocale si « opératique » et qui a tendance à noyer le texte derrière le son et la vocalité. C’est dommage, car même si tous les poèmes ne sont pas d’une égale qualité, on a besoin d’en saisir le sens et les inflexions et qu’il puisse être ciselé à l’infini par l’interprète. Cela n’empêche heureusement pas cette dernière de faire preuve d’expressivité dans son chant, mais les moyens vocaux dépassent le cadre intimiste que ces mélodies et la configuration du concert semblent appeler. On remarque en revanche dans la « Havanaise » et « L’Absence » que la langue espagnole va très bien à Aude Extrémo, et que cette dernière prend plaisir à jouer avec le texte et l’écriture : vocalises, mordants, quelques sons droits, elle livre une interprétation engagée et contrastée de ces mélodies.

Etienne Manchon

Malgré tout, c’est dans les airs d’opéra, non pas écrits par, mais pour Pauline Viardot, que la voix d’Aude Extrémo trouve au mieux à se déployer. C’est d’abord « O mes sœurs », extrait de Marie-Magdeleine de Massenet, qui fait entendre la qualité de son bas-medium – rond, dense – ainsi que la présence attentive d’Etienne Manchon trouvant des couleurs parfaitement en accord avec le timbre de la chanteuse et une belle densité de manière générale. « J’ai perdu mon Eurydice » est en revanche plus décevant : d’abord parce que l’air se prête mal à un accompagnement au piano, ensuite parce que le tempo manque d’allant. L’air de Fidès extrait du Prophète de Meyerbeer est quant à lui bien mené, mais on retient davantage « Mon cœur s’ouvre à ta voix » où l’opulence du timbre d’Aude Extrémo et la remarquable homogénéité de la voix dans le grave ont tout loisir de se faire entendre, et où le pianiste – et c’est un défi dans cet air ! – parvient à rendre la richesse et les contrastes de l’orchestre avec beaucoup de raffinement.

Bonne nouvelle pour tous ceux qui aimeront ce concert : 2021 est l’année du bicentenaire de la naissance de Pauline Viardot, ce qui laisse présager (on l’espère en tout cas !) d’autres manifestations en hommage à la chanteuse comme à la compositrice. L’autre bonne nouvelle étant que ce concert n’est qu’une étape dans un projet de grande envergure mené par le Palazzetto Bru Zane et visant à redécouvrir et réhabiliter les compositrices françaises injustement tombées dans l’oubli. Tout un pan du répertoire à découvrir…

Concert disponible sur Youtube :
https://www.youtube.com/watch?v=puulPivctGI

Portrait de Pauline Viardot (1842) par Carl Timoleon von Neff,
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Claire-Marie Caussin
Après des études de lettres et histoire de l’art, Claire-Marie Caussin intègre l’Ecole des Hautes Etudes en Sciences Sociales où elle étudie la musicologie et se spécialise dans les rapports entre forme musicale et philosophie des passions dans l’opéra au XVIIIème siècle. Elle rédige un mémoire intitulé Les Noces de Figaro et Don Giovanni : approches dramaturgiques de la violence où elle propose une lecture mêlant musicologie, philosophie, sociologie et dramaturgie de ces œuvres majeures du répertoire. Tout en poursuivant un cursus de chant lyrique dans un conservatoire parisien, Claire-Marie Caussin fait ses premières armes en tant que critique musical sur le site Forum Opéra dont elle sera rédactrice en chef adjointe de novembre 2019 à avril 2020, avant de rejoindre le site Wanderer.
Crédits photo : © Palazzetto Bru Zane

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