Gioachino Rossini (1792–1868)
Il Barbiere di Siviglia (1816)

Dramma comico in due atti de Cesare Sterbini, d’après "Le barbier de Séville ou La précaution inutile" (1775) de Beaumarchais
Création le 20 février 1816 au Teatro di Torre Argentina, Rome

Direction musicale : Diego Matheuz
Mise en scène : Damiano Michieletto
Décors : Paolo Fantin
Costumes : Silvia Aymonino
Lumières : Fabio Barettin

Il Conte d’Almaviva : Levy Sekgapane :
Bartolo : Carlo Lepore
Rosina : Isabel Leonard
Figaro : Mattia Olivieri
Don Basilio : Luca Pisaroni :
Berta : Margarita Polonskaya
Fiorello : Andres Cascante
Un ufficiale : Jianhong Zhao

Chœur et orchestre de l’Opéra national de Paris
Chef de chœur : Alessandro di Stefano

Paris, Opéra Bastille, samedi 5 juillet 2025

Production créée au Grand Théâtre de Genève en 2010, entrée au répertoire de l’Opéra national de Paris en 2014

Paris, Opéra national de Paris – Bastille, samedi 5 juillet 2025, 19h30

Avec la reprise de ce Barbiere di Siviglia revisité par Damiano Michieletto sur la scène de la Bastille, l’Opéra National de Paris termine la saison sur une notre légère et enjouée que les spectateurs venus en grand nombre n’ont pas manqué de saluer avec enthousiasme. À l’approche des vacances estivales, cette production grand public, consensuelle et joyeuse continue de remplir son cahier des charges depuis 2014 et de distraire les foules à la gloire de Rossini et de la comédie en musique.

Quoi de plus agréable que de finir la saison musicale parisienne avec Rossini et son indéboulonnable Barbiere di Siviglia ? Alors que la planète se réchauffe à grande vitesse, que les conflits se poursuivent partout et que les inquiétudes face à l’avenir s’intensifient, l’art et la culture font figure de refuges vers lesquels il est bon de s’abriter. Le public ne s’est d’ailleurs pas fait prier pour revenir en masse assister à cette reprise d’un spectacle vieux de onze ans, imaginé par le prolifique metteur en scène italien Damiano Michieletto.

Le dispositif de Paolo Fantin

Le décor unique de Paolo Fantin avec cette immense façade d’immeuble d’un quartier espagnol populaire et ensoleillé, son café, sa voiture garée, ses vélos, ses balcons où pendent le linge et ou s’affichent sur plusieurs étages les existences de voisins hauts en couleurs fait toujours son effet. Le public ne peut retenir son plaisir en découvrant cette scénographie et plus encore lorsqu’une partie du décor pivote sur lui-même pour laisser apparaitre chaque appartement vu de l’intérieur.

Façade et intimité des familles…

Entrant ainsi dans l’intimité des personnages, les spectateurs deviennent ainsi voyeurs, Damiano Michieletto ayant à cœur de dévoiler ce que tente de dissimuler l’intrigue, en révélant la face cachée des choses. Cette astucieuse machinerie permet ainsi de montrer les facéties du factotum Figaro qui vient en aide au Comte Almaviva, bien décidé à conquérir la belle Rosina séquestrée par un tuteur qui souhaite en faire son épouse. Enfermée dans ce logement, errant de sa chambre à la cuisine, interdite de balcon – celui-ci sera même muré – Rosina, aussi délurée que rusée, finira par échapper aux griffes de ce vieux geôlier libidineux pour convoler en justes noces aux bras de son vigoureux Almaviva, fuyant la ville en moto.

Carlo Lepore (Bartolo), Isabel Leonard (Rosina)

Malgré quelques répétitions et le recours intempestif à la tournette, le metteur en scène se plaît à détailler cette rue animée et à recréer cette vie de quartier grâce aux multiples occupations de chacun, scènes de ménage et réconciliation, préparation du repas, pause cigarette ou apéritif entre amis. L’ensemble est vif, coloré, souvent drôle et suffisamment modernisé pour remettre au gout du jour un livret quelque peu daté. Les lumières douces et les costumes aux teintes acidulées sont parfaitement adaptés à cette lecture quasi « movidesque », sans pour autant lorgner vers le trash des premiers films d’Almodovar, où l’œil n’en finit pas d’être attiré.

Levy Segkapane (Almaviva) et Mattia Olivieri (Figaro)

Heureusement la distribution est globalement satisfaisante, d’autant qu’elle a eu le temps de prendre ses marques depuis la première donnée le 10 juin, qui était encore perfectible. Très à l’aise au plateau, qu’il arpente sans discontinuer, pour restituer les traits de caractère de l’infatigable Figaro, le bondissant baryton italien Mattia Olivieri excelle. Malette de coiffeur en mains, ce séducteur au charme bon enfant est absolument irrésistible, aimé de tous, beau-parleur gentleman cambrioleur, il prête son timbre vif argent à ce personnage survolté auquel sa jeunesse, sa faconde et son élégante virtuosité confèrent d’indéniables atouts. Le duo qu’il forme avec l’Almaviva à l’instrument léger de Levy Sekgapane, qui vocalise certes à toute vitesse mais devrait cependant éviter de nous faire croire qu’il trille, est très réussi. Le ténor sud-africain déjà présent en 2018, évolue avec naturel, visiblement heureux de partager la scène avec des collègues impliqués devant un public réceptif qui réserve d’ailleurs à ses deux airs (le 1er « Ecco ridente » et le second « Cessa di piu resistere ») une longue ovation. Chez les hommes toujours, Luca Pisaroni semble plus concerné par le rôle de Basilio qu’il défend avec plus de conviction que le soir de la première et dont le comique ressort avec plus de contrastes, tandis que Carlo Lepore donne l’impression d’avoir accepté d’être aujourd’hui abonné au rôle de Bartolo, dont il assure ce soir tout du moins correctement le chant syllabique. Nous pensions retrouver en Rosina la mezzo Aigul Akhmetshina déjà présente en 2022, mais faute d’obtention de visa celle-ci a dû renoncer à cette reprise parisienne, laissant sa place à Isabel Leonard. Si l’actrice n’appelle aucun reproche, traduisant avec un aplomb rare les vicissitudes de cette héroïne révoltée et bien décidée à se jouer de son insupportable « tuteur », sa technique vocale très peu orthodoxe qui la contraint à se cantonner dans un constant medium/bas medium, laisse sur sa faim l’auditeur en mal de vélocité et de bel canto échevelé. Chœurs savoureux et honnêtes  comprimari complètent ce tableau. Plus sûr de lui et de ses instrumentistes à qui les répétitions avaient manqué le 10 juin, Diego Matheuz dirige la partition avec plus de netteté et de peps dans les ensembles, sans pour autant faire briller de tous ses feux cette œuvre pimpante qui n’en finit pas d’exalter les foules.

Mattia Olivieri (Figaro), Isabel Leonard (Rosina), Carlo Lepore (Bartolo), Luca Pisaroni (Basilio)
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François Lesueur
Après avoir suivi des études de Cinéma et d'Audiovisuel, François Lesueur se dirige vers le milieu musical où il occupe plusieurs postes, dont celui de régisseur-plateau sur différentes productions d'opéra. Il choisit cependant la fonction publique et intègre la Direction des affaires culturelles, où il est successivement en charge des salles de concerts, des théâtres municipaux, des partenariats mis en place dans les musées de la Ville de Paris avant d’intégrer Paris Musées, où il est responsable des privatisations d’espaces.  Sa passion pour le journalisme et l'art lyrique le conduisent en parallèle à écrire très tôt pour de nombreuses revues musicales françaises et étrangères, qui l’amènent à collaborer notamment au mensuel culturel suisse Scènes magazine de 1993 à 2016 et à intégrer la rédaction d’Opéra Magazine en 2015. Il est également critique musical pour le site concertclassic.com depuis 2006. Il s’est associé au wanderesite.com dès son lancement

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