Richard Strauss (1864–1949)
Die Liebe der Danae (1952)

Heitere Mythologie in drei Akten
(une mythologie joyeuse en trois actes)
Livret de Joseph Gregor d'après une ébauche de Hugo von Hofmannsthal
Création le 14 août 1952 au Festival de Salzbourg

Direction musicale : Sebastian Weigle
Mise en scène : Claus Guth

Décors : Michael Levine
Costumes : Ursula Kudrna
Lumières : Alessandro Carletti
Vidéo : rocafilm
Dramatugie : Yvonne Gebauer, Ariane Bliss

Jupiter : Christopher Maltman
Merkur : Ya-Chung Huang
Pollux : Vincent Wolfsteiner
Danae : Malin Byström
Xanthe : Erika Baikoff
Midas : Andreas Schager
Vier Könige : Paul Kaufmann, Kevin Conners, Bálint Szabó, Martin Snell
Semele : Sarah Dufresne
Europa : Evgenyia Sotnikova
Alkmene : Emily Sierra
Leda : Avery Amereau
Vier Wächter : Vitor Bispo, Yosif Slavov, Bruno Khoury,  Daniel Loyola
Eine Stimme : Louise McClelland Jacobsen

 

Bayerischer Staatsopernchor
Chef des chœurs : Christoph Heil

Opernballett der Bayerischen Staatsoper

Bayerisches Staatsorchester

Munich, Nationaltheater, Samedi 22 février 2025, 19h

Dans les opéras de Strauss, Die Liebe der Danae a le parfum étrange des derniers spasmes de la création. Composé au seuil de la deuxième guerre mondiale, prévu à Salzbourg en 1944 où l’opéra a été répété jusqu’à la générale, il ne fut pas créé parce que tout fut interrompu à cause de la guerre. Il sera finalement créé à Salzbourg de manière posthume, en 1952.

Autre étrangeté, cette appellation qui le qualifie « heitere Mythologie », mythologie joyeuse pas si joyeuse d’ailleurs, comme s’il s’agissait d’une fantaisie mythologique ce qu’elle n’est pas.

Troisième particularité enfin, l’idée du livret vient d’une ébauche de Hofmannsthal remontant au moment de leur collaboration fructueuse, au début des années 1920 mais elle ne fut pas portée à terme. C’est Joseph Gregor recommandé par Stefan Zweig au moment de son exil qui reprend l’idée et en fait un livret loin d’avoir la poésie ou la profondeur des textes d’un Hofmannsthal mort en 1929. Et d’ailleurs Strauss ne fut jamais vraiment convaincu de ses livrets (Daphné, Friedenstag, mais aussi un peu Capriccio). C’est donc par les accidents de l’histoire que Gregor (à l’attitude ambiguë sous le régime nazi) se retrouve à travailler avec Strauss qui après la mort de Hofmannsthal avait cru trouver en Zweig, son digne successeur. Mais il était juif et donc proscrit.
C’est donc une histoire accidentée, qui est celle de cette œuvre, faite de replis, de remplacements, qu’on entend très rarement sur les scènes, absente de Munich depuis 1988 et qui étrangement se retrouve en 2025 à deux mois de distance à Munich en février et à Gênes en avril sous la direction de Fabio Luisi dans une autre production.
La mise en scène a été confiée à un grand spécialiste de Strauss comme Claus Guth, et dirigée par un chef apprécié, Sebastian Weigle : elle a remporté un très grand succès auprès du public, grâce à une distribution de haut vol réunissant Christopher Maltman, Malin Byström et Andreas Schager mais laisse un léger parfum d’insatisfaction. Tout ce qui brille ne serait donc pas or ?

 

 

Malin Byström (Danae), et la foule

Heitere mythologie… une mythologie joyeuse…
Mais quelle mythologie ? Qui pense Danae pense à la pluie d’or qui la couvre de sa tendresse, une pluie d’or qui est en réalité Jupiter ne reculant devant aucun sacrifice ni aucune métamorphose. Selon les histoires et les légendes il est tantôt Cygne (Leda), tantôt taureau (Europe), ou lion ou serpent ou Dieu dans sa puissance divine (Semele), voire mari absent (Amphitryon) pour Alcmène…

Titien, Danae (Museo di Capodimonte, Naples)

Tout le monde peut avoir en tête l’image alanguie d’une Danae offerte et satisfaite dans le tableau célèbre du Titien aujourd’hui au Musée de Capodimonte à Naples (il en a peint d’autres qui sont à Vienne ou à Madrid). Mais la Danae straussienne en est loin.
L’histoire de l’œuvre mêle plusieurs mythes, celui de Jupiter amoureux, c’est un topos mythologique, celui de Midas roi de Phrygie (ici de Lydie) aux richesses immenses et tourne autour de la puissance de l’or. Alors on va trouver Jupiter prendre les traits de Midas comme il le fit pour Amphitryon, un roi, Pollux, père de Danaé (filiation fantaisiste) qui a besoin d’or et donc de vendre sa fille au plus doré, et de l’autre une fille, Danaé, pas aussi alanguie et attendant le client que chez Titien, qui va tomber amoureuse de Midas, rendant Jupiter bien ennuyé d’être repoussé pour un mortel.

L’œuvre s’appuie aussi sur la légende de Midas, qui offrit l’hospitalité sur ses terres au satyre Silène un peu éméché qui accompagnait Dionysos, et pour le remercier Dionysos lui proposa d’accomplir un vœu :  Midas demanda à ce que tout ce qu’il touche se transforme en or. Accordé… Et Midas ne put plus ni manger ni boire vu que tout devient or, il demande alors Dionysos de revenir sur son vœu…

Gregor reprend la légende au deuxième acte, et le malheureux Midas en embrassant Danae la transforme en or…
On se trouve donc devant une mythologie fantaisiste qui alimente une histoire qui va se vouloir conte moral.
Quelle en est la trame ?
Jupiter est (très) amoureux de Danae, fille du roi Pollux mais pour la conquérir en échappant à la jalousie de Junon son épouse, il conclut un accord avec un pauvre anier, Midas, en échange de quoi il lui promet que tout ce qu’il touchera deviendra or. Pour séduire Danae, Jupiter prend l’apparence de Midas… mais voilà, l’amour explose entre Midas (le vrai) et Danae…
Ainsi, entre l’or et l’amour, Danae, au contraire d’Alberich, va choisir l’amour et renoncer à l’or…
Il convient d’entrer dans le détail parce que l’opéra est peu connu et qu’il est assez monumental (et un peu filandreux) contrairement aux attentes.
À l’acte I, le royaume de Pollux, père de Danae, est ruiné et en proie aux pressions des créanciers. Il médite donc de marier sa fille Danae à Midas, le richissime roi de Lydie.
De son côté, dans un rêve-fantasme suscité par Jupiter, Danae a vécu une expérience d’or si extraordinaire qu’elle annonce qu’elle ne tombera amoureuse que si elle sent de nouveau ce qu’elle a ressenti s’éveiller en elle. Pollux a donc a envoyé une délégation à Midas composée des quatre femmes ayant bénéficié des visites de Jupiter (Alcmène, Léda, Semele et Europe avec leurs époux) pour lui présenter le portrait de Danae et elles reviennent (avec quelques acomptes dorés qui calment les créanciers) en annonçant avoir convaincu Midas, séduit.
Se présente alors un homme sous le nom Chrysopher (littéralement , « qui porte l’or ») en réalité Midas déguisé qui veut observer la jeune femme incognito pour le compte de Jupiter… mais dès le premier regard, c’est le coup de foudre !
Jupiter arrive alors sous l’apparence de Midas et Danae, qui se souvient de son rêve merveilleux, s’évanouit.
Au début de l’acte II, les quatre reines (qui ont un rôle musical important et pas si facile) préparent le lit nuptial, tout en essayant de reconquérir Jupiter qu’elles ont reconnu (rien n’échappe à un œil de femme exercé…). Mais Jupiter est tout à Danae. Il a compris aussi l’amour entre Midas et Danae et menace Midas de lui retirer le don qu’il a fait de sa richesse.
Midas embrasse Danae dans son lit, et elle se transforme en or…
Alors Jupiter demande de choisir : ou Danae reste avec lui, riche et dorée, ou elle choisit Midas et la pauvreté. Elle choisit Midas.
Au début de l’acte III, Midas qui a rompu son accord avec Jupiter, raconte tout à Danae, prête à vivre avec lui dans la pauvreté.
Jupiter de son côté apprend de Mercure qu’il est raillé par les Dieux à cause de son aventure ratée, les autres reines essaient de le séduire à nouveau, mais Jupiter tient trop à Danae : ce sera elle, ou plus jamais aucune mortelle. Il est par ailleurs pressé par Pollux, son peuple et les créanciers à la recherche de l’or et il s’en tire en faisant tomber sur eux une pluie d’or… Il va voir Danae pour essayer de la convaincre une dernière fois sur les conseils de Mercure. Celle-ci reconnaît le Dieu et le remercie pour le bonheur qu’il lui a donné aux côtés de Midas, Jupiter comprend qu’il n’y a plus rien à faire, il se retire du monde mortel en donnant sa bénédiction au couple.
Plusieurs remarques sur ce livret.
– d’abord il est assez bavard et tortueux, par certains côtés il fait penser aux livrets mal ficelés d’opéras baroques avec des scènes prolongées, des intermèdes (le rôle des quatre reines) et un relatif déséquilibre. Le deuxième acte, par exemple, n’a pas trop de nerfs et on se traine péniblement au choix final de Danae.
Seul le troisième acte semble plus intéressant, dans la mesure où c’est la dernière tentative de l’or contre l’amour, dans la mesure où ce Jupiter splendide des actes précédents est un peu éteint et a besoin du soutien de Mercure pour aller un peu de l’avant, mais c’est l’acte le plus intéressant parce que c’est celui de la renonciation, qui pourrait aussi être une sorte de renonciation musicale de Strauss, qui malgré tout va composer Capriccio, à notre avis, bien plus réussi.

 

L’œuvre laisse aussi des doutes musicalement. On a l’impression que Strauss a cherché à retrouver une inspiration du passé, avec une musique éclatante, rutilante, qui rappelle Die Frau ohne Schatten ou même Die Schweigsame Frau sans en avoir ni l’inventivité, ni la force : les deux premiers actes apparaissent souvent bruyants et superficiels. Il faut là encore attendre le troisième acte pour avoir une musique plus inventive, plus délicate, plus poétique, moins démonstrative, comme si Strauss avait cherché à s’imiter lui-même sans retrouver le fil de l’inspiration, comme s’il avait encore quelque chose à démontrer. D’ailleurs, il souligne çà et là que c’est son meilleur opéra, comme pour s’en persuader.
C’est une des clefs du travail de Strauss que d’avoir toujours été étroitement lié à ses librettistes, à commencer par Hofmannsthal. En s’appuyant sur une ébauche d’Hofmannsthal, il espérait évidemment faire du Hofmannsthal sans Hofmannsthal et les aventures des livrets tardifs (Capriccio… à plusieurs mains mais bien meilleur) montrent qu’il est difficile de conjuguer composition et livret ou plutôt compositeur et librettiste. Strauss est de ceux qui au débat de Capriccio (prima la musica ? prima le parole ?) répond par la tresse étroite entre l’un et l’autre. Il lui faut un bon texte pour créer une bonne musique, c’est évidemment encore et toujours la Gesamstkunstwerk.
À l’ensemble des questions strictement techniques s’ajoute aussi la question des contextes. Il est clair qu’il est mal à l’aise avec le régime nazi, même s’il est honoré comme le plus grand compositeur allemand, et il s’abstrait… À ce titre les dernières images de la mise en scène de Claus Guth, laissant voir un Richard Strauss au milieu des roses de son jardin à Garmisch face aux destructions de Munich en disent très long sur la position particulièrement inconfortable (c’est pareil ou pire pour son librettiste Gregor) d’être le plus grand musicien du pays aux yeux d’un régime pareil. Le contexte, cette vision finale de Jupiter renonçant au monde, sont aussi une invitation à une histoire de fin et sans doute cela a‑t‑il pesé sur la composition.

Ainsi est-ce un opéra un peu mi-figue mi-raisin, avec des moments magnifiques et des fulgurances, particulièrement difficile à chanter, mais on ne sort pas complètement ensorcelé par les sortilèges straussiens. Il y a notamment au début avec les scènes chorales une agressivité sonore marquée qui peut apparaître superficielle liée à l’or, la puissance, qui va aller en diminuant au troisième acte. C’est Strauss, et ce n’est pas toujours passionnant.
Il reste que la Bayerische Staatsoper, la maison de Strauss avec Dresde, a eu une excellente idée de reproposer cette œuvre si rare, il est nécessaire que cette maison ait en son répertoire l’opera omnia de Strauss.

 

La production de Claus Guth

Vincent Wolfsteiner (Pollux) face aux créanciers


Contrairement à d’autres production de Guth, et conformément à l’impression générale offerte par l’œuvre, Il ne nous semble pas qu’il ait signé là une de ses mises en scène les plus convaincantes, même s’il y a de belles idées et que nous sommes très loin de la médiocrité. C’est le troisième acte qui nous est apparu plus convaincant, encore lui, alors que les deux autres apparaissent assez illustratifs.
Toute la première scène est particulièrement bien réglée avec les créanciers qui assaillent Pollux (Vincent Wolfsteiner) aux vagues allures de Donald Trump… Si même sous la patte d’un metteur en scène aussi fin que Claus Guth, on voit comme chez Mundruczó à Genève pour Salomé, un Donald Trump en scène il y a quelque chose d’inquiétant si cela vire à l’épidémie. Trump pourrit les TV et les images du monde, inutile de le voir encore sur le théâtre, puisqu’il est lui-même un personnage du mauvais théâtre mondial, un mauvais roi peroxydé d’un mauvais Shakespeare qu’on n’a vraiment pas besoin de voir là encore : le monde politique est rempli de guignols, de dangereux clowns ou d’inquiétants Jack the Ripper, essayons d’inventer autre chose sur les plateaux.
Certes, le décor est une Skyline, des gratte-ciels, et les créanciers ressemblent à des traders ruinés, avec un chœur dont les mouvements sont impressionnants, très bien gérés, et qu’on va revoir ensuite autour de Danae, sorte de victime expiatoire, d’objet transactionnel, d’une sorte de Senta qu’on va livrer au roi riche. Elle est complètement objectivée et c’est son rêve d’or qui lui fait accepter la situation. Guth n’a pas besoin de forcer son talent pour illustrer l’histoire, la placer dans une tour new-yorkaise dans un monde sans tendresse où tout se négocie (décor de Michael Levine). Plus besoin de théâtre pour nous le montrer, l’actualité nous vomit cela au quotidien. Mais les mouvements de foule sont parfaitement réglés, et l’opposition entre la foule et la singularité de Danae est aussi parfaitement perceptible.

Arrivée de Midas… Malin Byström (Danae)

Guth n’hésite pas à travailler aussi sur le spectaculaire avec l’arrivée de l’avion de Midas, tout couvert d’or, comme si l’or était l’alpha et l’omega de tout le fonctionnement du monde.
C’est là que la position de Danae est singulière, toute à son rêve d’or un peu orgasmique si nous avons bien compris, dont le portrait (cadre d’or) est trimballé par la foule, et qui a séduit Midas arrivé plutôt timidement en Chrysopher, vêtu d’un costume lie de vin, ce qui contraste d’ailleurs avec l’agitation qui a précédé.
En ce premier acte, on comprend les intentions de Claus Guth, présenter une sorte de Crépuscule des hommes fascinés seulement par l’or, qui abjurent toute trace d’humanité, faisant de Danae un objet de transaction, d’où ce Pollux-Trump et d’où toute cette agitation.
Mais de son côté Danae n’est pas fascinée par les possibilités qu’offre l’or, mais par sa beauté, son « en soi », elle voit en l’or la préfiguration d’un bonheur individuel indicible qu’elle a connu en rêve, mais en aucun cas une valeur marchande, elle y voit une beauté pure et non une salissure en quelque sorte : l’or devenu matière à transaction perd de son éclat, devient manipulable et se ternit. Elle est immédiatement « à part », hors de ce monde de négoce pur.
Le personnage est particulièrement intéressant parce qu’il ne variera pas d’acte en acte, mais étrangement il n’a pas l’air de trop intéresser Guth qui n’en fait pas grand-chose et semble plus intéressé par tout ce qui l’entoure, le monde en ses agitations. Il est vrai que le livret dilue lui-même les actions des protagonistes entre les quatre reines (Semele, Alcmène, Europe et Leda), leurs maris ambassadeurs, les Dieux Mercure et Jupiter, et la populace qui demande de l’or à un Pollux qui n’en peut mais. Tout cela disperse l’attention et surtout éloigne de l’essentiel, Danae, qui par son obstination affirme la suprématie de l’amour sur l’or et donc le pouvoir. Elle est un anti-Alberich, qui va mener peut-être à un Crépuscule des Dieux, avec cette flaque d’humanité que représente le couple Danae-Midas, devant qui finalement Jupiter va céder. Car si c’est en quelque sorte le crépuscule des hommes fascinés par l’or, c’est aussi le crépuscule des Dieux, puisque Jupiter s’en va en refusant désormais de fréquenter les mortels (ou les mortelles…). C’est le crépuscule des vanités. On aurait souhaité mieux le sentir.

Malin Byström (Danae) Andreas Schager (Midas)

On est aux racines de la deuxième guerre mondiale ou tout s’écroule, états, valeurs, croyances, et finalement seul ce couple devient l’emblème d’une humanité qui résiste par le force de l’amour… Dit la force de l’amour de Paul Éluard est publié au sortir de la deuxième guerre mondiale et en pleine guerre civile grecque… comme un témoignage, une pierre miliaire…
Le deuxième acte apparaît plus bavard, dramaturgiquement un peu plus relâché, et Guth en fait grosso modo un ballet satyrique autour du lit nuptial, un grand monument doré, des deux prétendants, dorés eux aussi, Midas et Jupiter. Que tout le monde autour et notamment les quatre reines, amantes délaissées, ait reconnu Jupiter n’a pas d’importance, parce qu’au total Jupiter, son or, sa puissance comptent peu vu qu’à la fin, Danae choisira quand même Midas. L’invention scénique est limitée, le metteur en scène laisse aller l’intrigue, gérant surtout les deux personnages masculins principaux, Midas et Jupiter, en une sorte de ballet assez démonstratif que leurs costumes dorés valorisent évidemment.

Acte II un lit d'or qui fait tout… Christopher Maltman (Jupiter)

L’idée force de cette histoire qui est en quelque sorte le premier échec de Jupiter, ou plutôt le premier refus essuyé (les autres ne pouvaient pas faire grand-chose, et d’ailleurs leur demandait-on leur avis ?).

Le ballet des quatre reines, essentielles musicalement avec une présence continue, répétitive, consiste à montrer que ces femmes légendaires ne cracheraient pas sur un « revenez‑y », et ainsi s’opposent une Danae qui vit son rêve d’amour doré, un or qui est projection psychologique, or-métaphore, et quatre femmes qui ont une vision du monde relative, nostalgique aussi de leurs aventures, comme le montrent leurs interventions du troisième acte.

Malin Byström (Danae)

En fait, une fois encore, Die Liebe von Danae est un titre en Français au moins, ambigu…
L’amour de Danaé, c’est celui qu’elle éprouve ou qu’on éprouve envers elle, toujours cette question de génitif subjectif et génitif objectif. Et comme on l’a déjà souligné, Danae est un personnage plus iconique que réel, qui permet aux autres de se définir, une fois qu’elle a choisi Midas, Jupiter aura beau faire pleuvoir sur eux, leur monde, leur pays, leur ville, toutes les plaies possibles, c’est l’amour qui survit parce que le dernier mot de l’œuvre après les adieux de Jupiter, c’est « Midas »…

Acte III… Trimer

Ainsi le troisième acte est sans doute le plus « mis en scène » et le moins illustratif. Au deuxième acte, cet or rutilant fatiguait quelque peu avec quelques idées comme la scène séparée et l’antichambre de Jupiter-Midas, comme une loge où on se prépare avant le théâtre, avant leur entrée sur l’espace plus vaste du lit nuptial, comme un lieu de l’intimité entre les deux, un lieu de complicité, qui réussit à tromper Jupiter trop confiant en ses forces…

Acte II au double espace, intime à droite (Jupiter-Midas) et "théâtral" à gauche

La loi du plus fort se retourne quelquefois sur le plus fort… hybris…hybris…
L’image du troisième acte est contraste par rapport aux deux autres, là où l’on voyait le monde des skyline, on est dans un monde qui se détruit, fumées, incendies, des gratte-ciels qui s’écroulent, et l’espace initial devient comme un espace où l’on s’empresse de déménager, un espace de fuite, cartons, meubles renversés, lumières cassées. C’est l’œuvre de Jupiter qui a réduit ce monde qui lui résistait en la personne de Danaé… « elle me résistait, je l’ai assassinée » comme dirait l’autre.

Jupiter-Wotan (en haut) (Christopher Maltman) et en bas Danae-Brünnhilde qui dort… amoureuse

Jupiter ne peut isoler dans la pauvreté le couple Danaé-Midas. Il a besoin d’inscrire tout cela dans un contexte, faisant retomber le choix du couple sur toute la communauté, comme auparavant tout l’avenir de la société était dans les mains de Danaé. Un monde ruiné, universellement ruiné est nécessaire pour que son action soit visible notamment s’il y a ensuite la reconstruction, pour qu’il puisse en être le sauveur… Pure loi de la politique. C’est pourquoi il erre, exacte reproduction du Wanderer de Siegfried, dans le monde pour récupérer lui aussi son pouvoir. C’est l’une des belles idées de la mise en scène de faire de Jupiter un Wanderer, un errant, et de mettre à vue le monde des Dieux (en haut, d’où intervient Mercure) et celui des hommes.
Les deux personnages se rapprochent évidemment dans ce qui est ici un crépuscule des dieux ou du dieu. Comme le Wanderer, Jupiter erre pour récupérer le pouvoir perdu, et comme le Wanderer, il dit à la fin en quelque sorte, ich kann dich nich halten, je ne peux t’arrêter. Danae est l’Alberich à l’envers qui choisit l’or comme symbole d’amour, et qui continue de le porter jusqu’au bout, et à la fin, elle est cette sorte de Siegfried en qui repose l’avenir des mortels. Il y a dans ce Wanderer errant une image très puissante, de Dieu à la fois déchu et obstiné, qui y croit jusqu’au bout comme Wotan, et ce n’est pas un hasard si c’est dans cette dernière partie qu’il a les plus longs monologues, particulièrement Wotanesques (Maltman y est souverain). Il a essayé de détruire le monde, et Pollux toujours poursuivi par ses créditeurs montre que le monde ne change pas. Jupiter est pris pour Midas et attaqué par les créditeurs comme un menteur, tandis que se déchainent incendie et catastrophe (le bel avion doré du premier acte est réduit à un hélicoptère qui semble sans prise sur ce monde qui s’écroule) et alors Mercure sauve Jupiter en lançant sur ces affamés (d’or) une pluie d’or (encore) ce qui les calme et montre encore une fois que le monde est incorrigible.
Les quatre reines ont échoué à reconquérir Jupiter obsédé par Danaé, et leur rencontre qui est musicalement l’un des grands moments de la partition fait comprendre à Jupiter qu’il n’a plus rien à faire dans ce monde.
Midas et Danaé, depuis le début de l’acte, ont erré dans le monde en ruines, accepté leur sort, et Danaé trime elle-aussi un couple de teinturiers besogneux mais amoureux en quelque sorte : c’est l’acceptation du monde des mortels, le bonheur dans la catastrophe, qui fait saisir sa situation sans issue à Jupiter. Dans le monde qui s’écroule cet amour survit… seule bouée possible pour y croire.
Alors, Guth a une très belle idée encore, sans doute la plus forte de la soirée, quand tout est fini, quand la musique sublime s’élève, nous voyons un autre monde en ruines, non plus le skyline new-yorkais, mais Munich, y compris l’opéra éventré, le monde réel en ruines, les ruines du monde d’hier et puis, le profil de Richard Strauss, au milieu de son jardin de Garmisch-Partenkirchen, le monde s’en va, le monde s’écroule, et ma musique demeure… À l’audition de la générale de Salzbourg il voyait cette musique comme la plus belle, le couronnement de sa carrière… Et le voilà au milieu des roses, pendant que Munich est réduite à des tas de pierres et des façades brûlées devant des monceaux de cendres. Au spectateur de juger : Strauss inconscient ? Refusant de voir le véritable état du monde, autruche avec la tête dans le sable, ou Strauss affirmant malgré tout qu’au milieu de la ruine du monde subsiste, sans taches, éternelle, la musique ? L’art est la preuve que la vie ne suffit pas, disait Cesare Pavese… Est-ce que Claus Guth veut dire après avoir sans cesse marché en funambule au bord du gouffre, sans jamais nous convaincre vraiment, sauf au troisième acte ? Il pose enfin la question de Strauss, de l’art pendant les guerres, de la position des artistes et des figures de la culture face aux catastrophes… une question particulièrement urgente et actuelle. Et alors, L’Or de Die Liebe der Danae a une couleur bien crépusculaire mais en même temps Strauss est vital, même au milieu de ses roses…
Devant cette production, nous restons un peu en suspens. Il s’agit sans aucun doute d’une production qui fonctionne bien, bien construite, avec un travail sur les mouvements, le chœur assez stupéfiant, mais aussi un vrai récit, assez fluide, qui dessine une parabole, très idéale : c’est en ce sens tout l’inverse de Die Frau ohne Schatten de Kratzer à Berlin qui laisse le monde dans un suspens moins ouvert à notre avis. Ici Guth refuse de rentrer dans les âmes, dans la psychè, lui qui adore la psychanalyse (et pourtant… le rêve de Danaé pourrait remplir tout un essai freudien), il s’en tient au récit et à une description un peu froide et distante, parfaitement au point, mais qui jamais ne vous touche. La musique un peu clinquante, nous y viendrons, y contribue aussi, mais c’est plus au fond l’âme de Jupiter qui l’intéresse, une sorte de Psychanalyse du Dieu, jusqu’au bout confiant en ses pouvoirs, et qui se voir en être dépouillé peu à peu, la psychanalyse d’un Jupiter-Wotan très éclairante et qui montre aussi que sans doute Strauss qui connaissait son Ring, n’a pas échappé au parallèle… Parce que Midas n’est pas non plus un personnage qui semble l’intéresser, pas plus que Danaé, les amoureux n’ont pas d’histoire.
C’est encore une fois, comme souvent à l’opéra, la question du mal aimé qui se pose, un mal aimé inconscient qui pense que or, magie, puissance peuvent faire naître l’amour : un mal aimé très humain qui pense que le matériel peut remplacer la puissance du premier éclair d’un regard. Il va jusqu’au bout pour comprendre qu’il n’y a rien à faire, le monde mortel lui est interdit désormais parce que les mortels « ressentent », au contraire des Dieux. Une fois encore, rappelons Coetzee et Elizabeth Costello dans son chapitre sur Eros et les rencontres de Dieux et des mortels (qui ne se limite pas aux mythologies antiques, mais déborde aussi sur la chrétienté…) pour bien comprendre que les Dieux et les hommes sont deux univers parallèles qui ne se rejoignent pas.
Sauf… sauf si comme à la Renaissance, on commence à considérer l’artiste comme un créateur, représentant du Divin sur terre… Ce fut d’abord le cas de Raphaël, peut-être le premier artiste au sens moderne du mot. Mais, avant lui, ce fut aussi Dante, qui emporta le lecteur dans les ténèbres et au paradis, transcendant le regard sur le monde et faisant aussi de la poésie l’expression du Divin.

Et puis il y a ici Strauss, au milieu de ses roses, qui cherche à nous en persuader aussi : Quand tout s’écroule, il reste l’art et la musique… On peut y croire… Mais alors pourquoi aujourd’hui, en ces temps troublés, personne ne parle de culture…

 

 

Les voix

Nous l’avons déjà esquissé, c’est une très grande réussite productive de la Bayerische Staatsoper parce que le succès est immense auprès du public, et peut-être aussi parce que l’œuvre surprend. Ce n’est pas l’œuvre de l’île déserte, mais c’est une œuvre passionnante par les efforts (tragiques ?) qu’elle fait en essayant de retrouver un fil d’inspiration peut-être passé, le temps rêvé de Hofmannsthal et des opéras où couleur du texte et couleur de la musique envoyaient le spectateur au paradis musical. Cet heureux temps n’est plus et cela s’entend. Mais l’œuvre a une puissance à laquelle peut-être on ne s’attendait pas.
Elle a aussi des exigences vocales qui la placent au rang des œuvres très difficiles à distribuer : un soprano dramatique ou au moins lirico-spinto, disons une Chrysothemis ou une impératrice, un ténor qui ressemble bien à un Kaiser (pour rester dans Strauss) et un baryton qui pourrait être un Wotan. Ce qui est déjà lourd. À cela s’ajoute un ténor plutôt de caractère, mais à la voix forte (Pollux), un autre ténor de caractère (Mercure), les quatre reines qui sont en scène du premier au dernier acte et qui ont une part musicale difficile à l’étendue non négligeable et une série de rôles de complément (les rois, les gardes, Xanthe) qui doivent garantir un très bon niveau… On comprend que l’œuvre soit rare sur les scènes, et qu’il y ait si peu de Danae, puisque lors de la première de cette série, Malin Byström souffrante a été remplacée sur le fil par Manuela Uhl qui avait chanté le rôle un peu moins d’une dizaine d’années auparavant…
La question se pose aussi de choisir les typologies vocales, fortes et froides ? plus souples et colorées ? … C’est aussi une question de choix de couleur de direction musicale. Die Liebe der Danae, plus qu’une autre œuvre, c’est une alchimie, ce qui est bien compréhensible, dans cette recherche de la pierre philosophale qui trouvera les voix d’or de cette histoire dorée…
Les quatre rois, époux des reines sont confiés à des piliers de la troupe, parfaitement rodés comme Martin Snell, Kevin Conners, Bálint Szabó auxquels s’ajoute Paul Kaufmann et les quatre gardes (Vier Wächter), tous entre baryton et basse (toujours l’importance de la couleur vocale) sont confiés à trois membres du Studio (Vitor Bispo, Yusif Slavov, Bruno Khoury, garantie de qualité tant le studio à Munich est excellent et à un ex-membre de la troupe, lui aussi gage de qualité, Daniel Loyola.
Xanthe est une nouvelle recrue notable de la troupe de la maison, Erika Baikoff, jolie voix très contrôlée (c’est une chanteuse russe qui s’est formée ensuite à l’école américaine) aux interventions qu’on arrive à vraiment bien distinguer, tant elle se différencie évidemment de celle de Danae, montrant là encore le souci de la couleur et des échos vocaux dans l’écriture de Strauss. Une voix vraiment intéressante.
On doit traiter ensemble les quatre reines tant elles chantent toujours ensemble et forment à chaque fois presque comme un numéro particulièrement difficile à réussir : il y a quelque chose comme un perpétuel dialogue de filles du Rhin aux accents nettement plus vigoureux, à la couleur marquée, à la puissance notable et avec un sens de la couleur, du phrasé, mais aussi une sorte de distance qui individualise chacune tout en en faisant une partie d’un tout, un jeu de couleurs totalement réussi. Elles sont en effet absolument excellentes, chacune avec son style et son caractère, Avery Amereau (Léda), Emily Sierra (Alcmène), membres de la troupe et Evgeniya Sotnikova (Europe), et Sarah Dufresne (Sémélé), invitées.
Vincent Wolfsteiner ne m’a pas toujours convaincu dans d’autres rôles mais dans Pollux il allie une voix forte, bien projetée, et aussi une qualité d’émission particulière, un peu comme un ténor de caractère et cela convient bien au personnage (un Trump au petit pied…) assez caricatural que veut montrer Guth. Une performance plutôt positive et un second ténor « à voix » après Midas.
Très intéressant par le style ainsi que par le phrasé et l’émission l’autre ténor, vrai ténor de caractère cette fois, Ya-Chung Huang, originaire de Taiwan, qui compose un Merkur scéniquement et vocalement très au point, c’est une des belles découvertes vocales de la soirée parce qu’il s’impose immédiatement comme figure et remporte d’ailleurs un très beau succès.
Andreas Schager est Midas, on le reconnaît immédiatement avec cette chaleur de timbre et la puissance vocale qu’il n’arrive jamais à maîtriser. Le personnage n’est pas mal dessiné, même si on aimerait une voix moins tonitruante quelquefois, surtout face au Jupiter au total subtil et travaillé de Maltman. Il reste qu’il a toujours autant de prise sur le public et que la voix est d’une grande santé, d’une santé suffisante pour imposer la fougue de la jeunesse, sinon la délicatesse de l’amour. Mais c’est sans conteste un  Midas, avec la voix du rôle.

Malin Byström (Danae)

Danae est un rôle redoutable avec des aigus puissants, une voix affirmée sans cesse poussée et projetée, et on comprend que ces voix ne courent pas les rues. Malin Byström incarne une femme de décision, qui sait ce qu’elle veut et qui assume son destin, y compris dans l’adversité, la voix a retrouvé son éclat, sa puissance (un peu froide pour mon goût), mais elles sont rares aujourd’hui celles qui pourraient ainsi s’affirmer avec ce cran dans ce rôle. Elle remporte elle aussi un immense succès mérité. Le rôle lui convient mieux que Salomé par exemple.
Enfin Christopher Maltman est Jupiter et c’est lui qui est sans conteste le plus adéquat en absolu au rôle qui lui est attribué. À chaque fois on constate l’intelligence du texte, le soin donné aux mots, la manière d’apporter tant de soin à la couleur et à l’expression. On avait loué son Don Alfonso à Vienne dans la mise en scène de Barrie Kosky, il est ici le personnage, totalement incarné, un Jupiter sûr de lui et dominateur, puis, stupéfait, dans le doute, crépusculaire, et à chaque moment correspond une couleur différente du discours. Derrière on entend un Wotan, mais peut-être aussi un Sachs ou un Beckmesser, en tous cas des rôles wagnériens où la diction du texte, où l’expression et l’humanité (ce qui pour un rôle de Dieu est une sorte de comble…) comptent par-dessus tout. Exceptionnel. La plus grande réussite de la soirée.

Les forces locales, à commencer par le chœur dirigé par Christoph Heil, s’en sortent avec leur force habituelle, les scènes du début avec le chœur sont impressionnantes, voire bluffantes tant elles sont parfaitement réglées, par le mouvement et le volume. Belle performance, d’autant plus belle que chez Strauss, les chœurs de cette puissance sont rares…

Enfin l’orchestre, le Bayerisches Staatsorchester, est à la hauteur de sa réputation de meilleur orchestre de fosse d’Allemagne, voire au-delà, notamment dans Strauss, impeccable de précision, d’éclat, de netteté, de clarté aussi avec des cordes exceptionnelles et en particulier au dernier acte, vraiment réussi.
On avait remarqué leur entente avec le chef Sebastian Weigle, l’une des meilleures baguettes allemandes, déjà lors des représentations de Die Frau ohne Schatten en 2022. C’est ici de nouveau le cas, et Sebastian Weigle a joué le son, peut-être plus que la subtilité. Il n’a pas joué les ombres et les lumières d’une partition qu’on aurait aimé (re)découvrir peut-être plus ciselée, plus profonde, avec une volonté plus affirmée de marquer le lyrisme, la chair de certaines phrases (notamment aux premier et deuxième acte) plutôt qu’une affirmation de volume et de puissance. Tout cela manque d’une certaine subtilité, on aimerait plus de sons diaphanes, même si tout est remarquablement précis, au point et fonctionne auprès du public d’une manière évidente. Il est vrai que Guth lui-même ne donne pas trop dans la subtilité, même s’il reste quelquefois distancié et ironique. Mais la machine orchestrale ne semble pas prendre de distance pour nous raconter l’œuvre par les raffinements. Du même coup, l’impression qui domine est celle d’une œuvre un peu surjouée, un peu dans le trop, et pas assez dans le subtil, ce qui a pour effet de tuer singulièrement toute velléité d’émotion. C’est dommage. A‑t‑on pour autant passé une mauvaise soirée ? Pas du tout. Mais au détour du répertoire, peut-être quelque chef new-look (ou vieux-look) nous fera-t-il découvrir un autre Liebe der Danae. On attend patiemment et en attendant on est heureux de ce retour au répertoire munichois.

L’art est la preuve que la vie ne suffit pas, disait Cesare Pavese
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Guy Cherqui
Agrégé de Lettres, inspecteur pédagogique régional honoraire, Guy Cherqui « Le Wanderer » se promène depuis une cinquantaine d’années dans les théâtres et les festivals européens, Bayreuth depuis 1977, Salzbourg depuis 1979. Bouleversé par la production du Ring de Chéreau et Boulez à Bayreuth, vue sept fois, il défend depuis avec ardeur les mises en scènes dramaturgiques qui donnent au spectacle lyrique une plus-value. Fondateur avec David Verdier, Romain Jordan et Ronald Asmar du site Wanderersite.com, Il travaille aussi pour les revues Platea Magazine à Madrid, Opernwelt à Berlin. Il est l’auteur avec David Verdier de l’ouvrage Castorf-Ring-Bayreuth 2013–2017 paru aux éditions La Pommerie qui est la seule analyse parue à ce jour de cette production.

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