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    Rencontre avec Mattia Olivieri, Figaro du "Barbiere di Siviglia" à l'Opéra national de Paris

    Mattia Olivieri : « Ce que l’on donne, on le reçoit toujours en retour. »

    François Lesueur — 12 juin 2025
    Rencontre intervenue le 3 juin 2025 à Paris

    Avec sa voix de velours aux couleurs ambrées, la séduction naturelle qui accompagne chacun des personnages qu’il interprète et cette faculté à passer sans ambages du répertoire buffo au serio, le baryton italien Mattia Olivieri est l’une des valeurs sûres de sa génération. A quarante ans seulement, il ne cesse de se hisser vers les sommets, enchaînant les productions à un rythme soutenu, mû par son amour du chant, du jeu et des défis. Sur les traces de ses aînés, Leo Nucci en tête pour l’Italie et Ludovic Tézier pour la France, il est de retour à Paris pour interpréter le facétieux Figaro d’Il Barbiere di Siviglia de Rossini, un rôle qui lança sa carrière en 2016 et qu’il retrouve pour une longue série de représentations dans l’étourdissante mise en scène de Damiano Michieletto. Il a accepté de répondre à nos questions à quelques jours de la première de ce spectacle prévu le 10 juin.

    François Lesueur

    Le public de l’Opéra Bastille vous a découvert en 2023 dans le rôle d’Enrico (Lucia di Lammermoor) dont la mise en scène d’Andrei Serban vous a porté chance, car vous avez été chaleureusement accueilli et vous voici à nouveau sur cette scène, cette fois dans le rôle de Figaro d’Il Barbiere di Siviglia. Après le drame, la noirceur, place à la comédie et à la légèreté. Etes-vous heureux de revenir à Paris dans ce répertoire buffo si particulier ?

    Mattia Olivieri
     Mattia Olivieri (Figaro) et Levy Segkapane (Almaviva) dans la production de Barbiere di Siviglia (Damiano Michieletto), Opéra de Paris juin-juillet 2025

    Je dois dire que oui, car j'ai déjà chanté plusieurs fois ce rôle depuis me débuts niçois dans différentes mises en scènes et suis très heureux d'être à Paris. J’adore cette ville où l’on se sent bien, où la nourriture est bonne - ce qui est très important pour moi – et surtout parce que je vais pouvoir être sur place environ deux mois pour vivre au rythme de cette capitale et de ses habitants. Le répertoire buffo rossinien m’a beaucoup accompagné dans les premières années de ma carrière et je lui dois énormément car il m’a permis de me faire connaître et de parvenir progressivement aux rôles plus dramatiques que j’ai abordés plus tard : avec cette nouvelle série de Barbiere, j’ai le sentiment de revenir à la maison, mais avec une expérience et un bagage plus chargés.

    FL

    Vous avez d’ailleurs débuté dans de nombreux rôles légers ou comiques de Mozart, Donizetti et Rossini. Est-ce que la pratique de ce répertoire reste une des meilleures écoles pour faire ses premiers pas à l’opéra et notamment savoir jouer sur un plateau ?

    MO

    Sans aucun doute, car le répertoire serio associé au baryton verdien par exemple que j’ai fait depuis, a bénéficié de ce premier apport propre au buffo qui permet de maintenir la voix souple et fraiche. Inversement on ne peut pas chanter Rossini comme on chante Verdi et lorsque l’on doit y revenir cela nous oblige à resserrer notre ligne de chant et à la remettre très précisément entre deux voies, sinon c’est le déraillement assuré. Les Italiens ont une expression pour qualifier cela, ils parlent de « Toccasana », à savoir une sorte de remède qui permet aux interprètes de se remettre dans le bain et de retrouver des bases saines. Le répertoire buffo est très drôle à jouer en scène avec les collègues, car le débit imposé, ou le quasi parlé, nous pousse à chercher des effets, à faire rire et à se divertir. Je dis souvent que composer un rôle qui est loin de moi, qui suis quelqu’un d’aimable et de gentil, est bien plus intéressant que d’interpréter un personnage qui me ressemble, comme le Marcello de La Bohème de Puccini ; jouer un vrai méchant est un défi qui demande de la recherche, mais je dois veiller à ne pas faire que ce type de caractère non plus. Ici avec ce Barbiere nous pouvons créer une comédie à plusieurs et chercher une belle alchimie de groupe, ce qui est très plaisant.

    FL

    Quelle est votre vision du personnage de Figaro ?

    MO

    Figaro est un factotum, un homme à tout faire, et il s’en vante. Ce que j’aime en lui c’est qu’il a une solution pour tout et qu’il se tire de toutes les situations, même les plus compliquées. Il est rapide, espiègle, lucide et ne peut être qualifié de simple serviteur. Je me souviens que mon père me disait toujours que l’on n’a pas besoin d’avoir étudié beaucoup pour être intelligent ; et comme il a raison. Il a commencé à travailler à douze ans, c’était une autre époque, mais cela ne l’a jamais empêché de très bien se débrouiller et dans tous les domaines, car il sait un peu de tout. Le voir aujourd’hui se sortir de problèmes de plomberie, que je serai incapable de résoudre, me sidère. Figaro est un peu comme cela, rien ne l’arrête et il se sort toujours d’affaire avec le sourire et qui se fâche avec lui au final ? Personne. Figaro est un malin. Les metteurs en scène peuvent cependant nous donner des indications différentes et rien ne nous empêche, si nous le souhaitons, de proposer un Figaro cynique, ou intéressé, avec une vision plus noire ; pourquoi pas après tout. Ici à Paris, Damiano Michieletto veut montrer le pouvoir qu’il exerce sur les autres, mais jamais de manière agressive, car il n’est pas mauvais, seulement un factotum que l’on voit d’ailleurs pendant son fameux air venir en aide à diverses personnes qui peuplent l’immeuble dans lequel il habite, dont on découvre d’abord la façade puis l’arrière, avec chaque étage et chaque logement. C’est très astucieux.

    FL

    Lorsque l’on examine votre carrière, on est frappé par la constante maitrise de votre évolution du point de vue musical et vocal, comme si vous aviez su quels rôles vous deviez enchainer pour parvenir aux rôles-titres qui sont désormais les vôtres. D’où vous vient cette faculté ?

    MO
    Mattia Olivieri

    Il est essentiel d’être entouré de personnes qui nous veulent du bien, nous connaissent en tant que personne et en tant que musicien. A mes débuts j’avais tendance à trop me fier à l’avis des autres et cela aurait pu devenir perturbant. Au fil du temps je me suis constitué un groupe de proches dont mon pianiste et répétiteur et mon agent, qui me conseillent et en qui j’ai la plus grande confiance, car à la fin je suis seul à décider. J’ai la chance de travailler avec le même pianiste depuis plusieurs années, un grand mélomane, qui écoute tout, me connait à la perfection et sait me dire si je dois ou pas accepter un nouveau rôle. Et jusqu’à maintenant cela m’a réussi. Il faut avoir ce soutien extérieur, car vous savez que nous n’entendons pas notre voix, ce qui peut être un handicap. En général je ne pense pas forcément à la taille du théâtre dans lequel je dois chanter, mais plus à la façon de projeter ma voix, à la position qui sera la meilleure pour la conserver. Le répertoire a son importance car on ne chante pas Figaro comme on chante Riccardo de I Puritani dont la tessiture est plus grave avec quelques montées subites vers l’aigu. On doit savoir gérer tout cela, mais la base reste la même et je ne change pas ma voix ou ne prétend jamais chanter avec une voix qui ne serait pas la mienne. Je ne pourrai jamais être Ludovic Tézier, que j’admire par-dessus tout, je ne chercherai jamais à l’imiter, mais sa manière de phraser, sa palette de couleurs peuvent m’inspirer.

    FL

    De petits rôles en rôles plus importants, de rôles légers à des partitions plus dramatiques, vous chantez aujourd’hui des emplois de premier plan, Don Giovanni ayant ouvert la voie à Alfonso, puis à votre première incursion verdienne avec Monfort et Di Luna, avant Enrico et Filippo dans Beatrice di Tenda ; vous avez dit que « jouer un méchant était passionnant surtout si on se sent loin de ce type de personnalité. » Avez-vous pour vous en approcher, plus appris des chefs ou des metteurs en scène ?

    MO

    (Rires) pas facile de répondre à cette question. Je serai tenté de vous dire un peu des deux. Je ne peux oublier mes débuts dans mon premier rôle serio, il s’agissait d’Alphonse dans La Favorite de Donizetti. Je suis arrivé en répétition face au chef Fabio Luisi pour qui j’ai chanté le grand air et il m’a tout de suite demandé si j’avais déjà chanté ce répertoire. Je lui ai répondu que non et il m’a dit très gentiment : « Nous allons donc nous mettre au travail ». Je dois avouer que j’ai beaucoup appris de lui et son enseignement m’a été utile pour d’autres productions et d’autres rôles abordés ensuite. Il faut vous dire que la proposition de cet opéra m’est tombée dessus alors que je ne m’y attendais pas. J’avais un projet à Barcelone et Palermo, mais celui-ci est arrivé plus tôt que prévu et je l’ai accepté sans trop réfléchir :  je n’étais pas sûr du résultat mais j’ai voulu essayer, ce qui m’a contraint à faire des « pas plus longs que la jambe », comme on dit en Italie. J’ai dû apprendre le rôle en sept jours pour remplacer un baryton souffrant. Depuis j’adore ce personnage que j’ai découvert avec le maestro Luisi qui m’a prodigué les meilleurs conseils pour chanter la vraie ligne belcantiste et respecter les moindres nuances. Pour le théâtre comme je vous l’ai dit, j’aime me confronter à des personnalités qui ne me sont pas proches, même si interpréter un être solaire et sympathique est plus facile. Allez chercher le côté sombre est très stimulant et plus on y travaille en compagnie de metteurs en scène différents, plus on fait de rencontres, plus on vit d’expériences, plus on devient capable de jouer quelqu’un de mauvais, sans avoir besoin de faire du mal physiquement, mais seulement en instillant la méchanceté grâce à certaines couleurs, à un certain type d’expressions qui ne doivent surtout pas être visibles ou caricaturales : surligner l’expression reviendrait à jouer « buffo ». Eviter à tout prix de surcharger, sinon on ne fera plus peur et nous n’avons pas besoin de faire de grands gestes pour cela, car en général les grands malades sont impassibles et ne laissent rien transparaître. Quand j’ai chanté Filippo de Beatrice di Tenda de Bellini l’an dernier à Genova, un personnage véritablement odieux, j’ai cherché à ne pas révéler trop vite sa méchanceté profonde, car dans son dernier air il apparait partagé, se montre prêt à exprimer des regrets, fugacement certes, mais on ne peut le nier ; puis la cabalette arrive et il tourne le dos à cet unique moment d’humanité. Iago, lui n’a aucun moment d’humanité, il n’a qu’un objectif, se venger d’Otello. J’espère pouvoir l’aborder un jour…

    FL

    Aimez-vous retrouver régulièrement des chefs ou des metteurs en scène que vous connaissez pour renouer le dialogue artistique, ou bien multiplier les rencontres ?

    MO
    Dans "Il Prigioniero" de Luigi Dallapiccola, Teatro dell'Opera di Roma, Avril 2025 (Prod. Calixto Bieito)

    J’aime les deux, car souvent quand je retrouve un metteur en scène avec lequel j’ai déjà travaillé, il sait déjà ce que je sais faire et cela peut limiter les investigations. Celui que je rencontre pour la première fois va en principe me tester, me pousser à prendre des directions auxquelles je n’aurais pas pensé et cela est indispensable lorsque j’aborde un rôle nouveau. Je viens de chanter le rôle-titre d’Il Prigioniero de Dallapiccola à Rome avec Calixto Bieito, un opéra que je rêvais de jouer car lorsque j’étais étudiant, à l’Académie de Bologne, j’avais interprété l’un des deux Prêtres et j’étais alors tombé fou de cette musique, malheureusement rarement donnée. Pour un baryton c’est un peu un one man show, car il ne sort pas de scène, la pièce est courte mais condensée et fait appel à mille émotions. Je voulais chanter ce rôle à tous prix et j’ai eu la chance qu’il me soit proposé et ce fut je dois l’avouer, une de mes plus belles expériences, car je me suis laissé guider par Bieito qui a compris qui j’étais en cinq minutes : nous avons eu une sorte de coup de foudre artistique. Il m’a dit « Ok, j’ai compris, le spectacle sera parfait ». J’ai eu une révélation lorsqu’il m’a dit qu’il ne s’agissait pas d’une prison réelle, mais que tout était mental, cela m’a ouvert l’esprit et procuré comme un vaste espace qui m’a permis de me libérer et de transmettre l’intériorité de ce prisonnier au public ; le défi était grand, mais lorsque l’on sent qu’il est réussi cela devient d’autant plus fort. Le fait de me faire apparaitre pendant la pièce précédente qui formait un diptyque - Suor Angelica de Puccini - en procession comme un Christ, puis de me demander de fixer l’auditoire en pleurant, était une très belle idée, comme celle de réunir les deux œuvres en les reliant grâce à la présence d’un jardin, synonyme d’évasion et de liberté, mais aussi de senteurs, de nature et donc de vie.

    FL

    Ici à la Bastille vous allez interpréter Figaro douze fois entre le 10 juin et le 13 juillet, dans une mise en scène signée Damiano Michieletto. Vous avez déclaré préférer le temps des répétitions à celui des représentations : est-ce le cas sur tous les spectacles auxquels vous participez ?

    MO

    Disons qu’en tant qu’artiste le moment de la création est de loin le plus intéressant, car c’est là que l’on construit le personnage en essayant de le cerner en empruntant tous les chemins possibles, et j’adore ces étapes. Une fois sur scène le personnage est dessiné, bâti et bien sûr chaque soir est différent, mais le plus gros est fait. Je trouve toujours l’exaltation, le bonheur de partager avec le public, de savourer ses réactions, des choses que nous ne pouvons pas ressentir pendant les répétitions. Les applaudissements, l’échange ne se trouvent que pendant les représentations. Mais ce que j’aime, c’est envisager d’autres visages de Figaro pour éviter de me répéter et cela dépend aussi du metteur en scène. Cela explique pourquoi je ne chante pas trop souvent les rôles que je connais, pour les retrouver avec une certaine fraîcheur. Dans dix ans je ne sais pas si je serai encore dans cet état, ni comment ma voix se sera développée, mais si j’en suis encore capable, si mes aigus sont toujours accessibles, je sais que j’aurais plaisir à y revenir en suppléant ce manque de jeunesse par la technique et l’expérience.

    FL

    Bien que l’italien soit la langue que vous chantez le plus, vous partagez de grandes affinités avec le français depuis Escamillo, Alphonse, ou Monfort. Comment expliquez-vous cette facilité que vous avez dans cette langue réputée difficile et avez-vous déjà programmé Hamlet, Marquis de Posa, Zurga et autre Athanaël ?

    MO

    (Rires) il y en trois sur les quatre qui sont prévus…. Athanaël et Posa font partie de ceux que je veux aborder et dont je parle souvent. Ici à l'Opéra Bastille j'y ai vu Tézier dans l'Hamlet monté par Warlikowski et j'ai été enthousiasmé : ce rôle fait partie de ma wishlist. Posa dans la version française est en préparation, mais pas à Paris. Une amie française m’a dit qu’elle ne comprenait pas pourquoi le français m’était si familier alors que je ne le parle pas ; je voudrais l’apprendre mais le temps me manque, vraiment. Il me faudrait trois heures par jour pour suivre un cours intensif et je ne parviens pas à libérer ce temps. Cette langue me plait sans doute aussi parce que le dialecte que l’on parle dans ma région natale est proche du français, certain mot comme « tirabusoun », tire-bouchon, est quasi similaire et de nombreuses assonances m’ont aidées dans mon apprentissage du chant en français. Ma famille continue de parler ce dialecte surtout mon père. Au nord cette pratique devient de moins ne moins courante et je me souviens que ma mère ne voulait pas que je le parle lorsque je suis venu en classe à Modena, pour ne pas montrer que je venais d’un petit village ; elle préférait que cela reste caché. Et pourtant c’est beau, cela permet de savoir d’où tu viens, quelles sont tes racines. Je suis pour ma part très lié à ma terre et au fait d’avoir grandi à la campagne, car toute la créativité que j’ai en moi aujourd’hui vient de ces années passées à l’air libre, à faire tout ce qui me passait par la tête, toute la journée ; je ne jouais pas à la play-station, je préférais être dehors. Plus tard j’ai fait plein de petits boulots pour payer une partie de mes études, car le chant est cher et il faut pouvoir voyager, payer les cours, auditionner... L’année dernière à Maranello, le village d’où je viens, j’ai donné un concert dans la maison familiale, car très peu de gens savaient que j’étais devenu chanteur et en donnant une interview pour un journal de Modena, j’ai eu des retours très sympathiques. J’ai donc décidé d’inviter les gens du village pour un récital qui leur était spécialement destiné. C’était très émouvant et mes parents étaient très fiers surtout quand ils ont vu la queue devant la maison ; les larmes leur sont venues aux yeux. Ma mère se déplace partout où je chante, mon père le plus souvent mais comme il a peur de l’avion il ne vient qu’en voiture. Il faut dire aussi que nous avons beaucoup d’animaux et qu’il ne peut pas les laisser seuls trop longtemps.

    FL

    On sait déjà que l’on vous retrouvera la saison prochaine dans plusieurs belles productions mais il en est une qui sera sans doute la plus palpitante, c’est ce rendez-vous fixé à Santa Fe dans un an, où vous incarnerez votre premier Eugène Onéguine aux côtés de Olga Kulchynska. Voilà encore un défi et une nouvelle étape dans votre carrière. Est-ce un personnage que vous vouliez jouer et chanter depuis longtemps, pour quelles raisons et comment se prépare-t-on à une telle prise de rôle ?

    MO

    Oui assurément, car je suis curieux et n’aime pas me sentir limité, mais également parce que j’adore le répertoire russe : Onéguine est mon opéra préféré, la musique est magnifique, non ? Je suis attiré par la découverte d’œuvres nouvelles, ou que je n’ai pas encore abordées, c’est pour moi fondamental car je ne pourrai me contenter de quelques rôles, j’ai besoin de stimulants car cela rend la vie plus belle. Je me dis souvent que je n’aurais pas pu travailler dans une banque car je ressens trop le besoin de créer. Ma mère m’a raconté qu’enfant je faisais tant de choses en classe, je dessinais, chantonnais, faisais rire mes camarades, que l’on pensait que j’étais indiscipliné, mais j’écoutais tout et me souvenais de tout et lorsque le professeur me demandait « Mattia qu’est-ce que je viens de dire ? », je répétais très précisément ses moindres propos. Je n’étais pas un enfant doué, mais j’ai fait de bonnes études. Je pense que je devais être un peu hyperactif car je ne dormais pas et me souviens que j’attendais que mes parents s’endorment pour descendre avec mon frère cadet, voir les films qui finissaient souvent très tard dans la nuit. Je me couchais vers quatre heures du matin et me relevais à sept heures sans aucune difficulté. Encore aujourd’hui je me couche rarement avant deux ou trois heures du matin, tout en sachant que je dois faire attention à reposer ma voix. Pour revenir à Onéguine, il s’agit donc d’un rôle que je suis très heureux de pouvoir aborder même si l’apprentissage de la langue reste un défi. J’ai déjà pris des contacts avec une coach auprès de qui je vais travailler. Il y a quelques années j’avais étudié l’air en prévision d’une audition et une amie soprano qui m’avait donné quelques conseils, s’était montrée très positive quant à ma manière de chanter le russe. Je vais donc m’y mettre très vite. A bien y regarder, cette année a été un peu folle car entre août 2024 et août 2025 j’aurais chanté quatorze rôles différents dont huit nouveaux ! C’est beaucoup, je sais, surtout sans prendre de vacances, mais heureusement ma voix ne semble pas touchée. J’ai une amie cantatrice qui a toujours suivi un rythme soutenu et lui ai demandé quel était son secret pour tenir : elle m’a répondu qu’elle pensait jour après jour, ce qui lui a toujours permis de se donner au maximum chaque jour sans penser à demain. Et elle chante toujours autant sans avoir rien changé à ses habitudes. Cela m’a beaucoup aidé mentalement, car si je commence la journée en mesurant les effets que vont avoir sur mon état la répétition du matin, l’italienne de l’après-midi, le rendez-vous du soir et l’heure du coucher qui aura des conséquences sur mon réveil du lendemain, ce ne sera porteur que de stress et de fatigue. Je pense donc à ce que j’ai à faire aujourd’hui, demain sera un autre jour. Cela procure plus de légèreté et en suivant ce principe, le cerveau parvient à se concentrer sur les choses à faire bien, dans l’instant et non à reporter leur impact au lendemain. Je suis ainsi plus tranquille, moins anxieux et dors mieux.

    FL

    Vous qui vivez de votre art, poursuivez une carrière plus que prometteuse, enchaînez les projets et paraissez heureux, qu’est-ce qui vous manque dans cette vie de discipline et de rigueur qui est la vôtre ?

    MO

    … sûrement de pouvoir prendre un peu de vacances et d’avoir du temps pour voir davantage ma famille. Heureusement j’ai la chance que me mère vienne me retrouver sur presque chaque production. Ne pas être assez souvent auprès de ceux que j’aime me fait mal et je sens le poids des sacrifices qu’une carrière impose. Quand on est loin en raison de déplacements incessants, tout est plus compliqué ; comment envisager de se marier, d’entretenir des relations soutenues avec des amis ou des proches ? Tout cela a un coût. Je suis heureux, car mes vrais amis ont compris ce que faisais, l’on accepté et comme ils me veulent du bien, savent patienter et quand nous nous retrouvons enfin, nous avons plaisir à fêter ces moments de retrouvailles. Nous n'avons d’autre choix que de chérir ceux qui nous entourent et de protéger ces liens étroits. Je suis évidemment content de partager des moments de joie avec des collègues, mais je préserve à distance mes vrais amis car, malgré les exigences de chacun, ce que l’on donne, on le reçoit toujours en retour. Je suis quoiqu’il en soit sincère, même si ceux qui me connaissent savent que je n’ai pas de mémoire ; oui vous allez penser que cela est surprenant, mais si je suis capable de mémoriser les rôles et les mises en scène, et suis incapable de me souvenir des dates, des heures de rendez-vous, tout simplement parce que je suis dans mon monde. C’est regrettable et je m’en veux, j’ai même oublié un jour l’anniversaire de ma mère, un comble… Vous imaginez ! Cela peut agacer et j’en ai conscience, mais ceux qui m’aiment savent que je ne le fais pas volontairement, mais parce que je suis gémeaux et donc souvent dans les nuages.

    FL

    N’avez-vous jamais pensé à acquérir un appartement quelque part pour vous poser ?

    MO

    Si, l’idée m’est venue à plusieurs reprises, mais je suis très indécis, car si je me trouve à Paris c’est là que je voudrais être, mais dès que je suis à Madrid ou à Londres je m’imagine aussitôt y vivre, alors comment faire ? J’ai cherché une maison, mais à Paris c’est impensable, en tous cas pour le moment….`

     

    Crédits photo : © Michele Monasta (Portraits)
    © Fabrizio Sansoni (Il progioniero, Opera di Roma)
    © Agathe Poiupeney (Il Barbiere di Siviglia, OnP)

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