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    Rencontre avec Daniele Rustioni, directeur musical de l'Opéra national de Lyon, au moment où il quitte ses fonctions.

    Daniele Rustioni, chef d'orchestre : "Ce serait bien d'avoir la même attitude avec Verdi qu'avec Mozart"

    Guy Cherqui — 17 mai 2025
    Rencontre intervenue le 2 avril 2025, à Lyon.

    Daniele Rustioni, directeur musical de l'Opéra national de Lyon, a quitté ses fonctions avec la dernière représentation de La Forza del Destino le 2 avril dernier pour en devenir le directeur musical émérite. Sa popularité auprès du public, les liens forts qu'il a su tisser avec l'orchestre et la transformation qu'il a menée, le répertoire varié qu'il a abordé au cours de ces huit années ont fait de lui une figure incontournable de la vie musicale en France, mais aussi à l'international, puisqu'il dirige régulièrement à la Bayerische Staatsoper de Munich et qu'à partir de la saison prochaine, à la demande de l'orchestre, il deviendra le First guest conductor (premier chef invité) invité au MET, c'est-à-dire immédiatement après le directeur musical Yannick Nézet Séguin.

    Cependant, peu enclin aux feux de la rampe et aux faux éloges médiatiques, il reste peu connu, tout en se construisant une carrière équilibrée entre la fosse d'opéra et les podiums symphoniques, car après avoir été pendant plusieurs années directeur musical et artistique de l'Orchestra della Toscana (dont il est aujourd'hui directeur musical émérite), il est devenu en 2022 directeur musical de l'Ulster Orchestra, en raison de ses liens étroits avec le Royaume-Uni, où il a étudié avec Sir Colin Davis (à la Royal Academy of Music) et où il a assisté Antonio Pappano au Royal Opera House et Gianandrea Noseda au BBC Philharmonic Orchestra. Ajoutons que ses liens avec Noseda lui ont permis, au début de sa carrière, de diriger beaucoup en Russie, où il a pu se familiariser avec le répertoire russe dont il est aujourd'hui l'un des meilleurs connaisseurs.

    C'est l'occasion de faire le point et aussi de se tourner vers l'avenir, lors d'une longue conversation à bâtons rompus qui s'est déroulée à Lyon, peu avant sa dernière apparition à l'opéra, où nous avons pénétré dans le laboratoire du chef d'orchestre, avec ses exigences, mais aussi quelques surprises.

    Affronter La Forza del destino
    GuY Cherqui

    Vous avez abordé pour la première fois La Forza del destino de Verdi lors du Festival de l’Opéra de Lyon en cette dernière saison. Quelles sont les difficultés spécifiques de cet opéra un peu « échevelé », dirions-nous ?

    Daniele Rustioni
    La Forza del destino, mise en scène Ersan Mondtag (2025)

    Je dois préciser que les difficultés sont les mêmes pour l'auditeur. Il y a un arc dramatique bien défini et tendu jusqu'à la fin du premier acte, qui ne dure qu'une vingtaine de minutes... puis commence une sorte de schizophrénie dans l'écriture, avec l'alternance de scènes populaires du chœur et la présence de personnages brillants, souriants ou comiques tels que Preziosilla, Melitone, Mastro Trabuco, qui contrastent fortement avec les scènes mélodramatiques de Don Alvaro, Leonora et Don Carlo, et il devient difficile de maintenir une tension et une unité d'interprétation du début à la fin de l'opéra, surtout dans le troisième acte. Le quatrième acte, par exemple, commence par un air comique (la scène et l'air de Melitone), mais d'un certain point de vue, il est moins choquant et plus facile à résoudre car il se fond dans une série de scènes avec les trois personnages principaux qui se succèdent dans un crescendo avec des rebondissements (le duo baryton-ténor, l'air de la soprano « Pace, pace » puis la dernière scène avec le trio et le Padre Guardiano) jusqu'à la conclusion tragique avec la mort des enfants du marquis de Calatrava, le désespoir de Don Alvaro et l'ascension de l'âme de Leonora au ciel.

    Dans le troisième acte, en revanche, je trouve très difficile de construire un arc tendu et cohérent tout en maintenant la même concentration, non seulement du public, mais aussi de l'orchestre, avec tous ces changements soudains de couleur. Dans cet opéra, il ne s'agit pas d'essayer d’anoblir le zum papà populaire typiquement verdien, mais de le replacer dans un contexte historique, ce qui est différent de donner une couleur aux scènes les plus populaires d'autres opéras de Verdi qui ne traitent pas ces thèmes forts. C'est pourquoi je trouve cet opéra très difficile à aborder du point de vue de la cohérence interprétative.

    GC

    Et les voix ?

    DR

    Il est difficile de soutenir les parties « monstres » du soprano et du ténor et, je dois dire, aussi celles du baryton. Le passage le plus difficile est peut-être le duo ténor-baryton du troisième acte (qui est malheureusement parfois coupé !) car il comporte des changements de tempo et d'humeur très rapides, des éclats de colère ou d'impétuosité de la part des deux personnages. Dans l'écriture verdienne, dans ce cas, il n'y a pas d'accompagnement typiquement opératique avec le trémolo confié aux cordes dans la fosse. Habituellement, lorsqu'il y a un trémolo, on peut aussi avoir une plus grande liberté sur la ligne vocale ; ici, en revanche, il y a une série de doubles croches toujours mesurées sous ces « tacca tacca tacca » implacables et, en tant que chef d'orchestre, j'analyse et cherche toujours le plus petit dénominateur commun rythmique, qui est très important car il est le pilier de l'ensemble et le moteur de tous ces passages. Une fois que l'on a décidé d'un tempo, on ne peut plus s'en échapper ou le contourner, car il y a ce plus petit dénominateur commun qui commande tout (même la voix) et, parfois, même la forme et le rythme scénique.

    Je trouve que Verdi a fondé beaucoup de ses numéros musicaux sur ces « ostinati rythmiques » qui sont très difficiles à calibrer, car ceux de ses œuvres de jeunesse sont une chose, et ceux que l'on retrouve chez un Verdi plus mûr, après la trilogie populaire[1], en sont une autre, où la voix et l'interprétation peuvent exiger plus d'espace ou, si l'on préfère, plus de liberté d'expression sur le texte scénique. Il est toujours délicat d'équilibrer ces deux forces, l'ostinato rythmique[2] dans la fosse et la liberté d'expression sur scène. Je pense donc que La Forza del destino est certainement l'une des œuvres les plus difficiles de Verdi que j'ai jamais abordées, tant pour trouver une clé d'interprétation que pour rechercher et gérer ces équilibres.

    J'oserais la définir comme plus compliquée à résoudre que des œuvres plus tardives, où l'on se trouve face à des chefs-d'œuvre absolus, où la musique et l'expression jaillissent avec un naturel miraculeux. Je trouve par exemple que Simon Boccanegra, dans sa version finale, est l'un des sommets de son art, tout est écrit de manière si parfaite que, de ce point de vue, je peux encore considérer La Forza del destino comme « expérimentale ». Je ne voudrais pas être mal compris, La Forza est l'un des chefs-d'œuvre de Verdi, avec des pages de musique immortelles (l’ouverture, « la vergine degli angeli », « Pace, pace... », « Urna fatale », etc.). Je me demande simplement dans quelle mesure Verdi a cherché un effet immédiat et « démonstratif » dans les scènes populaires de La Forza, en la composant pour un public qu'il ne connaissait pas, en l'occurrence le Théâtre impérial de Saint-Pétersbourg, où l'opéra a été joué pour la première fois (dans sa première version). Ce fut certainement le cas pour I masnadieri, son premier opéra commandé hors d'Italie, écrit pour le public londonien, où il avait délibérément inséré tous les effets spéciaux possibles au niveau rythmique, dynamique et vocal pour montrer ce qu’il savait faire, qui il était et le crier à tous, surtout à l'étranger, dans ce qui est certainement la partition la plus « rock 'n roll » du premier Verdi. Il en va autrement des œuvres écrites pour le public plus raffiné de Paris.

    [1] Rigoletto (1851) Il Trovatore (1853), La Traviata (1853).

    [2] Motof mélodique ou rythmique répété obstinément

    GC

    La Forza serait-elle une œuvre de transition ?

    DR

    Les parties les plus dramatiques qui suivent les aventures des personnages principaux sont très abouties. Je trouve d'autres pages plus transitionnelles, avec de belles surprises. Le bloc initial du deuxième acte annonce Falstaff avec quelques caractéristiques brillantes et des choix timbriques orchestrés avec art, mais en même temps Verdi parvient à faire un clin d'œil à Rossini dans le Rataplan du troisième acte où le chœur et Preziosilla chantent pratiquement a cappella et où la page est d'une fraîcheur et d'un classicisme uniques... un véritable miracle ! Il parvient à regarder vers l'avenir, mais avec un langage rossinien. C'est un peu aller à contresens, mais c'est le miracle de l'écriture verdienne. Cette fin du troisième acte, dans sa simplicité, est incroyable : elle a l'effet d'un feu d'artifice, pour le plus grand plaisir du public. Un fantastique coup de théâtre...

    En même temps, il y a ces trois minutes, par exemple, de la Ronda (NdR : compagni sostiamo), avec le chœur d'hommes et une écriture plus statique et des harmonies d'une simplicité presque embarrassante. À mon avis, ce sont trois minutes très belles où Verdi fait de la simplicité un art. Mais c'est une simplicité qui est encore plus difficile à rendre. Lorsque le chef d'orchestre est confronté à une page de ce genre, il doit trouver la bonne couleur et convaincre tout le monde d'aller dans la même direction. Il suffit de très peu pour qu'une musique aussi simple et carrée ruine la tension construite jusqu'à ce moment-là si elle est rendue de manière banale et superficielle. On ne trouve pas une telle page chez Wagner, Strauss ou même Puccini. Cela n'arrive d'ailleurs jamais dans La Traviata ou Rigoletto, par exemple. D'autres moments, en revanche, existent dans La Force du destin. On trouve également ces pages dans la première partie de Un bal masqué (au début, avant « siam soli udite »). C'est comme une forêt de cristal : il suffit d'un rien pour que tout se brise. La caractéristique est de se sentir complètement à nu dans une musique qui vient ici du Rossini sérieux. Voilà la véritable école, quand on se trouve face au Rossini sérieux, par exemple, et que la musique doit sonner extrêmement noble, elle ne peut jamais être une ritournelle sans profondeur.

    Il n'y a pas de clarté gestuelle du chef d'orchestre qui tienne, il faut réussir à expliquer à l'orchestre et au chœur, même à voix haute, comment « patiner » le son : le staccato n'est jamais vraiment sec et court, car il doit se fondre avec la voix et la couleur noble de Verdi, l'atmosphère nocturne sur scène, mais en même temps, il doit ressortir précis, articulé.

    C'est peut-être la chose la plus difficile à communiquer, même dans les plus grands théâtres hors d'Italie : l'articulation, la dynamique, la couleur d'une scène ou d'un passage doivent être réalisées en invitant à écouter le chœur ou les chanteurs et, bien sûr, en suivant le sens de la scène, les pensées, les sentiments et les paroles des personnages. Et là, un monde s'ouvre. Un monde s'ouvre dans ces pages si découvertes, où l'on trouve des indications sur les dynamiques et les articulations, avec lesquelles on peut en réalité jouer car tout est interprétable, tout est relatif, et c'est là toute la merveille de l'interprétation du signe écrit. C'est le miracle de l'opéra, qui s'accomplit grâce à la sagesse, la maturité et la sensibilité de Giuseppe Verdi.

    La Forza del destino , Mise en scène Ersan Mondtag (2025)
    GC

    Dans votre exploration du répertoire verdien, qu'est-ce qui vous a amené à diriger La Forza del destino ?

    DR

    J'ai abordé La Forza del destino avec une certaine assurance et une bonne connaissance du répertoire verdien, car j'avais déjà dirigé Un ballo in maschera, Don Carlos et Simon Boccanegra. La Forza m'avait toujours effrayé au début de ma carrière, je suis heureux d'avoir attendu 17 ans avant de la diriger pour la première fois. Le fait d'avoir dirigé de nombreuses œuvres du premier Verdi m'a certainement aidé à approfondir mon interprétation de la voix et à donner une touche différente aux accompagnements, en particulier ceux du baryton (il y a toujours une profondeur, une noblesse différente dans l'accompagnement du baryton verdien). Même l'accompagnement le plus simple atteint des sommets incroyables chez Verdi, car il doit se fondre parfaitement avec la ligne du chant. En général, l'écriture pour la fosse doit être ennoblie et polie dans les sons de l'orchestre afin d'éviter les effets caricaturaux, les effets de fanfare, les vulgarités ou le risque de s'arrêter à la surface de cette apparente simplicité de l'écriture. C'est la leçon d'un Riccardo Muti qui a toujours insisté sur un aspect noble de Verdi, même dans le zum papà le plus explicite : il faut toujours rechercher la noblesse, même dans l'attitude avec laquelle il doit être joué dans l'orchestre. Il est vraiment difficile de créer la bonne atmosphère, je ne dirais pas sacrée, car la musique de Verdi est aussi populaire et vient directement de la terre dans sa crudité, il ne faut donc pas rechercher la sacralité à tout prix (à moins qu'elle ne soit explicitement demandée sur scène !). Mais il est vrai que ce serait bien d'avoir la même attitude avec Verdi qu'avec Mozart. Voilà, si nous pouvions tous jouer Verdi, Rossini, Bellini, Donizetti comme si c'était Mozart, alors nous aurions des interprétations qui rendraient certainement plus justice au Cygne de Busseto et à l'opéra italien en général.
    Ensuite, il y a la question du soutien aux voix de soprano, ténor et baryton tout au long d'un opéra très lourd, et l'expérience que j'ai acquise en dirigeant plusieurs fois Il trovatore m'a été très utile car l'écriture vocale des quatre protagonistes est vraiment exigeante et nécessite beaucoup de sensibilité, d'attention et de soin de la part du chef d'orchestre pour accompagner correctement les chanteurs jusqu'à la fin de la représentation et leur permettre de donner le meilleur d'eux-mêmes.

    Les années lyonnaises
    GC

    Au moment de quitter Lyon, pouvez-vous dresser un bilan de vos années à l'Opéra de Lyon ?

    DR

    Nous avons eu de belles satisfactions et obtenu d'importantes distinctions internationales. Depuis 2019, l'orchestre et le chœur de l'Opéra national de Lyon sont « en résidence » au Festival international d'art lyrique d'Aix-en-Provence, grâce à leurs mérites sur le terrain et à leurs résultats musicaux de niveau international (je rappelle qu'Aix a eu à l'affiche le London Symphony Orchestra ou le Philharmonia Orchestra et les Berliner Philharmoniker en tant qu'orchestres invités du Festival). Depuis 2017, nous avons donné chaque saison un opéra en version concert au Théâtre des Champs-Élysées à Paris, nous avons été en tournée à Oman et en Italie, l'Opéra de Lyon a été récompensé en 2017 comme meilleur théâtre d'opéra au monde aux « International Opera Awards » de Londres et aux « Oper ! Awards » de la critique allemande, certaines nouvelles productions ont été récompensées comme meilleur spectacle mondial de la saison selon la critique allemande : en 2019, Чародейка/Charodeyka (L’Enchanteresse) de Tchaïkovski (mise en scène d'Andriy Zholdak) et en 2024, La Dame de pique (mise en scène de Timofeï Kouliabine), que j’ai toutes deux dirigées. J'ai d’ailleurs été décoré  « Chevalier des Arts et des Lettres » par le ministre français de la Culture pour le travail accompli ces dernières années à l'Opéra de Lyon en 2025.

    Ensuite, un travail important a été réalisé en termes de répertoire. Je parle de 11 ans de collaboration artistique car ma relation avec Lyon a commencé avec un nouveau Simon Boccanegra en 2014, et c'est également beau de clore symboliquement ce parcours avec cette production de La Forza del destino. Entre-temps, nous avons interprété de nombreux titres de Verdi avec l'orchestre lyonnais. Parmi œuvres du jeune Verdi, nous avons joué, également en version concertante, Nabucco, Ernani, Attila, I due Foscari et Macbeth. Nous avons ensuite abordé Rigoletto, pour finalement monter certaines des œuvres maîtresses de sa pleine maturité : Falstaff, le Requiem et Don Carlos. Outre Don Carlos interprété en français, il a également été intéressant de mettre l'accent sur le répertoire franco-italien avec Guillaume Tell, Moïse et Pharaon, Lucie de Lammermoor (version française).

    Nous avons certainement réussi à faire connaître le répertoire italien de manière significative avec des nouveautés absolues pour la ville de Lyon, comme Mefistofele, Andrea Chénier, Adriana Lecouvreur, sans parler du travail accompli sur Puccini, car je tiens à rappeler qu'il n'avait pratiquement jamais été joué ici à Lyon au cours des 40 dernières années. Je suis très heureux d'avoir ramené Tosca, Madama Butterfly, et surtout d'avoir dirigé pour la première fois La Fanciulla del West dans la capitale des Gaules.

    La Fanciulla del West (2024), Mise en scène: Tatjana Gürbaca
    GC

    Et au-delà du répertoire italien ou franco-italien ?

    DR

    Ma plus grande satisfaction a sans aucun doute été la production de Die Frau ohne Schatten, que je place en tête de mon classement personnel. Du point de vue musical, mais aussi en termes de défi, car l'orchestration était réduite en raison de l'espace disponible dans la fosse de l'Opéra de Lyon.

    Die Frau ohne Schatten, Mise en scène Mariusz Treliński (2023)

    Après Die Frau ohne Schatten, La Dame de pique et Le Coq d'or ont sans aucun doute été deux autres moments cruciaux pour notre développement artistique. Il a également été très intéressant de pouvoir collaborer avec des metteurs en scène à la personnalité très forte. Je voudrais mentionner L'Enchanteresse, en particulier avec Andriy Zholdak, qui a été une opération culturelle très forte car il s'agissait également d'une première française : cet opéra de Tchaïkovski n'avait jamais été joué en France. Puis Falstaff et Le Coq d’or, tous deux mis en scène par Barry Kosky, tandis que la mise en scène de Die Frau ohne Schatten a été signée par Mariusz Trelinski. Il y a également eu des expériences, comme Eine Nacht in Venedig, une opérette sous forme scénique. Et puis tous les concerts symphoniques, bien sûr, avec un accent particulier sur Mahler, Richard Strauss, Debussy et Ravel.

    Un travail considérable a été accompli sur le répertoire, même si les chiffres de la saison lyonnaise ne sont pas ceux d'un grand théâtre allemand, ni ceux de Londres ou de Paris, où l'on joue 18 à 20 titres par an. À Lyon, nous ne jouons que 10 à 12 titres. Malgré cela, j'ai passé six mois à Lyon chaque saison, car en plus des trois programmes symphoniques et des trois ou quatre opéras, il y a toujours eu des auditions ou des concours au sein de l'orchestre. L'orchestre a complètement changé : au cours de ces 11 années, tous ceux qui sont entrés dans l'effectif entre 1983 et 1986, lors du premier concours, ont pris leur retraite. Ces dernières années, toute la relève a pris le relais : il n'y a plus un seul musicien de ceux qui ont commencé dans les années 80 et c'est moi qui ai procédé au renouvellement au cours de ces dix dernières années en tant que président de la commission. Cela a également été une expérience importante.
    La fonction de directeur musical permet également de grandir sur le plan humain, dans la manière d'interagir au sein du théâtre. La position de directeur musical permanent doit être interprétée d'une certaine manière. Il ne s'agit pas seulement de diriger, puis de rentrer chez soi. Au contraire, il est vraiment fascinant d'entrer au cœur d'une institution, au cœur du théâtre, qui est le centre culturel d'une ville, et le public le ressent profondément. Nous avons été très attentifs à équilibrer les programmes symphoniques, les opéras les plus populaires et les titres moins connus.
    Et grâce à Serge Dorny, nous n'avons jamais arrêté de travailler ni de produire pendant la pandémie, nous avons toujours trouvé d'autres espaces pour jouer. J'ai beaucoup travaillé avec les cordes, avec des sections séparées de l'orchestre, et à mon avis, nous avons fait un bond en avant remarquable grâce au Covid ! Nous avons également enregistré pour la radio des morceaux très difficiles, comme Der Tod und das Mädchen (La Mort et la Jeune Fille) de Schubert dans la version de Mahler pour orchestre à cordes avec contrebasses. Je me souviens d'un enregistrement de Pulcinella de Stravinsky, avec des musiciens espacés, ce qui rendait la tâche encore plus difficile, ainsi que de la Symphonie pour instruments à vent de Stravinsky et des morceaux de Strauss et de Dvořák pour vents seuls. Bref, nous avons fait un travail par sections que nous n'aurions pas pu faire dans une situation normale. Même l'activité lyrique n'a jamais cessé : nous avons enregistré la version pour baryton de Werther à cette époque, tout en travaillant également sur le répertoire français. Nous avons été à deux doigts de reprendre Le Rossignol de Stravinsky après un mois de répétitions. Je me souviens également de Beatrice et Benedict, dont la nouvelle production avec Damiano Micheletto a été jouée au théâtre devant un public restreint, mais au moins elle a été réalisée sur scène. Manon et Herodiade, jouées sous forme de concert au Théâtre des Champs-Élysées, ont été à mon avis une autre grande réussite, un répertoire que j'ai appris à connaître et à aimer à Lyon. Bref, j'ai fait mes débuts dans de nombreux titres et je remercie l'orchestre et le chœur de Lyon qui, d'une certaine manière, m'ont aussi fait comprendre ce répertoire. J'ai aussi pris beaucoup de risques : mon premier opéra en tant que chef principal désigné a été La Juive... Un beau challenge... Je n'avais jamais dirigé d'opéra français auparavant, donc ça a été une épreuve du feu.

    Au fil de toutes ces années, j'aurai finalement dirigé 33 titres, entre opéras en version scénique et concertante. Avec beaucoup de symphonies, le renouvellement de l'orchestre, cette expérience de plusieurs années, j'en ressors certainement différent.

     

    GC

    En quoi différent ? Pouvez-vous développer ?

    DR

     

    J'en ressors différent parce que j'ai pris conscience de mes moyens, mais aussi de mes limites. Je ne crois pas à la polyvalence absolue, il est impossible de maîtriser tout le répertoire et d'atteindre le même niveau dans tous les domaines. J'ai eu la chance de toucher à beaucoup de styles musicaux différents. Je suis très heureux d'avoir abordé mon premier Wagner avec Tannhäuser et Berg avec Wozzeck. Mais alors que dans Wozzeck, il a été possible de trouver des solutions dans cette fosse si particulière en raison de la taille relativement petite du théâtre, étroite et de forme rectangulaire, et qu'il a été plus facile de trouver des solutions avec tous les autres compositeurs, Wagner nécessite beaucoup de musiciens dans la fosse pour créer le son wagnérien spécifique. Nous avons osé et je suis heureux du résultat obtenu dans Tannhäuser, mais il manquait justement la texture sonore des cordes par rapport aux vents. Malheureusement, pour Wagner, il faut une grande fosse, il n'y a pas de raccourcis possibles ni de visions « chambristes » particulières : Wagner se fait avec le nombre de cordes requis, un point c'est tout (rires). Cela dit, nous avons également vécu une autre expérience, celle du deuxième acte de Tristan und Isolde en version concertante, avec le nombre exact de cordes requis par la partition sur scène, et il y en aura d'autres à l'avenir... Je pense au premier acte de Die Walküre et au deuxième de Parsifal. En effet, un nouveau petit chapitre de l'histoire s'ouvre maintenant pour moi en tant que directeur musical émérite du théâtre et nous aurons l'occasion de vivre ces autres expériences wagnériennes sous forme de concert... sur scène, je le promets, nous respecterons toujours les exigences de l'effectif wagnérien ! (rires à nouveau).
    Je sors certainement forgé par ces nombreuses années de travail avec l'orchestre, plus conscient de ce que je veux en termes de son, en termes de tension dramatique tant dans le symphonique que dans l'opéra, plus conscient de ce que je peux exiger de l'orchestre, en termes de réactivité, de dynamique et surtout d'adaptation aux voix, car un grand orchestre d'opéra se révèle finalement lors de l'exécution en direct. Quoi qu'il arrive pendant la représentation, il faut aller jusqu’à changer l'intonation dans les cas extrêmes pour s'adapter à la ligne mélodique, mais l'important est que l'orchestre joue différemment en fonction de l'expression du chanteur. Il faut donc ouvrir ce canal de communication, s'ouvrir à cette sensibilité, ouvrir ses oreilles, en somme... C'est cela, en termes simples, faire de la musique ensemble. C'est difficile ! Il est moins compliqué de faire de la musique absolue ensemble dans un orchestre symphonique... dans la fosse, ce n'est pas quelque chose qui vient naturellement parce que vous êtes caché, et la relation avec le son sur scène est complètement différente. C'est donc un art qui se construit avec le temps et, depuis ces huit dernières années, je suis encore plus conscient qu'il s'agit d'un métier différent de celui du répertoire symphonique.

    CG

    Après toutes ces années, avez-vous des regrets ?

    DR

    Tous les artistes doivent savoir se regarder en face et être hypercritiques, car au fur et à mesure que l'on avance dans la musique, il faut devenir de plus en plus maître de soi-même. Pour être maître de soi-même, il faut être capable de se dédoubler et d'avoir une paire d'oreilles et d'yeux qui peuvent juger de l'extérieur. La critique la plus féroce et la plus vraie est celle que nous devons nous adresser à nous-mêmes. Si possible constructive, évolutive et porteuse de croissance. Cela pour dire que j'ai eu la chance de débuter de nombreux titres à Lyon, mais avec le recul, j'aurais abordé certaines partitions avec plus de conscience et d'une manière différente. D'un autre côté, je me rends compte qu'en débutant de nombreuses œuvres, j'ai donné le meilleur de moi-même à l'époque et j'ai surtout eu la chance de le faire dans un théâtre « à moi », dans des conditions particulières. En effet, à Lyon, j'ai toujours eu à ma disposition six lectures d'orchestre, deux italiennes[1], cinq ou six répétitions d'ensemble, la pré-générale et la générale avec une seule distribution. Et quatre semaines complètes de répétitions pour monter le spectacle avec les chanteurs et la mise en scène. Un luxe. En ce sens, je me suis senti assez courageux et armé pour pouvoir faire mes débuts dans des titres importants. Mais de là à avoir complètement digéré tout ce répertoire, c'est autre chose. Beaucoup des morceaux que j'ai interprétés pour la première fois devront être revisités à l'avenir. La direction exige une assimilation et une connaissance du matériel musical, une analyse harmonique du phrasé et de la pensée du compositeur et, bien sûr, la sémantique du livret. C'est tout un ensemble qui demande du temps pour être complètement assimilé. Je pense être très dévoué à ce que je fais et je pense sincèrement être l'un des rares à m'intéresser au travail de directeur musical d'un théâtre et à vouloir investir du temps dans un opéra, ce qui est une chose que je vois de moins en moins chez les chefs d'orchestre « célèbres ». Sans vouloir polémiquer, c'est la réalité. Le véritable directeur musical doit également développer des qualités humaines et être capable de comprendre, les gens et d'investir dans les personnes qui collaborent au théâtre. Je sens que j'ai mûri et grandi parce qu'après huit ans, j'ai réussi à trouver le moyen de communiquer de la manière la plus efficace pour obtenir des résultats artistiques avec l’équipe de production, la direction, le directeur de casting, les chanteurs (même certains agents de chanteurs) et les metteurs en scène. C'est aussi un travail de médiation pour obtenir le meilleur jeu d'équipe possible. C'est également une réalité à laquelle le chef d'orchestre doit faire face aujourd'hui pour défendre les raisons de la musique et faire le bien du théâtre.
    Il n’y a peut-être qu'une chose plus concrète que je regrette, c'est de n'avoir vraiment lancé aucun jeune chanteur français au cours des huit années où j'ai été à la tête de la deuxième scène lyrique de France. J'ai collaboré avec presque tous les plus grands chanteurs français déjà confirmés à Lyon, mais nous n'avons pas eu assez de courage pour oser faire confiance à de jeunes Français en leur confiant des rôles importants. La seule exception est peut-être la mezzo-soprano Eve-Maud Hubeaux, qui a chanté le rôle d'Eboli dans Don Carlos en 2018, alors qu'elle était encore jeune. J'ai le sentiment d'avoir une dette envers la France à cet égard.

     

    [1] Une « italienne » est une répétition strictement musicale, sans jeu ni déplacements

    Nouvelles expériences et évolutions du métier
    CG

    De nouvelles expériences vous attendent désormais. Comment les années passées à Lyon peuvent-elles l'aider à diriger un orchestre plus important dans une institution aussi gigantesque que le MET ? Mais aussi à la Bayerische Staatsoper, où vous dirigez souvent ?

    DR

    L'expérience que j'ai acquise à Lyon a certainement déjà porté ses fruits, car c'est l'orchestre du MET qui m'a voulu, avec la bénédiction de tout le théâtre. De plus, l'ouverture au répertoire allemand et français me permettra de diriger de plus en plus de répertoire non italien, surtout à Munich où, la saison prochaine, je serai engagé à diriger uniquement du répertoire allemand (Ariadne auf Naxos et Der Freischütz).
    Lyon et New York sont des situations complètement différentes, et d'un certain point de vue, il est plus facile de diriger un grand orchestre qu'un petit. Un grand orchestre est encore plus centralisateur en ce qui concerne le chef, le premier violon et les autres solistes occupant des positions clés dans l'orchestre, et il réagit de manière moins impulsive à la personne qui se trouve sur le podium. Les premiers rôles de l'orchestre ont plus de responsabilités et de poids. Dans ces deux institutions prestigieuses (le MET et la Bayerische Staatsoper), j'ai l'intention de poursuivre le travail de recherche sur le son et la sensibilité de la fosse par rapport aux voix sur scène. En utilisant l'école et la méthode « à l'ancienne ». Le travail et la préparation sur le texte étaient la norme, le pain quotidien jusqu'aux années 80-90, c'est-à-dire que le chef d'orchestre au piano jouait toute l'œuvre en chantant toutes les paroles du livret et de la partition, sachant les interpréter.
    Mais tout cela disparaît peu à peu. Parfois, je me rends compte que je ne fais rien de spécial, mais c’est considéré comme quelque chose de spécial par des orchestres même prestigieux, car presque plus personne ne pratique ce « métier ». Combien de chefs d'orchestre font aujourd'hui une véritable répétition musicale au piano avec les chanteurs et vont au-delà de la mise au point de l'ensemble et de l'organisation des points d’orgue et des ritardandi ? Ils ne s'occupent que de la « latitude et longitude » de la musique, ils se contentent de coordonner. Qui forge vraiment une interprétation personnelle et parvient à équilibrer les voix de la distribution ? Qui est guidé par une véritable urgence interprétative personnelle basée sur une étude approfondie du signe écrit ? Lors des lectures d'orchestre sans chanteurs, le chef d'orchestre doit être capable de chanter toutes les parties vocales et d'anticiper les respirations, les dynamiques non écrites sur les mots pour les musiciens d'orchestre, comme le veut la meilleure tradition italienne de direction d'orchestre. Par exemple, si un chanteur descend dans le registre grave, il est évident que l'orchestre doit jouer moins fort pour une simple raison acoustique liée aux lois de la physique. Les accents et les dynamiques sur les mots, le sens et la couleur d'une scène. C'est l’« abc » du métier, mais l'abc devient aussi compliqué que d'envoyer une fusée sur Mars.

     

    GC

    Pourquoi ?

    GC

    Parce que tout le « métier » d'autrefois se perd, et que la musique ne semble souvent plus être la chose la plus importante dans les théâtres d'opéra aujourd'hui, sauf quelques rares exceptions. J'ai 41 ans, je ne peux peut-être pas déjà me permettre de faire le moralisateur, ce sont généralement les grands maîtres de 80 ans qui disent : « Nous sommes désormais au début de la fin et tout se perd ». Mais il est vrai que les chanteurs se plaignent que presque personne ne dit plus rien d'intéressant lors des répétitions musicales au piano. Il est vrai que la plupart des chefs d'orchestre appelés à diriger des opéras ne s'identifient plus aux chanteurs, parce qu'il faut du temps pour se préparer et parce qu'il faut avoir fait ses armes : s'être mis au piano, avoir respiré la vie du théâtre, être monté sur scène, connaître les besoins des chanteurs, connaître leurs insécurités, choisir le tempo en pensant si un chanteur peut arriver au bout d'une phrase d'un seul souffle, organiser des plans B pour les problèmes de souffle et éventuellement revoir le phrasé. Commencer par étudier le livret et essayer de réciter le texte pour avoir un tempo naturel sur les mots dans les récitatifs, par exemple. Ce sont des choses qui ont toujours été à la base de la préparation d'un chef d'orchestre d'opéra, car un chef d'orchestre d'opéra venait souvent du piano, avait été assistant d'autres chefs d'orchestre d'opéra, avait été chef de chant accompagnant de nombreux chanteurs, avait travaillé au théâtre, avait dirigé des orchestres derrière la scène et avait également appris à respecter tous ceux qui travaillent dans les coulisses. Il faut être conscient de la machine théâtrale lorsque l'on prend le micro pour interrompre une répétition. Lors d'une répétition d'ensemble, par exemple, on ne peut pas prétendre reprendre à un certain point après quelques secondes alors qu'il faut réorganiser tout le plateau, peut-être au milieu d'un changement de décor (!). Ce sont des choses évidentes, mais qui semblent régulièrement oubliées aujourd'hui. Aujourd'hui, on invite à diriger des chefs d'orchestre à l’opéra qui n’ont pas cette préparation fondamentale. De grands noms et même d'excellents chefs d'orchestre qui dirigent principalement du répertoire symphonique sont confrontés à ces problèmes complexes de l'opéra qui exigent beaucoup de dévouement et qui ne s'apprennent pas du jour au lendemain. Il faut du temps pour comprendre le fonctionnement de la machine complexe qu'est le théâtre, même pour les génies de la baguette... Et aujourd'hui, de nombreux directeurs artistiques, intendants et directeurs de casting de théâtres, même importants, se contentent d'avoir des chefs d'orchestre peut-être très talentueux, mais qui ignorent tout ce bagage et ne connaissent pas le répertoire, car ils feront moins de vagues sur le choix des chanteurs et s'immisceront moins dans les choix du metteur en scène.
    Je remercie ma mère car ma première grande expérience musicale a été le chœur d'enfants du Teatro alla Scala. J'avais 10 ans. J'ai passé beaucoup plus de temps à observer et à apprécier la machine théâtrale qu'à chanter pendant les quelques minutes où nous chantions. Je me souviens du Mefistofele avec Muti où les enfants chantent dans le prologue et l'épilogue. Et entre les deux, il y a deux heures et demie d'opéra ! À l'époque, on voyait les techniciens travailler sur scène, les électriciens, les costumiers, les répétiteurs qui faisaient leur travail pour créer la magie du théâtre : cela donne une idée du caractère sacré de ce travail... tout cela au plus haut niveau possible - c'est la Scala après tout ! J'ai vu l'amour et la passion que tout le monde mettait dans un spectacle. Et j'ai appris la discipline, le respect et la passion nécessaires pour être au théâtre. Je me souviens même que lorsque nous étions enfants, on nous emmenait voir les cours de nos camarades à l'école de danse de la Scala... Les jeunes danseurs de la Scala avaient déjà une discipline de fer à cet âge-là ! Alors oui, bien sûr, j'ai 41 ans, mais cela me pèse un peu. Je regrette de voir le goût excessif de la facilité, la façon dont on aborde de plus en plus l'opéra aujourd'hui. Un chef d'orchestre pourra être doué, extraverti, talentueux et capable de transmettre la musique, sans cette expérience-là, il ne pourra pas comprendre le travail de l'opéra. C'est cette expérience qui permet d'être vraiment au centre de tout ce qui se passe. On ne peut évidemment pas tout contrôler, mais il faut en être conscient. Dans la fosse, à moitié caché, le chef d'orchestre doit savoir tout ce qui se passe, même derrière la scène. C'est aussi la responsabilité de ceux qui gèrent les théâtres : si l'on n'est pas capable de voir, de comprendre ou d'apprécier la différence entre ceux qui savent et ceux qui ne savent pas, on doit aussi assumer la responsabilité des résultats.

    Le rôle du répertoire symphonique
    GC

    Quel est le rôle du répertoire symphonique ? On parle souvent du chef d'orchestre italien pour l'opéra, à quelques exceptions près. Quelle est sa place par rapport à la musique symphonique ? Vous êtes toujours directeur de l'Ulster Orchestra après avoir été directeur de l'Orchestra della Toscana. Comment la musique symphonique nourrit-elle l'opéra et vice versa ?

     

    DR

    C'est un problème historique, je veux dire dans l'histoire de la musique, qui concerne les chefs d'orchestre, mais aussi les compositeurs italiens et les institutions musicales italiennes. En Italie, nous n'avons aujourd'hui que deux orchestres symphoniques nationaux, l'Accademia Nazionale di Santa Cecilia et la RAI de Turin. Pour le reste, il y a les orchestres des fondations lyriques et il est donc vrai que nous sommes historiquement considérés comme des "opéristes", mais il est également vrai que nous avons su cultiver, en tant qu'Italiens, une grande tradition de direction d'orchestre, y compris dans le répertoire symphonique.

    GC

    Il y a là un paradoxe, car malgré le nombre réduit d'orchestres symphoniques nationaux en Italie, il existe aujourd'hui une école italienne de direction très réputée.

    DR

    Oui, en termes quantitatifs également, les Italiens sont très nombreux, et à juste titre. Cela s'explique par le fait que l'opéra italien est le plus apprécié du public, et aussi celui qui vend le plus de billets. Il existe une vingtaine d'opéras, le noyau dur du répertoire italien, qui sont des best-sellers, le pain quotidien du répertoire des théâtres du monde entier, régulièrement à l'affiche, et les Italiens ont clairement un atout supplémentaire, ils accompagnent mieux les chanteurs, ne serait-ce que parce qu'ils savent quand baisser le bras et la baguette sur les mots. Il y aura toujours besoin de quelqu'un pour diriger l'opéra italien. Mais aussi parce que les chefs d'orchestre italiens sont très bien préparés et que c'est précisément grâce à l'opéra qu'ils apprennent très bien la technique de direction et à résoudre des problèmes gestuels tels que les changements de tempo, suivre la ligne du chanteur, gérer les points d’orgue etc. En suivant le parcours normal que tous les grands chefs d'orchestre ont suivi au XXe siècle : beaucoup d'opéra au début de leur carrière, puis une orientation de plus en plus vers l'activité symphonique.

    Bien que l'opéra ait été inventé et se soit épanoui en Italie, nous ne devons pas oublier que trois pays ont fait l'histoire de la musique occidentale au niveau purement instrumental : l'Allemagne (et j'inclus également Vienne), la Russie et l'Italie. Et donc, du point de vue de la direction d'orchestre, de Toscanini à De Sabata, Serafin, Giulini jusqu'à Abbado et Muti, il y a toujours eu une grande tradition italienne, même dans le répertoire symphonique et opératique allemand, russe et français, car il y a toujours eu une sorte d'hégémonie culturelle sur la connaissance de la musique de la part des artistes de ces trois pays.

    Maintenant, mettons de côté la Russie, compte tenu de la situation politique actuelle qui l'isole également sur le plan culturel, est-il possible que depuis vingt ans, il y ait une crise d'identité des chefs d'orchestre après Thielemann en Allemagne et après Chailly et Gatti en Italie, concernant le maintien de la grande tradition de direction d'orchestre de ces deux pays ? Je m'explique : les chefs d'orchestre italiens ont plus de mal à s'imposer avec les grands orchestres symphoniques internationaux et sont de moins en moins sollicités pour diriger des œuvres du répertoire non italien.
    À mon âge, je me bats aussi en dirigeant certaines des meilleures formations symphoniques, en apportant naturellement mon identité italienne et mon expérience de l'opéra dans l'approche du répertoire symphonique. Je veux dire qu'il est tout à fait possible de mettre une tension « lyrique » dans le répertoire symphonique, d'imaginer des mouvements de symphonies comme s'il s'agissait de scènes d'opéra, ou d'entendre des mots sur une ligne mélodique de musique. La grande différence est que dans la fosse, le chef d'opéra est très souvent obligé de gérer, de contrôler, parfois même en étant « hors de la musique » avec sa tête. Alors que dans le symphonique, le chef ne peut jamais être hors de la musique. Et il y a une grande contradiction dans cela, car au niveau gestuel, dans le symphonique, on peut alléger et réduire bien plus. Donc, être dans la musique dans la symphonie ne signifie pas gesticuler ou diriger de manière plus démonstrative, cela peut signifier être moins « chef » et attirer davantage l'attention des musiciens sur eux-mêmes, alors que dans la fosse, il est nécessaire de faire ressortir le geste pour être clair, pour que tout le monde sur scène sache où nous en sommes.
    Il n'est pas facile de trouver cet équilibre. J'avoue m'être senti plus à l'aise dans le répertoire lyrique au début de ma carrière, car c'est là que je suis né et que j'ai grandi. Mais cela ne m'a jamais dérangé, dans le sens où je suis fier de porter en moi la tradition musicale de mon pays. C'est le marché qui a tendance à « cataloguer » les artistes. L'opéra italien aux Italiens, l'opéra allemand aux Allemands, etc. Selon cette logique, les artistes anglais, japonais, américains ou coréens ne devraient pas toucher à la majeure partie du répertoire symphonique et lyrique...

    Je dois dire qu'aujourd'hui, on parle beaucoup des chefs d'orchestre finlandais, des possibilités qu'ils ont dans le domaine symphonique dès leur plus jeune âge avec les orchestres scandinaves, mais je dois dire qu'en Italie, nous ne pouvons pas nous plaindre des possibilités que les fondations lyriques offrent aux jeunes talents italiens dans le domaine de l'opéra. Au début de ma carrière, j'ai dirigé dans tous les plus grands théâtres italiens, notamment à Turin et à Venise, puis je me suis lancé à l'étranger avec une expérience et un bagage acquis notamment grâce à la pratique acquise dans ces théâtres italiens. Je veux dire qu'il existe encore aujourd'hui une tradition, une école qui se perpétue également de la part des orchestres des fondations lyriques italiennes pour les chefs d'orchestre italiens dans le domaine de l'opéra. Mais dans le domaine symphonique, nous devons réussir à être plus compétitifs à un moment où l'Italie a, d'un certain point de vue, renoncé à soutenir ses orchestres symphoniques. Dans les années 90, la suppression de quatre orchestres de la RAI n'a certainement pas aidé la direction d'orchestre italienne, et les effets se font sentir 10, 15, 20 ans plus tard. Tous les grands chefs d'orchestre italiens, au début de leur carrière, donnaient des concerts chaque saison avec les orchestres de la RAI et ajoutaient chaque année de nouvelles pièces à leur répertoire. On trouve sur YouTube de merveilleuses vidéos de Claudio Abbado, alors très jeune, dirigeant les orchestres de la RAI à Rome ou à Milan. Aujourd'hui, les possibilités sont moindres et il n'est pas automatique que des jeunes chefs d'orchestre italiens inconnus soient appelés à l'étranger pour diriger des concerts symphoniques. En Scandinavie, le système est très différent et en Angleterre, malgré toutes les difficultés, les orchestres de la BBC existent toujours, ils jouent beaucoup de musique anglaise, il y a beaucoup de possibilités de diriger pour les chefs anglais. Et bien sûr, les dix années passées à l'Orchestra della Toscana ont été fondamentales pour moi, mais ce n'est malheureusement pas ce poste qui m'a lancé au niveau international dans le domaine symphonique, peut-être en raison de la position culturelle de l'Italie par rapport au répertoire orchestral.
    Je connais beaucoup de très bons chefs d'orchestre italiens qui, à un moment donné, ont « abandonné » : heureux d'avoir un agenda rempli d'opéras italiens dans les théâtres du monde entier, ils ont cessé de se battre pour avoir la possibilité de diriger des concerts symphoniques et, par conséquent, ils ont cessé de fréquenter les partitions des grands compositeurs symphoniques. Les bons chefs d'orchestre italiens ont le devoir de dire non un peu plus souvent aux engagements lyriques afin d'avoir le temps de poursuivre autant que possible la voie symphonique, malgré les difficultés objectives du marché actuel. Nous le devons à notre grande tradition musicale italienne.
    Il y a ensuite un autre aspect à prendre en considération concernant les jeunes chefs d'orchestre, que le maestro Riccardo Muti souligne une fois de plus : il est plus facile aujourd'hui de trouver un jeune chef d'orchestre ayant plus de symphonies de Mahler ou de Chostakovitch dans son répertoire que de Haydn, Beethoven et Mozart. Il a raison, car Chostakovitch et Mahler font plus d'effet, et tout est déjà écrit pour l'orchestre, le travail de mise en place est plus objectif et peut être réalisé avec moins de recherche personnelle et d'exploration artistique (même si cela reste bien sûr nécessaire pour ce répertoire !). Je pense qu'un chef d'orchestre jusqu'à 45 ans doit insister beaucoup plus sur le répertoire classique avant de s'attaquer aux grands compositeurs de la fin du XIXe et du début du XXe siècle. Il est difficile de trouver un jeune chef d'orchestre qui interprète bien une symphonie de Mozart, beaucoup plus difficile à diriger et à rendre. Je pourrais faire le même exemple dans le domaine de l'opéra entre une œuvre de Richard Strauss et une de Bellini.

     

    Mozart
    GC

    Mais vous n'avez pas beaucoup dirigé Mozart à l'opéra

    DR

    J'ai dirigé une fois Don Giovanni et Così fan tutte, deux fois Le nozze di Figaro. J'ai donc abordé la « trilogie Da Ponte », et au MET, le premier opéra que je dirigerai en tant que chef principal invité (NdR : « Principal Guest Conductor ») sera Don Giovanni. Bien sûr, Mozart - Da Ponte est un Mozart particulier qui peut être interprété différemment, même par un Italien. La représentation de Così fan tutte dirigée par Muti à Salzbourg fut célèbre, et un journaliste lui demanda : « Comment pouvez-vous diriger Così fan tutte après la

    Karl Böhm ici ? » Et il répondit : « C'est simple : je dirige Così fan tutte, lui a dirigé Così fan tutten», (rires) car il est vrai que le tempo sur les mots, le sens des mots et l'union avec la musique dans la trilogie Mozart-Da Ponte sont quelque chose de miraculeux... et les Italiens peuvent donner une interprétation plus profonde de ce point de vue que les Autrichiens et les Allemands. Mozart est sans aucun doute un auteur majeur et le pivot tant dans le domaine symphonique que dans celui de l'opéra. Mozart est en quelque sorte un point clé pour tout chef d'orchestre sérieux. Mozart permet au chef d'orchestre de trouver son centre, son équilibre entre l'opéra et la symphonie. Et c'est vrai, on ne le fait pas assez. Quoi qu'il en soit, les chefs d'orchestre, même les jeunes, devraient le faire plus souvent, même si c'est très délicat et exposé. Je comprends donc pourquoi il est difficile de confier Mozart à un jeune dans un contexte prestigieux.
    Je dois ensuite faire une remarque polémique : pourquoi Mozart doit-il être confié uniquement aux baroques en Europe aujourd'hui ? Les chefs d'orchestre qui ne sont pas spécialisés dans le baroque ne sont-ils pas capables de le phraser ou de trouver les bonnes couleurs ? Ce n'est pas vrai, bien au contraire... C'est peut-être aussi la raison pour laquelle j'ai relativement peu dirigé Mozart au cours de mes 17 ans de carrière.

     

    GC

    D'ailleurs, aujourd'hui, on fait beaucoup plus souvent appel à de jeunes chanteurs qu'à des chanteurs plus expérimentés pour interpréter Mozart.

    DR

    C'est tout à fait vrai, et c’est un problème ! Mais les chanteurs sont également responsables de leur programmation. À un certain moment, le chanteur ou son agent décide qu'il doit absolument élargir sa voix et s'orienter vers un répertoire plus lourd, et on abandonne Mozart. Alors que cela ferait tellement de bien à la voix de continuer à le chanter.

    GC

    Cecilia Bartoli dit toujours que c'est un baume pour la voix.

    DR

    C'est aussi un baume pour les oreilles et pour le mental, car cela nous met à nu... Sur l'intonation, la pureté du son, le legato, le choix du vibrato... Quand le succès arrive, continuer à travailler autant sur Mozart peut devenir un problème de regard sur soi !

    La relation à l'Italie
    GC

    Quitter Lyon marque un tournant dans votre carrière : de nouvelles perspectives s'ouvrent à vous dans de très grands théâtres, notamment au MET, un peu aussi à la Bayerische Staatsoper, mais assez peu en Italie.

    DR

    C'est vrai, et cela me désole, car je dois évidemment beaucoup à l'Italie et je sais qu'en Italie, l'opéra est vécu et ressenti de manière complètement différente, surtout notre répertoire. Mais par rapport à l'étranger, il y a un problème de programmation. Je n'ai aucune intention de renoncer à ma carrière de chef d'orchestre en Italie, mais malheureusement, même dans les institutions italiennes les plus importantes, la programmation se fait seulement un an à un an et demi à l'avance. C'est trop tard par rapport à d'autres théâtres, comme le MET ou le Teatro Real de Madrid, qui programment 4 à 5 ans à l'avance. Cela m'a pénalisé ces dernières années avec certains théâtres et orchestres italiens. J'ai reçu de nombreuses invitations très importantes, et j'ai aussi regretté de ne pas être revenu, ayant grandi dans de nombreuses institutions italiennes prestigieuses.
    Il y a de plus un aspect « poétique » : revenir et pouvoir rendre à mon pays ce qu'il m'a donné. Je suis donc très heureux de revenir à la Scala pour la saison 2025-2026 après tant d'années, et je suis également ravi de diriger un concert symphonique avec l'Orchestra del Maggio. Au cours de la saison actuelle, je viens de revenir à Santa Cecilia et à l'orchestre de la RAI de Turin. Ce sont les quatre institutions les plus importantes de mon pays, et donc même symboliquement, je ne peux donc pas me plaindre ces derniers temps. Il est également vrai qu'une présence plus constante serait appréciable. Je suis très attaché à mon pays, j'ai toujours dit que pendant mes études au Conservatoire « G. Verdi » de Milan - quinze ans d'études - je n'ai jamais manqué de rien, bien au contraire. Nous sommes vraiment sérieux sur le plan académique en Italie, nous n'avons rien à envier à personne en termes de préparation, mais peut-être que nous ne savons pas nous vendre aussi bien.
    D'un point de vue professionnel, il est vrai que je me trouve à un tournant : les conditions ont changé pour moi, puisque je ne passe plus six mois à Lyon chaque saison. Mon engagement de trois ans qui commence au MET en 25/26 signifie essentiellement trois titres en deux mois, plus un concert avec l'orchestre du MET à Carnegie Hall, et j'ai la possibilité de diriger une ou deux autres productions d'opéra ailleurs. Après cela, je ne me fixe pas d'objectifs à tout prix, je n'ai pas d'idées fixes en matière de carrière.
    Il est très naïf de penser « Je voudrais devenir directeur musical des Berliner Philharmoniker, de l'Orchestre du Concertgebouw, du Teatro alla Scala ou du Metropolitan Opera... ». Ce sont des discours un peu stupides et naïfs, car en réalité, les choses ne fonctionnent que lorsqu'il y a une bonne alchimie avec les musiciens de l'orchestre. L'objectif est de faire de la musique au plus haut niveau possible, et si l'étincelle artistique ne jaillit pas avec l'orchestre et l'institution musicale en général, si les conditions ne sont pas réunies, le rêve peut se transformer en cauchemar simplement parce qu'on a voulu à tout prix obtenir un poste dans une institution prestigieuse. De plus, aujourd'hui, un chef d'orchestre doit savoir travailler en équipe avec la direction. Si l'équipe n'est pas soudée, ou si les conditions politiques ou culturelles ne sont pas idéales, il est inutile de s'obstiner et de vouloir à tout prix obtenir un poste. Il faut créer une relation d'estime et d'amour musical avec l'institution, de l'orchestre à tout ce qui gravite autour de l'institution. Pour moi, c'est ça, faire la bonne « carrière », quel que soit le nom de l'orchestre ou du théâtre. Bien sûr, l'objectif principal reste de faire de la musique au plus haut niveau possible, et cela doit rester le fil conducteur du voyage.

     

    GC

    Cela ne signifie donc pas qu'il faille à tout prix obtenir le plus rapidement possible un poste dans des institutions prestigieuses ?

    DR

    Prenons l'exemple du Concertgebouw et de Klaus Mäkelä, le phénoménal chef d'orchestre finlandais. Je pense sincèrement qu'avec un orchestre d'un tel calibre et d'un tel prestige, j'aurais probablement consacré toute mon énergie à un seul orchestre. £
    C'est aussi une formidable opportunité de croissance pour lui. Mais s'il parvient à rendre heureux tous les autres orchestres qu'il dirige, qui suis-je pour juger le fait qu'il ait également accepté d’être directeur musical à Chicago ? Si une véritable alchimie musicale s'est également produite à Chicago, tant mieux. Il s'agit de choix personnels. Nous sommes tous différents et nous interprétons la musique et l'activité musicale de manière différente. Ce qui me rendrait le plus heureux artistiquement, ce serait d'avoir à la fois un théâtre d'opéra et un grand orchestre symphonique, et ce souhait ne contredit pas ce que je viens de dire, car ce sont deux positions très différentes... elles peuvent coexister. Il n'est pas dit, par exemple, qu'un chef d'orchestre symphonique doive nécessairement vivre dans la ville où il dirige, mais je suis convaincu que le directeur musical d'un grand théâtre doit nécessairement vivre au cœur de la cité dont c’est l’Opéra. Parce qu'il doit s'inscrire dans le contexte culturel spécifique et vivre l'opéra dans sa fonction sociale.

    GC

    Reste-t-il un rêve au fond de vous pour l'instant ?

    DR

    Oui. Beaucoup ! Il y a de très beaux orchestres symphoniques que je dirige en tant qu'invité cette saison et avec lesquels je suis en train d'établir une relation de confiance mutuelle, avec lesquels j'aimerais m'engager dans un parcours musical stable à l'avenir. Je l'ai déjà fait avec d'autres orchestres, l'Orchestra della Toscana et l'Ulster Orchestra en Irlande, et je pense que le moment est venu d'ouvrir un nouveau chapitre artistique de ma vie. En cherchant autant que possible à m'épanouir en tant que personne, plus j'avance, plus je me rends compte que monter sur ces 30 cm de podium signifie transmettre une expérience qui aille plus loin que bouger les bras. Par exemple, le jour de mon vingt-cinquième anniversaire j’ai débuté le Requiem de Verdi, et deux maestros ont justement commenté : « Mais si dans votre vie, même votre petit chat n'est pas mort, comment pouvez-vous diriger le Requiem de Verdi ? ». La croissance humaine équivaut à la croissance artistique et pour communiquer avec les âmes des musiciens de l'orchestre, il faut avoir un monde intérieur profond à partager. Le choix du répertoire est parfois lié à cet aspect. Tristan, Parsifal, la Neuvième Symphonie de Mahler, les deux dernières symphonies de Bruckner sont des rêves que je caresse et des géants à affronter et à savourer au moment opportun. C'est un parcours fascinant qui accompagne le chef d'orchestre dans son évolution constante jusqu'à la tombe.

     

    Crédits photo : © Paul Bourdrel
    © Davide Cerati
    © Bertrand Stofleth
    © Jean-Louis Fernandez

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