Requiem de Fauré en répétition
`Un concert de musique chorale inspirée par la France. La saison de musique de chambre de Santa Cecilia a été marquée par un événement particulièrement intéressant, mettant en vedette le Chœur de l'Académie et son chef, Andrea Secchi. Au centre du programme, le Requiem de Gabriel Fauré, précédé en ouverture par le Cantique de Jean Racine du même auteur, pour marquer avec un léger décalage de quelques mois, le centenaire de sa mort, survenu en 1924 dernière. Entre ces deux titres de Fauré, une nouvelle composition de Matteo D'Amico (1955), également pour chœur, Les nuages, a été insérée. Cette œuvre a été spécialement commandée pour cette soirée par l'Accademia di Santa Cecilia. Le rapprochement avec Fauré est motivé par le fait que Les nuages met en musique une sélection de textes tirés de la grande poésie française du XIXe siècle.
Le Cantique de Jean Racine ne dure que quelques minutes. Il s'agit d'une page de jeunesse, composée à l'âge de vingt ans. Mais on y trouve déjà certaines empreintes qui marqueront le style du grand compositeur : la maîtrise de la forme dans une vision essentielle, la transparence du dessin mélodique, la limpidité de l'organisation polyphonique et de son déroulement grâce à l'utilisation savante de l'appareil harmonique et de modulations nettes. Tous ces ingrédients ont mûri dans l'expérience liturgique que le jeune musicien avait étudiée et pratiquée dans son activité d'organiste. La direction bien mesurée d'Andrea Secchi et l'interprétation attentive du Chœur de Santa Cecilia rendent justice à la suggestion de cette élégante miniature, accompagnée au piano par Mirco Roverelli.
Video : le compositeur Matteo d'Amico parle de sa compostion (en italien)
Matteo d'Amico a toujours cultivé ses choix linguistiques en toute autonomie par rapport aux avant-gardes dominantes des décennies passées, aujourd'hui en déclin. Une solide formation a permis à ce compositeur de développer un savoir-faire nourri d'une créativité toujours attentive à une pluralité de solutions constructives et à des suggestions variées. Les nuages est constitué d'un triptyque, que la main de D'Amico conçoit et modèle sur les textes respectifs dans un langage ouvertement communicatif, comme c'est son style. Les trois poèmes choisis ont tous pour toile de fond le ciel, qui est chaque fois déclamé de manière différente. Dans le premier texte, Le nuage de Victor Hugo, le ciel est vu presque comme un miroir de l'âme, tout comme le soleil ou la tempête. L'atmosphère musicale est agitée par des contrastes marqués, dans une succession de panneaux qui se caractérisent différemment, tant sur le plan dynamique que sur le plan polyphonique, dans un dessin d'un lyrisme ouvert et d'une saveur classique. Dans Élévation, de Charles Baudelaire, le ciel est plutôt un lieu d'inspiration, dans lequel l'esprit permet à l'homme d'observer d'en haut ce qui l'entoure. Une progression descendante, sur un dessin chromatique uniforme, marque le début. Puis l'atmosphère s'anime, prenant des accents parfois dramatiques, qui, à la fin, virent vers une issue consolatrice, inspirée par le texte qui tend vers une dimension immatérielle. Renouveau, de Stéphane Mallarmé, est un texte au profil plus anguleux ; à la fin, le ciel se manifeste presque comme une présence indifférente aux souffrances de l'homme. Ici, le langage expressif apparaît âpre, rugueux, accidenté, tant dans l'écriture chorale que dans l'accompagnement instrumental, dans une atmosphère qui correspond à l'âme angoissée et abattue qui transparaît dans les vers. Et la musique suinte de cette souffrance, jusqu'aux accords finaux. Ici, le piano à quatre mains, confié à Mirco Roverelli et Monaldo Braconi, est associé au violoncelle d'Arianna Di Martino, à qui est attribué un dessin intéressant qui le rend presque partie intégrante du chœur.

La deuxième partie du concert a été occupée par le Requiem op. 48 de Gabriel Fauré. Dans cette œuvre, le chœur était soutenu par un ensemble instrumental de taille réduite, dans l'une des versions préparées par le compositeur lui-même pour faciliter la diffusion de la pièce. Un petit orchestre, donc, avec des cordes mais sans violons, plus un orgue, une harpe, des cors et des timbales. Sous la baguette avisée d'Andrea Secchi, qui a bien maîtrisé les dosages et les couleurs de l'ensemble choral, on a pu à nouveau savourer la profonde suggestion de cette page. Il s'est ainsi créé une atmosphère d'une grande intensité, loin de toute attitude dramatique ou théâtrale, qui a permis une fois de plus de vivre le charme d'une musique sacrée qui trouve sa force de séduction dans son profil humain pénétrant. Une interprétation raffinée qui, outre la prestation du chœur et de l'ensemble instrumental, a bénéficié de la contribution sensible et incisive des solistes Nathalie Peña-Comos, soprano, et Mikhail Timoshenko, baryton. Des applaudissements chaleureux pour tous, et en particulier pour Matteo D'Amico et Andrea Secchi.
