Nous l’avions quitté hilares il y a deux ans (cf : « Passe ton bac d’abord » 9 novembre 2016) prêts à tout pour l’entendre à nouveau nous raconter ses frasques sous le regard de sa mère et tenter de passer son bac au moment où en France, tout basculait, à savoir en plein Mai 68. Mais le flamboyant Caubère alias Ferdinand Faure son double théâtral et alter ego, ne pouvait en rester là et c’est ainsi qu’un an plus tard nous le retrouvons sur la scène du Théâtre de l’Athénée, cette fois c’est promis, pour mettre un point final à cette épopée. Écrit dans la foulée de la reprise du Bac 68, Adieu Ferdinand est composé de deux parties qu’il est possible de voir indépendamment. La Baleine et Le camp naturiste est incontestablement la plus réussie des deux : Caubère y est une prodigieuse bête de scène, capable de se dédoubler, de jouer plusieurs personnages en même temps et de les caractériser en un clin d’œil, infatigable conteur qui décide de revenir sur des épisodes marquants de son histoire personnelle : le jour où il décide de tromper sa jeune épouse, fasciné par les formes girondes d’une autre comédienne de la troupe du Théâtre du Soleil, suivi par le récit de ses premières vacances de comédien free-lance, puisqu’il a décidé de rompre avec la tribu Mnouchkine et de voler de ses propres ailes, non sans certains déboires… Or sa femme ne trouve rien d’autre à lui proposer que de se rendre dans le camp naturiste où chaque été la metteuse en scène a ses habitudes…. Conçu comme s’il s’agissait d’improvisations, le spectacle prend forme sur un plateau vide littéralement habité par Caubère/Ferdinand qui nous donne à voir par sa simple présence, chaque situation, chaque personnage évoqué comme s’ils existaient réellement alors qu’ils ne sont qu’illusion. Beau parleur, hâbleur impénitent et menteur invétéré, ce personnage persuadé qu’il a raison de vouloir commettre l’adultère en compagnie de cette créature accueillante, avoue tout à fait naturellement à sa femme Clémence, ce qu’il s’apprête à faire, pour obtenir son consentement et partir tout à fait rassuré et apaisé après tant de palabres. L’arrivée à Barbès est inénarrable : en quelques gestes Caubère nous met en contact avec la foule métissée du quartier, nous fait pénétrer dans le minuscule appartement où l’attend celle qui lui a fait l’effet de Moby Dick, toute heureuse de donner du plaisir aux hommes qui le lui demandent…Rien ne nous sera épargné, des assauts répétés de Ferdinand qui réussira l’exploit de contenter « sa prodigieuse monture » par deux fois, surveillé par Clémence venue inopinément s’intercaler entre les deux amants pour essayer de faire capoter cette surréaliste soirée.
Après cette première apothéose qui met la salle à genoux, Caubère revient pour se moquer de lui et des autres, cette fois en vacances dans un camping naturistes, celui très célèbre dans les années soixante-dix de Montalivet, dans la Gironde. Le voyage en voiture pour s’y rendre, où le couple est conduit par le frère idiot de Ferdinand dans une estafette, est un grand moment burlesque ; mais ce n’est rien par apport à l’arrivée au camping où les modalités d’accès et l’organisation militaire sont comparées à celle d’un camp de …concentration. Il faut s’appeler Caubère pour flirter ainsi sans jamais sombrer sur une ligne aussi scabreuse. Quelques heures suffiront pour que les Parisiens coincés se détendent et acceptent de suivre sans sourciller les préceptes naturistes – la scène de la douche est à mourir de rire, Caubère se révélant une fois encore un mime incomparable – même si le couple bien sage finalement, refusera de répondre aux avances très appuyées faites par leurs voisins, des habitués très ouverts, adeptes de l’échangisme !
Nous aurions aimé défendre avec le même enthousiasme le second volet de ce diptyque : quelle mouche a cependant bien pu piquer Caubère lui si drôle, si insolent, si débordant d’imagination, à écrire ce sinistre récit intitulé Le Casino de Namur ? Enlisé dans les champs de betteraves que Ferdinand voit défiler par la fenêtre de la voiture qui le mène, lui et un proche comédien, chez un ami commun, l’acteur/auteur a beau se démener comme un diable, il laisse la salle de marbre. Difficile en effet de rire à gorge déployée aux horreurs qui nous sont décrites, tant elles semblent avoir été plaquées sans la moindre respiration comique. Le pauvre type qui aspire comme ses amis à monter sur les planches, est en fait un souffre-douleur qui bosse comme une bête dans les plantations de son père richissime (et qui dépense des sommes folles au Casino sans le dire à sa femme acariâtre !), constamment frappé, rabaissé et humilié, acculé à vivre dans la cave parmi les rats. D’abord éberlués puis incrédules, les deux autres comprennent progressivement l’enfer que vit leur camarade sans toutefois pouvoir l’en sauver. C’est d’une lourdeur rare, d’un cynisme épouvantable, d’un glauque pathétique et Caubère malgré tous ses efforts, ses mimiques et les divers accents auxquels il a recours, laisse le malaise s’installer sans parvenir à en contrer les effets : dommage !