Le journal autrichien Die Krone titre "Das Drama um die Sommerfestspiele" (Le drame des Festivals d'été), la Neue Zürcher Zeitung, le grand journal de Zürich qui a sans nul doute les meilleures pages culturelles d'Europe, titrait aussi sur ces annulations et Le Monde vient de faire paraître aujourd'hui même un article :
« Si on ne peut pas produire de spectacles à la rentrée, le pire s’annonce » : le coronavirus, crash test pour le secteur de la culture signé Michel Guerrin et Brigitte Salino.
Il semble que l'on commence à réaliser enfin ce qui menace le fragile écosystème de la culture, notamment dans ces pays où le statut des artistes reste peu protégé et dépendant de contrats qui cette année ne seront pas exécutés, au moins jusqu'à la fin de l'été, et peut-être plus. Nous essayons de faire aussi complètement que possible le tour de la question, au moins pour la musique classique et l'opéra

1- Les annulations de l'été

Empruntant le pas à la quasi-totalité des salles européennes face à la tourmente du coronavirus, la Bayerische Staatsoper vient d'annoncer la fin de sa saison 2019–2020, ainsi que l’annulation du Festival de Munich prévu en juin-juillet. Toujours en Bavière, le Festival de Bayreuth a été le premier des grands festivals à annoncer l'annulation de son édition 2020. Arrêtons-nous tout d’abord sur cette annulation, la première depuis la réouverture du Festival en 1951 et donc depuis la Deuxième Guerre mondiale.

Non seulement le Festival a renoncé à l’édition 2020, mais, en complétant son annonce par celle d'un éventuel report du Ring en 2022, il a communiqué publiquement sur les conséquences techniques et organisationnelles d’une telle annulation. Cette transparence est un cas à peu près unique parmi les grandes institutions comparables et cela mérite d'être salué. Katharina Wagner, si souvent critiquée, montre là une netteté et une clarté que d’autres feraient bien d’imiter, nous en parlerons plus loin.

2020 était pour Bayreuth l’année d’une nouvelle production du Ring, ce qui ajoute de l'importance à la décision prise par la direction. En termes clairs, il fallait que les répétitions commencent mi-avril. C’est toujours le cas (voir notre ouvrage sur le Ring de Castorf) et cela signifie également que les ateliers doivent fonctionner à plein régime pour achever les costumes, monter le décor, peaufiner. Pour un festival comme Bayreuth, cela veut dire aussi des dizaines de techniciens présents, un va-et-vient de chanteurs présents au même moment dans les différentes distributions etc.

L’Allemagne étant confinée depuis début mars et, à la différence des autres Länder, la Bavière étant le Land (ou l’État) le plus exposé à l’épidémie, il devenait évident que le Festival ne pouvait pas commencer son activité et son calendrier de répétitions dans des conditions normales – notamment avec la fermeture des infrastructures, la problématique des chanteurs venus du monde entier, les mesures-barrière à respecter et surtout l’impossibilité de circuler librement. Même si le communiqué d’annulation remonte au 31 mars, un autre communiqué du 18 mars annonçait déjà la couleur entre les lignes. Ce qui a étonné certains, c’est le report du Ring à 2022. Pour beaucoup, il suffisait de déplacer l'événement à la saison 2021, et le tour était joué…
Hélas, dans le monde de l’opéra, art complexe s’il en est, les choses ne sont pas aussi simples – d'autant moins simple que les chanteurs wagnériens sont une denrée rare et qu'un festival comme le Festival de Bayreuth n'a pas forcément la priorité dans les calendriers, la faute à des cachets relativement modérés et des conditions contraignantes. Les artistes sont retenus plusieurs années à l’avance, trois ans ou plus, comme les chefs, comme les metteurs en scène qui doivent préparer leur(s) production(s). Et à Bayreuth en particulier, où le nombre de productions et la relative exiguïté des espaces de répétition demandent une logistique serrée, minutée, prévue longtemps à l’avance. La nouvelle production de 2021 (Der Fliegende Holländer) est déjà calée, le planning est prêt et bouclé ce qui veut dire que les calages de la préparation des autres productions sont arrêtés aussi. Certains s’étonneront sans doute parce que la seconde année du Ring était programmée et qu’il suffisait de faire de cette seconde année la première et encore une fois le tour était joué. Évidemment les choses en vont autrement : le temps de répétitions prévu pour une reprise du Ring ne peut être comparé à celui prévu pour une création (à peu près quatre fois plus long) et ensuite, l'équipe de création est jeune et affronte pour la première fois la Colline sacrée, avec un chef qui n’aura pas la main sur l’orchestre, la fosse etc.

À cela s’ajoutent aussi peut-être d’autres raisons : l’équipe a dû travailler en un temps record pour monter la production, – un peu comme Castorf en son temps – à la différence près que Castorf est un vieux renard de la scène, et qu’il a, tout comme son décorateur Aleksandar Denić, une forte et longue expérience des spectacles montés dans des conditions périlleuses. Peut-être aussi la production demandait-elle encore du temps – un temps que cette malheureuse crise virale a donné. Et le report à 2022 (éventuel) se justifie aussi parce que sans doute en 2022 tous les contrats ne sont-ils pas signés, et que l’on peut encore faire glisser à 2023 la nouvelle production prévue cette année-là .
Donc, cette exposition des questions techniques permet de comprendre le vertige qui peut saisir le manager devant une telle cascade d’annulations, d’autant que les théâtres avaient jusqu’à trois ou quatre nouvelles productions avant la fin de saison (comme la Staatsoper de Berlin ou l’Opéra de Paris par exemple), même problème pour les Festivals (Baden-Baden et Salzbourg à Pâques, et Salzbourg-Pentecôte). À Pâques, c’était simple parce que les festivals tombaient en plein confinement général avec des problèmes logistiques partiellement comparables à ceux de Bayreuth en moindre proportion, qui n’entraient en rien dans l’annulation parce que de toutes manières, entre l’impossibilité de voyager et le confinement, les festivals ne pouvaient avoir lieu.
En revanche, Salzbourg-Pentecôte tombait théoriquement après le déconfinement et pouvait éventuellement avoir lieu, mais que faire du temps de répétitions, que faire de la réunion des techniciens, que faire des musiciens internationaux qui n'auraient pas pu garantir leur participation, arrivant de pays où l’épidémie n’en est pas au même stade de propagation ? Enfin, trois semaines après la fin d’un déconfinement qui ne signifie pas disparition du virus, pouvait-on envisager réunir 2000 personnes dans une salle fermée ? C’est bien aussi la raison pour laquelle toutes les manifestations sont suspendues ou annulées jusqu’à la fin de l’été, du fait même de toutes ces incertitudes sur l’évolution de la situation.
Ainsi le premier point à souligner auprès des fidèles des salles d’opéra ou de théâtre ou des festivals, est qu'une telle incertitude interdit toute projection dans un futur proche (ou plus lointain), sans compter la conception des programmes des salles. Envisager sereinement la prochaine saison, ou du moins ses premiers mois, est pure spéculation à l'heure actuelle.

Alors, si nous ne sommes pas étonnés de annulations successives, qui évidemment nous désolent, nous restons un peu interdits devant les retards des uns ou la communication maladroite des autres  : pour Baden-Baden, communiqué 1 : « nous avons pour l’instant arrêté les répétitions ; Communiqué 2,  deux semaines après « nous nous voyons dans l’obligation d’annuler le festival » ou bien, pour Salzbourg par exemple « nous donnerons la situation le 15 avril pour Pentecôte et fin mai pour l’été » alors que la direction du festival a été contrainte évidemment de prendre les devants par rapport au contexte. D’autres structures bloquent les réservations (c’est le cas de l’Opéra de Paris, mais pas seulement), manière de pré-annoncer que l’avenir est non seulement incertain, mais probablement bloqué lui-aussi. On comprend cette valse-hésitation : le dire ou pas ? laisser un espoir ou pas ?
Du coup certains mélomanes se prennent à espérer sans aucune espèce de réalisme, ni même de bon sens, portés seulement par leur passion.

Le champ de la musique classique est fortement internationalisé, aussi bien du côté du public que du côté des artistes. Et c’est évidemment une difficulté supplémentaire : on ne sait quand le fameux déconfinement aura lieu dans les différents pays, quand la circulation entre les pays européens (en priorité) sera rétablie, ni même si elle le sera avec une fluidité limitée, y compris dans l'espace Schengen. Dans ces conditions, comment réunir distributions, orchestres, techniciens, pour des festivals, particulièrement touchés ? On comprend l’annonce faite par Salzbourg de tenter un mini-festival pour marquer les 100 ans que le Festival aurait dû fêter cette année. La chose aurait été possible à condition que l'Autriche autorise cet été les « grands rassemblements » que la Bavière voisine vient d'interdire. Il aurait fallu également que les transports fonctionnent normalement et qu'une bonne part du public potentiel puisse venir, sans crainte (pour les plus âgés) d'être contaminé au contact d'autres spectateurs présents dans les salles.

Que le management essaie de développer des trésors d’imagination pour « faire quelque chose » est non seulement justifié mais c’est aussi son rôle de répondre à une situation vraiment dramatique, mais ces efforts-là, louables en soi, ne dépendent en rien des festivals eux-mêmes, mais d’une chaîne de causalité(s) qui dépasse toutes les institutions, puisqu'il s'agit de l'étendue de la pandémie elle-même. C’est à peu près le même cas pour Aix, qui a tardé à annuler, et a fini par s'y résoudre juste après l'annonce d'Avignon. Dans son communiqué, le Festival envisage pour l'instant la retransmission des trois nouvelles productions en streaming (Cosi fan tutte, Le Couronnement de Poppée et Innocence).
Impossible de retransmettre des productions sans envisager les répétitions. Plusieurs questions se posent dès lors : dans quelles conditions répéter ? Les orchestres respecteront ils la distanciation sociale ? Les artistes pourront-ils venir à Aix pour des répétitions si leurs pays sont encore confinés et si les frontières sont encore fermées ? Qui peut savoir aujourd’hui la situation qui prévaudra cet été ? Si l’on a interdit les rassemblements jusqu’à mi-juillet, cela signifie que les productions ne pourront pas être répétées avant mi-juillet et mi-août, et donc que les transmissions ne pourront pas avoir lieu en juillet… Mais alors pourquoi n’avoir pas reporté le Festival après la mi-août ? Le Festival étudie actuellement la possibilité d'enregistrer séparément orchestre et chanteurs pour garantir la captation de ce qu'il serait convenu d'appeler un "live"… On peut bien constater que la situation sanitaire particulièrement vague pose en définitive plus de questions qu’elle ne donne réellement de réponses.

Or, depuis trois mois, on a vu les opinions des scientifiques évoluer, vaciller ou changer radicalement. On parlait d’immunité globale d’un pays, et on vient d’annoncer que le virus peut réapparaître après un temps plus court que ce qui était estimé, et qu’un individu guéri peut éventuellement être de nouveau infecté, mais on ne sait pas exactement à quelle échéance. Avec de telles incertitudes, sur quelle Cassandre compter ? Alors, les théâtres et les institutions préfèrent faire comme si et faire croire. Alimenter l’espoir pour éviter de faire peur non seulement aux spectateurs mais aussi et surtout aux artistes, actuellement sans ressources, avec des réponses diverses selon les pays.

Ainsi donc, la politique de communication selon les institutions est très variée : nous avons évoqué d’abord Bayreuth, qui nous paraît la plus directe et la plus honnête, car elle sous-entend les questions techniques logistiques posées par cette dramatique situation.
D’autres à ce jour n’ont pas annoncé de position. Lucerne par exemple ne se prononce pas. Évidemment, on peut arguer du fait qu’un festival d’orchestres est moins concerné techniquement qu’un festival d’opéra. C’est faux : d’abord les questions de transport, de réunion de 2000 personnes et de mobilité se posent de la même manière,  et même si le Festival se déroule plus tard que les autres (de mi-août à mi-septembre), il demeure qu'en août, on ne connaîtra ni à Salzbourg ni à Lucerne la situation de l’épidémie. Plus importantes encore sont les questions logistiques :

  • Le Lucerne Festival Orchestra est un orchestre multinational, européen, formé d’un fonds d’orchestre (le Mahler Chamber Orchestra) et de musiciens qui viennent de toute l’Europe, ce qui renvoie donc à la question de la mobilité, notamment en août. Même problématique pour la Lucerne Festival Academy, composée de jeunes musiciens venus cette fois du monde entier.
  • Les autres orchestres ne séjournent pas tout l'été à Lucerne, ils sont en tournée et passent par Salzbourg, Berlin, Londres etc. et la situation varie dans tous ces différents pays, d’où les menaces évidentes qui pèsent sur les tournées. De toute évidence, ils ne viendront pas seulement à Lucerne, ni spécialement pour Lucerne.

La conclusion pour Lucerne est la même que pour les autres festivals, même si le Festival attend le dernier moment pour annoncer la situation : tout dépend d’abord des questions épidémiologiques et de la réponse que la Suisse donnera en août à ces problèmes, et ensuite des conditions des organisations des tournées (fin août à mi-septembre) et là les choses restent très grises, sinon noires.

Qu’on ne se méprenne pas, comme tous nos lecteurs, nous espérons ardemment une reprise aussi vite que possible de l’activité musicale, mais il faut aussi prendre en compte la réalité et non les rêves.
Dans le Blog du Wanderer, Guy Cherqui a présenté les saisons des théâtres avec les réserves d’usage, mais il apparaît d’emblée hasardeux que les saisons reprennent telles quelles en septembre, et ceci est vrai pour tous les pays. D'autre part, il convient de prendre en compte dans l'actuelle communication des salles et des festivals, le poids des institutions et des partenaires financiers, publics ou privés. Les déclarations sont le fruit des trésors de prudence et de diplomatie que déploient certains directeurs à l'égard des soutiens et des décisionnaires dont dépendent également les représentations et les concerts. Annoncer une annulation exige de prendre en compte un ensemble complexe de facteurs et de contraintes. En tranchant la première le nœud gordien, Katharina Wagner a libéré d'une part la décision d'autres institutions aux prises avec les mêmes problématiques et d'autre part, a contraint les hésitants à se positionner rapidement.

Franck Riester, le ministre français de la Culture a inventé le concept des « petits festivals » pouvant avoir lieu avec des « jauges adaptées ».
Sachant que l'arrêté précisant le cadre juridique de l'interdiction des festivals, à horizon de fin juillet, n'est toujours pas paru, il convient de s'interroger sur le flou "artistique" d'une telle décision. Lors d'une audition au Sénat, le ministre a annoncé (sans rire) : « c'est certain qu'un grand rassemblement, une fosse avec 3 000 personnes, les uns sur les autres, ce n'est pas imaginable. Par contre, un petit festival rural, avec une scène, un musicien et 50 personnes qui sont à un mètre les unes des autres, sur des chaises, qui ont un masque et, en entrant sur le site, la possibilité de bien se laver les mains avec des produits spécifiques, on pourra tenir ces festivals-là. »
On imagine déjà à quoi pourrait se réduire l'offre musicale de cet été…

En optant pour une solution au cas par cas, le Ministère de la Culture ne fait qu'exacerber les tensions et les interrogations des organisateurs. Il n'est pas certain que la si mal nommée "cellule d'accompagnement" pourra répondre à la situation. 


2- Les questions posées par la saison 2020–2021 à partir de septembre prochain

Ce 20 avril est parue la saison très attendue des Berliner Philharmoniker, accueillie par les mélomanes avec grand intérêt.
De nombreux théâtres d’opéra ont aussi fait paraître leur saison prochaine, dont le Blog du Wanderer s'est déjà fait l’écho. De la même façon que les festivals ont été ou vont être annulés, si les dispositions générales restent ce qu’elles sont, pour que les saisons aient lieu, il faut lever la question des rassemblements. Et cette question sera sans doute la dernière des dispositions qui pourra être levée, comme elle a été la première mesure prise au début de l’épidémie. Or, d’un pays à l’autre, les dispositions de levée du confinement sont différentes, mais cette question est la même dans tous les pays, l’Autriche, qui est pour l'instant le premier pays à lever le confinement de manière un peu plus large, a assorti ses mesures d’une interdiction des spectacles jusqu’à la fin de la saison, tout comme l’Allemagne et tout comme la France et les autres. Nous avons dit ce qui en était à propos des festivals d’été.
Il en est de même pour les reprises des saisons en septembre prochain, et sans doute les mois suivants.
À supposer que les spectacles reprennent normalement en Allemagne ou en Autriche (il est permis d'en douter), ces pays permettront-ils à des ressortissants de France, d’Italie, d’Espagne et du Royaume Uni, c'est-à-dire des pays européens qui affichent le plus grand nombre de décès et d’hospitalisations, d’aller s’enfermer sur leur sol dans le bouillon de culture qu’est une salle d‘opéra ?
De même que tous émettent des doutes sur une reprise rapide du transport aérien, une réouverture sans contraintes des frontières apparaît peu probable à cause des questions sanitaires, mais aussi de questions politiques car il y a des partis qui n'ont pas attendu la crise du virus pour faire leur fonds de commerce de la fermeture des frontières (épidémie ou pas), et on n’a pas forcément envie actuellement d’entendre leurs éructations ou aboiements sur la question.
Une reprise rapide des spectacles à un rythme normal à moyen terme (septembre) semble donc difficile à concevoir. En France, au vu de la situation et des annonces, le Premier ministre Edouard Philippe a été clair le 19 avril, au contraire de ce qu’on a dit (ou de ce qu’ont dit les spécialistes du « Y’a qu’à ») en déclarant qu’il faudra beaucoup de temps pour qu’on revienne à une situation normale. Il faut évidemment préparer les esprits à ces difficultés. Cela signifie que les salles de spectacles (en France du moins), n’ouvriront « normalement » que si la situation est redevenue « normale », c’est-à-dire non pas qu’il y ait moins de virus, ou peu en circulation, mais qu’il ne constitue plus du tout un danger.
Cela signifie que la reprise en conditions ordinaires "comme avant" dépend au minimum de la présence d’un traitement efficace (échéance plusieurs mois) ou d’un vaccin (échéance minimale, un an) ou bien encore d'une campagne massive de tests de dépistage (à condition de pouvoir résoudre les problèmes de délais de résultats et de fiabilité des tests)… sans oublier que la possibilité de contracter une nouvelle fois le virus après avoir été déclaré guéri fait peser la menace d'une vaccination inopérante et d'une contamination en série. Nous émettons ces observations à partir de ce que tous ont entendu. Mais ceux qui veulent rêver à une reprise ordinaire de l’activité et des spectacles et des concerts ont quelquefois tendance à entendre ce qui leur fait plaisir…
Cela signifie en clair que les reprises des saisons dans les conditions normales sont fortement compromises car aucun pays ne prendra le risque de relancer le cauchemar. N’oublions pas que l’épidémie en France a été lancée par une réunion de 2000 personnes à Mulhouse, de même que le porte-avion Charles de Gaulle a 1700 hommes à bord en bref, la capacité moyenne d’un grand théâtre ou d’un grand auditorium.
Néanmoins, peut-on raisonnablement penser que la saison prochaine pourrait être annulée dans la plupart des théâtres et des salles de concerts ?

Derrière la question des spectacles, il y a un champ économique et social, il y a des artistes, des techniciens, des travailleurs de toutes sortes (transporteurs, administratifs, catering etc…) mais aussi des rentrées possibles de publicité, de sponsoring etc…et l’arrêt prolongé de tout cela serait une catastrophe aux conséquences incalculables.
C’est pourquoi si nous pensons que le président de l’Académie des Sciences allemande a émis une hypothèse de reprise dans 18 mois qui n’est pas absurde en termes de vitalité du virus, de découverte de traitement ou de vaccin, et de reprise lente et progressive de l’activité, cette hypothèse est impensable en termes politiques, économiques et sociaux. Parce que la musique classique n’est pas seule en cause ici : c’est aussi le théâtre, le cinéma, la variété et certains sports en salle, sans compter le sacro-saint football et ses arènes-cathédrales.

Il faudra donc certainement composer, inventer, trouver des solutions a minima qui permettent des reprises de saison timides, par exemple avec une jauge réduite et des sièges espacés. Mais que dire de la distance sociale dans une fosse d’orchestre ? Ou dans une mise en scène ?… à moins de confier à Bob Wilson toutes les mises en scène… ou à moins de proposer des productions en version de concert, l’orchestre sur une scène étant peut-être plus « étalé » que dans une fosse. En tous cas il nous semble qu’il faudra probablement revoir les programmes, les jauges et les projets. Au coup par coup sans doute et espérons-le sur une durée raisonnable.
Alors si les choses sont si incertaines, et elles le sont à tous niveaux, médical, social, politique, économique, pourquoi annoncer des saisons qui n’auront lieu au mieux que partiellement ?

Plusieurs raisons à cela :

  • Imaginons l’état du public qui attend la réouverture des salles avec anxiété si on lui annonçait aujourd’hui que la saison est annulée, reportée, ou qu’elle ne peut être annoncée au nom de l’incertitude ? Rien de mieux pour générer l’angoisse et la tension, et ça n’est pas le moment. L’annonce d’une saison est une promesse de normalité, et reflète l’idée que tout est prêt, que tout fonctionne, et qu’au bout de ce terrible tunnel, il y a le jour et le soleil. Mieux vaut faire rêver que dire le vrai : Cassandre en sait quelque chose.
  • C’est la même chose pour le monde artistique qui a besoin de projets, qui a besoin de cette « possibilité d’une île », parce que sinon les professions artistiques tomberaient dans un désespoir noir, avec en plus une menace directe sur les conditions de vie, de rémunération, et de création : nous le verrons plus loin.
  • Il est nécessaire de communiquer sur le futur – on reproche assez au gouvernement d’être quelquefois flou – et les managers doivent montrer non seulement au public, mais aussi aux pouvoirs, qu’ils sont prêts. Plus encore, c’est une manière de faire pression sur les pouvoirs pour que ceux-ci tiennent compte de la situation délétère du monde du spectacle aujourd’hui, c’est une manière de se rappeler à leur bon cœur ou à leur devoir simplement. C’est montrer que le système n’est pas mort, qu’il fonctionne et surtout doit être aidé. C’est enfin pour eux une manière de stimuler des réponses, des initiatives. Il n’y a pas dans tous les pays un Ministère de la Culture structuré comme en France (en Italie la situation est pire encore), mais si l’on se réfère à l’Allemagne, où la plupart des théâtres sont publics (propriété des villes pour l’essentiel) des réponses sont par force attendues de la puissance publique.

Bien sûr, la remarque du Ministre de la Culture sur les "petits festivals" par sa vacuité et même son humour involontaire en dit long sur l’inventivité de nos gouvernants en matière de "petits pas" diplomatiques et d'annonces rassurantes…
En tous cas, c’est très clair, les managers culturels doivent rivaliser quant à eux d’inventivité logistique pour permettre, entre masques, distanciation sociale, gants etc…d’imaginer le déroulement de représentations lyriques ou théâtrales, et de concerts à échéance de quelques mois. Et dans ce jeu, une fois de plus l’Allemagne (comme l’Autriche, la Russie et quelques autres pays) est favorisée avec son système de troupes, c’est à dire d’artistes salariés, prêts à reprendre une activité même réduite parce que les théâtres et les opéras ont une réserve d’œuvres qu’ils peuvent reprendre rapidement pour au moins offrir un ou plusieurs spectacles. La France avec son système de stagione « à la production » demandant nouvelles productions et répétitions, avec ses artistes au contrat, libres et intermittents, est handicapée, à l’instar de l’Espagne, de l’Italie, du Royaume Uni, comme un mauvais hasard, les pays les plus atteints par le virus. Le monde du spectacle est prêt à reprendre, il reste à attendre que le virus soit prêt à s’endormir ou soit vaincu. Sans situation sûre sur ce front, pas de reprise « normale ».

Le troisième nœud de la question, ce sont donc les artistes, dont la situation selon les pays est très différente et demande des réponses diversifiées.

3- La situation des artistes

C’est sans doute la plus épineuse et elle se pose dans tous les domaines du spectacle à peu près dans les mêmes termes. Nous nous limiterons au domaine de la musique classique et de l’opéra, parce que nous en sommes plus proches et nos lecteurs aussi. Dans d'autres domaines artistiques, comme le cinéma ou la pop, l'argent circule mieux et quand l’argent est là, les choses peuvent quelquefois évoluer plus vite, notamment dans des domaines où le numérique et l’électronique sont plus développés. La musique classique et l’opéra vivent du son direct, et donc de la nécessaire présence d’un public. Si une chanteuse célébrissime comme l’italienne Mina a fait pratiquement toute sa carrière au disque (on disait la même chose de Sheila en son temps chez nous), impossible pour un ténor ou un soliste (sauf pour Glenn Gould, qui est un rare exemple de musicien lâchant la carrière de concertiste pour le disque, et actuellement pour Igor Levit). Imagine-t-on un orchestre sans auditeurs, ou les trois ténors sans leurs stades ?

Or les artistes dans cette période aux questions nombreuses et aux réponses rares, sont dans une situation dramatique parce qu’ils travaillent essentiellement sur contrats, notamment en France, en Italie et en Espagne.
Bien sûr, les techniciens des théâtres, les machinistes, le personnel administratif sont salariés par les théâtres ou les municipalités, mais pas ceux des festivals, mais pas les artistes non plus, sauf à la Comédie-Française, seul théâtre de troupe en France.
La situation en Allemagne et dans les pays qui ont un système de répertoire est différente. La plupart des chanteurs et comédiens sont en troupe dans des théâtres municipaux. Ils sont donc salariés, ce sont des « fonctionnaires territoriaux » dirait-on en France. Chaque ville, grande ou moyenne, a son théâtre (qui cumule souvent les fonctions de théâtre et d'opéra). Ces théâtres ont des troupes attachées dont les membres bénéficient des garanties des fonctionnaires locaux, mais sont aussi mobilisables dès qu’une reprise, même timide, se profile. Il en va de même pour les orchestres de ville, d’opéra, de région ou les grands orchestres de radio (il y a en Allemagne plusieurs grands orchestres de Radio, puisque les radios sont régionales).
Pour les orchestres, la situation est la même qu'en France, avec des orchestres régionaux ou nationaux et les orchestres de Radio France : une situation qui gêne Radio France d’ailleurs qui a toujours derrière les fagots un projet de suppression, comme elle avait supprimé l’orchestre lyrique, l’orchestre de chambre et l’orchestre philharmonique il y a une quarantaine d’années en fondant le « Nouvel orchestre Philharmonique » : pour un technocrate, un musicien payé régulièrement et au statut sécurisé est un poids, qui coûte cher et qui fait grève… Ainsi à l’Opéra, l’orchestre et le chœur sont des salariés (ce qui n’est pas toujours le cas notamment pour les chœurs).
Bien sûr, il y a en Allemagne des artistes « free lance », ce sont la plupart du temps les grandes vedettes, qui ont cependant quelquefois des « contrats de troupe » allégés. C’est le cas de René Pape ou Andreas Schager, en troupe à la Staatsoper de Berlin, c’est aussi le cas de la troupe de l’Opéra de Vienne, c’est-à-dire des théâtres à la troupe importante et assurant un nombre de représentations inimaginable en France (à peu près 300 à Vienne) avec une cinquantaine de titres annuels. À Munich, la troupe est plus réduite (environ 25 chanteurs), et pour les stars, on a recours au système des contrats. Ainsi, une carrière de chanteur en Allemagne peut ressembler à un parcours (ce peut-être vrai pour les chefs aussi), on commence à Ulm, puis à Nuremberg, puis Stuttgart, puis Hambourg, Munich ou Berlin, pour devenir enfin Free lance dans les meilleurs cas. Par exemple, la carrière de Karajan commença à Ulm…
En France, les ballets d'opéras aussi sont des personnels salariés, au nombre de 363 ((Chiffre de la Réunion des Opéras de France)) (Avignon, Nice, Toulon, Lyon, Bordeaux, Metz, Mulhouse, Toulouse et Paris), et il y a aussi des Centre Chorégraphiques Nationaux, structures plus stables. Le statut du ballet de l’Opéra de Paris (à lui seul 154 danseuses et danseurs) c’est celui d‘une troupe salariée et donc chaque représentation du ballet ne présente pas de gros coûts de production et aucun frais de plateau, sauf à inviter des étoiles de l’extérieur. Beaucoup de soirées de ballet dans une saison, c’est une soupape de sécurité économique (encore meilleure si les salles sont remplies). Mais il reste en France de très nombreuses compagnies plus petites qui dépendent des contrats, et c’est dramatique aussi pour elles.
Hormis ces exemples, le système « stagione » est un système qui construit ses saisons à la production, avec dans la plupart des théâtres français ou italiens, ou anglais, un recrutement à la production.  Pour les plus grands théâtres, comme Paris ou le ROH de Londres, certains artistes peuvent signer pour une petite période et plusieurs productions, c’est aussi le cas à Lyon pour le Festival de Printemps, où un artiste peut participer à une ou deux productions. Mais le régime le plus fréquent – et c’est le cas aussi pour les chefs d’orchestre (sauf les directeurs musicaux), c’est le contrat à la production.

Par conséquent, si un théâtre allemand est fermé, les artistes en troupe sont protégés, alors qu'en France (mais aussi en Italie et en Espagne et en Grande-Bretagne), si un théâtre est fermé, les artistes engagés se retrouvent sans ressources.
Alors évidemment, il y a beaucoup d’interrogations sur l’avenir : en Allemagne avec le système de répertoire, il peut y avoir une diminution des nouvelles productions, mais on peut rééquilibrer par des reprises qui en termes de charges dans la plupart des théâtres ne coûtent que le salaire, versé de toute manière (sauf si on invite un « Gast », un chanteur invité). On a donc tout intérêt à jouer au maximum pour augmenter les recettes. Cependant, le futur qui s’annonce risque d'être très difficile avec la dette accumulée des Länder et les inévitables restrictions qui s’annoncent. Sans doute cela affectera-t-il le monde du spectacle et les théâtres et opéras, mais dans une mesure nettement moindre que ce à quoi il faut s’attendre en France, en Italie ou en Espagne.
En Italie, à cause notamment des politiques menées par la droite berlusconienne et les fascistes de la Ligue du Nord, les théâtres ont été littéralement massacrés. Les théâtres sont désormais des fondations de droit privé, officiellement pour leur donner plus de latitude et se faire sponsoriser mais surtout, afin que les théâtres ne soient plus une charge directe pour l’État. La conséquence, c'est que seules les grandes institutions s’en sortent : la Scala de Milan et l'Opéra de Rome pour des questions politiques et des questions d’image internationale, La Fenice de Venise pour faire vivre le tourisme culturel, indépendamment des saisons et de la qualité des productions. Ces dernières années, des théâtres en piteux état financier ont commencé à remonter la pente : Florence (pourtant un grand théâtre prestigieux), Naples (l’un des fondements de l’opéra italien), Gênes ou Palerme. Qu’en sera-t-il les années qui viennent, avec le tsunami de la dette et de la crise économique dans un pays déjà en soi fragilisé ?

Sans être aussi dramatique, la situation française risque aussi de pâtir des conséquences de cette crise du virus : le système stagione impose des coûts de production élevés, des nouvelles productions sur l’essentiel de la saison, tandis que les reprises de productions anciennes amortissent les coûts de production, mais pas les cachets et les frais de plateau. Inévitablement, cela signifiera une ou deux productions de moins, comme cela a été annoncé à Paris notamment.
Qui subira ces restrictions ? Les artistes évidemment. C’est bien cette angoisse qui saisit le monde du spectacle et de la musique classique dans son ensemble. D'une certaine manière, on peut supposer que la crise atteindra dans une moindre manière le monde du symphonique, parce que la plupart des grands orchestres français sont composés de personnels salariés. Virus ou pas, c'est le monde du théâtre et de l’opéra qui subira les plus grosses pertes et sera atteint de plein fouet.
On observe pour l'instant un silence assourdissant du Ministère de la Culture, en dehors de vagues promesses et de timides tentatives qui cherchent à rassurer mais qui ont l’effet inverse, puisqu’il n’a pas toujours la main sur les structures, au mieux en gestion partagée, mais le plus souvent aux mains des villes, qui prendront la crise en pleine figure, sans parler des sponsors qui, pour les mêmes raisons, se feront rares. Dans une situation qui brasse crise économique, crise sanitaire, révision des politiques publiques, la culture est le dernier domaine auquel nos politiques penseront, et c'est donc la situation sociale des artistes qui va inévitablement se fragiliser à long terme. Après une lettre ouverte publiée le 15 mars dernier, signée par des personnalités comme Ludovic Tézier, Roberto Alagna, Karine Deshayes, Philippe Jaroussky, un collectif d'artistes lyriques a décidé de s’organiser en créant l’association UNiSSON. Même si l'opération concerne environ 200 artistes lyriques domiciliés en France, elle vise à court terme tous les artistes indépendants de la musique classique. Dans un communiqué publié le 14 avril sur Twitter et Facebook, le collectif a fait part de son inquiétude et demandé l’aide de l’État :  "La réalité de nos métiers est loin de l’image dorée que le public s’en fait parfois, et la crise sanitaire et ses retombées risquent de nous porter un coup fatal".

Le site du Wanderer a toujours défendu un système de répertoire à l’allemande, et cette crise ne peut que nous conforter dans cette ligne. En termes d’éducation du public, ce système est irremplaçable, un citoyen ayant toujours (les théâtres se comptent par centaines) à portée de main, de train, ou d’autoroute un théâtre proposant un vaste choix de productions. En termes économiques, il représente le coût d'un authentique service public qui fait partie des gènes de l’organisation culturelle de tout le pays, avec comme corollaire une part très réduite du privé dans la musique classique. Seules institutions à risque, de ce côté-là comme de ce côté-ci du Rhin : les festivals. Il faut lire à ce propos la « lettre d’intention » signée entre les Berliner Philharmoniker et le Festival de Baden-Baden dont la teneur a été annoncée le 21 avril. Annoncée quelques jours après que le programme (alléchant) de la prochaine saison musicale eut été diffusé, ce texte devient une référence de base qui permet de se mettre au plus vite en ordre de marche pour chercher des sponsors. Les Berliner Philharmoniker sont une fondation de droit privé, et le Festival de Baden-Baden n’est pas financé par le Land de Bade-Wurtemberg, il faut donc faire très vite.
À plus court terme, l’incertitude sur le futur proche atteint les artistes de plein fouet, en France, en Italie, et dans les pays au système « stagione » (en Suisse, la plupart des théâtres fonctionnent à l’allemande, sauf Genève). On a commencé par entendre, réouverture en mai-juin, puis réouverture en septembre… on vient d’apprendre que l’Oktoberfest n’aura pas lieu à Munich… En réalité, c'est l'ensemble du système qui est fragilisé, sinon hypothéqué, pour cet automne et au-delà.
La priorité, si les spectacles ne reprennent pas, c’est d’abord de trouver des solutions pour secourir les artistes laissés sur le carreau, les plus fragiles bien sûr d’abord, mais aussi les musiciens indépendants, les chefs d’orchestres et tous ceux qui vivent par des contrats successifs. Peut-on imaginer un artiste qui pendant six mois ou plus ne perçoive plus un sou, même avec le système français de l'intermittence, qui n'existe pas en Italie par exemple ? Bien sûr, il y a les vedettes ou les musiciens célèbres qui ont peut-être moins de problèmes, mais dans le monde de la musique classique, les cachets, même s’ils peuvent être confortables, n’ont rien à voir avec ceux des grands chefs d’entreprise, ou des grandes vedettes de la variété ou des footballeurs. Il est donc urgent que les États s’en emparent aussi, même si l’organisation et la réponse culturelles ne sont pas aujourd’hui des priorités, parce qu’un État où le monde de la culture vacille est en vrai danger.
Il y a des lueurs d’espoir, des artistes qui savent donner, comme Igor Levit dont les concerts de piano qui couvrent tout le répertoire pianistique avec méthode et générosité, qui sont particulièrement suivis chaque soir sur twitter, montrent que la demande est forte et que le public est encore là, en attente.
Mais le domaine de la musique classique reste un peu trop discret ou négligé, il suffit de constater que sur France Inter, radio de référence, le jour où le festival d’Aix a annoncé que l’édition 2020 n’aurait pas lieu (même si des solutions alternatives sont cherchées), rien n’en a été dit sur les ondes, parce que l'actualité était focalisée sur Les Vieilles Charrues (une toute autre puissance de feu) qui annonçait à leur tour son annulation.

Tout cela dépend évidemment de l’évolution de la situation sanitaire (il peut aussi y avoir une bonne surprise), – on connaît aussi les polémiques à ce propos- mais ne nous y trompons pas, même si le virus circule moins, si un vaccin ou une solution thérapeutique ne sont pas trouvés, les États ne permettront pas au système de retrouver sa normalité, y compris la libre circulation. Les solutions qui seront trouvées alors seront des pis-aller, et en aucun cas nous ne nous retrouverons sous peu dans une salle de 2000 spectateurs à Munich, Paris ou Londres. Le risque est bien trop grand. Et même si des solutions sont trouvées, les choses seront progressives, car il faudra à la hâte réorganiser les saisons, peut-être revoir les programmes.
Tout en essayant d’être un peu pragmatiques, nous ne refusons ni l’espoir ni le rêve, et nous prenons rendez-vous à une date inconnue, là où tout recommencera, en espérant que les prévisions les plus sombres seront rapidement démenties.

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Guy Cherqui
Agrégé de Lettres, inspecteur pédagogique régional honoraire, Guy Cherqui « Le Wanderer » se promène depuis une cinquantaine d’années dans les théâtres et les festivals européens, Bayreuth depuis 1977, Salzbourg depuis 1979. Bouleversé par la production du Ring de Chéreau et Boulez à Bayreuth, vue sept fois, il défend depuis avec ardeur les mises en scènes dramaturgiques qui donnent au spectacle lyrique une plus-value. Fondateur avec David Verdier, Romain Jordan et Ronald Asmar du site Wanderersite.com, Il travaille aussi pour les revues Platea Magazine à Madrid, Opernwelt à Berlin. Il est l’auteur avec David Verdier de l’ouvrage Castorf-Ring-Bayreuth 2013–2017 paru aux éditions La Pommerie qui est la seule analyse parue à ce jour de cette production.

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7 Commentaires

  1. Quelque chose m’inquiète particulièrement : ce sont les risques d’infection lors des répétitions. Malgré toutes les précautions, il sera inévitable qu’un artiste tombe malade (ce n’est pas évident de chanter avec un masque), ce qui entraînera des mesures de dépistage et d’isolement et finalement interrompra la production, d’où des annulations en série, même si l’on pouvait protéger efficacement les spectateurs.

  2. Merci pour cet article aussi précis que complet.
    Il manque peut-être un élément dans ce panorama : les publics. Auront-ils le coeur, l'argent ou seulement l'envie de se glisser dans de vastes lieux où le risque de la promiscuité ne peut-être écarté. Les publics du classique étant plutôt d'un âge respectable, voudront-ils prendre ce risque ?
    Comme vous l'écriivez justement, "en espérant que les prévisions les plus sombres seront rapidement démenties"
    Mais rien n'est moins sûr.

  3. Bravo pour votre article.
    Ceci dit les chanteurs ont un grand avantage financièrement ils sont certes tributaires de leurs éventuels cachets pour subvenir a leurs besoins, mais à le reprise ils pourront rebondir immédiatement.
    Par contre beaucoup de plasticiens, de créateurs dans le domaine de la mode, de l'artisanat, du design, de l'architecture ont besoin d une équipe, de locaux, de fournitures coûteuses pour réaliser leurs projets, donc de frais incomprensibiles trés importants et pour eux c est la faillite.
    J'en sais personnellement quelque-chose ayant encore quatre mois d autonomie financière.
    Je suis ravi qu'existe en France le statut des intermittents du spectacle. Il faut cependant ne pas oublier que toutes les autres activités du monde de la culture n'ont pas ces avantages et seront encore plus massacrées par les effets du coronavirus.

  4. Merci pour cet article très complet.L’avenir s’annonce très sombre pour les institutions culturelles,les artistes et le public.
    Je tiens à dénoncer l’irresponsabilité du Festival de Salzbourg qui,aujourd’hui encore,vend des places pour des spectacles qui seront,de toute évidence annulés.
    A titre personnel j’hésiterais beaucoup à assister à un festival dans une salle de 2000 spectateurs.
    Soulignons à l’inverse,comme vous l’avez fait,l’esprit de responsabilité du Festival de Bayreuth,même si je suis déçu de ne pas y voir un nouveau Ring avant 2022.

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