Une œuvre toujours difficile à produire
Nous avions évoqué l’an dernier dans notre entrevue avec Markus Hinterhäuser la question mozartienne et les difficultés qu’on semble rencontrer aujourd’hui à mettre en scène et chanter Mozart. Je déplore souvent dans ces lignes le manque de chanteurs adaptés à Mozart, souvent considéré comme un compositeur pour voix jeunes ou débutantes, ce qu’il n’était pas il y a seulement quelques décennies. Sans doute la Baroque-Renaissance a‑t‑elle accentué cette impression dans la mesure où dans les années 1970 et même un peu après, du XVIIIe on joue dans les grandes maisons un peu Gluck et essentiellement Mozart, ce qui crée des troupes Mozart ou des voix mozartiennes attachées à des théâtres comme Vienne ou Munich ou à des Festivals comme Salzbourg. Les retrouvailles avec le répertoire baroque a élargi les spectres vocaux, contribué à revoir les styles de chant, et forcément relativisé le nombre de représentations mozartiennes en les diversifiant, notamment à cause de l’arrivée des « HIP », des représentations « Historiquement informées », sur instruments d’époque avec des recherches précises sur les justes tempi, sur les vocalités etc…
Il en résulte pour Mozart des représentations « HIP » et d’autres plus traditionnelles, et Salzbourg en est l’exemple, qui propose cette année La Clemenza di Tito avec un orchestre sur instruments anciens, Les Musiciens du prince-Monaco, ainsi que Don Giovanni avec l’Utopia orchestra, descendant direct de l’orchestre MusicAeterna. En revanche en 2023, bonne part de l’échec musical de Nozze di Figaro était venu de la rencontre d’un chef « baroque » Raphael Pichon, et des Wiener Philharmoniker qui jouent à longueur d’année du Mozart dans le plus pur style traditionnel à la Staatsoper de Vienne, et qui sont un orchestre à la « souplesse » légendaire du genre, « Les chefs s’en vont, je demeure », pour pasticher Apollinaire[1]. Si Markus Hinterhäuser soutient que la modernité dans Mozart, c’est une approche musicale « HIP », il reste que l’orchestre résidentiel de Salzbourg, les Wiener Phiharmoniker, ne l’entend pas ainsi, et qu’on ne peut enlever Mozart de son répertoire, dans « son » Festival.
Du point de vue vocal, alors que le répertoire baroque a fait émerger de très nombreux chanteurs de grande qualité, on n’arrive pas à identifier vraiment des chanteurs idoines pour Mozart, et notamment pour les populaires Mozart-Da Ponte. On voit plus fréquemment produits ces dernières années La Clemenza di Tito ou Idomeneo, moins Die Entführung aus dem Serail pour des raisons géopolitiques évidentes et les craintes qui en découlent.
Le symbole en est la Contessa de Nozze : on en a vu défiler ces dernières années de toutes sortes, sans qu’une seule ne soit vraiment convaincante. Mais la difficulté des livrets de Da Ponte est un rôle prépondérant du texte, qui nécessite phrasé, accents, couleurs que beaucoup de chanteurs plutôt jeunes et moins expérimentés n’ont pas pleinement en bouche.
L’autre écueil ce sont les mises en scène.
Si l’on prend l’exemple de Don Giovanni à Salzbourg, peu de productions convaincantes depuis celle de Ponnelle avec Böhm. Se sont succédé des productions de Sven-Eric Bechtolf, Claus Guth, Martin Kušej, Luca Ronconi, Patrice Chéreau, Michael Hampe, Jean-Pierre Ponnelle depuis la fin des années 1970, et malgré quelques grands noms, peu de productions sont restées dans les mémoires et même celle de Patrice Chéreau a été considérée à l’époque comme un semi-échec. Seule celle de Claus Guth assez récente reste l’une des plus réussies. Et l’expérience des saisons des grands théâtres internationaux montre que « l’opéra des opéras » n’est pas beaucoup mieux servi, à de rares exceptions.
Là encore on se heurte à des difficultés de visions de metteurs en scène confrontées aux attentes d’un public qui a son propre imaginaire sur l’œuvre, façonné par des années d’habitudes plus ou moins bonnes…
Alors, on ne peut que saluer l’initiative de Salzbourg de proposer non pas une reprise simple, mais une mise en scène revue, alors que les aspects musicaux restent pour l’essentiel stables et solides.
L’approche musicale
L’orchestre et le chœur MusicAeterna ont laissé place à l’orchestre et au chœur Utopia, fondés après l’invasion de l’Ukraine qui avait mis à mal le statut de Teodor Currentzis, dont la Russie a fait la carrière et financé largement les ensembles musicaux. Il n’appartient pas ici de savoir combien de musiciens de MusicAeterna se retrouvent dans Utopia quand on voit que les solistes de continuo sont les mêmes qu’il y a trois ans, ainsi que le chef de chœur. Mais quand on voit aussi le nombre d’artistes russes qui écument les opéras occidentaux, et qui y triomphent très justement, on préfère après tout qu’ils se retrouvent en occident avec leurs collègues ukrainiens ou biélorusses ou de toutes autres nationalités pour faire ensemble de l’art plutôt que d’être engagés dans les jeux politiques délétères. Rappelons à cet égard la sage obligation imposée par Wieland et Wolfgang Wagner dans les débuts du Neues Bayreuth : « Hier gilt’s der Kunst » (Ici, c'est l'art qui compte) citation du deuxième acte de Meistersinger, affichée comme « directive » pour éviter toute discussion politique…
Comme il y a trois ans, il y a une étroite solidarité entre ce qui se passe sur scène et dans la fosse, notamment grâce à l’utilisation du continuo : le pianoforte de Maria Shabashova mais aussi le luth et la guitare de Yavor Genov, qui donnent une couleur et un rythme particuliers aux récitatifs, le travail sur les silences est aussi particulièrement accusé, ce qui allonge la représentation d’une bonne demi-heure par rapport aux canons habituels, parce que les silences et les récitatifs sont évidemment dépendants directement le travail scénique.
Mais cela ne veut pas dire que les « numéros » musicaux soient lancinants, au contraire et l’ensemble du travail musical est apparu plus approfondi, plus sculpté, plus coloré encore qu’il y a deux ans, sans aucun histrionisme. Ainsi celle de Currentzis est une direction maîtrisée, acérée, vive, très soucieuse de précision et qui a le souci d’une cohérence globale et de l’unité, sans jamais que les parties chantées apparaissent comme des « numéros ». il est essentiel que la musique soit une sorte de continuum, et soit complètement tressée avec la scène.
Cela commence évidemment avec le long silence initial où l’église est vidée, et où la musique commence quand le crucifix est descendu : ainsi le geste théâtral semble-t-il faire naître le geste musical, mais ce pourra être l’inverse par la suite, d’où l’importance du jeu du continuo qui va scander les récitatifs. Avec cette direction musicale quelquefois étourdissante, on n’a pourtant jamais l’impression d’une performance, mais d’une lecture scénique, colorée, incisive, mais quelquefois aussi ronde et lyrique. Les modifications scéniques notamment au premier acte ont accéléré la dynamique et diminué les aspects un peu démonstratifs et quelquefois ennuyeux qui m’avaient frappé lors de la première vision. Ici au contraire, c’est l’ensemble qui fascine, un ensemble parfaitement architecturé, qui fait entendre un Mozart rajeuni, un peu à la mode du Mozart de Milos Forman dans Amadeus, sans rien sacrifier de la ligne générale, et en mettant en valeur avec clarté l’instrumentation, notamment les vents incroyablement colorés, des cordes qui savent aussi s’abstraire, diminuer en volume pour laisser la voix s’épanouir : il y a des effets singuliers à certains moments et dès l’ouverture, on remarque la volonté de contraste, de dynamique, mais aussi d’incroyable transparence avec ce sentiment d’un souffle permanent. On a souvent soupçonné Currentzis de sacrifier la musique à l’effet, et ici, c’est d’abord la musique, une musique étourdissante, au sens dramatique et théâtral d’une acuité notable, qui emporte et convainc. Pas un coup de tonnerre, plutôt un coup de fouet, et une ambiance dynamisante et perpétuellement tendue, voire abrupte. Et c’est vivifiant
Le chœur Utopia dirigé par Vitaly Polonsky fait montre lui aussi d’énergie et d’une grande justesse, d’autant plus nécessaires que la mise en scène (qui à la fin pétrifie tous les personnages) lui fait exécuter avec beaucoup de relief le sextuor final, dans la fosse, comme une sorte de fin en forme de « morale abstraite » d’une histoire qui finit mal pour tout le monde. C’est évidemment une étrange licence dans une exécution sensée être « historiquement informée », mais elle rend cette fin musicalement et théâtralement spectaculaire, rendant tous les personnages à leur vacuité et retournant à la musique, et à la musique seule. Ce n’est d’ailleurs pas la seule liberté, puisque, comme c’est quelquefois le cas dans d’autres productions, Currentzis introduit aussi avant la scène du cimetière le quatuor n°19 K.465, pour faire transition de manière plus sensible et préparer une scène qui ouvre sur le futur fatal du héros, le fait que ce quatuor soit appeler « dissonance » n’est évidemment pas innocent non plus… Ces libertés sont une manière de colorer musicalement des options de mise en scène, et de souligner la forte interaction entre scène et musique.
La compagnie des solistes a évolué par rapport à la première édition, où seuls ont « survécu » Davide Luciano (Don Giovanni), Nadezhda Pavlova (Donna Anna) et Federica Lombardi (Donna Elvira) avec pour chacun des évolutions vocales marquées, tandis que tous les autres sont neufs dans la production (Kyle Ketelsen, Dmitry Ulyanov, Julien Prégardien, Anna El-Khashem, Ruben Drole) ce qui donne dans l’ensemble une distribution plutôt solide et homogène, et elle aussi très impliquée dans la mise en scène.
Le commendatore de Dmitry Ulyanov non seulement a évidemment la voix du rôle, mais aussi la couleur et même s’il n’apparaît que peu en scène, on entend un chant expressif et vigoureux, une vraie présence que Mika Kares peinait à imposer il ya trois ans.
Plus en retrait le Masetto de Ruben Drole, au chant conventionnel et fade, et qui campe un personnage manquant singulièrement d’intérêt.
Au contraire, Anna El-Khashem en Zerlina montre une voix fraiche, délicate, engagée, mais aussi énergique et très impliquée scéniquement, elle sait jouer sur le lyrisme mais sait aussi fait ressortir les ambiguïtés du personnage et sa rouerie. Elle a une véritable épaisseur scénique qui tranche assez avec son partenaire de mari.
Il assurait sans doute la succession la plus lourde, Julian Prégardien succède en Don Ottavio à Michael Spyres qui avait fait l’unanimité. Évidemment, les deux voix et les deux styles sont radicalement différents, celle de Julian Prégardien étant plus attendue, plus conventionnel dans le rôle.
Il s’en tire avec les honneurs, avec une belle projection et une ligne de chant sûre, des agilités et un souffle (tellement nécessaire dans Il mio tesoro) même si la voix est aux limites, mais cela le sert plutôt dans sa manière d’être le personnage car et la mise en scène s’est adaptée à un personnage a priori moins « spectaculaire » et surtout plus fragile. Castellucci traite le personnage avec la même ironie, lui faisant à chaque apparition endosser un costume différent allant du chevalier au Pierrot, mais avec des costumes moins démonstratifs qu’avec Spyres, à la voix plus affirmée de « baryténor » tout en préservant le même effet d’un personnage qui ne sait littéralement pas où il est, ni qui il est face à la résistance de Donna Anna et à un Don Giovanni qui est son opposé, mais en colorant cette idée différemment pour la faire coller à une voix autre et très différente.
Alors qu’elle m’avait impressionné en 2021 dans Donna Anna, et même si elle remporte un triomphe en cette dernière représentation, Nadezhda Pavlova retrouve le rôle avec des qualités évidentes d’agilité, de tenue de ligne, de projection avec des aigus sûrs et une technique solide mais à certains moments connaît des problèmes d’intonation, avec des cadences hasardeuses quelquefois et des suraigus un peu métalliques, même si elle est scéniquement totalement convaincante dans un personnage plus âpre que de coutume, une Anna plus vengeresse (comme les Érinyes qui l’accompagnent) mais tout de même, son italien reste peu compréhensible, dans une distribution sans reproche sous ce rapport,
Alors qu’Elvire est au contraire souvent plus vive dans d’autres productions, celle de Federica Lombardi, magnifiquement interprétée a des accents lyriques déchirants. Par rapport à 2021 elle a acquis une maturité, une sensibilité plus grande et une capacité d’émotion qu’elle sait parfaitement communiquer en scène par un chant très contrôlé et particulièrement sensible. Son Mi tradi est à ce titre un des très beaux moments de la soirée.
Nouveau venu également Kyle Ketelsen, habitué autant du rôle de Don Giovanni que de celui de Leporello qu’il maîtrise totalement, accents, couleurs, vicacité, ironie dans les récitatifs, et surtout une vraie présence scénique dans une mise en scène où il est plus ou moins un double de Don Giovanni (ce qui n’est pas neuf). Il m’est apparu cependant un peu moins en forme ou un peu moins audible que sur d’autres scènes, et peut-être l’immense scène du Grosses Festspielhaus n’est-elle pas favorable à sa voix. Mais son Leporello reste vraiment l’un des meilleurs actuellement.
Enfin Davide Luciano qui est ici, avant d’être une voix, le profil voulu et qui remplit la scène par son engagement dans le jeu : il est totalement ce Don Giovanni solitaire, vivant sans considération pour autrui et dans ses fantasmes (l’air Deh vieni alla finestra chanté presque comme « pour soi »). Vocalement, il conserve ce timbre suave qui déjà frappait en 2021, avec une belle technique et une projection notable, sans que la voix ne soit particulièrement volumineuse, mais elle est toujours bien contrôlée : c’est un excellent Don Giovanni, à l’évidence fait pour cette production qui semble lui coller à la peau.
Le travail de Castellucci
Peut-être étions-nous préparés, peut-être l’effet de surprise était-il donc émoussé, mais le travail de Castellucci nous est apparu plus épuré, moins débordant qu’il y a trois ans. Il y a eu un véritable travail d’allègement de certains effets, non sans ironie d’ailleurs.
Tout le monde s’attendait à la chute de la fameuse voiture qui cette fois-ci descend lentement des cintres, phares allumés et remonte avec la même sagesse. Il est évident que Castellucci ici s’amuse avec les attentes du spectateur, forcément déçu et frustré. En revanche, tombe avec la même violence un piano sur le sol, et on retrouve l’excellente idée des deux photocopieuses pour l’air du catalogue,
aussi bien que la calèche noire, élégante, mystérieuse et vaguement funèbre aussi qui accompagne la rencontre avec Zerlina et le fameux La ci darem la mano, ainsi que les ballons de basket toujours cryptiques et l’invasion des pommes au moment du mariage de Zerlina et Masetto, sauf que Zerlina ne croquera pas la pomme attendue.
De même les effets stromboscopiques du Finch’han dal vino (l’air dit du Champagne) ont disparu mais le niveau de la fosse d’orchestre monte, faisant toujours de l’air une sorte de performance autonome et détachée, comme hors sol.
Comme il y a trois ans, acte I et acte II sont très différents, plus concret le premier et plus abstrait le second à la limite de l’oratorio et les interventions et modifications du metteur en scène se limitent pour l’essentiel au premier accentuant l’ironie cinglante (Ottavio d’autant plus ridicule dans ses habits de marin, croisé, pierrot, qu’il est un ténor plus léger, et qu’il apparaît plus fragile) ou Elvira arrivant avec enfants. En fait ce monde que Don Giovanni ridiculise et détruit est déjà en lui-même nécrosé– et d’ailleurs Mozart le suppose aussi avec les palinodies de Donna Elvira ou les espoirs vains d’Ottavio, ou même la gentille rouerie de Zerlina. Don Giovanni est un révélateur d’un monde déjà dévoré, un monde aux contours blancs, vagues, brumeux : que le spectacle s’ouvre sur une église qu’on déconsacre, devenue un espace de « jeu » où circulent des animaux incongrus (une chèvre…) est évidemment un signe initial fort, parce qu’à peine déconsacrée, elle est le cadre de la scène de viol et de poursuite d’Anna et de la mort du Commendatore, qui n’est pas tué par Don Giovanni mais qui meurt d’une crise cardiaque, là encore une idée vue ailleurs. Mais Don Giovanni apparaît avec un marteau en main, discrète allusion à des menaces violentes, une arme de destruction initiale.
C’est l’abstraction qui domine l’acte II, où l’église est recouverte de voiles gigantesques laissant apparaître en une chorégraphie d’une grande élégance signée Cindy Van Acker les 1003 conquêtes féminines représentées ici par une centaine de femmes salzbourgeoises de tous âges traversant la scène, se regroupant, entourant les personnages, comme si ce deuxième acte n’avait plus de fonction « dramaturgique », mais n’était fait que pour confirmer/exposer les forces et faiblesses de chacun, Ainsi Elvire n’est plus solitaire, mais entourée de femmes qui semblent la soutenir. Castellucci a ici pratiquement reconduit sans retouches sa mise en scène qui est une succession de tableaux vivants, d’airs accompagnés dont certains d’une grande beauté, comme Don Giovanni à l’échelle chantant seul Deh vieni alla finestra. Il laisse à ses femmes « de la vie » et de la ville (urbis et orbis) le soin d’être les témoins muets et les personnages du théâtre finiront quant à eux comme des rêves de pierre. En ce sens la vie « ordinaire » représentée par ces femmes fait penser cette fois à la dernière affirmation de Sganarelle du Don Juan de Molière dans sa sinistre affirmation conclusive d’un « tout est bien qui finit bien » bien amer en réalité : Voilà par sa mort un chacun satisfait, Ciel offensé, lois violées, filles séduites, familles déshonorées, parents outragés, femmes mises à mal, maris poussés à bout, tout le monde est content. Tout ce beau monde vivant, ces femmes restent violées, séduites, déshonorées, mises à mal. Le mal est fait, même s’il n’en reste que pierres mortes. Don Giovanni sème le mal, et ce mal-là n’est jamais un mal passé, mais un mal qui reste présent, dans la chair et dans l’âme.
Et dans ce monde détruit, Don Giovanni est seul, avec un Leporello au rôle de double maladroit, dont on pourrait presque se passer, seul face aux autres, seul face à lui-même, seul face à ses désirs de séduction, seul dans ses rêves, seul face à la mort, à laquelle il se présente, presque nu (en 2021, il était complètement nu), et qui finira comme les autres pétrifiés.
Ainsi aussi Castellucci inverse-t-il les attentes : l’homme de pierre, c’est habituellement le Commendatore, qui se rend chez Don Giovanni, mais ici, le Commendatore n’est qu’une voix abstraite dans les voiles de tulles et les fumées, on ne le voit jamais, et c’est Don Giovanni puis tous les autres qui deviennent pierres, comme des monuments qui restent, ces statues qu’on finira par identifier avec peine, des traces… comme si cette histoire n’était que destruction de tous. Encore une histoire de fin des choses…
En tous cas au-delà des sens et de ce que ce spectacle peut réveiller en nous, c’est une production incroyablement maîtrisée, aux images stupéfiantes, des éclairages et des effets scéniques prodigieux : c’est sans nul doute un très grand spectacle de festival, qu’on aime ou pas le travail de Romeo Castellucci, et l’approche de Currentzis, et c’est tout le mérite de Salzbourg de défendre ce type de choix.
[1] Vienne la nuit sonne l'heure
Les jours s'en vont je demeure, Guillaume Apollinaire, Le Pont Mirabeau