Le Prophète (1849)
Grand Opéra en cinq actes de Giacomo Meyerbeer (1791–1864)
Livret de Eugène Scribe et Emile Deschamps

Direction musicale : Enrique Mazzola
Mise en scène : Olivier Py
Décors et costumes : Pierre-André Weitz
Lumières : Bertrand Killy
Chef des chœurs :  Jeremy Bines
Chœur d'enfants : Christian Lindhorst
Dramaturgie : Jörg Königsdorf, Katharina Duda

Jean de Leyde : Gregory Kunde
Fidès : Clémentine Margaine
Berthe : Elena Tsallagova
Zacharie : Derek Welton
Jonas : Andrew Dickinson
Mathisen : Noel Bouley
Comte Oberthal:Seth Carico
1ère paysanne : Sandra Hamaoui
2ème paysanne : Davia Bouley
1er paysan/ 1er anabaptiste/ 1er bourgeois/ Soldat : Ya-Chung Huang
2ème paysan / 2ème anabaptiste : Taras Berezhansky
2ème bourgeois / Officier : Jörg Schörner
3ème bourgeois : Dean Murphy
4ème bourgeois : Byung Gil Kim

Chor der Deutschen Oper Berlin
Kinderchor der Deutschen Oper Berlin

Orchester der Deutschen Oper Berlin
Opernballett der Deutschen Oper Berlin

Deutsche Oper Berlin, 16 décembre 2017

Continuant son exploration des grands opéras de Meyerbeer et après Dinorah, Vasco de Gama, Les Huguenots, la Deutsche Oper de Berlin propose cette année Le Prophète, dans une production d’Olivier Py, sous la direction avisée de Enrique Mazzola. C’est la deuxième production importante de l’œuvre de Meyerbeer en Allemagne après celle de Tobias Kratzer à Karlsruhe (voir le compte rendu du Blog du Wanderer) et cette histoire de manipulation des foules au nom de la religion par un faux prophète sonne tout particulièrement contemporaine.
La Deutsche Oper en propose une réalisation musicale de très grand niveau, dans une digne production d’Olivier Py, mais qui n’arrive pas à convaincre totalement. 

Durant ces cinquante dernières années, on a largement laissé de côté le Grand Opéra et ses avatars, après qu’il eut été l’un des phares du répertoire de l’Opéra de Paris, La Juive quitte le répertoire en 1934, Les Huguenots, après avoir été l’un des titres les plus rebattus, sans doute victimes de leur succès et de la routine, n’ont plus été vus à Paris depuis des décennies : Paris a abandonné ce qui faisait son caractère et presque son identité, tant le genre a marqué le répertoire du XIXe siècle, et ne parlons pas du destin des Troyens et de Benvenuto Cellini qui auront attendu l’ouverture de l’Opéra Bastille.
Avec le Grand Opéra, Meyerbeer qui fut le grand triomphateur parisien des années romantiques (grosso modo de 1831 à 1864) tombe dans l’oubli sinon le mépris.
Quel personnage pourtant que cet allemand qui commence sa carrière en Allemagne mais qui prend son essor en Italie écrivant de vrais opéras italiens et la finit en France en écrivant de vrais opéras français.
Meyerbeer arrivé à Paris après l’Italie rencontre une autre tradition, typique de la capitale française : le grand spectacle. Le Grand Opéra est en effet le continuateur d’une tradition née avec l’Académie Royale de Musique en 1669, le grand spectacle tape à l’œil, les masses, les ballets, les pièces à machine : ce que lui reprochera Rousseau d’ailleurs lors de la querelle des Bouffons. L’Opéra de Paris avant d’être une grande boutique, était une grosse machine que Meyerbeer va épouser avec Robert le Diable. Les grands compositeurs du XIXe qui passent par l'Opéra de Paris n’écrivent d’ailleurs que des Grands Opéras (pensons à Verdi et aux Vêpres Siciliennes et à Don Carlos, pensons à Donizetti et son Don Sebastien Roi de Portugal , voire son Duc D’Albe inachevé, Grand Opéra commandé par l’Opéra, pensons à Wagner et à son Tannhäuser parisien pour lequel il écrit un ballet, mais au moins lui en profite pour écrire une nouvelle version de Tannhäuser qui fera date et référence).
Dans le Grand Opéra, et dans le sillon de la tradition parisienne, ce qui compte, c’est d’abord le spectacle, les masses, et les acrobaties vocales : un genre très coûteux à monter et pour lequel il est aussi très difficile de trouver les voix adéquates. Aujourd’hui encore on a bien du mal à trouver les justes ténors pour Raoul dans Les Huguenots ou Jean de Leyde pour Le Prophète.
Mais les temps sont murs pour le retour du Grand Opéra. Les grands théâtres cherchent à élargir leur répertoire dans toutes les directions pour maintenir la fidélité d’un public plus versatile que par le passé : Paris se prépare au retour des Huguenots (Mise en scène Andreas Kriegenburg qui fera ses débuts parisiens) et La Deutsche Oper de Berlin en mal de singularité propose chaque saison depuis quelques années un cycle du berlinois Meyerbeer jusqu’à des « Meyerbeer-Tage » ((Journées Meyerbeer)) en 2020 : c’est la première fois qu’un grand théâtre européen a une politique construite autour de ce compositeur. Paris en 1985 avait osé un Robert le Diable, jamais repris, sous l’impulsion de Massimo Bogianckino qui rêvait de faire retrouver à Paris sa tradition, mais ce n’est que depuis quelques années qu’on revoit fleurir Meyerbeer : Bruxelles et Strasbourg avec Les Huguenots (Olivier Py) il y a quelques années et en Allemagne Nuremberg (en coproduction avec Nice)(Les Huguenots, mise en scène Tobias Kratzer) et Le Prophète à Karlsruhe (mise en scène Tobias Kratzer), ainsi que Essen et Toulouse.
C’est ainsi qu’il faut lire le retour de Meyerbeer dans sa ville natale, avec des productions très bien préparées et distribuées avec soin, si bien que la critique internationale désormais fait le voyage de Berlin pour écouter du Meyerbeer, chose impensable il y a une quinzaine d’années.
Ce Prophète se réfère à la révolte de Münster et à l’arrivée des anabaptistes au moment de la Réforme (1532–35) qui fut l’un des épisodes les plus meurtriers du siècle, et qui a marqué les esprits (les cages où ont pourri les restes de Jean de Leyde et ses compagnons sont encore suspendues à l’Église Saint Lambert de Münster) mais son livret (l’un des plus intelligents de Scribe) ne suit pas tout à fait l’histoire et pose à la fois le problème du fanatisme religieux et celui de la manipulation des peuples : c’est peut-être le plus actuel les opéras de Meyerbeer, celui qui se prête sans doute le plus aux lectures contemporaines , encore que Les Huguenots aussi trouvent aussi un écho fort dans notre actualité. Les thématiques du Grand Opéra sont historiques, et parlent au public parce que ces faits historiques demeurent emblématiques :  ils se répètent et ne font jamais leçon.
Et Olivier Py à qui est confiée la mise en scène a déjà travaillé dans le Grand Opéra sur des thèmes voisins ayant la religion pour centre, Les Huguenots à Bruxelles et Strasbourg, mais aussi La Juive à Lyon. C’est cependant la première fois qu’il a à sa disposition un plateau assez vaste et adapté au genre qui lui permet d’en déployer les « fastes », foules, décors impressionnants et à transformations  de son habituel compère Pierre-André Weltz, ballet : effectivement, les décors uniformément gris et sinistres sont monumentaux et exploitent le plateau tournant de la scène de la Deutsche Oper, avec néons, lumières (de Bertrand Killy), fumigènes, flammes : du point de vue du spectacle, c’est sans doute une réussite : la scène du couronnement, avec ses cuivres en hauteur (dont Verdi se souviendra sans doute dans Aida) , avec ses masses, avec ce décor mobile frappant, impressionne et le spectacle est incontestablement bien monté et loin d’être médiocre.
Du point de vue plus strict de la mise en scène et du « message » envoyé, c’est peut-être moins évident. La thématique suivie et annoncée est celle développée par Tobias Kratzer à Karlsruhe, avec laquelle ce travail entretient quelques liens : le décor est un décor de « cité » de banlieue française, avec ses barres monumentales, et les drapeaux français agités nous indiquent que c’est la France qui est en cause, comme chez Kratzer à Karlsruhe.

Et comme chez Kratzer, une voiture retournée brûle, comme chez Kratzer, les allusions à la manipulations sont claires (drap rouge comme décor du portrait du nouveau prophète, faux miraculés qu’on rémunère après leur prestation) en laissant le doute sur la bonne foi du Prophète et comme chez Kratzer : nous est présenté le contraste entre une société sans but, occupée par la satisfaction immédiate (chez Py, le consumérisme, le sexe, les déviances, vue dans les publicités de sous-vêtements provocants par exemple, qui sous les anabaptistes deviendront des visions cosmiques) et un futur édénique promis par les anabaptistes qui paraît une solution possible pour sortir de l’ennui consumériste.
Mais alors que chez Kratzer les choses étaient très clairement dites, directes et évidentes, ici tout cela est un peu  noyé et le propos n’a pas vraiment la force incroyable qu’il a  dans la production de Karlsruhe ou même dans Les Huguenots du même Py. C’est une version un peu affadie qui se perd dans l’anecdotique, comme ce ballet (Les Patineurs, très fameux) érotisant aux corps masculins lascifs (il y en a beaucoup dans la production) repris dans la Bacchanale finale, là où Kratzer l’avait réglé en Breakdance hallucinant d’à‑propos.  Si Py suit attentivement le livret, s’il marque la violence des relations – notamment aux femmes- , et la puissance des passions physiques et des expressions du désir jusqu’au viol, s’il marque bien aussi la violence politique exercée, celle d’Oberthal d’abord bientôt remplacée par celle des Anabaptistes, s’il marque bien le retour d’Oberthal au pouvoir par la répétition des motifs vus au début de l’œuvre  – ce sont de bonnes idées -,

d’autres restent faibles comme ce Ange exterminateur qui règne sur l’ensemble, sur scène ou dans les airs, un Ange aux ailes de carton-pâte, auxquels on nous invite presque à ne pas croire, ou le traitement du Prophète lui-même dont on n’arrive pas à déterminer le degré de naïveté manipulée ou de cynisme (lorsqu’il revoit sa mère à la fin notamment) et l’idée de son suicide avec ce revolver qu’il se pointe sur la tempe reste assez faible, surtout lorsqu’on pense à la puissance du final de Kratzer.
Tout se passe comme si Olivier Py n’était pas allé jusqu’au bout de ses idées, hésitant entre le concret et l’abstrait, cherchant à tenir un discours générique qui perd peu à peu de sa force intrinsèque pour épouser de manière un peu creuse le spectaculaire meyerbeerien : en quelque sorte le spectacle ne tient pas la distance.
La production tout de même tient la route au niveau technique, au niveau de la gestion des foules, au niveau de la conduite des acteurs, au niveau des images souvent impressionnantes, elle la tient moins au niveau du concept et du « message » qu’elle délivre, qui se diffracte vers la fin, devenant un peu mélodramatique (la relation de Jean à Fidès). Il faut dire aussi que couper la mort de Berthe n’est pas vraiment une bonne solution (scénique comme musicale) pour la compréhension du discours.
La production a été violemment huée plusieurs fois par quelques spectateurs visiblement ulcérés par ces visions : c’est excessif et peu justifié.
Musicalement, le soin apporté à la distribution et la direction musicale claire, raffinée et attentive de Enrique Mazzola font de la représentation un travail de référence sur l’univers de Meyerbeer, mal connu et qu’il est passionnant de pénétrer…
Bien sûr, Meyerbeer a pris ses références premières dans le chant rossinien d’une notable difficulté, notamment le « Rossini serio », pendant que Guillaume Tell ouvrait les voies (et les voix) du Grand Opéra. Mais le style de Meyerbeer est différent. Meyerbeer n’est pas le compositeur des grands arcs musicaux, des partitions qui développent des thèmes mélodiques qui vont être le fil rouge de l’œuvre. Le génie de Meyerbeer est celui de la trouvaille de l’instant qui va frapper. Ainsi, on a quelquefois l’impression de la musique va se développer, est en train de s’épandre et brutalement, on passe à autre chose. Il y a peu de continu dans cette musique et cela peut être frustrant pour l’auditeur. À ce titre il est l’opposé d’un Wagner. C’est pourrait-on dire un compositeur hic et nunc, qui gère une succession de moments vocalement ou orchestralement spectaculaires qui n’ont pas de lendemains dans l’œuvre. Il avait compris que le Grand Opéra est le genre de l’instant qui frappe plus que le grand œuvre développé : mais un Grand Opéra comme Don Carlos (version originale), qui a tous les caractères du genre, développe au contraire une couleur homogène et de grandes lignes musicales. Chez Meyerbeer, on cueille le moment : c’est un carpe diem musical. Cela ne veut pas forcément dire que la musique de Meyerbeer tombe dans la facilité, l’orchestration est habile, souvent raffinée et on lit notamment dans Le Prophète un soin particulier à la couleur, mais dans une succession de moments presque isolés les uns des autres sans vraie solution de continuité. À l’effet scénique produit correspond une succession d‘effets musicaux, chœurs, ensembles, airs (d’une horrible difficulté quelquefois): de l'effet produit comme lieu d'intérêt.
Mais il y a beaucoup d’intelligence dans les propositions musicales : l’ensemble des Anabaptistes, personnages essentiels du drame apparaissent au départ presque dans une sorte de distance, la musique est ironique, et tranche avec les moments qui précèdent. On ne les prend (presque) pas au sérieux, et chaque personnalité (surtout Jonas et Mathisen : Gideon Poppe Dickinson et Noel Bouley, excellents) est traitée sur un mode sarcastique, seul le Zacharie de Derek Welton, très bien chanté avec son timbre clair et chaleureux, ainsi que sa belle projection (mais une diction française malheureusement un peu pâteuse) a au départ quelque chose de plus inquiétant. Mais de figures ironiques ils deviennent bientôt figures d’oppression.
Il faut aussi souligner l’excellence de la troupe permanente de la Deutsche Oper, qui garantit un remarquable niveau d’ensemble, faite souvent de jeunes valeureux vainqueurs de concours (comme le très bon Ya-Chung Huang, boursier du Cercle des soutiens de la Deutsche Oper), on ne dira jamais assez que souvent la qualité d’une production se mesure au niveau des rôles de complément plus que des solistes. Des solistes mal entourés font une production tout au mieux moyenne : c'est rarissime dans ce théâtre.

Seth Carico (Oberthal)

L’américain Seth Carico (Oberthal), autre membre de la troupe, est un remarquable Oberthal, magnifique projection, impeccable prononciation (l’école de chant américaine, si attentive à la diction), et surtout grande présence scénique qui montre une personnalité aux facettes diverses, sachant montrer des facettes terribles, mais aussi un joli sens de l’humour.

Elena Tsallagova

Évidemment, ce sont les trois protagonistes sur qui se concentre l’attention : la Berthe d’Elena Tsallagova a d’abord une présence sur scène d’une grande poésie, mais aussi une énergie juvénile notable. Elle a marqué Paris (où elle est aussi passée par l’atelier lyrique de l’Opéra de Paris) pour sa Mélisande et s’est fait son répertoire dans la troupe de Munich : la troupe que l’on méprise tant en France est une excellente école pour les jeunes chanteurs (récemment Julie Fuchs à Zurich, il y a déjà longtemps Natalie Dessay à Vienne et il y a plus longtemps encore Françoise Pollet à Lübeck..). Tsallagova a une impeccable technique, une voix au volume qui remplit la salle, un contrôle de tous les instants et une vraie intensité dans l’expression. C’est le premier joyau du trio.

Clémentine Margaine

Le deuxième joyau est la formidable Fidès de Clementine Margaine, rôle redoutable entre tous, qui exige volume, présence, intensité et technique. Le mezzo français montre là un remarquable ensemble de qualités : l’intensité et le volume, impressionnants, la qualité charnue de la voix, l’homogénéité du grave à l’aigu avec d’impeccables passages,  et le contrôle avec une réserve seulement (et étonnamment) sur la diction pas toujours claire. Derrière cette Fidès on entend la théorie des grands rôles de mezzo qui peuvent l’attendre : elle a appartenu à la troupe de la Deutsche Oper, et a déjà chanté les grands rôles de mezzo français (Carmen, Leonor de La Favorite, Dalila); par ailleurs elle abordera Amneris en 2018…et on devine qu’Eboli n’est pas très loin). Les débuts dans le répertoire baroque garantissent une ductilité vocale et un contrôle qui évidemment dans le répertoire meyerbeerien sont d'une rare utilité. Magnifique prestation qui lui vaut l’immense succès, le plus grand peut-être, de la soirée.

Gregory Kunde

Le troisième joyau, sans doute le plus attendu est celui de Gregory Kunde dans Jean de Leyde. Ce spécialiste du chant rossinien se multiplie sur les scènes ces dernières années et désormais dans un répertoire qui va d’Otello à Manrico et Alvaro (La Forza del Destino), voire Des Grieux (Manon Lescaut de Puccini) et même André Chénier.
Ses qualités de diction quel que soit le répertoire, la clarté du timbre, la sûreté des aigus, l’incroyable technique due à un sens de la respiration peu commun (sa technique de fer me rappelle celle d'une Magda Olivero…), on entend le texte, on entend chaque inflexion, et on a l’impression que la voix est infaillible : son Jean de Leyde est anthologique, c’est un ténor béni des dieux pour tout le répertoire de ténor romantique français, celui pour lequel on peine à identifier des titulaires.

Enfin le chœur de la Deutsche Oper, dirigé par Jeremy Bines, est remarquable de volume, de clarté vocale et aussi de diction, il est imposant, tandis que le chœur d’enfants dirigé par Christian Lindhorst montre aussi de belles qualités de présence vocale.

Enrique Mazzola dirigeait l’ensemble. Le chef d’orchestre espagnol que les parisiens connaissent bien depuis qu’il a pris les rênes de l’Orchestre national d’Île de France est un spécialiste du répertoire du premier XIXe qui va de Rossini à Meyerbeer, dont il a déjà dirigé à Berlin Vasco de Gama (L’Africaine pour les intimes…) et Dinorah.
Enrique Mazzola réussit à maîtriser les volumes y compris dans la scène du couronnement pour proposer un Meyerbeer plus analytique, dégraissé et mettant en valeur les instruments comme les violons, d’une notable élégance et légèreté ou les cuivres (mais sans jamais écraser), de manière à offrir une vraie lecture de la construction de la partition, en en relatant les élégances, la complexité, mais aussi les couleurs diverses et même les dissonances, du sarcastique et du comique (grinçant) au dramatique : moins intéressé par les palpitations, voire la dynamique, il propose un Meyerbeer équilibré, d’une limpidité remarquable, faisant de sa lecture une leçon. Cette élégance de l’approche donne à cette grosse machine une fluidité toute particulière, et permet de voir aussi bien l’héritage rossinien (que Meyerbeer vénérait) que les choix plus personnels. Mais il est aussi très attentif à la progression dramatique, la direction devenant de plus en plus tendue et culminant au dernier acte. Une direction qui confirme quel orchestrateur était Meyerbeer, avec quel sens immédiat du théâtre il composait, sans doute le secret de son immense succès.

Ce spectacle, dont les qualités musicales emportent plus l’adhésion que les qualités scéniques, reste dans l’ensemble une production solide (même si on aurait pu oser la version intégrale) qui défend avec bonheur Meyerbeer et l’œuvre, un choix pertinent de la Deutsche Oper qui montre que chaque maison berlinoise a une couleur, et que les trois opéras de la Ville font chacun à leur manière honneur au genre, au public, à la culture.

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Guy Cherqui
Agrégé de Lettres, inspecteur pédagogique régional honoraire, Guy Cherqui « Le Wanderer » se promène depuis une cinquantaine d’années dans les théâtres et les festivals européens, Bayreuth depuis 1977, Salzbourg depuis 1979. Bouleversé par la production du Ring de Chéreau et Boulez à Bayreuth, vue sept fois, il défend depuis avec ardeur les mises en scènes dramaturgiques qui donnent au spectacle lyrique une plus-value. Fondateur avec David Verdier, Romain Jordan et Ronald Asmar du site Wanderersite.com, Il travaille aussi pour les revues Platea Magazine à Madrid, Opernwelt à Berlin. Il est l’auteur avec David Verdier de l’ouvrage Castorf-Ring-Bayreuth 2013–2017 paru aux éditions La Pommerie qui est la seule analyse parue à ce jour de cette production.

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