Antonio Vivaldi (1678–1741)
L’Olimpiade (1734)
Dramma per musica en trois actes
Livret de Pietro Metastasio.
Créé à Venise au Teatro Sant’Angelo le 17 février 1734.

Jean-Christophe Spinosi (Direction musicale)
Emmanuel Daumas (Mise en scène)
Alban Ho Van (Scénographie)
Raphaëlle Delaunay (Chorégraphie)
Marie La Rocca (Costumes)
Bruno Marsol (Lumières)

Jakub Józef Orliński (Licida)
Marina Viotti (Megacle)
Caterina Piva (Aristea)
Delphine Galou (Argene)
Ana Maria Labin (Aminta)
Luigi De Donato (Clistene)
Christian Senn (Alcandro)

Quentin Signori (Acrobate)
Bryan Doisy, Kerem Gelebek, Giacomo Luci, Allister Madin, Paul Vezin (Danseurs)

Ensemble Matheus
Chœur de l’Académie Haendel Hendrix

Paris, Théâtre des Champs-Elysées, le dimanche 23 juin 2024 à 19h30

Jeux Olympiques obligent, la direction du Théâtre des Champs-Elysées a souhaité s’associer à l’évènement et au projet d’Olympiade culturelle initié par Paris 2024, en choisissant une œuvre lyrique en lien direct avec ce thème. Le choix s’est tout naturellement porté sur L’Olimpiade, opéra éponyme de Vivaldi, qui, par extraordinaire, met à l’honneur le sport et avec lui l’esprit de compétition et de dépassement de soi propre à la performance athlétique, toile de fond rarement utilisée dans l’art lyrique et qui permet de raconter une histoire d’amitié fusionnelle entre deux hommes qui convoient la même femme. Ce qui devait être un moment de légèreté et d’amusement a cependant été plombé par une mise en scène balourde à l’humour téléphoné qui n’aura comblé que les amateurs de Jakub Jozef Orlinski, plus habile aujourd’hui dans l’art du breaking que dans celui du chant.

 

Jakub Józef Orliński (Licida), Marina Viotti (Megacle)

Annoncée comme une fête, cette résurrection mise en scène pour la première fois, signée Emmanuel Daumas (un proche de Laurent Pelly) qui devait nous plonger avec éclat dans l’opéra baroque et faire cohabiter dans un même élan collectif geste vocal et sportif, a fait l’effet d’un pétard mouillé et ce malgré les vivats d’une partie du public, plus amusé par les numéros des sportifs réunis, que par la qualité artistique de cet ouvrage tristement parodique. Dernière production de la saison 2023–2024 du TCE, cette Olimpiade créée à Venise en 1734 par Vivaldi pendant le Carnaval au Teatro Sant’Angelo, cochait pourtant toutes les cases. Un sujet parfaitement conforme aux JO tels qu’ils se déroulaient dans la Grèce antique, où il est question de prouesses physiques, de conquêtes, de récompenses, mais aussi de promesses, de déceptions et de révélations sur fond de chassés-croisés amoureux.

L’action se déroule en effet dans la compagne d’Elide le jour des Jeux. Elle réunit Megacle, noble athlète athénien épris d’Aristea, mais séparé d’elle pas le tyrannique père de cette dernière nommé Clistene et Licida amant d’Argene dont la présence lui a également été soustraite. Les Olympiades sont placées sous l’égide de Clistene qui arrive accompagné d’Aristea qu’il a promise au vainqueur des Jeux et d’Alcandro, contraint jadis de faire disparaitre le jumeau d’Aristea après que l’oracle de Delphes ait prédit que ce dernier commettrait un jour un parricide.

Moins vaillant que Megacle, Licida demande à son fidèle ami de remporter les Jeux sous son nom pour obtenir ainsi la main d’Aristea. Mais une suite de quiproquo pour le moins alambiqués met fin à ce coup monté, avant que Clistene ne réalise au moment de tuer le lâche Licida que celui-ci n’est autre que son propre fils et donc le jumeau d’Aristea, qui pourra enfin convoler avec Megacle. Rien ne va se passer comme prévu et ce qui aurait pu être une pure comédie marquée par une succession de gags, se grippe rapidement, les médiocres parties dansées conçues pourtant par Raphaëlle Delaunay, comme les nombreux retournements de situation (Aristea ne comprend pas pourquoi Megacle la quitte quand son père lui donne sa main, plus loin Clistene ressent un trouble étrange en fixant le visage de Licida…dont il est le père ! ouf !), de coups de théâtre aussi convenus que ceux d’un mauvais boulevard, finissent pas nous laisser de marbre. Nulle légèreté dans ce traitement balourd, rien de spirituel, tout est fastidieux même l’envol de Megacle affublé d’une paire d’ailes, le seul à captiver réellement le public étant le splendide acrobate Quentin Signori, dont les contorsions et le numéro de sangles constituent de vrais moment de grâce.

Marina VIOTTI (Megacle), Luigi DE DONATO (Clistene)

Le fan club de Jakub Jozef Orlinski était évidemment là pour soutenir son égérie et nous ne pouvons qu’être heureux qu’un artiste, également sportif, permette à des jeunes de découvrir un art éloigné de leurs préoccupations principales et suscite l’enthousiasme à chacune de ses apparitions. Mais une fois admis que son physique est des plus agréables et qu’il danse bien, peut-on dire qu’il s’agit d’un grand chanteur ? La réponse ne va pas de soi. En quelques années la voix du médiatique contre-ténor s’est indurée, son timbre monocorde a perdu de son émail et son chant projeté avec force est devenu d’une extrême raideur au point que son larghetto « Mentre dorme, Amor fomenti » du premier acte passe à peu près inaperçu au lieu de prendre durablement la place. A la question allait-il danser, la réponse est évidemment oui ; son Licida a même breaké en chantant ce qui, avouons-le, n’est pas donné à tout le monde, mais une chose est certaine Orlinski est plus bel athlète que musicien, sa prestation s’avérant juste honnête et sa technique en deçà de son corps parfaitement sculpté.

Marina Viotti (Megacle à la musculature rembourrée), l’enfant chéri du TCE dont on admire la versatilité, est tout à fait à sa place dans cette production, musicalement en tout cas. Elle chante avec élégance et générosité une musique virtuose à laquelle fait défaut la patte d’un grand compositeur capable de soulever l’auditoire et de toucher en plein cœur. Ici la mezzo doit se contenter d’une partition assez plate dont elle tire le meilleur notamment dans les rares moments ou son interprétation se fait désincarnée, à l’image d’un simple fil ténu comme dans l’andante « Se cerca, se dice » à l’acte 2. La bravoure est également au rendez-vous, mais manque à son personnage de jeune prince écartelé entre amour et amitié un ouvrage plus ambitieux qui la valoriserait autant qu’elle le mérite et une direction d’acteur plus inspirée que cette évocation appuyée à l’haltérophilie qui tourne sur elle-même.

Dans un rôle de précepteur devenu une sorte de mage (Aminta), Ana Maria Labin, dont l’instrument n’est pas des plus robustes, gagne des points par rapport à ses camarades, car elle n’hésite pas à prendre des risques pour faire sienne la partition allouée à cette étrange pythie et à se faire remarquer par ses audaces et sa singularité dans l’acrobatique « Siam navi all’onde algenti » en particulier. Catarina Piva est une Aristea aux multiples visages et au tempérament flatteur dont on retiendra le bel air situé au second acte « Sta piangendo la tortorella », quand Delphine Galou (Argene) peine à éviter les obstacles comme un coureur qui, à la vue des haies à sauter, préférerait les éviter. La basse italienne Luigi De Donato (Clistene) force le trait là où la subtilité serait de mise, tandis que le baryton Christian Senn prend soin de montrer en Alcandro deux facettes de son talent, la moins bonne dans la première partie, la plus supportable dans la seconde.

Il y a quelques années déjà dans ce théâtre, Jean-Christophe Spinosi et son Ensemble Matheus avaient désintégré le chef d’œuvre de Vivaldi, Orlando furioso, accélérant et ralentissant le tempo comme s’il conduisait un bolide lancé sans contrôle sur un circuit de compétition automobile. Même impression ici, secoués, ballotés que nous sommes par un orchestre aux sonorités acides qui n’aspire à jouer que sur deux registres, l’ultra vif et le très lent, sans aucun discernement et sans la moindre sensibilité. Dans l’enregistrement paru chez Opus 111 en 2002, la direction de Rinaldo Alessandrini avait tout de même une autre tenue.

Jakub Jozef ORLINSKI (Licida), Christian SENN (Alcandro)
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François Lesueur
Après avoir suivi des études de Cinéma et d'Audiovisuel, François Lesueur se dirige vers le milieu musical où il occupe plusieurs postes, dont celui de régisseur-plateau sur différentes productions d'opéra. Il choisit cependant la fonction publique et intègre la Direction des affaires culturelles, où il est successivement en charge des salles de concerts, des théâtres municipaux, des partenariats mis en place dans les musées de la Ville de Paris avant d’intégrer Paris Musées, où il est responsable des privatisations d’espaces.  Sa passion pour le journalisme et l'art lyrique le conduisent en parallèle à écrire très tôt pour de nombreuses revues musicales françaises et étrangères, qui l’amènent à collaborer notamment au mensuel culturel suisse Scènes magazine de 1993 à 2016 et à intégrer la rédaction d’Opéra Magazine en 2015. Il est également critique musical pour le site concertclassic.com depuis 2006. Il s’est associé au wanderesite.com dès son lancement

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